Souriez, vous êtes contrôlés sur les ASC !
16/01/2025
Alors trésorier du CSE de Dassault systèmes Provence à Aix-en-Provence, Eddy Giroud a vu les activités sociales et culturelles (ASC) de son comité passées au peigne fin lors d’un contrôle Urssaf. Son témoignage.
Depuis novembre 2024, Eddy Giroud est le secrétaire adjoint du comité social et économique (CSE) de Dassault Systèmes Provence, un site qui emploie 150 salariés à Aix-en-Provence. Mais à l’époque du contrôle Urssaf (*) subi par le CSE en 2021, il était le trésorier du comité. Il faut dire qu’il est élu depuis 2012, et donc qu’il connaît donc bien les institutions représentatives du personnel. Autre différence : à l’époque, le CSE n’avait pas encore d’expert-comptable. Depuis, l’évolution favorable de sa dotation d’activités sociales et culturelles (158 000€ en 2023) l’a fait basculer dans la catégorie des comités moyens pour lesquels le recours à un expert-comptable s’impose.
Pour autant, le CSE ne compte toujours aucun salarié : “C’est nous qui faisons tout : les ASC, notre site web, le suivi économique de l’entreprise, la santé des salariés, etc. Ce n’est pas toujours simple, il faut parfois faire des heures sup”, insiste le secrétaire adjoint en précisant que le comité utilise une forme de quotient familial.
Précisons que nous avons contacté cet élu à la suite du commentaire qu’il a déposé sous notre article intitulé “Le CSE est libre de décider si les anciens salariés peuvent ou non bénéficier des activités sociales et culturelles”.
Un contrôle différent du précédent
“Le contrôle a duré un mois. En tant que trésorier, j’étais le principal interlocuteur de l’inspectrice”, nous raconte-t-il. Eddy Giroud avoue avoir été frappé par une chose : la différence d’approche de l’inspectrice avec un précédent contrôle de 2017 n’ayant donné lieu à aucune observation ni redressement, comme si l’Urssaf ne s’intéressait pas aux mêmes choses ou n’en avait pas forcément la même lecture. Une remarque à laquelle l’Urssaf a répondu ceci : “En cas de rappel sur les prestations du CSE, s’agissant d’une tolérance administrative, l’employeur (Ndlr : et le CSE) ne peut se prévaloir de la portée et effet du précédent contrôle”.
En l’occurrence, l’inspectrice de l’Urssaf semble avoir particulièrement vérifié les listes d’émargement des salariés bénéficiant des activités sociales et culturelles du CSE. Le fait que les bénéficiaires d’un bon d’achat de Noël n’aient signé la liste qu’après Noël a fait tiquer l’inspectrice, l’octroi d’un avantage aux salariés par le CSE en fin d’année devant être en relation directe avec l’événement.
De fait, la distribution de ces cadeaux de Noël n’a été effective qu’en début d’année. “Et pour cause, nous avions reçus ces bons en retard du fait du fournisseur”, plaide l’élu. L’Urssaf n’a guère montré de tolérance. Considérant que ces bons d’achat avaient été distribués tardivement et donc sans lien avec l’événement leur donnant droit à une exonération sociale, l’Urssaf a indiqué aux CSE que ces bons devaient supporter des cotisations sociales, le redressement atteignant tout de même un montant de 6 000€. Un montant finalement acquitté par l’employeur.
Le bénéfice des ASC aux anciens salariés
Un autre point qui a fait réagir l’inspectrice Urssaf concerne l’ouverture aux activités sociales et culturelles du CSE des anciens salariés devenus retraités, jusqu’à 2 ans après leur départ en retraite, mais aussi de tous les salariés ayant quitté l’entreprise depuis 6 mois, sous réserve qu’ils n’aient pas retrouvé un emploi en bénéficiant des prestations d’un autre CSE.
Ces ouvertures étaient prévues par le règlement des œuvres sociales et culturelles du comité. Et Eddy Giroud d’expliquer : “La volonté du comité, c’était de maintenir un lien social entre les anciens salariés et ceux qui y travaillent, afin que les retraités ne soient pas déconnectés du jour au lendemain de leur ancienne entreprise, surtout dans une petite structure comme la nôtre. Nous voulions aussi soutenir des salariés pouvant se retrouver dans une situation précaire après avoir quitté l’entreprise, par exemple après un CDD”.
L’Urssaf observe alors que les participations du CSE allouées à un salarié après son départ de l’entreprise ne peuvent pas être exonérées de cotisations sociales. L’organisme redresse donc le CSE à hauteur de 430€ correspondant à des activités attribuées à une poignée d’anciens salariés.
Depuis ce redressement, le CSE a choisi de ne plus ouvrir ses ASC aux retraités et aux anciens salariés. “Pour maintenir un lien entre les anciens salariés et l’entreprise, il nous semble plus judicieux d’organiser des événements collectifs et de les inviter à cette occasion, sans que cela engendre des subventions individuelles”, nous indique Eddy Giroud. Le CSE va aussi supprimer la condition d’ancienneté imposée pour le bénéfice de certaines activités, afin de se mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation.
Un conseil : en cas de doute, faites un rescrit !
Reste que ces contrôles laissent un petit goût d’amertume à l’élu CSE. Comment éviter ce type de redressement ? “En cas de doute, je crois qu’il ne faut pas hésiter à faire un rescrit pour interroger l’Urssaf sur la pratique à observer, quitte à passer par votre employeur pour faire la demande. Nous avions pensé le faire pour les anciens salariés, mais nous ne l’avons pas fait”, conseille Eddy Giroud.
Un conseil judicieux dans la mesure où la règlementation est complexe et parfois interprétée différemment selon les Urssaf.
► Rappelons que le rescrit social permet d’interroger l’Urssaf sur l’application précise de la législation relative aux cotisations et contributions sociales à une situation circonstanciée. Cette demande peut se faire auprès de votre Urssaf par courrier avec accusé de réception, par lettre simple, par un courrier remis en main propre contre une décharge, sur le site internet de l’Urssaf (voir le site de l’Urssaf). Sachez que l’Urssaf dispose de 20 jours pour vérifier que votre dossier est complet, et s’il s’agit d’une question nouvelle et sérieuse. Autre élément à connaître : “L’absence de décision à l’issue du délai de trois mois interdit à l’Urssaf tout redressement de cotisations fondé sur le point de législation faisant l’objet de votre demande”.
(*) Les Urssaf sont chargées de collecter et redistribuer les cotisations nécessaires au financement du modèle social français. Elles pratiquent des contrôles afin de vérifier l’exactitude des déclarations. Ces contrôles peuvent donner lieu à une lettre d’observations, suivie d’un échange contradictoire avec le CSE ou l’entreprise qui peuvent répondre aux observations, et ensuite donner lieu à un redressement pour récupérer des cotisations non versées. Un redressement peut faire l’objet d’un recours auprès d’une commission de recours amiable.
Bernard Domergue