Le baromètre des branches de juin-juillet 2024

16/09/2024

Quelles ont été, en juillet-août 2024, les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.

Grâce à la veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous consacré aux branches professionnelles. Pas question d’être exhaustif sur ce sujet mais de vous signaler quelques tendances dans l’activité conventionnelle. Nous nous appuyons ainsi sur des accords récents et les arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche.

Ce baromètre nous semble d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociations données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre. La Conférence sociale d’octobre 2023 a d’ailleurs relancé ce chantier.

► CCN : convention collective nationale

► IDCC : identifiant des conventions collectives (numéro de 1 à 4 chiffres sous lequel une convention collective est enregistrée).

  Baromètre des branches de juillet-août 2024
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles51 accords élargis/étendus, dont 31 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus au Journal officiel du 16 juillet au 31 août 2024. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel. 

Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés :  

Un texte relatif au travail de nuit signé dans la branche des casinos (IDCC 2257, lire l’arrêté) ;  

Un texte relatif à la nouvelle CCN, signé dans la branche des Commissaires de justice et sociétés de ventes volontaires (IDCC 3250, lire l’arrêté) ;  

Un texte relatif à la nouvelle CCN, signé dans la branche du conseil et service en élevage (IDCC 7027, lire l’arrêté) ;  

Un texte relatif au regroupement des branches signé dans la branche des familles rurales (IDCC 20331), de l’animation (IDCC 1518) et des associations de pêche de loisir et de protection du milieu aquatique (IDCC 3203) (lire l’arrêté) ;  

Un texte relatif à l’indemnité mensuelle Ségur signé dans la branche sanitaire, social et médico-social à but non lucratif (lire l’arrêté).  
AnciennetéBranches des industries chimiques : accord du 4 juillet 2024 applicable depuis le 1er juillet 2024. Les partenaires sociaux modifient la base de calcul de la prime d’ancienneté.

Branche des mareyeurs-expéditeurs : accord du 24 janvier 2024 applicable à compter de sa date de signature. Les partenaires sociaux instituent des congés supplémentaires pour ancienneté.
CDDBranche de la télédiffusion : avenant du 20 juin 2024 applicable depuis le 3 juillet 2024. Les partenaires sociaux prorogent les dispositions relatives aux conditions de recours au CDD (contrat à durée déterminée).
Indemnisation de la maladieBranche des mareyeurs-expéditeurs : avenant n° 3 du 3 avril 2024 applicable à compter de la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux prévoient de nouveaux cas de suppression du délai de carence.

Branche de la métallurgie : avenant du 10 juin 2024 applicable depuis le 27 juin 2024. Les partenaires sociaux précisent les modalités d’application de l’indemnisation en cas d’arrêt de travail chevauchant deux années civiles.
PrimesBranche des mareyeurs-expéditeurs : accord du 24 janvier 2024 applicable à compter de sa date de signature. Les partenaires sociaux réduisent la condition d’ancienneté pour la prime d’ancienneté et prévoient la possibilité de son versement en deux fois.

Branche des ports et manutention : avenant du 30 avril 2024 applicable à compter de sa date de signature. Les partenaires sociaux revalorisent les gratifications versées pour les médailles d’honneur du travail.
Rupture du contrat de travailBranche des expertises en automobile : avis d’interprétation n° 14 du 5 juin 2024 applicable depuis le 20 juillet 2024. Les partenaires sociaux précisent le calcul de l’indemnité de licenciement des salariés ayant plus de 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise.

Branche des particuliers employeurs et emploi à domicile : avenant n°6 du 11 avril 2024 applicable à compter du 1er jour du mois suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux précisent l’indemnité conventionnelle de départ volontaire à la retraite.

Branche du transport aérien (personnel au sol) : avenant du 4 juillet 2024, applicable depuis le 23 juillet 2024. Les partenaires sociaux révisent le montant de l’indemnité de licenciement.  
 Fusion de branches et maintien de dispositions conventionnellesBranche des métreurs vérificateurs : accord du 10 juin 2024 applicable depuis cette même date. A la suite de la dénonciation de l’accord de fusion avec la branche des géomètres experts topographes, les partenaires sociaux concluent un accord de substitution dans lequel ils précisent les dispositions conventionnelles applicables aux entreprises de leur branche.  
Réécriture de diverses dispositions conventionnellesBranche des industries des carrières et métaux : avenant correctif du 15 février 2024 applicable à compter de la publication de l’arrêté d’extension de la CCN unifiée du 6 juillet 2022. Les partenaires sociaux réécrivent certaines dispositions sur les CDD à objet défini, les préavis de départ et de mise à la retraite, les indemnités de licenciement, les forfaits (jours et heures) ou encore les congés exceptionnels.

Branche des commerces de quincaillerie : avenant n°1 du 23 mai 2024 applicable depuis cette même date. Les partenaires sociaux modifient diverses dispositions de la CCN sur les congés payés, le temps partiel ou encore le forfait annuel en jours. Branche des centres sociaux et socioculturels et autres acteurs du lien social (associations) : avenant n° 03-24 du 12 juin 2024. Les partenaires sociaux révisent des dispositions spécifiques aux cadres.

Marie-Aude Grimont, avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives

Intelligence artificielle : le dialogue social technologique reste balbutiant

17/09/2024

Le dialogue social sur l’intelligence artificielle (IA) relève de l’évidence mais bredouille et hésite dans les entreprises, quelle que soit leur taille. Tel est le constat de l’Agence nationale d’amélioration de conditions de travail (Anact) qui a lancé divers projets sur le dialogue social technologique. Il faut encore démystifier bon nombre de sujets et “acculturer” les directions et les représentants du personnel. Sur le plan syndical, les organisations patronales semblent en retard.

Qui aujourd’hui pourrait encore soutenir que le déploiement de l’intelligence artificielle en entreprise ne nécessite pas de dialogue social ? Une telle affirmation ferait vite l’unanimité contre elle. Les organisations syndicales ont fixé leur religion et édité des bibles sur le sujet depuis plusieurs mois, entre autres plaidoyers et manifestes. Des chercheurs de l’Ires (institut de recherche syndical) ou l’Icam (institut catholique d’arts et métiers, groupement d’écoles d’ingénieurs) ont participé à des réflexions communes avec d’autres parties prenantes. Rien n’y fait pourtant. Réunis par l’Anact autour d’un webinaire, lundi 16 septembre, tous partagent un constat : le dialogue social technologique balbutie, il ne s’implante pas. Les intervenants ne manquent cependant pas de recommandations, aussi bien pour les représentants du personnel que pour les patrons.

De DiAG à DialIA : les projets fleurissent, pas les négociations

Agence nationale de l’amélioration des conditions de travail, l’Anact ne peut que rester vigilante au développement de l’IA et à ses conséquences sur le monde du travail. “Nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt, avec l’Ires et l’Icam comme parties prenantes, et découvert une grande variété d’approches”, raconte Vincent Mandinaud.

Selon ce chargé de mission à l’Anact, chaque projet souhaitait reconfigurer le système de relations entre les acteurs. Il faut selon lui “continuer de délier les langues et déverrouiller les imaginaires autour du dialogue social car le sujet semble encore trop ‘touchy’, sensible et compliqué”. Autre impératif : articuler les niveaux de dialogue social à l’échelle de l’entreprise, du poste de travail et des tâches de chaque salarié : “Il faut intégrer les pratiques de régulation dans les usages quotidiens de l’IA, discuter un peu tout le temps partout et en développer la culture”.

Côté projets, les organisations syndicales ont aussi fait leur chemin. Cofinancé par l’Anact et coordonné par l’Ires, DialIA a été porté par quatre syndicats de salariés (FO-cadres, la CFDT, la CFE-CGC et l’Ugict-CGT). Un manifeste en accès libre sur Internet en est résulté. Selon Odile Chagny, chercheuse à l’Ires, “l’idée était de créer une grammaire commune et travailler sur des référentiels communs, à savoir décliner l’accord cadre européen de 2020 qui proposait une méthode de dialogue social encore inédite dans les pays. Cela a permis de se poser les bonnes questions et de mettre en avant la problématique fondamentale : on a besoin collectivement de maturité et d’acculturation chez les directions comme chez les représentants du personnel”.

Enfin, le projet DiAG a réuni l’Icam, l’Anact, le cabinet de conseil Plein Sens et la société de conseil Matrice. DiAG forme un dispositif complet d’accompagnement du dialogue social technologique, ciblé sur les conséquences de l’IA sur l’activité des salariés. D’après son site Internet, il “diagnostique l’automatisation potentielle des tâches professionnelles et sensibilise aux critères de responsabilité de l’IA au travail”. Selon Charly Pécoste, enseignant-chercheur à l’Icam de Toulouse, “nous nous sommes rendu compte du flou qui domine sur la manière d’aborder l’IA”. Cause de cette nébulosité : les annonces commerciales des sociétés technologiques souvent américaines qui vantent la sortie de leurs produits (voir notre encadré). La perception des acteurs se trouve biaisée alors que sur le terrain français, l’IA aujourd’hui reste faible : elle se limite à réaliser des tâches spécifiques”. Une chose est sûre : le dialogue social l’est tout autant.

Un manque de formation, de culture, de régulation

Selon Vincent Mandinaud (Anact), “le dialogue social technologique reste un sujet émergent dont on ne connaît pas bien les contours. Il faut donc les caractériser, avancer sur quelques projets phares pour éclairer les chemins. Les acteurs tâtonnent car les sujets sont complexes et techniques. Le dialogue social n’est pas toujours au rendez-vous sur d’autres sujets plus faciles à appréhender. Sans compter le débordement chronique des agendas. On voit donc une problématique de moyens autour du développement d’un langage et d’une culture en commun, permettant une expérimentation et une montée en compétence. Aujourd’hui, le dialogue social sur l’IA semble inabordable car trop compliqué”.

Responsable de la fédération des cadres de la CFDT et membre de la commission interministérielle sur l’IA, Franca Salis-Madinier relève également l’opacité de l’IA comme frein au développement du dialogue social : “Les moyens et les méthodologies d’introduction de l’IA ne sont pas suffisamment explicités, tout cela reste opaque. Sans volonté ni outils pour la challenger, beaucoup de choses peuvent passer inaperçues dans l’entreprise. De plus, l’IA n’est pas statique, elle évolue en permanence, il faut donc des leviers législatifs. A la CFDT, nous commençons à armer nos militants qui s’interrogent mais il faudra aussi orienter la régulation européenne sur ces sujets”.

Tout le patronat ne semble pas prêt

Franca Salis-Madinier pointe que “cette technologie offre autant d’opportunités que de risques, mais tout cela n’est pas prédéterminé : il faut l’orienter et le dialogue social constitue pour cela un contre-pouvoir essentiel pour dégager plus d’opportunités et réduire les risques”. Première chose à faire selon la syndicaliste : s’inscrire dans une finalité afin de ne pas laisser l’IA progresser seule dans l’entreprise. Les représentants du personnel pourront alors veiller à ce que l’IA complète les salariés mais ne les remplace pas. Ayant auditionné aussi bien les syndicats de patrons que de salariés, elle pointe que le patronat “ne semble pas très prêt et dit ne pas être très sollicité par les syndicats sur l’IA”. Elle en déduit un immense besoin de formation des deux côtés de la table.

La chercheuse de l’Ires Odile Chagny a également remarqué un décalage : “En tant que coordinatrice de DialIA, il me semble que les syndicats étaient très en avance sur plusieurs points par rapport au patronat sur la déclinaison et le déploiement d’un dialogue social adapté à ces enjeux”. Représentant de l’Unapl, rattachée à l’U2P (Union des entreprises de proximité, organisation patronale d’artisans et très petites entreprises) et représentant particulièrement des professions libérales, Serge Garrigou avance que son organisation a pourtant “engagé des réflexions”. “L’IA impacte beaucoup de professions libérales comme les médecins, les géomètres experts, les architectes, les traducteurs, les professions du droit, c’est un terrain propice aussi bien dans les TPE que dans des entreprises plus grandes avec des CSE” et reconnaît que “le dialogue social est à construire avec les bons outils”.

Qu’en pensent les salariés ? Ce n’est qu’un indice, mais l’union syndicale Unsa a sondé des salariés sur leur appréhension de l’intelligence artificielle. 38 % estiment que l’IA est une menace, 32 % qu’elle constitue un progrès et 30 % restent dans l’expectative. La publication de l’Unsa ajoute : “Par ailleurs si 49% des salariés disent ne pas être inquiets d’un risque de déclassement ou de remplacement par l’IA, 45% annoncent l’être mais seulement sur une partie de leur travail. L’expectative face à l’IA s’explique aussi par des entreprises ou des organisations qui n’ont pas encore abordé ce sujet selon la grande majorité des salariés interrogés”.

Strawberry, l’IA qui réfléchit ?
Une illustration des annonces fracassantes des entreprises de haute technologie : OpenAI a annoncé le lancement de Strawberry, une nouvelle version de ChatGPT qui serait capable de raisonner comme un humain. C’est du moins la présentation qui en était faite. Mais selon le média collaboratif français GénérationIA, s’il s’agit d’un “nouveau chapitre”, cette IA est encore loin de réfléchir comme nous : le modèle utilise la technique de “la chaine de pensée” en planifiant une forme de réflexion avant de fournir une réponse développée étape par étape en se corrigeant au fil du temps. Il ne s’agit cependant pas de raisonnement au sens où nous l’entendons communément : l’IA ne pense pas pour autant comme un humain. Par ailleurs, cette nouvelle version n’a été développée pour l’instant que sur les mathématiques, le codage informatique et les sciences.

►Lire également cet article du journal américain Vox : “The new follomup to ChatGPT is scarily good at deception” (“La nouvelle suite de ChatGPT est terriblement douée pour tromper”).

► Nos articles relatifs à l’intelligence artificielle sont regroupés dans ce dossier

Marie-Aude Grimont

Salaires dans les pharmacies : les syndicats refusent les nouvelles propositions patronales

19/09/2024

Les négociations salariales sont en souffrance depuis plusieurs mois dans les pharmacies d’officine. Selon Force Ouvrière (majoritaire), les représentants des employeurs ont avancé des propositions de hausses de salaires de 2 % pour les non cadres et de 1 % pour les cadres lors de la réunion de lundi 16 septembre. Les organisations syndicales ont refusé à l’unanimité ces propositions et avancé leurs revendications pour tenter un déblocage :

  • ramener le premier coefficient au Smic ;
  • revaloriser le point de 2 %.

La prochaine réunion se tiendra le 18 octobre.

Source : actuel CSE