CSE

Fin de carrière : près de 30 % des seniors ni en emploi, ni en retraite

24/04/2023

Entre 2003 et 2018, 171 000 seniors ont quitté leur emploi prématurément pour des raisons de santé, de chômage ou d’autres formes d’inactivité, selon une note de France Stratégie. Parmi les métiers à risque, les ouvriers peu qualifiés du bâtiment et de la manutention. Une situation qui risque de s’aggraver avec le report de l’âge légal de départ à la retraite.

Voilà une étude qui ne laissera pas indifférents les partisans ou les opposants à la réforme des retraites. Car si la loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a été publiée au Journal officiel, elle fait l’impasse sur un enjeu clef : l’emploi des seniors. Le Conseil constitutionnel a, en effet, retoqué plusieurs cavaliers sociaux dont l’Index et le CDI seniors, deux mesures censées améliorer le taux d’emploi de cette classe d’âge.

Le report de deux ans de l’âge légal de départ sera donc un nouveau coup dur. D’autant que de nombreuses personnes ne passent pas directement de l’emploi à la retraite. France Stratégie, une institution rattachée au Premier ministre, évalue ces départs précoces à 29 %. Ils concernent, chaque année, 171 000 personnes, sur la période 2003-2018. Une note, diffusée, mercredi 19 avril, et intitulée “Fin de carrières des seniors : quelles spécificités selon les métiers ?” détaille les profils de ces personnes “ni en emploi, ni en retraite”.

Trois motifs de départ

Selon son auteur, Jean Flamand, chef de projet au sein du département travail, emploi, compétences de France Stratégie, trois raisons principales motivent ces départs : les raisons de santé (longue maladie ou invalidité dès 51 ans et congé de longue maladie dès 56 ans), le chômage (pour les personnes âgées de 59 ans ou plus) et les autres formes d’inactivité (dès 56 ans, ceux ayant par exemple renoncé à la recherche d’un emploi pour s’occuper d’un proche en situation de dépendance). Ce terme englobant les seniors inactifs de plus de 55 ans n’étant ni en retraite ou en pré-retraite, ni au chômage, ni en longue maladie ou invalidité.

Certes, toutes ces sorties ne sont pas définitives. Il n’empêche : passé le seuil d’un certain âge, le retour à l’emploi relève d’une véritable gageure : les sorties vers le chômage à partir de 59 ans s’accompagnent d’un retour à l’emploi dans moins de 15 % des cas et les départs pour d’autres motifs que le chômage sont définitifs dans plus de neuf cas sur dix.

Dans le détail, entre 2004 et 2009, les départs à la retraite et le recours aux dispositifs de préretraites ont représenté 71 % des fins de carrière seniors. Les raisons de santé expliquent 10 % de ces départs, le chômage 4 % et les autres types d’inactivité 15 %.

Des sorties précoces plus nombreuses chez employés et les ouvriers

Si l’ampleur des sorties précoces de l’emploi apparaît “très hétérogène”, France Stratégie observe que “la proportion de sorties précoces est d’autant plus importante que l’on descend l’échelle des qualifications”. Sur la période 2004-2019, elle oscille entre 21 % chez les cadres et 46 % chez les ouvriers peu qualifiés. Entre ces deux statuts, les sorties prématurées représentent au moins 39 % des départs en fin de carrière chez les employés peu qualifiés et les ouvriers qualifiés, contre seulement 29 % pour l’ensemble des seniors qui partent en fin de carrière. “Cette surreprésentation en particulier pour raison de santé et vers le chômage peut être analysée en lien avec les conditions de travail et les modes de gestion de la main-d’œuvre des métiers exercés”, relève France Stratégie.

Des âges différents selon les métiers

Par ailleurs, ces départs précoces de l’emploi interviennent à des âges différents selon les métiers : c’est 57 ans en moyenne pour les ouvriers peu qualifiés des industries de process et pour les caissiers et employés de libre-service, et près de 60 ans pour les assistants maternels, les dirigeants et les cadres d’hôtels, cafés et restaurants.

A l’autre extrémité, parmi les métiers les moins concernés par les départs précoces de l’emploi, ce sont les techniciens ou les cadres qui sont davantage représentés : on trouve notamment les médecins, les personnels d’études et de recherche, les ingénieurs et cadres techniques de l’industrie, les cadres de la banque ou encore les enseignants. Dans ces métiers, la proportion de sorties précoces oscille entre 3 % et 25 % des cessations d’activité.

20 métiers à la loupe

France Stratégie a choisi de mettre en avant 20 professions avec la part de sorties précoces la plus élevée. Parmi les métiers figurent notamment les ouvriers (manutention, bâtiment, métallurgie, bois, agroalimentaire) et les employés de services aux particuliers (aides à domicile, employés de maison) et à la collectivité (agents d’entretien). Si la cause de ces sorties pour raisons de santé peut être extérieure à l’activité professionnelle, “des conditions de travail difficiles sont associées à un risque accru d’accident du travail”.

Au-delà des accidents du travail, “les maladies professionnelles peuvent également jouer un rôle dans le retrait précoce de l’emploi”, en premier lieu les troubles musculosquelettiques (TMS). Ces pathologies sont concentrées dans l’industrie de transformation alimentaire, le gros œuvre, les activités d’hypermarché et de supermarché, le secteur de l’aide à domicile et les activités hospitalières.

Caractère “soutenable” du travail ?

Dans ces conditions, l’hypothèse d’un lien entre les départs précoces et le caractère “soutenable” du travail peut-elle être confirmée ? France Stratégie répond ici par l’affirmative. “Une relation existe bel et bien” entre les départs plusieurs années avant l’âge de la retraite et les conditions de travail ressenties.

Onze des métiers qui connaissent un taux élevé de sorties précoces de l’emploi figurent aussi sur la liste des vingt métiers qui récoltent le plus fort taux de réponses négatives à cette question. Les travailleurs de ces métiers mettent davantage en avant des conditions de travail insatisfaisantes ou des problèmes de santé comme facteurs importants de départ à la retraite.

Vers une augmentation des arrêts maladie ?

France Stratégie ne se prononce pas sur les répercussions de la nouvelle réforme, en supposant que “certains travailleurs recourront aux nouveaux dispositifs de prévention de la pénibilité ou adapteront leur comportement à l’évolution de l’âge légal de départ”. Sur la base de deux études, l’auteur remarque, toutefois, que la réforme de 2010 avait entraîné “une augmentation de la probabilité d’avoir un arrêt maladie pour les individus proche de l’âge d’ouverture mais pas encore à la retraite au moment de l’entrée en vigueur de la réforme”. Avec à la clef, un impact non négligeable sur la consommation de soins de santé.

Une situation qui risque de se réitérer avec la nouvelle réforme…  

Anne Bariet

[1/4] La comptabilité du CSE : la dualité des budgets

27/04/2023

A partir d’une conférence donnée par Julien Sportes, du cabinet Tandem Expertise, et bien sûr avec son accord, nous vous proposons une série de quatre articles sur la comptabilité du comité social et économique (CSE), série que nous conclurons par une interview de l’expert au sujet du bilan de mandature. Aujourd’hui : la règle de séparation des deux budgets, le budget des attributions économique et professionnelles (ou budget dit de “fonctionnement”) et le budget des activités sociales et culturelles (ASC).

Sur la base d’un document écrit par Julien Sportès, le directeur du cabinet Tandem Expertise, pour une conférence donnée au salon Eluceo, nous vous proposons une série de d’articles concernant la comptabilité du comité social et économique, un sujet qui devrait intéresser anciens et nouveaux élus, dans la perspective de la vague de renouvellement des CSE que connaissent les entreprises.

Commençons donc par le premier article sur la dualité des budgets.

INTRODUCTION : POURQUOI TENIR UNE COMPTABILITÉ

Le respect des règles prévues par les textes

Le CSE est soumis à certaines obligations comptables en tant que personne morale gérant des ressources

Disposer d’une documentation pour la sincérité et la transparence des comptes

Élus = gestionnaires

Communiquer aux salariés sur l’utilisation de la subvention et le respect du principe de l’amélioration de la vie et des conditions de travail des salariés

Rendre compte du mandat confié par les salariés

La comptabilité permet de suivre régulièrement la situation financière du comité

Connaître les dépenses réalisées et les recettes perçues afin de déterminer le résultat de chaque budget

Instrument de pilotage : suivi des décisions des élus (activités prévisionnelles et réalisées)

Connaitre la situation patrimoniale du comité et assurer son suivi/sa transmission

RAPPEL DE LA DUALITÉ DES DEUX BUDGETS DU CSE
Les attributions économiques et professionnelles (AEP, dit souvent “budget de fonctionnement”)

► Rappel. Depuis les Lois Auroux (1982), le CE puis le CSE bénéficie d’une subvention destinée à permettre « le fonctionnement du comité dans ses Attributions Économiques et Professionnelles » (AEP) et à renforcer l’autonomie du comité en lui donnant des moyens pour fonctionner. Le budget des AEP relève des activités des élus.

♦ Moins de 2 000 salariés : 0,2 % de la masse salariale annuelle
♦ Plus de 2 000 salariés : 0,22 % de la masse salariale annuelle

► Le taux peut être revu à la hausse par accord collectif

Que peut financer le budget des AEP ?

Assurer le bon fonctionnement du comité (documentation, assistance juridique et comptable, sténotypie, frais de missions et réceptions des élus, frais de personnel,…)

Recourir à des expertises portant sur les orientations stratégiques, OPA, droit d’alerte économique, Procédures de sauvegarde, redressement et de liquidation judiciaire, expertise libre…

Financer les dépenses de communication (notamment la présentation, aux salariés, du rôle des élus et du CSE, création du logo du CSE…)

Former les membres du comité

Un champ d’attributions élargies par l’ordonnance du 22 septembre 2017

Les charges de fonctionnement du CSST (ex-CHSCT) sont transférées sur le budget AEP du CSE

Les représentants de proximité (RP) peuvent générer de nouvelles dépenses à la charge du CSE (Frais de déplacement, frais de mission…)

Prise en charge de la formation des délégués syndicaux et des RP par le CSE sous condition d’une délibération en réunion de CSE (sauf si l’accord de mise en place du CSE prévoit des dispositions plus favorables)

Certaines dépenses restent à la charge de l’employeur : 

L’employeur à l’obligation de mettre à disposition du comité un local indépendant, meublé, éclairé, chauffé, conforme aux normes d’hygiène et de sécurité

L’employeur doit financer le matériel « nécessaire à l’exercice des fonctions du comité » (ligne téléphonique, photocopieuse, matériel informatique).

► En revanche, les frais liés à l’utilisation de ce matériel sont à la charge du comité.

Les frais de déplacement liés aux réunions officielles du Comité sont pris en charge par l’employeur

Le budget des activités sociales et culturelles (les “ASC”)

► Rappel Les ASC correspondent à des activités facultatives accessibles à tous, sans discrimination, qui améliorent les conditions de vie (loisirs, sports, services sociaux) et de travail des salariés (bien-être).

Qui sont les bénéficiaires des activités sociales et culturelles ?

Prioritairement les salariés, stagiaires, (anciens salariés non prioritaires) ont vocation à bénéficier des ASC

La famille du salarié (conjointe/concubin, enfant à charge effective et permanente)

Dans le cadre des familles recomposées, les prestations allouées aux enfants du conjoint, concubin ou pacsé du salarié sont exonérées de cotisations.

Les personnes extérieures en détachement au sein de l’entreprise (intérimaires, consultants) doivent bénéficier des équipements collectifs des ASC (restauration, salle de sport) et peuvent par disposition conventionnelle favorable bénéficier des ASC individuelles

Les critères d’accès aux ASC du CSE doivent être objectifs et non discriminatoires

Le comité peut décider librement des bénéficiaires ainsi que des critères d’attribution des ASC : il peut déterminer des conditions d’ancienneté pour pouvoir s’inscrire à un voyage.

Mais attention, cette liberté est «limitée», car le comité ne doit faire aucune discrimination ou exclusion, l’ensemble des collaborateurs devant pouvoir bénéficier des ASC.

Les critères discriminatoires, donc à proscrire : nationalité, sexe, âge, appartenance à une religion ou à un syndicat, durée du travail (temps partiel/temps complet), la catégorie socio-professionnelle (CSP), salarié en longue maladie, etc.

► A retenir : la remise en cause du caractère non discriminatoire des ASC peut entraîner une requalification des activités sociales en avantages soumis à cotisations sociales par l’Urssaf en cas de contrôle.

Les critères admis par l’Urssaf : revenus du salarié ou du foyer, composition de la famille, âge des enfants, présence effective lors de l’évènement.

​​Les critères déterminés par le comité devront être connus de tous les salariés au sein de l’entreprise

Prévoir un canal d’information accessible à tous les salariés (mail, affichage…)

Prévoir un calendrier adapté (tenant compte des week-ends, congés scolaires) pour communiquer sur l’ouverture d’une ASC

LE PRINCIPE DE LA DUALITÉ DES BUDGETS A ÉTÉ ÉCORNÉ PAR LES ORDONNANCES DE 2017 

L’ordonnance du 22 septembre 2017 introduit un aménagement au principe de la dualité des budgets è une quote-part de l’excédent annuel (ou bénéfice) de l’un des budgets peut être versé sur l’autre budget après délibération du CSE : 

Le décret du 29 décembre 2017 prévoit une limite au transfert du budget des ASC vers le budget des AEP de 10 % de l’excédent annuel

Le décret du 29 octobre 2018 prévoit une limite au transfert du budget des AEP vers le budget des ASC de 10 % de l’excédent annuel

Attention, les conséquences sont importantes :

Un transfert du reliquat du budget des AEP vers les ASC empêche le financement intégral d’une expertise par l’entreprise pendant 3 ans prévu au 3° de l’article L.2315-80 du code du travail

La prise en charge intégrale d’une expertise par l’entreprise (au lieu d’un co-financement) empêche le transfert du budget AEP vers le budget ASC pour les 3 années suivantes

​​

Utilisez votre budget pour former les élus et pour vous faire accompagner !     On voit régulièrement des CSE utiliser la possibilité de réversion de 10% d’un budget sur l’autre, le plus souvent du budget de fonctionnement vers celui des ASC. Si c’est un montant mineur, cela ne vaut guère le coup, mais si c’est une somme importante, cela peut aussi traduire une utilisation insuffisante par le CSE de son budget des attributions économiques. Cela peut être problématique sauf dans certains cas. Je pense à un CSE dont l’employeur prenait tellement de choses en charge (sténotypie, formations, etc.) que le comité ne savait plus quoi faire de son budget de fonctionnement, mais ceci n’arrive pas souvent ! Je conseille notamment aux CSE d’utiliser leur budget de fonctionnement pour former les élus. Avec les ordonnances Macron, beaucoup de choses ont changé, il y a des nouveautés, et il faut pouvoir les assimiler. Or il y a eu une sorte de loupé dans la formation des élus, entre la sortie des ordonnances et leur mise en œuvre dans les entreprises, d’autant que la crise Covid est arrivée ensuite…Le budget de fonctionnement est là pour ça, pour former les élus et pour les accompagner dans leurs missions : il y a par exemple les expertises libres que le comité peut décider et financer pour disposer d’un appui, il y a aussi des accompagnements possibles pour les commissions du CSE : la commission égalité F/H, la commission environnement, etc. 

  Prochain article : les obligations comptables du CSE

Julien Sportès

Le Smic réévalué à 11,52 euros à compter du 1er mai

28/04/2023

Un arrêté du 26 avril 2023 confirme la hausse du Smic à compter du 1er mai 2023. 

En métropole, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, le montant du Smic brut horaire passe ainsi à 11,52 euros, soit une augmentation de 2,22 %. Son montant mensuel sera de 1 747,20 euros sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires. 

A Mayotte, le montant du Smic brut horaire s’élèvera à 8,70 euros, soit 1 319,50 euros mensuels sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires.

Le minimum garanti s’établira à 4,10 euros. 

Plusieurs syndicats ont dénoncé cette semaine l’insuffisance de cette revalorisation.

Source : actuel CSE