Prévention des risques psychosociaux : la salariée enceinte qui refuse sa mutation peut être licenciée
23/06/2025

L’employeur peut licencier une salariée enceinte pour impossibilité de maintenir son contrat de travail si elle refuse un poste équivalent dans un autre établissement alors qu’il ne peut pas la maintenir à son poste de travail sans risques psychosociaux pour elle et ses collègues.
Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après ce congé ainsi que pendant les 10 semaines suivant l’expiration de ces périodes. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement (article L.1225-4 du code du travail).
Par un arrêt du 27 mai 2025, la Cour de cassation admet pour la première fois, à notre connaissance, le licenciement d’une salariée enceinte pour impossibilité de maintenir son contrat de travail dès lors qu’elle a refusé une mutation sur un poste de travail équivalent alors même que l’employeur ne pouvait pas la maintenir à son poste sans risques psychosociaux pour elle et ses collègues. Les juges font ainsi primer l’obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux de l’employeur sur la protection de la maternité.
► On rappellera que, si la salariée enceinte bénéficie d’une protection dite “relative” contre le licenciement jusqu’à son congé de maternité, il résulte de l’article L.1225-4 du code du travail qu’elle bénéficie, pendant ce dernier ainsi que pendant les congés payés pris immédiatement après celui-ci, d’une protection dite “absolue” contre la rupture de son contrat de travail : aucun licenciement, quel qu’en soit le motif, ne peut prendre effet ou être notifié pendant la période de suspension du contrat de travail.
La salariée enceinte peut être licenciée en dépit de sa protection…
En l’espèce, le contrat de travail d’une salariée, ingénieur et chef d’équipe, est suspendu à plusieurs reprises en raison d’arrêts de travail pour maladie, de congés de maternité et d’un congé parental d’éducation. Elle est déclarée apte lors d’une visite médicale de reprise par le médecin du travail, mais dispensée d’activité par l’employeur dans l’attente des résultats d’une enquête menée par les représentants du personnel, saisis par plusieurs membres de son équipe. Ces salariés redoutent en effet la dégradation de leurs conditions de travail et font état de risques psychosociaux en lien avec le retour de leur chef d’équipe à son poste de travail.
L’enquête conclut à l’existence de risques psychosociaux graves en cas de retour de la salariée à son poste de travail, tant pour les salariés que pour l’intéressée elle-même. De son côté, l’inspection du travail, saisie par la salariée, précise également dans un courrier qu’un retour de cette dernière sur son ancien poste semble improbable et qu’elle serait elle-même en danger au sein de l’équipe, toujours au regard des risques psychosociaux.
Dès lors, suivant les recommandations de l’inspection du travail, l’employeur propose à la salariée d’occuper un poste de travail équivalent au sein d’un autre établissement, mais elle refuse cette proposition. Elle est donc convoquée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, au cours duquel elle annonce une nouvelle grossesse à son employeur.
Licenciée pour impossibilité de maintenir son contrat de travail, la salariée saisit la juridiction prud’homale. Elle demande notamment aux juges du fond d’annuler son licenciement au motif que :
- sans faute grave, seule une impossibilité de maintenir son contrat non liée à son comportement pourrait être invoquée ;
- aucun acte objectif qui lui aurait été imputable n’était de nature à établir sa responsabilité dans la situation de blocage invoquée par l’employeur.
… si elle refuse d’accepter un autre poste équivalent destiné à éviter des risques psychosociaux
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement.
Celle-ci avait en effet constaté que, tenu par son obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux, l’employeur ne pouvait pas maintenir la salariée à son poste de travail sans risques psychosociaux tant pour ses collègues que pour elle-même. Il avait cherché une solution pour débloquer la situation, en lui proposant de rejoindre un autre poste conforme à ses compétences professionnelles et à son niveau hiérarchique dans un autre établissement, mais l’intéressée avait refusé.
Dès lors, la décision de la licencier, non liée à son état de grossesse, découlait de ce refus ayant rendu le maintien du contrat de travail impossible, et la cour d’appel ne pouvait qu’approuver le licenciement.
► On rappellera que l’impossibilité de maintenir le contrat de travail d’une salariée enceinte ne peut se justifier que par des circonstances indépendantes de son comportement et que, classiquement, il s’agit d’un motif d’ordre économique (arrêt du 25 juin 1975 ; arrêt du 24 octobre 2012 ; arrêt du 26 septembre 2012). A ce titre, dans l’arrêt du 27 mai 2025, l’employeur ne reproche pas à la salariée son comportement managérial, ce qui l’aurait contraint à se placer sur le terrain disciplinaire, mais son refus d’accepter une mutation sur un poste équivalent qui aurait mis fin à une situation de blocage avec ses collègues mettant en jeu son obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux.
On relèvera, en outre, que la Cour de cassation, après avoir exercé un contrôle lourd sur la décision des juges du fond (ainsi que le révèle la formule “en a exactement décidé” utilisée dans l’arrêt), approuve ceux-ci d’avoir fait primer l’obligation de sécurité de l’employeur sur la protection de la maternité dans la mesure où :
- ce dernier a cherché et a proposé loyalement un autre poste de travail à la salariée afin de débloquer la situation avec ses collègues, ce qu’elle a refusé ;
- le licenciement est sans lien avec sa grossesse.
Valérie Dubois
Accident mortel du travail : la CPAM n’a pas à communiquer le rapport d’autopsie à l’employeur
23/06/2025
Opérant un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation juge désormais que, en cas d’accident mortel du travail, le rapport d’autopsie constitue un élément couvert par le secret médical, qui n’a pas à figurer dans les pièces du dossier mis à disposition de l’employeur par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM).
La Cour de cassation a de nouveau été plongée dans les affres de la recherche d’un nécessaire équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l’employeur à bénéficier d’une information complète au stade de l’instruction, par une caisse primaire d’assurance maladie, de la déclaration d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
La Cour de cassation a ainsi récemment jugé que l‘audiogramme du tableau n° 42 des maladies professionnelles constituait un élément du diagnostic couvert par le secret médical, de sorte qu’il n’avait pas à figurer dans les pièces du dossier constitué par les services administratifs de la caisse en application de l’article R. 441-13 du code de sécurité sociale (article R. 441-14 depuis le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019) (Cass. 2e civ., 13 juin 2024 nos 22-15.721 FS-BR et 22-22.786 FS-BR).
Dans cette affaire, c’est sur le rapport d’autopsie que la Cour de cassation s’est prononcée.
Une enquête sur les circonstances de l’accident
L’article R. 441-11 du code de la sécurité sociale (CSS) impose à la caisse primaire de diligenter une enquête sur les circonstances ou la cause de l’accident ou de la maladie en cas de décès. Cette obligation a été reprise en cas d’accident mortel à l’article R. 441-8 du CSS et en cas de maladie – y compris non mortelle – à l’article R. 461-9 du même code, dans leur rédaction issue du décret n° 2019-356 du 23 avril 2019.
L’article L. 442-4 du CSS précise que la caisse doit, si les ayants droit de la victime le sollicitent, ou avec leur accord si elle l’estime elle-même utile à la manifestation de la vérité, demander au tribunal judiciaire dans le ressort duquel l’accident s’est produit de faire procéder à l’autopsie dans les conditions prévues aux articles 232 et suivants du code de procédure civile.
Le rapport d’autopsie
La Cour de cassation jugeait de longue date que ce rapport d’autopsie était un des éléments composant le dossier mis à disposition de l’employeur en application de l’article R. 441-14 du CSS (article R. 441-8 depuis le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019).
Ainsi, elle précisait que la caisse est tenue de communiquer à l’employeur, sur sa demande, l’entier rapport d’autopsie prévu par l’article L. 442-4 du CSS (Cass. 2e civ., 22 févr. 2005, n° 03-30.308 FS-PB).
Cette pièce est, en effet, d’importance pour l’employeur sur qui pèse la charge de renverser la présomption d’imputabilité, en apportant la preuve que la mort trouve son origine dans une cause totalement extérieure au travail.
Un revirement de jurisprudence
L’arrêt du 3 avril 2025 procède pourtant à un revirement de jurisprudence s’inscrivant dans la continuité des arrêts précités relatifs à l’audiogramme et s’expliquant par deux raisons principales.
Tout d’abord, le rapport d’autopsie est incontestablement une pièce médicale couverte par le secret médical. L’article L. 1110-4 du Code de la santé publique en fixe, en effet, un champ d’application très large, qui couvre “l’ensemble des informations concernant le patient venues à la connaissance du professionnel” de par ses activités. Il couvre toute information de caractère personnel relative à ce dernier, qu’elle ait été confiée au praticien par le patient ou que le médecin l’ait vue, entendue ou comprise dans le cadre de son exercice (article R. 4127-4 du même code).
Le secret médical
Ensuite, conformément aux articles L. 1110-4 et 226-14 du Code pénal, et sous réserve du cas de la levée du secret par le bénéficiaire, le secret médical ne peut être levé que par autorisation de la loi. Une disposition de nature réglementaire ne saurait valoir autorisation de levée, ni l’article R. 441-14 (R. 441-8 aujourd’hui) du code de la sécurité sociale, qui impose la mise à disposition du dossier, ni l’article R. 441-13 (R. 441-14 aujourd’hui), qui fixe le contenu du dossier d’instruction que la caisse doit communiquer à la demande des parties.
D’ailleurs, force est de constater que l’article R. 441-13 du CSS ne mentionne pas le rapport d’autopsie, ni même ses conclusions, comme élément du dossier constitué par la caisse primaire.
Reste la question récurrente, à laquelle la réponse apportée n’est guère satisfaisante, des droits de l’employeur. Si l’employeur ne peut revendiquer un droit à la preuve, au stade de la procédure administrative d’instruction, il peut, en revanche, se prévaloir d’un droit à une procédure contradictoire, consacrée par la jurisprudence avant d’être reprise par le décret du 29 juillet 2009 et renforcée par le décret n° 2019-356 du 23 avril 2019.
L’équilibre entre le respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire
La Cour de cassation, dans une motivation similaire à celle retenue dans les arrêts dits “audiogramme”, retient que l’équilibre entre le droit de la victime au respect du secret médical et le droit de l’employeur à une procédure contradictoire, dès le stade de l’instruction de la déclaration de la maladie professionnelle par la caisse primaire d’assurance maladie, est préservé par la possibilité pour l’employeur contestant le caractère professionnel de l’accident de solliciter du juge la désignation d’un expert à qui seront remises les pièces composant le dossier médical de la victime et par l’organisation, dès le stade de la saisine de la commission médicale de recours amiable, de modalités de transmission par le praticien-conseil du service du contrôle médical de l’intégralité du rapport médical reprenant les constats du rapport d’autopsie éventuellement réalisée, ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision.
Cependant, dès lors, d’une part, que l’expertise est facultative et relève de l’appréciation souveraine des juges du fond, d’autre part, que le défaut de communication du rapport médical au stade de la commission médicale de recours amiable n’est pas sanctionné, la situation de l’employeur reste délicate.
Seule une réforme par le législateur, visant à lever le secret médical sur les pièces médicales détenues par le service du contrôle médical, ou permettant à l’employeur de mandater un expert dès le début de la procédure d’instruction, permettrait d’assurer l’effectivité de la contradiction.
La Rédaction sociale
L’OIT adopte des normes internationales pour la prévention des risques biologiques au travail
24/06/2025

Le ministre du travail du Zimbabwe, Edgar Moyo, a introduit la 113e Conférence internationale du travail de l’OIT au Palais des Nations à Genève en Suisse le 2 juin 2025.
La Conférence internationale du travail début juin a accouché d’une convention “historique” et d’une recommandation sur la prévention et la protection contre les dangers biologiques en milieu de travail. Les parties prenantes se sont également penchées sur le travail décent dans l’économie des plateformes, la transition vers le travail formel et les conditions de travail dans le secteur maritime.
À l’occasion de la 113ème Conférence internationale du Travail (CIT) qui s’est tenue du 2 au 13 juin à Genève, l’Organisation internationale du travail (OIT) a adopté les “premières normes internationales du travail visant à prévenir l’exposition aux risques biologiques en milieu de travail et à protéger les travailleuses et travailleurs contre ceux-ci”. Via deux instruments : la convention n° 192 et la recommandation n° 209.
Politiques nationales et mesures SST face aux risques biologiques
La convention n° 192 sur la prévention et la protection contre les dangers biologiques en milieu de travail, est, comme toutes les conventions, un traité international juridiquement contraignant que les États Membres peuvent ratifier, à la différence des recommandations qui sont des lignes directrices non contraignantes.
Elle requiert l’élaboration, par les États membres qui la ratifient, de politiques nationales et de mesures de santé sécurité au travail (SST) qui comprennent la prévention et la protection contre ces risques.
Il est également demandé de développer des “dispositifs de préparation et de réponse aux accidents et situations d’urgence” biologiques. Côté employeurs, ils doivent instaurer “des mesures préventives et protectrices, en collaboration avec les travailleurs, qui doivent également être informés et formés aux risques et dangers” biologiques.
Évaluation des risques et mesures de préparation et d’intervention
La recommandation n° 209, qui se veut plus pratique, complète la convention n° 192 et remplace la recommandation n° 3 sur la prévention du charbon.
Elle détaille les dangers biologiques (micro-organismes pathogènes, toxines, allergènes, endoparasites, agents irritants, etc.), les dommages potentiels (maladies infectieuses ou non, lésions corporelles, décès) et les modes de transmission (voie aérienne, directe, indirecte) des agents biologiques.
Plus concrètement, la recommandation liste les secteurs et professions devant faire l’objet d’une évaluation des risques (cette liste n’étant pas limitative) : santé, production alimentaire, travail agricole, gestion de l’eau et des déchets, travaux de nettoyage et d’entretien, etc.
Sont également indiqués les travailleurs pouvant nécessiter une protection spécifique face aux risques biologiques, notamment les femmes enceintes ou allaitantes, les jeunes travailleurs, les travailleurs âgés, les personnes en situation de handicaps, les migrants, etc.
Enfin, la recommandation précise les mesures de préparation et d’intervention que des plans et procédures doivent comprendre. On y retrouve, entre autres, les systèmes de détection et d’alerte précoce, la préparation sur le plan matériel, les mesures à prendre dans le milieu de travail en cas d’apparition de foyers de maladies, d’épidémie ou de pandémie, ou encore la formation des travailleurs.
Amélioration des conditions des travailleurs des plateformes
Second sujet abordé lors de cette CIT, celui du travail décent dans l’économie des plateformes, avec la première discussion normative sur cette problématique. L’objectif est “d’améliorer les droits et les conditions des travailleurs de plateformes numériques, et démontrer que l’innovation technologique peut aller de pair avec la protection et l’équité”.
Après une dizaine de jours de travail, la résolution et les conclusions proposées pour adoption en faveur du travail décent dans des plateformes ont déterminé des principes et droits fondamentaux au travail (liberté d’association, milieu de travail sûr et salubre, absence de travail forcé, etc.) ainsi que des exigences portant sur la SST, la prévention de la violence et du harcèlement, la relation de travail, la rémunération équitable, la sécurité sociale, etc.
Ainsi, en matière de santé et de sécurité au travail, il est demandé d’évaluer l’ensemble des risques professionnels pour prévenir les accidents du travail et les maladies professionnelles des travailleurs de plateformes. Les longues durée de travail et les périodes de repos insuffisantes sont à proscrire. Les travailleurs de plateformes doivent être formés à la SST et disposer des vêtements et équipements de protection individuelle (EPI) appropriés. Ils disposent également du droit de retrait en cas de danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.
Une convention et une recommandation seront établies. Ces travaux sur le travail décent dans l’économie des plateformes se poursuivra en 2026 lors de la 114ème CIT.
Amendements au code de la convention du travail maritime
D’autres thématiques ont également animé les débats de cette CIT. Les conclusions ont notamment validé :
- une résolution pour réduire l’informalité et soutenir la transition vers le travail formel ;
- 7 amendements au code de la convention du travail maritime de 2006 : lutte contre les violences et le harcèlement à bord, renforcement du droit au congé à terre et au rapatriement, reconnaissance des gens de mer comme des travailleurs clés, meilleur accès aux soins médicaux, traitement équitable en cas de détention ou d’accident maritime, etc. ;
- la contribution de l’OIT au deuxième sommet mondial du développement social qui aura lieu à Doha (Qatar) en novembre 2025.
Au total, 187 États Membres de l’OIT et 5 400 délégués, représentants des gouvernements, employeurs et travailleurs ont participé à cette 113ème CIT.
Laura Guegan
L’employeur doit s’assurer du respect des préconisations du médecin du travail chez son client
26/06/2025

L’employeur est tenu de vérifier que les lieux où le salarié effectue ses missions, situés dans des entreprises clientes, permettent de respecter les préconisations du médecin du travail. À défaut, il manque à son obligation de sécurité.
Il est de jurisprudence constante que les préconisations du médecin du travail s’imposent à l’employeur. Ici, la Cour de cassation précise que l’employeur doit aussi s’assurer que les lieux au sein desquels le salarié intervient, situés dans des entreprises clientes, permettent le respect des préconisations du médecin du travail.
Non-respect des préconisations du médecin du travail chez les clients de l’employeur
En l’espèce, un salarié, conducteur routier, est victime d’un accident du travail. Le médecin du travail le déclare apte à son poste avec les réserves suivantes : “sans port de charge supérieure à 10 kg, tirer ou pousser une charge pendant cinq mois, sauf à l’aide d’un chariot électrique”. L’employeur l’affecte alors sur un autre site, auprès de différents clients, magasins d’une enseigne de grande distribution.
Quelques mois plus tard, le salarié est placé en arrêt de travail. Il demande alors la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Il soutient que, sur les sept magasins auxquels il est affecté pour la livraison, six d’entre eux ne sont pas équipés de chariot électrique. Il reproche ainsi à l’employeur de ne pas avoir vérifié que les lieux de livraison qui lui étaient attribués respectent les préconisations du médecin du travail et, donc, d’avoir manqué à son obligation de sécurité.
À l’issue de l’examen médical de reprise, le médecin du travail déclare, cette fois, le salarié inapte à son poste avec impossibilité de reclassement. Le salarié est licencié pour inaptitude.
La cour d’appel saisie du litige déboute le salarié de ses demandes notamment de résiliation du contrat de travail et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour manquement à l’obligation de sécurité. Elle estime que, si l’employeur ne s’est pas assuré que les lieux de livraison imposés à son salarié étaient tous équipés de chariot électrique, pour autant il n’a pas commis de manquement contractuel dès lors que le salarié intervenait dans des sociétés tierces, qu’il ne pouvait pas avoir connaissance de l’absence de chariot électrique et qu’il appartenait au salarié de l’alerter sur ce point.
Manquement de l’employeur à son obligation de sécurité
Le salarié forme un pourvoi en cassation. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa notamment de :
- l’article L.4624-3 du code du travail, selon lequel le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mental du travailleur ;
- l’article L.4624-6 du code du travail, qui impose à l’employeur de prendre en considération l’avis et les indications ou préconisations émis par le médecin du travail.
Il en résulte pour la Cour de cassation que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité, doit prendre en considération l’avis et les indications ou préconisations du médecin du travail.
► Même sous forme de souhait, les recommandations et préconisations du médecin du travail s’imposent à l’employeur (arrêt du 19 décembre 2007).
Ainsi, s’appuyant sur le constat des juges du fond, la Cour de cassation relève que l’employeur n’a pas vérifié si les lieux dans lesquels le salarié effectuait sa tournée étaient équipés de chariot électrique. Elle en déduit que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité.
► Autrement dit, le fait que les missions du salarié s’effectuent dans des entreprises tierces, clientes de l’employeur, ne crée pas, à l’encontre du salarié, une obligation de l’informer s’il constate que les lieux d’exercice des missions ne sont pas conformes aux préconisations du médecin du travail. C’est à l’employeur qu’il incombe de vérifier que les lieux de travail sont conformes à ces préconisations.
Il reviendra à la cour d’appel de renvoi de trancher l’affaire au fond. L’employeur pourrait être condamné au paiement de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité. Tel a été le cas de l’employeur qui n’avait pas fourni de support de poignet à son salarié, pourtant préconisé par le médecin du travail, et ce, sans qu’il puisse être reproché au salarié de ne pas l’avoir alerté de la nécessité d’acheter cet équipement dès lors que l’employeur était informé de ces préconisations (arrêt du 27 septembre 2017).
Quant au sort du licenciement, celui-ci pourrait être jugé sans cause réelle et sérieuse. En effet, est sans cause réelle et sérieuse le licenciement motivé par une inaptitude résultant du comportement fautif de l’employeur. Ainsi jugé par exemple dans le cas où l’absence de prise en compte des préconisations du médecin du travail a entraîné une aggravation de l’état de santé du salarié et a participé à l’inaptitude définitive de l’intéressé à son poste (arrêt du 17 octobre 2012).
Farah Nassiri
Les conditions pour recourir à l’activité partielle en cas de fortes chaleurs
27/06/2025
Le ministère du travail, de la santé, des solidarités et des famille a publié le 5 juin 2025 une instruction relative à la gestion des vagues de chaleur qui complète l’instruction interministérielle du 27 mai 2024. Elle tient compte des nouvelles mesures introduites par le décret du 27 mai 2025.
Le texte apporte notamment des précisions sur l’activation du dispositif d’activité partielle en cas de fortes chaleurs.
L’employeur qui est contraint de suspendre son activité en période de vigilance orange ou rouge peut déposer une demande d’activité partielle sur le motif “toute autre circonstance de caractère exceptionnel” visé au 5° de l’article R.5122-1 du code du travail auprès de la Dreets du territoire où son établissement est implanté.
Attention, il doit démontrer le caractère exceptionnel de la vague de chaleur et qu’elle affecte directement et de manière imprévisible, irrésistible et extérieure l’activité de son entreprise.
L’administration appréciera alors chaque demande d’activité au cas par cas.
En cas de baisses récurrentes d’activité en lien avec des épisodes de chaleur intense donnant lieu à la mobilisation de l’activité partielle pour le même motif sur plusieurs années, l’autorité administrative peut demander à l’entreprise de souscrire des engagements spécifiques afin de s’adapter à la multiplication de ces événements dans le but notamment de limiter le recours à l’activité partielle.
Le bénéfice de l’activité partielle n’est pas cumulable avec le recours à la récupération des heures perdues.
À noter, s’agissant des entreprises du BTP : avant de demander le bénéfice de l’activité partielle, elles doivent au préalable s’adresser à la Caisse congés intempéries du BTP en vue d’une éventuelle indemnisation des arrêts de travail (là encore, les deux dispositifs ne sont pas cumulables).
Source : actuel CSE