Calcul de la participation : contester le bénéfice net et les capitaux propres certifiés reste toujours interdit

18/06/2024

La Cour de cassation, dans un arrêt récent, continue d’appliquer l’article L. 3326-1 du code du travail. Saisi par un CSE, le Conseil constitutionnel avait décidé que cet article, qui interdit de remettre en cause le bénéfice net et les capitaux propres d’une entreprise certifiés par le commissaire aux comptes ou l’inspecteur des impôts, ne méconnaît pas la Constitution.

Le bénéfice net fiscal de l’entreprise constitue la base de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP). Comme les capitaux propres, il ressort d’une attestation établie par l’inspecteur des impôts ou le commissaire aux comptes. Ces éléments ne peuvent être remis en cause à l’occasion des litiges nés de l’application de la participation (C. trav., art. L. 3326-1, 1er).

La lecture stricte de cette interdiction légale par la Cour de cassation

La Cour de cassation a toujours fait une lecture stricte de cette interdiction légale. 

Dans de nombreux arrêts, elle affirme que le montant net du bénéfice établi par cette attestation ne peut être remis en cause à l’occasion d’un litige sur le calcul de la RSP opposant le salarié, le CSE ou un syndicat, à l’employeur (Cass. soc., 11 mars 2009, n° 08-41.140 ; Cass. soc., 9 févr. 2010, n° 08-11.338 ; Cass. soc., 8 déc. 2010, n° 09-65.810), quand bien même l’action serait fondée sur la fraude ou l’abus de droit invoqués à l’encontre des actes de gestion de la société (Cass. soc., 28 févr. 2018, n° 16-50.015).

Cette interdiction de contestation, même en cas de fraude, est considérée comme une règle d’ordre public absolu par la Cour de cassation. Ce n’est qu’en cas d’attestation incomplète qu’il peut en être autrement.

Remarque : rappelons que le montant de la RSP peut être recalculé seulement en cas de rectification des résultats de l’entreprise à la suite d’un contrôle fiscal (C. trav., art. L. 3326-1-1).

Cette interdiction légale n’est pas inconstitutionnelle

Dans un arrêt du 25 octobre 2023 (Cass. soc., 25 oct. 2023, n° 23-14.147), la Cour de cassation a toutefois admis l’existence d’un conflit entre cette interdiction légale et le droit à un recours juridictionnel effectif, et, de ce fait, a transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel relative à cette interdiction légale.

Remarque : rappelons que, dans cette affaire, plusieurs sociétés françaises d’un groupe international avaient signé en 2014 un accord de participation de groupe. Le groupe avait mis en place des contrats de façonnage et de commissionnaire entre les sociétés et la holding, contrats qui avaient pour conséquence, selon les représentants du personnel, de prédéterminer le bénéfice des sociétés françaises et donc de réduire l’assiette de la participation des salariés. Le comité social et économique de l’entreprise avait tenté d’obtenir du juge judiciaire la nullité des attestations du commissaire aux comptes, a minima faute de sincérité. Mais faisant une lecture habituelle de l’article L. 3326-1 précité, les juges d’appel avaient déclaré leur demande irrecevable.

Le Conseil constitutionnel a répondu à cette question dans une décision du 24 janvier 2024 (Cons. const., 24 janv. 2024, n° 2023-1077 QPC). Il a déclaré les dispositions de l’article L. 3326-1 du code du travail conformes à la Constitution.

La Cour de cassation tire les conséquences de cette décision dans un arrêt du 12 juin 2024 : l’action des représentants du personnel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de 2023 est irrecevable.

Peut-on contester l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des impôts pour défaut de sincérité ?

La Cour de cassation en profite pour préciser la notion de sincérité attachée aux attestations du commissaire aux comptes et de l’inspecteur des impôts.

Pour les demandeurs, les juges d’appel avaient adopté des motifs généraux et abstraits en indiquant que l’insincérité des attestations ne pouvait reposer que “sur des motifs propres liés aux diligences accomplies par le commissaire aux comptes et aux obligations pesant sur lui” sans “aucunement préciser concrètement ce que signifiait” la notion de sincérité.

Pour la Cour de cassation, “l’attestation établie par le commissaire aux comptes ou par l’inspecteur des impôts pour le calcul de la RSP n’est susceptible d’être entachée d’un défaut de sincérité que lorsque le montant du bénéfice net ou des capitaux propres figurant sur cette attestation est différent de celui déclaré à l’administration fiscale pour l’établissement de l’impôt”.

Remarque :  cette position n’est pas étonnante. L’auteur d’une telle attestation a pour mission d’attester que les chiffres avancés par la société dans sa demande de délivrance d’attestation correspondent aux données fiscales et/ou comptables dont il dispose. Il n’opère aucun contrôle à ce stade. En effet, le commissaire aux comptes n’a pas à certifier que les chiffres qu’il mentionne sont réguliers et sincères comme il peut le faire dans le cadre de sa mission de contrôle général des comptes sociaux. L’administration fiscale, elle, ne certifie pas que ce chiffre sera bien celui qui sera retenu comme base d’imposition puisqu’il peut faire l’objet d’une rectification donnant lieu à l’émission d’une nouvelle attestation.

Géraldine Anstett

[Épargne salariale] Bénéfice net fiscal et attestation fiscale le certifiant : de nouvelles précisions jurisprudentielles

20/06/2024

Dans un arrêt (publié) du 12 juin 2024, la Cour de cassation précise la nature de l’attestation certifiant le bénéfice net fiscal délivrée par l’inspecteur des impôts et la détermination de ce bénéfice lorsque la société, tenue de constituer une réserve spéciale de participation, est associée à des sociétés en participation.

Le bénéfice fiscal de l’entreprise constitue la base du calcul de la réserve spéciale de participation (RSP).

Pour le calcul de cette réserve, ce bénéfice est diminué de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu correspondant (bénéfice net ou RCAI). Le montant du bénéfice net étant établi, sur demande de l’entreprise, par attestation de l’inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes, il ne peut être remis en cause à l’occasion d’un litige sur le calcul de la réserve opposant le salarié, le CSE ou un syndicat, à l’employeur (C. trav., art. L. 3326-1, une position récemment rappelée par la Cour de cassation).

En revanche, s’il apparaît que des erreurs ont été commises, les parties intéressées peuvent demander à l’inspecteur des impôts d’établir une nouvelle attestation rectificative, dans les mêmes conditions que l’attestation initiale (BOI-BIC-PTP-10-10-30).

 Remarque : l’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts doit être délivrée dans les trois mois de la demande ou, si le dépôt de la déclaration fiscale intervient postérieurement à cette demande, dans les trois mois du dépôt de la déclaration (C. Trav., art. D 3325-2). Lorsqu’aucune demande d’attestation n’a été présentée 6 mois après la clôture de l’exercice, l’inspecteur du travail peut se substituer à l’entreprise pour obtenir cette attestation.

Le bénéfice fiscal est déterminé à partir du résultat comptable de l’entreprise, auquel il faut réintégrer ou déduire certains éléments selon les règles fiscales applicables. Ainsi, lorsque les associés d’une société de personnes sont eux-mêmes assujettis à la participation, le bénéfice servant au calcul de la réserve ne tient compte ni de leur quote-part du résultat (bénéfice ou déficit) de la société de personnes, ni de l’impôt correspondant (C. trav., art. D. 3324-9).

Faut-il tenir compte de la quote-part des résultats d’une société en participation dont l’entreprise, tenue de constituer une RSP, est associée ?

C’est la question posée à la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 12 juin dernier.

Dans le même arrêt, la Cour revient également sur l’interdiction légale de contester en justice l’attestation certifiant le bénéfice net fiscal, en précisant la nature et l’objet de l’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts.

Nature et objet de l’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts pour certifier le bénéfice net fiscal

L’action tendant à l’annulation de cette attestation est de la compétence judiciaire : rappel

Dans cette affaire, une société dépose auprès de l’administration fiscale, au titre de son exercice clos au 31 décembre 2000, une déclaration relative à la participation de ses salariés aux résultats de l’entreprise, sur laquelle est retranchée de son résultat net avant impôts la quote-part de ses droits dans les résultats de deux sociétés en participation dont elle est associée. L’attestation certifiant son RCAI lui est délivrée par l’inspecteur des impôts le 13 décembre 2001.

Le comité central d’entreprise de la société et un syndicat saisissent alors l’administration fiscale d’une demande de rectification de l’attestation afin que soit intégrée la quote-part de résultats non incluse dans la déclaration. La demande est rejetée. Ils saisissent alors le tribunal administratif qui annule, par jugement du 3 décembre 2008, cette décision de rejet. Une nouvelle attestation rectificative, conforme au jugement, est délivrée le 12 janvier 2012.

La société demande alors l’annulation de la nouvelle attestation devant les juridictions administratives, en vain. Elle se forme alors un recours en cassation devant le Conseil d’Etat qui sursit à statuer jusqu’à ce que le Tribunal des conflits tranche la question de savoir quel est l’ordre juridictionnel compétent pour connaître du litige. C’est chose faite le 11 décembre 2017 (Trib. conflits, 11 déc. 2017, n° 17-04104) : la juridiction compétente pour connaître du litige né de l’action tendant à l’annulation de telle attestation est la juridiction judiciaire. Dont acte : le 9 février 2018, la société assigne l’administration fiscale devant le juge judiciaire, pour obtenir l’annulation de l’attestation rectificative délivrée en 2012. Encore une fois en vain.

Elle se pourvoit en cassation arguant notamment que l’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts est une décision créatrice de droits dont le retrait, qui doit être motivé, ne peut intervenir que dans un délai de 4 mois suivant l’intervention de la décision si elle est illégale.

L’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts n’est pas une décision créatrice de droit

Se fondant sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui considère que l’attestation délivrée par l’inspecteur des impôts a pour seul objet la concordance entre le montant du bénéfice et des capitaux propres déclarés à l’administration et celui utilisé par l’entreprise pour le calcul de la RSP (CE, 5 déc. 1984, n° 36337), la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Comme le soulignent les juges d’appel, pour établir cette attestation, l’inspecteur des impôts vérifie la cohérence des données chiffrées transmises par l’entreprise avec celles figurant sur ses déclarations fiscales sans disposer de pouvoir d’appréciation sur la situation de l’entreprise. Cette attestation est un acte recognitif et ne constitue pas l’octroi d’un quelconque avantage.

Ainsi, l’attestation rectificative ne retire pas et n’abroge pas une décision créatrice de droits ; elle n’a donc pas à intervenir dans les 4 mois suivant l’établissement de l’attestation initiale et n’a pas à être motivée.

Calcul du bénéfice net : il ne faut pas tenir compte de la quote-part des résultats des sociétés en participation associées

Dans cette affaire, la déclaration déposée par la société à l’administration fiscale comportait le montant du RCAI de la société, diminué de la quote-part de ses droits dans les résultats de deux sociétés en participation dont elle était associée. L’attestation rectificative demandée par les IRP avait réintégré cette quote-part, ce que contestait la société.

Fallait-il ou non tenir compte de cette quote-part ?

L’article D.3324-9 du Code du travail (l’ancien article R. 442-5, 2° à l’époque des faits) prévoit que, pour la détermination de la réserve spéciale de participation propre à chacun des associés des entreprises soumises au régime fiscal des sociétés de personnes, le bénéfice net de ces associés est calculé sans tenir compte de la quote-part du résultat de ces entreprises qui leur revient, ni de l’impôt correspondant.

Toute la question est de savoir si cette disposition est applicable à une société associée d’une ou plusieurs sociétés en participation.

Comme toutes les dispositions légales et réglementaires relatives à la participation, l’article D. 3324-9 du Code du travail ne concerne que les sociétés de personnes qui sont elles-mêmes soumises à la participation, rappelle la Cour de cassation.

Les sociétés en participation sont-elles des sociétés de personnes ?

Si, pour leur régime fiscal, les sociétés en participation relèvent de l’article 8 du CGI relatif aux sociétés de personnes, elles ne sont pas des personnes morales.

  Remarque : en effet, la société en participation est une société créée par au moins deux associés, qui n’est pas immatriculée, qui ne possède donc pas la personnalité morale et qui n’est soumise à aucune formalité de publicité. C’est donc une société inconnue par les tiers et qui n’existe qu’à l’égard de ses associés fondateurs.

Étant dépourvue de personnalité morale, une société en participation ne peut avoir la qualité d’employeur et ainsi n’est pas soumise aux dispositions légales et réglementaires relatives à la participation.

Dès lors, pour déterminer son bénéfice net, une entreprise tenue de constituer une RSP qui est associée de sociétés en participation, doit tenir compte de la quote-part des résultats de ces sociétés. Elle ne peut la retrancher.

L’attestation rectificative du 12 janvier 2012 était correctement établie.

Géraldine Anstett

Le gouvernement publie un guide pour aider les CSE à lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations

20/06/2024

L’un des “objectifs stratégiques” du plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine 2023-2026 présenté par Elisabeth Borne le 30 janvier 2023 était de “soutenir l’engagement des entreprises” en la matière, notamment en outillant et informant les CSE. Dans ce cadre, et parce que leurs membres constituent “des interlocuteurs privilégiés des salariés comme des employeurs afin de prévenir et de gérer les conflits”, le ministère du travail a mis en ligne lundi 17 juin un guide visant à les sensibiliser à ces problématiques. Quelles sont leurs compétences en matière de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations ? Quels sont les outils à leur disposition pour les combattre et les prévenir ? Et d’ailleurs, de quoi parle-t-on exactement avec ces termes ? En plus de répondre à ces questions, le document donne des exemples concrets de situations de discriminations liées à l’origine ainsi que les actions qui peuvent être mises en place par les CSE pour y faire face.

Source : actuel CSE