Les titres-restaurant sont une activité sociale et culturelle dont le CSE peut revendiquer la gestion

07/03/2025

Le comité social et économique (CSE) a le droit de récupérer les économies réalisées par l’employeur après la dénonciation de l’usage qui permettait aux salariés de bénéficier de titres-restaurant.

Mauvaise nouvelle pour les salariés de la société Amadeus, spécialisée dans la gestion technologique des réservations pour le tourisme : le 4 juin 2021, l’employeur leur annonce sa décision de mettre fin à l’usage d’entreprise sur lequel reposait l’attribution de titres-restaurant. La mesure doit prendre effet le 1er août suivant. Par délibération du 19 octobre 2021, le CSE fait alors savoir qu’il a l’intention “reprendre à son compte, en tant qu’activité sociale et culturelle (ASC), la gestion des prestations de restauration proposées aux salariés, dont l’émission des titres-restaurant”.

La direction accepte bien de rétrocéder l’activité de restauration, mais refuse de procéder au transfert du budget afférent à la gestion des titres-restaurant. Elle considère que cette activité ne relève pas des ASC.

Face à ce refus, le CSE décide de s’en remettre à la justice.

Il réclame le paiement d’une certaine somme, plusieurs milliers d’euros, au titre du financement des titres-restaurant pour les années passées.

Rappel : le monopole du CSE

Avant de poursuivre notre commentaire, rappelons que le CSE dispose d’un monopole de gestion des activités sociales et culturelles. À ce titre, il peut revendiquer la gestion d’une activité exercée par l’employeur et réclamer le transfert du budget correspondant. Mais attention, cela ne peut marcher que si l’activité en question peut être qualifiée d’activité sociale et culturelle.

En première instance, le tribunal judiciaire fait droit aux demandes du comité social et économique (TJ Nanterre, 10 mars 2023, n° 22/00120).

Dans un arrêt du 27 février 2025, la cour d’appel confirme le jugement de première instance : l’attribution de titres-restaurant, c’est bien une activité sociale et culturelles dont le CSE peut revendiquer la gestion

La définition d’une activité sociale et culturelle

Comme le rappelle la cour d’appel dans son arrêt, pour être qualifiée d’ASC, une activité doit être facultative pour l’employeur, bénéficier aux salariés de l’entreprise, avoir vocation à améliorer les conditions de vie et de travail des salariés et, enfin, ne pas être la contrepartie du travail accompli.

► Remarque : la Cour de cassation définit l’ASC comme “toute activité non obligatoire légalement, quels que soient sa dénomination, la date de sa création et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, sans discrimination, en vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise” (Cass. soc., 13 nov. 1975, n°73-14.848).

Après avoir minutieusement analysé les conditions dans lesquelles les salariés de la société Amadeus bénéficiaient des titres-restaurant, les juges arrivent à la conclusion qu’il s’agissait bien d’une activité sociale et culturelle du CSE.

L’octroi de titres-restaurant reposait seulement sur un usage d’entreprise. L’employeur n’avait ni obligation légale, ni obligation conventionnelle et était seulement tenu par un usage qu’il pouvait librement dénoncer. D’où le caractère facultatif de l’activité.

En ce qui concerne l’absence de contrepartie au travail, il a été relevé qu’il n’y avait pas de lien entre les titres-restaurant et le travail accompli. Les titres-restaurant n’étaient donc pas la contrepartie d’un travail particulier ou la récompense d’un travail accompli ou d’objectifs réalisés.

Le CSE a le droit de récupérer les économies générées par l’arrêt de l’attribution des titres-restaurant

Les économies doivent être rétrocédées au CSE

En s’appuyant sur une jurisprudence de la Cour de cassation, la cour d’appel confirme la condamnation de la société Amadeus à rembourser au CSE les économies réalisées par l’employeur du fait de l’arrêt de l’attribution des titres-restaurant.

D’après cette jurisprudence, “dès lors que le CSE a un monopole de gestion des ASC établies dans l’entreprise, quand bien même il a délégué à l’employeur la gestion d’une partie de ses activités, le montant de la contribution au financement des activités doit être fixé en tenant compte de la totalité des dépenses sociales de la période de référence. L’employeur ne peut pas diminuer sa contribution au budget des ASC des sommes affectées à l’activité déléguée (Cass. soc., 30 mars 2010, n° 09-12.074).

Pour la cour d’appel, il en résulte nécessairement que si l’employeur fait des économies sur l’activité qu’il a conservée en gestion, ces économies doivent être reversées au CSE, qui les affectera à d’autres ASC.

C’est bien ce qui s’est passé dans cette affaire.

L’employeur pouvait librement mettre fin à l’usage consistant en l’attribution de titres-restaurant, mais les économies ainsi générées devaient revenir au budget du CSE, dès lors que l’attribution des titres-restaurant relevait des ASC.

► Cette solution rejoint celle adoptée par la cour d’appel de Versailles le 6 février dernier à propos des économies réalisées par un employeur sur la restauration

Frédéric Aouate