AT/MP : les arrêts de ces derniers mois en bref

18/11/2024

Les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) nourrissent un contentieux important. Nous avons sélectionné dans le tableau qui suit les arrêts récents, de septembre et octobre 2024, ayant retenu notre attention.

Dans ce panorama, nous traitons de la procédure de reconnaissance des accidents du travail, du sort du contrat de travail en cas de cessation d’activité de l’entreprise, de l’indemnisation due en cas de recours à une assistance familiale et de la contestation du taux AT/MP.

ContexteSolution
Instruction du dossier sur le caractère professionnel de la maladie
La caisse satisfait aux obligations d’information lorsque, après avoir engagé des investigations pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie , elle informe la victime et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation (Code de la sécurité sociale [CSS], art. R. 461-9).La Cour de cassation admet que cette information puisse intervenir avant la fin de l’instruction. Celle-ci n’a aucune incidence sur l’entièreté de l’information transmise, puisque l’employeur a été en mesure de consulter le dossier dans les délais prescrits et de présenter d’éventuelles observations. La caisse a satisfait à son obligation d’information. Ainsi, la décision de prise en charge de la pathologie déclarée par la victime, au titre de la législation professionnelle, est opposable à l’employeur, même s’il a été informé par la caisse de la possibilité de consulter le dossier et formaliser ses observations au début des investigations mais plus de 10 jours avant le début de la période de consultation.  ►Cass. 2e civ., 5 sept. 2024, N° 22-17.142  
Délai pour répondre au questionnaire sur les circonstances de l’accident
Lorsque la caisse engage des investigations avant de statuer sur le caractère professionnel d’un accident, elle adresse un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de celui-ci à l’employeur ainsi qu’à la victime, dans le délai de trente jours francs et par tout moyen conférant date certaine à sa réception. Ce questionnaire est retourné dans un délai de vingt jours francs à compter de sa réception (CSS, art. R. 441-8).La Cour de cassation estime que le délai imparti pour répondre aux questionnaires est seulement indicatif de la rapidité de la procédure à l’issue de laquelle la caisse doit statuer sur la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident. Il n’est assorti d’aucune sanction. Ainsi, la caisse n’est pas tenue d’informer l’employeur et la victime du délai dans lequel ils doivent lui retourner le questionnaire et l’employeur ne peut pas se prévaloir d’un manquement de la caisse pour obtenir inopposabilité de la décision de prise en charge.​ ►Cass. 2e civ., 5 sept. 2024, n° 22-19.502  
Impossibilité de maintenir le contrat de travail
  Au cours d’un arrêt de travail pour accident du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail qu’en cas de faute grave du salarié ou de l’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (C. trav., art. L. 1226-9). Répond à ce deuxième motif, la cessation totale et définitive d’activité   dès lors qu’elle est réelle  (Cass. soc., 15 mars 2005, n° 03-43.038), et emporte la suppression de tous les postes (Cass. soc., 14 avr. 2010, n° 08-45.547).   La Cour de cassation confirme sa jurisprudence en rappelant que l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’un salarié peut résulter de la cessation réelle d’activité  de l’employeur. ► Cass. 2e civ., 11 sept. 2024, n° 22-18.409
Indemnité allouée à l’assistance d’une tierce personne en si cette assistance est familiale 
Le salarié victime d’un accident du travail rendant nécessaire l’assistance temporaire par une tierce personne a droit à une indemnisation (CSS, art. L. 452-3). Cette indemnisation bénéficie du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime. Que se passe-t-il si cette assistance est assurée par une personne de l’entourage ? Pour évaluer l’indemnisation due au titre de l’assistance d’une tierce personne avant la consolidation, la cour d’appel avait estimé que lorsque l’aide est assurée par une personne de l’entourage, la victime ne peut prétendre à une indemnisation tenant compte des congés payés, inhérents à l’existence d’un contrat de travail, ou des jours fériés.  À tort selon la Cour de cassation, qui casse cet arrêt : “en application du principe de la réparation intégrale, le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne ne saurait être réduit en cas d’assistance familiale”. ► Cass. 2e civ., 17 oct. 2024, n° 22-18.905  
Contestation du taux AT/MP
Le taux de cotisation AT/MP est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la Carsat (caisse d’assurance retraite et santé au travail). Le recours de l’employeur aux fins de contestation du taux de cette cotisation est introduit dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision fixant ce taux (CSS, art. R. 143-21R. 142-13-2 et R. 142-1-A). Ainsi, le délai de forclusion de deux mois ne peut pas être opposé à l’employeur qui, sans attendre la notification du taux de cotisation AT/MP, demande le retrait de son compte employeur du coût d’une maladie professionnelle ou l’inscription de cette maladie sur le compte spécial.En revanche, le délai de forclusion est opposable à l’employeur lorsque cette demande, qui ne peut avoir pour effet de modifier un taux devenu définitif, est formée à l’occasion d’un litige en contestation de ce taux. Il appartient, dès lors, à la juridiction de la tarification de rechercher si le taux de la cotisation en cause a été notifié et revêt un caractère définitif. ► Cass. 2e civ, 17 oct. 2024, n° 22-20.692

Virginie Guillemain

Un nouveau suicide de salarié chez Orange

18/11/2024

Une semaine après que le comité social et économique central d’Orange ait observé une minute de silence en hommage aux salariés qui ont mis fin à leurs jours, ou tenté de le faire, ces derniers mois, un nouveau suicide d’un salarié a eu lieu à Rennes, à son domicile. “Ce nouveau drame nous rappelle, une fois de plus, l’absolue nécessité de placer la santé physique et mentale des salariés au cœur des préoccupations de l’entreprise”, réagit la fédération postes et télécommunication de Sud en rappelant avoir déjà lancé des alertes pour danger grave et imminent. Le syndicat demande, pour l’instant en vain, un moratoire sur les restructurations dans l’entreprise mais aussi des expertises sur chaque situation grave.

“Nous n’avons aucune transparence de la part de notre direction, qui ne souhaite parler que des tentatives et suicides reconnus comme des accidents de travail, ce qui prend au minimum 13 mois”, déplore Virginie Malavergne, de la fédération Sud PTT”.

Source : actuel CSE

ACAATA : les listes des établissements de construction navale et de fabrication de matériaux contenant de l’amiante sont modifiées

19/11/2024

L’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) permet à certains salariés ayant été exposés à l’amiante, dans un cadre professionnel, de bénéficier d’une préretraite anticipée.

Selon ce dispositif, les salariés bénéficiaires perçoivent, à compter d’un âge défini en fonction de leur durée d’exposition (qui ne peut être inférieur à 50 ans), l’ACAATA jusqu’à l’âge auquel ils peuvent faire liquider leur pension de vieillesse à taux plein (loi du 23 décembre 1998 et décret du 29 mars 1999).

Il existe différents bénéficiaires de l’ACAATA et notamment ceux justifiant avoir travaillé dans des établissements listés par arrêtés.

Il est à noter que deux arrêtés du 12 novembre 2024 modifient :

Source : actuel CSE

Inaptitude au travail : panorama de la jurisprudence des deux derniers mois

22/11/2024

Plusieurs décisions de la Cour de cassation ont rappelé ou précisé les critères du caractère professionnel de l’inaptitude, le droit ou non à l’indemnité de préavis, l’incidence de troubles anxio-dépressifs, le périmètre de l’obligation de reclassement.

Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, la synthèse des solutions de la Cour de cassation rendues depuis septembre sur plusieurs points de la procédure applicable en cas d’inaptitude du salarié.

ThèmeContexte et problématiqueSolution de la Cour de cassation
Origine professionnelle de l’inaptitudeLes règles propres à l’inaptitude professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine un accident ou une maladie d’origine professionnelle et que l’employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement (jurisprudence constante).Les règles sur l’inaptitude professionnelle s’appliquent y compris lorsqu’à la suite de l’arrêt de travail pour accident du travail, le salarié a bénéficié d’arrêts de travail de façon ininterrompue à compter de son accident du travail et a été consolidé avant son licenciement, même si l’avis d’inaptitude exclut tout accident du travail (arrêt du 18 septembre 2024).
Les juges doivent rechercher l’existence de l’origine professionnelle de l’inaptitude si le salarié en fait la demande y compris si l’inaptitude est consécutive à un arrêt maladie de droit commun et que la CPAM (caisse primaire d’assurance maladie) n’a pas reconnu l’accident du travail (arrêt du 18 septembre 2024).  
Obligation de reclassement : charge de la preuveLorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, il bénéficie d’un droit au reclassement. L’employeur est tenu de rechercher un autre emploi approprié aux capacités du salarié, en tenant compte des conclusions écrites du médecin du travail, notamment des indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail). Quel type de preuves rapporter pour justifier le respect de l’obligation de reclassement ?L’obligation de reclassement est respectée lorsque l’employeur produit un extrait du registre du personnel avec les fiches de postes pourvus pendant la phase de recherche, démontrant ainsi l’impossibilité de reclasser la salariée en interne et a consulté un nombre conséquent de sites répartis sur l’ensemble du territoire national qui avaient répondu négativement à la demande de reclassement formulée. Le salarié ne peut reprocher à l’employeur de ne pas avoir recherché dans un certain nombre de magasins en France et filiales à l’étranger sans apporter des preuves (arrêt du18 septembre 2024).
Obligation de reclassement : charge de la preuve du périmètre du reclassementLorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit rechercher un autre emploi au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (articles L.1226-2 et L.1226-10 du code du travail). A qui revient la charge de la preuve de l’existence d’un groupe ?Si la preuve de l’exécution de l’obligation de reclassement incombe à l’employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l’existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.  Dans le  cas où l’employeur ne fournit que des informations parcellaires sur la détention du capital de sociétés alors que le salarié allègue que ces sociétés faisaient partie d’un groupe et a fait ressortir que la permutation du personnel était possible, les juges du fond peuvent en déduire que l’employeur ne justifiait pas du respect de son obligation de reclassement dans un périmètre pertinent. Il n’y a pas de méconnaissance des règles de la charge de la preuve relatives au périmètre du groupe de reclassement (arrêt du 6 novembre 2024).
Obligation de reclassement : présomption   Dès lors que l”employeur propose un reclassement au salarié déclaré inapte dans un emploi répondant aux conditions posées par l’article L.1226-2 (inaptitude non professionnelle) ou L.1226-10 (inaptitude professionnelle) du code du travail, l’obligation de reclassement est réputée satisfaite (articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail ; arrêt du 13 mars 2024 ; arrêt du 26 janvier 2022). Toutefois la Cour de cassation a toujours précisé que cette présomption ne joue que si l’obligation de reclassement a été exécutée loyalement (arrêt du 26 janvier 2022). Mais sur qui pèse la charge de la preuve du caractère loyal de la proposition de reclassement ?Lorsque l’employeur a proposé un emploi conforme à un salarié déclaré inapte, l’obligation de recherche de reclassement est réputée satisfaite. C’est au salarié de démontrer que cette proposition n’a pas été faite loyalement (arrêt du 4 septembre 2024).
Droit à l’indemnité de préavis en cas de licenciement pour inaptitude professionnelleLe salarié, licencié pour inaptitude d’origine professionnelle a droit à une indemnité compensatrice de préavis (montant de l’indemnité prévue à l’article L.1234-5 du code du travail).
Le salarié handicapé bénéficie, en cas de licenciement au doublement de la durée du préavis dans la limite de trois mois (article L.5213-9 du code du travail).
Comment s’articulent ces deux règles : le doublement du préavis du salarié handicapé licencié s’applique-t-il en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle ?
L’article L.5213-9 du code du travail qui a pour but de doubler la durée du préavis en faveur des salariés handicapés, n’est pas applicable à l’indemnité compensatrice due en cas de licenciement pour inaptitude professionnelle prévue à l’article L.1226-14 (arrêt du 24 mai 2023 ; arrêt du 27 janvier 2016 arrêt du 16 octobre 2024).  
À titre de rappel, l’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice de préavis, due en cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, n’a pas la nature d’une indemnité de préavis et n’ouvre pas droit à congés payés (arrêt du 2 octobre 2024 ; arrêt du 16 octobre 2024).  
Manquement à l’obligation de sécurité : incidence sur le licenciementLe licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée, notamment s’il a manqué à son obligation de sécurité.L’employeur manque à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure destinée à alléger la charge de travail de la salariée, alors que les éléments suivants ont été relevés : à l’occasion de l’entretien individuel relatif au forfait jours réalisé le 22 novembre 2016 la salariée avait fait part à la DRH de l’importance de sa charge de travail ;  une psychologue, en charge du suivi de la salariée dès le début de son arrêt de travail avait conclu à un état de troubles anxio-dépressifs, confirmé par un psychiatre.  Ainsi les conditions de travail avaient porté atteinte à l’intégrité physique de la salariée et entraîné une dégradation de son état de santé en lien direct avec sa déclaration d’inaptitude (arrêt du 18 septembre 2024).

Nathalie Lebreton

L’arrêté fixant les nouveaux modèles d’avis d'(in)aptitude est abrogé

22/11/2024

Comme nous l’avions annoncé le 15 octobre dernier, la Direction générale du travail a décidé de retirer l’arrêté actualisant les modèles d’avis d'(in)aptitude et d’attestation de suivi remis par un professionnel de santé du service de santé au travail aux salariés examinés.

C’est un arrêté du 26 septembre 2024 qui avait modifié l’arrêté du 16 octobre 2017. Ce dernier avait fixé, pour la première fois, les modèles d’avis d'(in)aptitude, d’attestation de suivi et de propositions de mesures d’aménagement de poste. 

C’est désormais chose faite. L’arrêté du 26 septembre 2024 vient d’être abrogé par un arrêté du 5 novembre 2024 publié hier au Journal officiel. 

C’est donc de nouveau l’arrêté du 16 octobre 2017 qui trouve à s’appliquer en la matière jusqu’à nouvel ordre.

Source : actuel CSE