Les listes des organisations de plateformes et de travailleurs représentatives sont publiées

08/07/2024

Les nouvelles élections de mai 2024 ont permis de mesurer l’audience des organisations de travailleurs de plateformes de VTC et de livraison. L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe) a contrôlé le respect des autres critères de représentativité, et les arrêtés fixant les listes de ces organisations représentatives, ainsi que leur poids pour la négociation des accords collectifs sont publiés au Journal officiel. Deux autres arrêtés fixent les listes des organisations de plateformes représentatives.

Les listes des organisations représentatives, aussi bien de plateformes que de travailleurs de ces plateformes, ainsi que leur poids dans la négociation des accords collectifs, sont publiés au Journal officiel. Quatre arrêtés au total permettent de déterminer les interlocuteurs, côté entreprises et travailleurs, des deux secteurs du VTC et de la livraison.

Rappelons qu’à titre exceptionnel, l’élection permettant la seconde mesure de l’audience a eu lieu deux ans après la première (2022). Par la suite, le scrutin aura lieu tous les 4 ans, il en va de même de la mesure de l’audience des organisations de plateformes. Les résultats ci-dessous sont donc valables jusqu’en 2028.

Organisations de travailleurs de plateformes représentatives et leurs poids dans la négociation

Deux ans après le coup d’envoi du dialogue social dans les entreprises de plateformes numériques pour les secteurs du VTC et de la livraison, une seconde élection, en mai 2024, a permis de mesurer de l’audience des organisations de travailleurs. Il restait à L’Arpe, l’autorité chargée de la régulation du dialogue social entre les plateformes et les travailleurs, à vérifier que les autres critères de représentativité étaient bien remplis, et à recalculer le poids pour la négociation des accords collectifs de chaque organisation ayant atteint le sésame des 8 % des suffrages. 

C’est chose faite, et deux arrêtés ont été publiés au Journal officiel (un arrêté pour le secteur du VTC, un autre pour le secteur de la livraison). Pas de surprise, on retrouve les 8 organisations ayant atteint les 8 % de suffrages aux élections, comme on le voit dans le tableau ci-dessous. 

Rappel : les critères de représentativité à contrôler par l’Arpe sont les suivants : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, influence caractérisée par l’activité des organisations, effectif d’adhérents et cotisations suffisants, ancienneté minimale de 6 mois (un an à partir du prochain scrutin) à compter de la date de dépôt légal des statuts conférant à l’organisation concernée une vocation à représenter ces travailleurs (C. trav., art. L. 7343-3).

Livraison : les organisations de travailleurs représentativesLeur poids dans la négociation
Union-Indépendants47.27 %
Fédération nationale des syndicats de transports CGT (FNST-CGT)27.74 %
Union syndicale Solidaires13.08 %
Fédération nationale des autoentrepreneurs et micro-entrepreneurs (FNAE)11.91 %
VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur) : les organisations de travailleurs représentativesLeur poids dans la négociation
Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière UNCP (FNTL-FO-UNCP)56.31 %
Association des chauffeurs indépendants lyonnais (ACIL)23.64 %
Union-Indépendants10.26 %
Union des VTC 06/83 (UDVTC SUD)9.79 %

Organisations de plateformes représentatives et leurs poids dans la négociation

Côté organisations de plateformes, il n’y a pas d’élections, mais un dossier de candidature à envoyer à l’Arpe. Il leur faut bien sûr remplir les critères de représentativité, lesquels sont contrôlés par l’Arpe : respect des valeurs républicaines, indépendance, transparence financière, ancienneté minimale d’un an dans le champ professionnel et au niveau national, influence, qui s’apprécie au regard de l’activité de l’organisation en matière de représentation des plateformes, audience au moins égale à 8 %.

Le critère d’audience est mesuré en tenant compte d’une part, à hauteur de 30 %, du nombre de travailleurs inscrits sur les plateformes adhérentes à l’organisation (au 31 décembre 2023) et, d’autre part, à hauteur de 70 %, du montant des revenus d’activité générés par les plateformes adhérentes à l’organisation candidate, rapporté au montant total des revenus générés par les plateformes adhérentes à l’ensemble des organisations candidates au titre des activités accomplies par les travailleurs en lien avec les plateformes du secteur (C. trav., art. L. 7343-22 et s.). 

Rappel : les articles R. 7343-82 et suivants du code du travail fixent les documents à envoyer à l’Arpe. 

Deux arrêtés ont été publiés au Journal officiel (un arrêté pour le secteur du VTC, un autre pour le secteur de la livraison). 

Livraison : les organisations de plateformes représentativesLeur poids dans la négociation
Association des plateformes d’indépendants (API)100 %
VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur) : les organisations de plateformes représentativesLeur poids dans la négociation
Association des plateformes d’indépendants (API)69.92 %
Fédération française du transport de personnes sur réservation (FFTPR)30.08 %

Séverine Baudouin

La branche des carrières et matériaux absorbe celle des tuiles et briques

08/07/2024

La convention collective nationale de l’industrie des tuiles et briques (IDCC n°1170) est fusionnée, par un arrêté du 3 juillet paru ce week-end au Journal officiel, à la convention collective nationale des industries de carrières et matériaux de construction applicable aux ouvriers, aux employés, techniciens, agents de maîtrise (Etam) et aux cadres (n° 3249).

Source : actuel CSE

Négociation déloyale : la cour d’appel de Paris confirme l’annulation d’un accord APC

09/07/2024

Dans un arrêt du 4 juillet 2024, la cour d’appel de Paris confirme l’annulation d’un accord de performance collective (APC) d’une entreprise d’un millier de salariés. L’employeur a fait preuve de déloyauté dans la conduite des négociations, un des deux syndicats ayant été écarté de la finalisation du texte.

Créé par ordonnance en 2017 dans un objectif de flexibilité, l’accord de performance collective (APC) permet à l’entreprise qui le négocie de déroger à des règles importantes du droit du travail, que ce soit sur la durée du temps de travail, son organisation, les rémunérations ou la mobilité des salariés (art. L.2254-2 du code du travail). Les dispositions de cet accord se substituent aux clauses contraintes des contrats de travail, les salariés ne pouvant donc pas s’y opposer sauf à être licenciés.

C’est dire si l’enjeu de ces discussions est important. D’ailleurs, selon les organisations syndicales, certains employeurs de PME ne précisent pas toujours ce cadre juridique dans les négociations qu’ils engagent avec leurs délégués ou leur CSE en vue d’un APC.

Un accord de méthode pour négocier

Dans cette affaire, qui concerne une entreprise industrielle, Acome, employant plus d’un millier de salariés dans la Manche (50) et à Paris, l’employeur a bel et bien annoncé la couleur. Afin de sauvegarder sa compétitivité, il souhaite négocier un APC, et un accord de méthode est même signé en février 2020 par les deux syndicats représentatifs, la CGT et l’UNSA. En revanche, c’est la conclusion de la négociation qui suscite un contentieux.

La CGT reproche à l’employeur d’avoir finalisé avec la seule UNSA, dont la représentativité dépasse les 50% dans l’entreprise et qui peut donc signer seule un accord d’entreprise, le texte de l’accord de performance collective.

Après 7 séances, seule l’UNSA est invitée pour la négociation du 14 février

Tout se joue en janvier et février 2022. Après 7 séances de négociations, par un mail du 28 janvier 2022, l’employeur adresse un projet d’accord modifié aux deux syndicats, en précisant que ” pour l’essentiel, la négociation s’achève (..) à l’exception de quelques aménagements techniques du texte que nous pourrons encore réaliser ensemble “, et  susceptibles ” de prendre quelques jours pour parachever le texte “.

Mais l’employeur n’invite ensuite, dans un courriel du 4 février 2022, que l’UNSA pour finaliser l’accord (la séance a lieu le 14 février), en indiquant connaître la position de la CGT. La nouvelle mouture de l’accord parvient trois jours plus tard à l’UNSA qui le signe le 14 février.

L’information devant le CSE d’un accord signé par l’UNSA provoque la vive réaction de la CGT qui demande au DRH l’annulation de l’accord au motif de la déloyauté de la négociation, les modifications apportées au texte entre le 27 janvier et le 14 février ne lui ayant pas été présentées en réunion de négociation.

L’employeur rouvre les négociations !

Sans doute pour éviter une contestation de son accord, la direction décide donc de rouvrir les négociations avec les deux syndicats pour une séance le 28 février, à l’issue de laquelle seule l’UNSA signe le texte, qui entre en vigueur le 1er janvier 2023.

Cela ne dissuade pas la CGT de demander en justice l’annulation de l’accord de performance collective, en invoquant l’inégalité de traitement entre syndicats et l’entrave au droit syndical. Le tribunal judiciaire de Paris annule l’accord dans une décision du 20 juin 2023.

La cour d’appel de Paris confirme ce jugement dans son arrêt du 4 juillet.

L’employeur plaidait que la réunion du 14 février avec l’UNSA ne pouvait être qualifiée de séance de négociation, il s’agissait d’une simple rencontre bilatérale, et qu’en outre, elle a ensuite tenu compte des observations de la CGT en intégrant certaines revendications exprimées le 28 février. A l’inverse, pour la CGT, il ne fait pas de doute que l’employeur l’a délibérément écartée de la poursuite de la négociation en ne le convoquant pas à une réunion et en ne lui faisant pas parvenir la nouvelle version du texte, et elle conteste le fait qu’elle avait annoncé à l’employeur son refus de signer.

La déloyauté de négociation est avérée

Dans sa motivation, la cour d’appel revient sur le caractère important du principe de loyauté pour la négociation d’un accord qui peut aboutir à faire prévaloir sur le contrat de travail individuel des salariés de nouvelles clauses qui s’imposent à eux.  Elle considère établi le fait que les négociations se sont poursuivies après le 28 janvier 2022 “sans y associer la CGT” et estime en revanche qu’aucune pièce ne permet d’établir que la CGT avait indiqué qu’elle refuserait de signer l’accord en instance de finalisation.

Ce syndicat a donc été, dit la cour d’appel, mis devant le fait accompli, et la réouverture de négociations le 28 février destinée à régulariser la situation n’y change rien, les “manquements commis” auparavant continuant d’invalider le processus de négociation.

L’accord signé le 14 et le 28 février par Acome et l’UNSA est donc annulé, et les demandes d’aménagement de l’employeur au regard des conséquences de l’annulation de l’accord sont rejetées, à l’exception d’un point concernant les équipes de suppléance, une partie qui concerne deux salariés refusant l’APC et qui ont été licenciés. Faute de preuve apportée par le syndicat, le juge rejette en revanche la demande de la CGT concernant une entrave du droit syndical.

Bernard Domergue

L’action en nullité d’un accord de branche doit être engagée dans les deux mois à compter de la publication au bulletin des conventions

10/07/2024

Dans un arrêt du 26 juin, la Cour de cassation rappelle que le délai de 2 mois pour intenter une action en nullité d’un accord collectif court à compter de la publication de l’accord dans le Bulletin officiel des conventions collectives (BOCC). L’absence éventuelle de validité de l’accord est sans incidence sur ce délai.

Aux termes de l’article L.2262-14 du code du travail, l’action en nullité de tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif doit, à peine d’irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter :

  • de la notification de l’accord d’entreprise aux organisations représentatives pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;
  • de la publication de l’accord dans la base de données nationale prévue à l’article L.2231-5-1 dans tous les autres cas, parmi lesquels figurent les accords de branche.

Des précisions ministérielles ont été apportées sur le décompte de ce délai de deux mois (questions-réponses du ministère du travail, “La négociation collective”, 15 juillet 2020). L’administration distingue les accords de branche des autres. Si, en principe, le délai de deux mois court à compter de la publication de l’accord sur le site légifrance.fr, il court dès publication de l’accord au Bulletin officiel des conventions collectives (BOCC) pour les accords de branche. 

Une position entérinée par la Cour de cassation une première fois en septembre 2022 puis une seconde fois dans un arrêt publié rendu le 26 juin 2024.

Les faits

En l’espèce, le regroupement de la branche professionnelle des géomètres-experts, géomètres-topographes, photogrammètres et experts fonciers et de la branche des économistes de la construction et des métreurs vérificateurs est acté par accord collectif du 7 mai 2019.

L’article 8 de cet accord prévoit que les décisions soumises au vote sont adoptées en tenant compte de la mesure de la représentativité, une décision étant valide lorsqu’elle recueille au moins 30 % de la représentativité par collège, portée par les organisations présentes ou représentées, et lorsqu’elle ne fait pas l’objet d’une opposition de plus de 50 % de la représentativité d’un des collèges, portée par les organisations présentes ou représentées.

Le 18 décembre 2019, deux avenants à cet accord de fusion sont signés par les organisations professionnelles d’employeurs (dont l’UNGE) et la CFDT. L’un porte sur l’article 8 précité de l’accord de fusion et l’autre met en place un régime complémentaire Frais de santé. La CFTC, la CFE/CGC et Force ouvrière exercent leur droit d’opposition, respectivement, les 10, 14 et 15 janvier 2020.

Invoquant la déloyauté de la négociation, la CFTC saisit, par acte du 15 septembre 2020, le tribunal judiciaire aux fins d’annulation des deux avenants. L’UNGE soulève devant le juge la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Les juges d’appel jugent pourtant que l’action en nullité est non prescrite et recevable, considérant que la date de publication au BOCC n’est pas certaine (le 1er février 2020 ne représente que la date de dépôt au BOCC).

L’arrêt d’appel est cassé.

Le délai de deux mois d’une action en nullité d’un accord de branche court à compter de la publication au BOCC

La Cour rappelle que le délai de forclusion pour agir en nullité d’un accord de branche court à compter de la date à laquelle l’accord de branche a été rendu public par sa publication au Bulletin officiel des conventions collectives (BOCC) qui, en conférant date certaine, répond à l’objectif de sécurité juridique.

Elle reprend également l’argumentation avancée dans son arrêt de septembre 2022 selon laquelle “le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n’est qu’une mesure complémentaire répondant à l’objectif d’accessibilité de la norme de droit”.

L’éventuelle absence de validité de l’accord de branche importe peu

La Cour ajoute que l’absence éventuelle de validité d’un accord collectif est sans incidence sur le délai pour agir en nullité de cet accord.

Les deux avenants du 18 décembre 2019 ayant été publiés au BOCC le 1er février 2020 au BOCC, le délai de forclusion de deux mois courait à compter de cette date.

L’action en nullité, formée le 15 septembre 2020, contre les avenants était tardive et donc irrecevable.

Géraldine Anstett