Un nouveau décret, sur le partage de valeur, enrichit la BDESE

08/07/2024

Est paru ce week-end au Journal officiel un nouveau décret qui transpose plusieurs mesures de l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise.

Comme le précise la notice du texte réglementaire, ce texte précise :

  • les modalités de calcul du seuil de 11 salariés à partir duquel les entreprises non couvertes par l’obligation de mise en place de la participation et réalisant des bénéfices réguliers doivent, à titre expérimental et pendant une durée de cinq ans, pour les exercices postérieurs au 31 décembre 2024, mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur ;
  • les modalités de calcul du seuil de cinquante salariés ouvrant droit à l’exonération fiscale pour la prime de partage de la valeur ;
  • que le déblocage anticipé des plans d’épargne entreprise en raison de l’activité de proche aidant peut intervenir à tout moment.

Le décret prévoit : 

  • que les entreprises insèrent dans la base de données économiques, sociales et environnementale (BDESE) la déclaration publique « pays-par-pays » telle que prévue par la directive (UE) n° 2021/2101 du parlement et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés.
  • trois nouveaux cas de déblocage anticipé des plans d’épargne entreprise (PEE) liés à la rénovation énergétique de la résidence principale, à l’achat d’un véhicule propre, et à l’activité de proche aidant ;
  • le rehaussement du plafond global des abondements de l’employeur au PEE de 8 % à 16 % du montant annuel du plafond de la sécurité sociale en cas d’abondement unilatéral de l’employeur destiné à l’acquisition d’actions de l’entreprise.

Enfin, le décret actualise certaines dispositions relatives à l’intéressement, la participation et aux plans d’épargne salariale.

Nous reviendrons sur ces dispositions dans une prochaine édition. 

Source : actuel CSE

L’Urssaf accompagne les employeurs et les indépendants récemment touchés par des intempéries

08/07/2024

Pour tenir compte des conséquences pour les employeurs et les indépendants des récentes intempéries survenues en Pays de Loire, en Bretagne, en Champagne-Ardenne, en Rhône-Alpes et en Martinique, l’Urssaf a décidé d’activer des mesures d’urgence pour les accompagner lorsque leur activité a été affectée.

Comme dans d’autres régions touchées auparavant par les inondations, l’Urssaf indique qu’elle “fera preuve de compréhension face à un retard de déclaration”, si l’entreprise est “dans l’impossibilité temporaire de réaliser [ses] déclarations du fait des inondations”.

Les entreprises concernées peuvent ainsi solliciter leur Urssaf pour demander un report de leurs échéances de cotisations via la mise en place d’un délai de paiement. Les pénalités et majorations de retard dues dans ce cadre feront l’objet d’une remise d’office.

Pour effectuer leur demande, les employeurs peuvent contacter l’Urssaf via leur messagerie sécurisée (“Messagerie” ; “Une formalité déclarative” ; “Déclarer une situation exceptionnelle (catastrophe naturelle, incendie…)”) ou par téléphone au 3957 choix 3.

Source : actuel CSE

Impôt sur les bénéfices : la BDESE doit comprendre la déclaration publique “pays par pays”

09/07/2024

Un décret du 5 juillet 2024 complète les articles R. 2312-8 (entreprises de moins de 300 salariés) et R. 2312-9 (entreprises d’au moins 300 salariés) du code du travail relatifs au contenu supplétif de la base de données économiques, sociales, et environnementales (BDESE), c’est à dire le contenu qui s’impose en l’absence d’accord sur la BDESE.

Dans la partie “fonds propres, endettement et impôts”, l’item “impôts et taxes” est modifié pour ajouter la mention “et notamment les informations contenues dans le rapport prévu au I de l’article L. 232-6 du code de commerce”. Il s’agit du rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices, autrement appelé “déclaration publique pays par pays”, obligatoire dans certaines sociétés pour les exercices ouverts à compter du 22 juin 2024.

Cette obligation d’insérer dans la BDESE la déclaration publique pays par pays, lorsqu’elle existe, était prévue par l’article 5 de l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur.

Ce rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices a été rendu obligatoire en France par l’ordonnance 2023-483 du 21 juin 2023, transposant la directive 2021/2101 du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les bénéfices.

Le document doit être déposé au greffe du tribunal de commerce dans les 12 mois qui suivent la clôture de chaque exercice, et mis gratuitement à la disposition du public sur le site internet de la société ou succursale pendant au moins cinq années consécutives (article R 232-23 du code du commerce). Le contenu et la présentation du rapport sont détaillés aux articles L.232-6, II et R.232-8-2 du code de commerce.  

Source : actuel CSE

Situation économique et sociale de la France : la photo contrastée de l’Insee

11/07/2024

Alors que notre pays vient de renouveler son Assemblée nationale et va donc changer de gouvernement, les dernières statistiques de l’Insee offrent une image contrastée de la situation économique et sociale de la France. Le nouvel exécutif devra piloter un pays où l’emploi résiste, mais dans lequel les travailleurs perdent du pouvoir d’achat et les entreprises perdent des parts de marché à l’international.

La tâche qui attend le futur gouvernement n’est pas simple si l’on examine la photographie de la situation économique et sociale qui résulte de la note de conjoncture publiée le 9 juillet par l’Institut national de la statistique (lire en pièce jointe). Sur le plan social, en effet, on peut y lire que les salaires réels devraient progresser en 2024 mais sans rattraper les baisses de pouvoir d’achat de 2022 et 2023 : la question du niveau de vie des travailleurs continue donc de se poser.

Concernant l’emploi, la situation n’est pas mauvaise, avec notamment une élévation continue de la population active, et un taux de chômage de 7,5%. Mais cette situation devrait se dégrader en fin d’année et la baisse des entrées en formation des demandeurs, si elle peut se solder par des prises d’emploi plus nombreuses, pose aussi la question de l’élévation globale des compétences dont le tissu économique a besoin.

Plus inquiétante est la situation de long terme de l’économie française dans le contexte international. Si la baisse des impôts de production décidée par Emmanuel Macron soutient le taux de marge des entreprises, ce dernier se dégrade néanmoins et les investissements des entreprises semblent dépendre de l’incertitude des marchés internationaux (une “volatilité” qui s’explique aussi par la guerre en Ukraine, la perspective des élections aux Etats-Unis, etc.) mais aussi de l’imprévisibilité de la situation politique française. 

En outre, si les exportations tricolores se portent mieux et si la productivité de ses entreprises se redresse, deux bons points pour notre économie, la France ne regagne pas les parts de marché perdues depuis la crise sanitaire au profit de ses concurrents, et singulièrement de la Chine. Point positif cependant : l’industrie, qui n’a pas retrouvé la productivité qu’elle avait avant la crise sanitaire, continuerait d’avoir un solde d’emploi positif et les services tirent toujours l’emploi. Voyons cela en détail. 

Une croissance qui repart doucement

Concernant la croissance, l’Insee estime que :

  • la zone Euro semble “repartir doucement” avec une prévision de croissance de +1,1% en 2024 ;
  • l’économie française repart en légère hausse (+ 0,2% au 1er trimestre 2024) et devrait bénéficier d’un effet “Jeux olympiques” d’environ 0,3 point de PIB au 3e trimestre, “avant un contrecoup en fin d’année, ce qui donnerait pour 2024 une croissance de + 1,1%, comme en 2023. Cette croissance serait tirée par les exportations en hausse (+ 3,5 % au lieu de 2,5 % en 2023) et par un regain de consommation des ménages ( + 1,3 % contre 0,9 % en 2023) ;
  • le taux de marge des sociétés non financières, soutenu par la baisse des impôts de production, a néanmoins baissé au 1er trimestre 2024 (32% de la valeur ajoutée, soit – 1,2 point par rapport à fin 2023) et devrait s’établir à 32,2% sur l’année, soit une baisse de 0,7 point. Ce taux de marge est favorise par des gains de productivité qui excèdent les hausses de salaires réels, souligne l’Insee ;
  • l’investissement des entreprises devrait se stabiliser cette année, bien que leurs marges soient absorbées par les frais financiers, note l’Insee. Mais la situation politique génère une forme d’attentisme. L’Insee ne pose pas la question mais on peut aussi s’interroger sur la pérennité des investissements étrangers en France annoncées lors des sommets “Choose France” en cas de changement de politique économique.

L’inflation baisse, mais les salaires ne compensent pas les pertes de pouvoir d’achat

Bonne nouvelle avancée par l’Insee : l’inflation s’est stabilisée à + 2,1% sur un an, contre + 4,5% un an plus tôt. En conséquence, le pouvoir d’achat des ménages devrait augmenter de + 0,9% en 2024. Cela étant, cette hausse ne s’explique pas par les salaires, dont l’augmentation reste modérée, mais par la revalorisation des prestations et pensions. On retrouve ici les effets de la politique de l’offre conduite par l’exécutif depuis 7 ans, et qui consiste à favoriser le maintien du pouvoir d’achat par des dispositifs d’exonérations et de prestations plutôt que par une incitation à l’augmentation des salaires, avec des revalorisations limitées du Smic au nom du maintien des emplois et de la compétitivité des entreprises.

A ce sujet, rappelons que le Nouveau Front populaire (NFP) s’inscrit en faux contre cette analyse et estime que sa promesse de porter le Smic à 1600€ n’aurait pas d’effet destructeur sur l’emploi, ce qui ne l’empêche pas, paradoxalement, de promettre des aides aux PME afin de favoriser cette transition. Le NFP promet aussi d’indexer les salaires sur l’inflation, une mesure défendue par certains économistes.

La moindre progression attendue des rémunérations pour 2024 (+ 2,7 % du salaire moyen par tête (SMPT) contre + 4,1% en 2023) s’explique selon l’Insee par une baisse des versements de prime de partage de la valeur cette année.

On peut à cet égard se demander quel serait l’effet, sur les entreprises, d’une application de la promesse d’Ensemble, durant les législatives, de porter la PPV jusqu’à 10 000 euros par an et d’en permettre la mensualisation. 

Sur 2024, estime l’Insee, “les gains de pouvoir d’achat” seraient loin de rattraper les pertes subies en 2022 (- 1,9 %) et 2023 (- 0,6%). Cette situation qui favorise la compétitivité et les marges des entreprises, est singulière selon l’Institut : “Cette baisse des salaires réels est inédite en comparaison avec les chocs pétroliers des années 1970, puisque les salaires réels avaient continué de progresser, notamment lors du premier choc pétrolier, malgré une inflation plus forte, dans un contexte où, il est vrai, les gains de productivité annuels étaient plus élevés qu’actuellement”.

Emploi : la population active augmente, mais le chômage remonterait légèrement fin 2024

La population active devrait encore augmenter en 2024 ( + 230 000 personnes) du fait “de la montée en charge de la réforme des retraites”, avec un taux d’emploi des 15-64 ans qui atteint 68,8%, le plus haut depuis 1975, mais aussi en raison de moindres entrées en formation des demandeurs d’emploi, du fait de la baisse des crédits décidés par l’Etat. Là se pose la question d’un impact négatif à terme pour l’économie d’une moindre progression des qualifications professionnelles.

L’emploi a progressé au 1er trimestre 2024 notamment dans le tertiaire marchand et devrait progresser modérément dans l’industrie mais se replier dans la construction, soit une prévision de hausse globale de 0,6% cette année ( + 185 000 emplois, contre + 156 000 en 2023, + 376 000 en 2022 et 814 000 en 2021).

Le taux de chômage devrait passer de 7,5% en début d’année (soit + 0,4 point par rapport à 2023) à 7,6% fin 2024. Cette prévision de dégradation est à mettre en rapport avec le nouveau durcissement des conditions et de la durée de l’indemnisation des chômeurs qu’avait prévu le gouvernement Attal, qui a in extremis finalement renoncé à publier le décret qui aurait permis l’entrée en vigueur de cette réforme au 1er décembre prochain. 

La place de la France dans l’économie mondiale

Terminons par ce constat global et inquiétant dressé par les statisticiens : “Depuis la crise sanitaire, les principales économies avancées ont subi des pertes de part de marché au profit de certaines économies émergentes, en premier lieu la Chine”, et ces pertes de performance à l’exportation de la zone euro “semblent pour partie pérennes”.

C’est notamment le cas de certains secteurs où la France étaient bien placés comme l’industrie pharmaceutique, les équipements électriques et l’industrie automobile, la part de marché à l’exportation de la France sur ce secteur ayant enregistré une perte de 13% entre 2019 et 2023.

Bernard Domergue

Le nombre de bénéficiaires d’une prime d’épargne salariale a augmenté de 6,3 % sur un an

11/07/2024

“Dans un contexte de hausse de l’inflation, les primes de participation, d’intéressement et l’abondement d’un plan d’épargne salariale versés par les entreprises du secteur privé non agricole à leurs salariés poursuivent leur progression. Leur montant est estimé à 26,3 milliards d’euros bruts en 2022”, selon les chiffres de la Dares publiés hier. Cela représente un montant moyen de 2 920 euros par bénéficiaire dans les entreprises de 10 salariés et plus, contre 2 871 euros l’année précédente. Mais surtout, le nombre de ces bénéficiaires est passé de 8,4 à 8,9 millions en un an. C’est 46,3 % des salariés du secteur privé non agricole et 87,5% des salariés couverts par au moins un dispositif de l’épargne salariale.

Dans le détail, le dispositif le plus répandu reste le PEE (plan d’épargne entreprise), qui concerne 44,4 % des salariés couverts. Viennent ensuite la participation aux résultats de l’entreprise (39,1 %), l’intéressement (34,6 %) et le Perco (26,3 %). “Ces proportions sont quasi stables depuis 2020”, mais toujours très inégalitaires selon les secteurs d’activité et les tailles d’entreprise.

Source : actuel CSE

[3 Q / R] Candidature titulaire et suppléant, prorogation tacite des mandats, reformulation des questions mises à l’ordre du jour

12/07/2024

Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine 3 questions posées par des élus du personnel. Dans cet article, Dominique Durand répond aux questions suivantes : Un candidat peut-il se présenter comme titulaire et suppléant aux élections professionnelles ? Le mandat des élus sortants peut-il être prorogé tacitement dans l’attente du renouvellement du CSE ? L’employeur peut-il reformuler les questions que le CSE lui a transmises pour figurer à l’ordre du jour ?

Dans le cadre du service de renseignement juridique par téléphone de Lefebvre Dalloz, les juristes de l’Appel Expert sont souvent sollicités par des élus du personnel. Chaque mois, nous leur demandons de choisir trois questions qui leur ont été soumises et d’y répondre. Voici leur sélection pour juillet 2024.

[3 questions d’élus, 3 réponses d’expert]

Frédérique Durand,

juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en juillet 2024

Un candidat peut-il se présenter comme titulaire et suppléant

aux élections professionnelles ?

Oui, la double candidature est possible

Un candidat peut en effet se présenter à la fois comme titulaire et suppléant comme l’a expliqué la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2016 (n° 16-11.622) : “Un salarié peut se porter candidat à une même fonction en qualité de titulaire et en qualité de suppléant”. En effet, aucune disposition légale n’interdit la candidature simultanée. Cette faculté implique seulement la volonté du candidat d’être élu en premier lieu comme titulaire et en second lieu comme suppléant. De ce fait, le candidat ne pourra pas opter pour un poste supplémentaire de suppléant dès lors qu’il aura été élu titulaire.

Si un salarié est élu sur les deux postes de titulaire et suppléant, l’irrégularité entraîne l’annulation de son élection en tant que suppléant, ainsi que l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 janvier 1978 (n° 77-60.610).

Si un candidat élu titulaire ne veut pas accepter ses fonctions, il doit alors démissionner et cette démission ne peut voir pour conséquence de déclarer un autre candidat de la même liste comme élu titulaire. Son remplacement doit être assuré par un suppléant de la même catégorie jusqu’à expiration des fonctions de celui qu’il remplace, comme l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 29 mai 1975 (n°75-60.010).

Le mandat des élus sortants peut-il être prorogé tacitement dans l’attente du renouvellement du CSE ?

Mieux vaut proroger les mandats dans les formes

Les membres de la délégation du personnel sont élus en principe pour 4 ans (article L.2314-33 du code du travail). Un accord de branche, de groupe ou d’entreprise peut fixer une durée de mandat différente entre 2 et 4 ans (article L.2314-34). Par ailleurs, l’initiative du renouvellement des instances représentatives du personnel appartient à l’employeur. L’invitation des syndicats à négocier le protocole d’accord pré-électoral et à établir leur liste de candidats doit avoir lieu 2 mois avant l’expiration des mandats des représentants en exercice. Elle doit parvenir aux syndicats au plus tard 15 jours avant la date de première réunion de négociation. Le premier tour doit avoir lieu dans la quinzaine qui précède l’expiration des mandats (article L.2314-5).

En pratique, il est fréquent que les élections ne soient pas organisées à temps et que les mandats soient prorogés par accord tacite. Il vaut mieux éviter cependant ce genre de situations : le défaut de renouvellement de l’instance en bonne et due forme peut constituer un délit d’entrave sanctionné par l’article L.2317-1 du code du travail. De plus, les délibérations adoptées par le CSE demeuré en place peuvent être invalidées en cas de contentieux. Par exemple, le juge a décidé que la consultation du CSE du un projet de licenciement économique alors que les mandats étaient expirés équivaut à une absence de consultation. L’irrégularité cause nécessairement un préjudice au salarié licencié (Cour de cassation, 3 mars 1998, n° 95-45.201).

Autre exemple : un CSE a été consulté sur le licenciement d’un salarié protégé alors que les mandats n’ont pas été prorogés régulièrement. Cette situation équivaut à une absence de consultation, c’est donc à bon droit que l’inspecteur du travail peut refuser l’autorisation de licenciement du salarié protégé (Conseil d’Etat, 29 juin 1990, n° 85254).

Il est donc préférable de proroger les mandats conformément aux exigences de la jurisprudence, par un accord unanime entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives. Rappelons également que les dispositions relatives à la durée des mandats sont d’ordre public, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 9 novembre 2016 (n° 15-29.067).

L’employeur peut-il reformuler les questions que le CSE lui a transmises pour figurer à l’ordre du jour ?

Non, les élus du CSE ne peuvent l’exiger

Selon l’article L.2315-29, “L’ordre du jour de chaque réunion du CSE est établi par le président et le secrétaire. Les consultations rendues obligatoires par une disposition législative ou réglementaire ou par un accord collectif de travail sont inscrites de plein droit à l’ordre du jour par le président ou le secrétaire”. Le juge rappelle de plus que chaque réunion du CSE doit donner lieu à un ordre du jour dans un arrêt de la Cour de cassation du 25 juin 2003 (n° 01-12.990). L’employeur doit également mettre le secrétaire en mesure de participer à l’élaboration de l’ordre du jour, l’élaboration conjointe en restant la règle (Cour de cassation 12 juillet 2010, n° 08-40.821).

La jurisprudence récente vient préciser que les élus du CSE ne peuvent exiger que les questions transmises au secrétaire soient inscrites de manière identique à l’ordre du jour sans aucune reformulation (Cour de cassation, 4 octobre 2023, n° 22-10.716). Le secrétaire peut toujours refuser de signer l’ordre du jour. Une réunion extraordinaire pourra se tenir pour évoquer les points que les élus veulent aborder. Rappelons que selon l’article L.2315.31 du code du travail, quand le CSE se réunit à la demande de la majorité de ses membres, les questions jointes à la demande de convocation sont inscrites à l’ordre du jour de la réunion.

Une infographie de Marie-Aude Grimont

Avec les juristes de l’Appel Expert du groupe

L’expert habilité désigné par le CSE peut, s’il l’estime nécessaire, auditionner les salariés de l’entreprise

12/07/2024

S’il considère que l’audition de salariés est utile à l’accomplissement de sa mission, l’expert désigné en raison d’un risque grave peut y procéder à la (seule) condition d’obtenir l’accord des salariés concernés.

L’expert habilité désigné par le CSE en raison d’un risque grave peut-il, pour les besoins de sa mission, auditionner les salariés de l’entreprise ? Réponse claire, nette et précise de la Cour de cassation dans un arrêt du 10 juillet 2024 : oui !

Tout commence, dans cette affaire, par la décision de l’un des CHSCT d’un groupe hospitalier de désigner un expert chargé de réaliser une expertise en raison d’un risque grave au sein des services de la direction des ressources humaines (DRH). Estimant que l’expert sortait du périmètre de la DRH, la direction du groupe hospitalier décide de porter l’affaire en justice. Elle demande au tribunal judiciaire du Havre de limiter la communication des documents sollicités par l’expert au périmètre de la direction des ressources humaines et de réduire le coût de l’expertise.

L’employeur invoque le coût prévisionnel excessif de l’expertise

Le groupe hospitalier dénonce “le caractère excessif du coût prévisionnel de l’expertise” en faisant valoir “qu’il résultait, pour une grande part, du nombre démesuré d’entretiens (70) avec les membres du personnel prévus par l’expert, … alors que le service des ressources humaines auquel l’expertise était limitée compte 41 salariés”. Ces entretiens “représentant au total 105 heures ou 13,5 jours de travail”.

D’ailleurs, pour la direction, “l’expert … ne dispose d’aucun droit à organiser des entretiens avec le personnel, sur le lieu de travail”.

Faux, lui rétorque la Cour de cassation dans son arrêt du 10 juillet 2024.

Une expertise pour risque grave

Il est clairement décidé que “l’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d’obtenir l’accord des salariés concernés”. Ensuite, “en cas de contestation par l’employeur, il appartient au juge d’apprécier la nécessité des auditions prévues par l’expert au regard de la mission de celui-ci”.

Remarque : l’expert pourra tout aussi librement auditionner des salariés lorsqu’il est désigné en cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article L. 2315-94 du code du travail).

Il est ici finalement jugé que le risque grave invoqué par le CHSCT, qui se traduisait par des risques psychosociaux et physiques et une souffrance au travail, “imposait que l’ensemble de la chaîne hiérarchique et organisationnelle, tous les intervenants en matière de santé au travail, les représentants du personnel et délégués syndicaux, de même que chacun des agents de la direction concernée, y compris les six agents ayant récemment quitté ces services, puissent être entendus avec leur accord”.

Remarque :  dans son arrêt, la Cour de cassation ne se contente pas de rappeler que l’employeur ne peut pas s’opposer à l’entrée de l’expert dans l’entreprise et qu’il lui fournit les informations nécessaires à l’exercice de sa mission. Elle rappelle à la fois l’étendue des obligations d’un employeur en matière prévention des risques professionnels (articles L. 4121-1 et L. 4121-2) et le droit qu’avait à l’époque le CHSCT, et qu’a aujourd’hui un CSE (article L. 2312-9), de susciter toute initiative qu’il estime utile en matière de prévention des risques professionnels. Ces rappels ne sont pas anodins, ils sont révélateurs de la force que les juges veulent donner à la liberté d’audition des salariés par l’expert.

De nombreux documents jugés nécessaires

La demande tendant à faire limiter la communication des documents sollicités par l’expert au périmètre de la DRH est également rejetée. Pour les juges, l’expertise pour risque grave au sein de la DRH nécessitait que l’expert prenne connaissance et analyse … des documents intéressant l’hôpital, tels que l’organigramme par site et par fonction, afin de situer le service de la direction des ressources humaines au sein de l’établissement de l’hôpital en raison des interactions constantes avec les autres services, les procès-verbaux des CHSCT de ce site des deux années précédentes pour identifier les difficultés éventuellement déjà soulignées, le bilan social, le bilan hygiène et sécurité, les rapports annuels et la fiche entreprise du médecin du travail, le programme annuel de prévention et le document unique d’évaluation des risques qui concernaient l’ensemble des agents et par conséquent, ceux de la direction des ressources humaines”.

Qu’en est-il de l’expert-comptable ?
L’an passé, dans un arrêt du 28 juin 2023 (n° 22-10.293), la Cour de cassation a décidé que l’expert-comptable désigné par le CSE dans le cadre de la consultation obligatoire sur la politique sociale ne pouvait auditionner les salariés qu’avec l’accord exprès de l’employeur.

Dans un jugement du 25 avril 2024, le tribunal judiciaire de Dunkerque justifiait cette différence de traitement avec l’expert habilité pouvant être désigné en cas de risque grave ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail de la manière suivante : “Contrairement à l’expert-comptable, qui procède essentiellement par voie d’analyses documentaires dans le domaine du chiffre, l’expert habilité est amené à produire lui-même son support de travail, dans le champ notamment de la psychologie du travail, de l’ergonomie et de la sociologie”. Il est donc important qu’il “puisse interroger les salariés sur leurs conditions de travail”.

Reste dès lors à savoir si les juges de la Cour de cassation ne vont pas revenir sur leur position et donner à l’expert-comptable chargé d’assister le comité social et économique dans le cadre de missions légales la même possibilité d’auditionner librement les salariés de l’entreprise pour les besoins de leur mission, sans avoir besoin de l’accord de l’employeur.

À suivre…

Frédéric Aouate

Quel serait l’impact d’une forte hausse du Smic ?

12/07/2024

Figure des “économistes atterrés” qui fustigent une politique économique trop conciliante à l’égard des milieux financiers, Henri Sterdyniak, qui avait appelé à voter pour le Nouveau Front populaire (NFP), publie dans l’espace blogs de Mediapart une analyse sans concession, et donc critique, du programme économique de l’union de la gauche.

Il s’attarde notamment sur la promesse d’une hausse importante du Smic. Pour résumer, disons que l’économiste juge que porter le Smic à 1 600€ n’aura pas de conséquence dans les secteurs à l’abri de la concurrence internationale, mais que les très petites entreprises (TPE) devront augmenter leurs prix. D’autre part, cette revalorisation provoquerait une forte hausse du budget consacré par l’Etat aux exonérations sociales et nécessiterait une révision de la prime d’activité. En outre, cette hausse du Smic ne résout pas la non augmentation des salaires se situant au-dessus du salaire minimum. Par ailleurs, Henri Sterdyniak regrette que le programme du NFP “ne comporte pas d’avancée importante vers la démocratisation des entreprises, vers la modification de leur gouvernance qui donnerait un rôle important aux parties constituantes (apporteurs de capitaux, direction, salariés) et aux parties prenantes (clients, représentant de la planification écologique), vers la mobilisation des salariés et de leurs syndicats pour s’impliquer dans la gestion des entreprises”. En conclusion, l’économiste s’interroge : “Le programme de la NFP n’est pas un programme révolutionnaire. Contrairement au Programme commun, il ne comporte pas un vaste programme de nationalisation. C’est la social-démocratie poussée à son extrême, avec une forte hausse des prestation set des impôts. Est-elle compatible avec le capitalisme tel qu’il existe aujourd’hui ?”

Voici son analyse concernant le salaire minimum :

“La hausse du SMIC à 1600 euros net (+14%) est la mesure emblématique. A priori, son coût (le gain pour les ménages) serait de l’ordre de 18 milliards. Sa répartition entre entreprises et État dépend de l’évolution des exonérations de cotisations employeurs bas-salaires. Si celles-ci étaient maintenues telles quelles, une grande partie du coût serait répercutée sur les finances publiques. La suppression des exonérations de cotisation employeurs, couplé à la hausse du SMIC, augmenterait de 60 % le coût du Smic pour les entreprises ; elle n’est pas envisageable. Si la compétitivité extérieure ne serait pas affectée par la hausse du SMIC (car la quasi-totalité des smicards sont dans des secteurs abrités), beaucoup de TPE et de PME risquent d’être en difficulté.  Les porte-paroles de la NFP envisagent des crédits à taux privilégiés pour les TPE, mais des hausses de salaires ne peuvent être financées à crédit. Il n’est guère possible d’envisager des baisses de cotisations qui n’existent plus au niveau du SMIC ; Aussi, les TPE devraient être autorisées à augmenter leurs prix, en particulier dans les secteurs de services à prédominance féminine ; de même pour les sous-traitants. Les plus grandes entreprises devraient absorber ce choc en réduisant leurs plus hauts salaires, en réduisant leurs marges et leurs dividendes. Le SMIC horaire est actuellement de 11,65 euros en France ; une hausse de 16% le porterait à 13,50 euros. Il est de 12,41 euros en Allemagne ; de 11,44 livres (soit 13,50 euros) au Royaume-Uni).  La France ne ferait que rattraper le Royaume-Uni. La question du salaire des non-qualifiés a été gérée par les gouvernements successifs par la mise en place des exonérations de cotisations sociales et de la prime d’activité. C’est un système compliqué, avec de nombreux défauts (le coût exorbitant de hausses des salaires au-dessus du SMIC, l’incitation à développer des emplois précaires au Smic), mais il est difficile d’en sortir. Le programme du NFP ne précise pas l’évolution de la prime d’activité (228 euros pour un célibataire) elle devrait être repensée compte-tenu de la hausse prévue du RSA ; serait-elle supprimée qu’une grande partie des Smicards n’auraient aucune hausse de pouvoir d’achat”.

Source : actuel CSE