“Nous allons recevoir une lettre d’observations de l’Urssaf”
21/10/2024
Alain Klee est le secrétaire du CSE unique pour toute la France de Loxam, qui représente 4 600 salariés. Le comité social et économique vient de faire l’objet d’un contrôle Urssaf. Interview.
Pourriez-vous vous présenter ?
Mon métier, c’est responsable d’agence à Douai, dans le Nord, pour Loxam (location et vente de matériel pour les travaux publics, Ndlr), l’agence compte 12 personnes. Je suis secrétaire du CSE de l’entreprise, qui est un CSE unique pour toute la France, nous couvrons donc 4 600 salariés (sur 500 sites en France) et nous avons deux employés. J’étais auparavant secrétaire du CE depuis la création, il y a dix ans, du comité d’entreprise. Le siège de l’entreprise est à Paris mais nous avons basé le CSE à Douai.
Arrivez-vous à concilier votre mandat et votre métier ?
C’est très compliqué ! Cela représente beaucoup d’heures de travail. Je prends mes heures de délégation, mais je fais aussi beaucoup de choses pour le CSE à midi, le soir ou le week end.
Votre CSE vient de faire l’objet d’un contrôle de la part de l’Urssaf…
A l’occasion du contrôle de l’entreprise, l’Urssaf a aussi contrôlé les comptes du CSE, pendant deux à trois semaines. Nous devrions bientôt recevoir une lettre d’observations. Le contrôleur nous a indiqué qu’il ferait une remarque sur un prestataire de soutien scolaire en ligne que nous proposons aux salariés, au motif qu’il ne s’agit pas d’un service en présentiel, ce qui nous étonne. Nous aurons peut-être aussi une observation sur des prêts à des salariés pour des charges qui n’auraient pas été couvertes, en clair un défaut de remboursement de la part de salariés qui auraient quitté l’entreprise. Et une sorte d’avertissement concernant le financement de notre site web : nous pourrions être redressés si nous ne modifions pas le financement du site.
Quel est le problème concernant le site web ?
Notre site nous sert à la fois pour gérer le CSE et sa communication et pour les activités sociales et culturelles. Nous le finançons sur le budget de fonctionnement, ce qui a fait réagir le contrôleur. L’Urssaf nous demande soit de fermer la boutique de notre site, qui nous permet de diffuser aux salariés des offres d’activités sociales et culturelles, soit de financer le site web au prorata de son activité, et donc en partie sur le budget des activités sociales et culturelles. Mais le contrôleur ne nous a pas indiqué quel prorata utiliser sur les deux budgets. J’attends le courrier pour en savoir plus.
Ces observations vous surprennent-elles ?
Disons que c’est la première fois après un contrôle que nous avons ces remarques. J’observe que par rapport aux contrôles passés, notre CSE dispose d’un Siret (*). Nous sommes donc contrôlés indépendamment de l’entreprise.
Quels budgets gérez-vous ?
Le CSE dispose d’une dotation de 1,5 million d’euros pour les activités sociales et culturelles, et environ 600 000€ pour le budget de fonctionnement. Notre expert-comptable présente en CSE chaque année le rapport de gestion. Nous proposons aux salariés des chèques-vacances, des locations vacances été et hiver, des CESU, des bons d’achat pour Noël, et nous remboursons aussi des dépenses culturelles et sportives mais aussi des cours de soutien scolaire en ligne, etc. Les salariés sont très satisfaits, et d’ailleurs l’entreprise met très avant ces prestations du CSE lors des entretiens d’embauche. Nous avons été réélus, et mon syndicat, la CFE-CGC, a obtenu plus de 50% des voix.
Votre CSE utilisait-il un critère d’ancienneté pour les ASC ?
Oui, en deçà de 6 mois d’ancienneté, le salarié percevait la moitié des subventions du CSE et la totalité à partir de 6 mois. Dès que nous avons appris que cela devenait interdit (voir la décision de la Cour de cassation), nous avons décidé de supprimer ce critère, afin d’être tranquilles. L’impact financier devrait être important et nous sommes en train d’y réfléchir pour voir comment faire évoluer notre offre d’activités et ajuster le tout en fin d’année. Demander une rallonge à l’employeur ? Pourquoi pas mais nous bénéficions déjà d’une dotation basée sur 0,9% de la masse salariale.
Et concernant votre budget de fonctionnement ?
Nous n’utilisons que la moitié de notre budget de fonctionnement, d’autant que beaucoup de choses sont financées par l’entreprise. Et nous n’avons pas besoin, au regard de la situation de l’entreprise, de lancer des expertises financées par le CSE. C’est un peu dommage que nous ne puissions pas en utiliser une partie importante pour les activités sociales et culturelles, d’autant que de nombreuses dépenses doivent être financées sur les ASC. Par exemple, pour éviter tout risque de redressement, nous avons suivi notre comptable qui nous recommandait que les frais postaux pour l’envoi de billetterie soient pris en compte dans le budget des ASC.
Il y a des inquiétudes sur la conjoncture économique. Comment se porte votre entreprise ?
Pour l’instant, l’entreprise se porte bien. Mais les perspectives à moyen terme seront peut-être moins favorables. L’Etat veut faire des économies, et il y aura certainement moins de financements de chantiers nationaux. Les maires, qui sont les plus gros lanceurs de chantiers BTP aujourd’hui, lancent normalement pas mal de travaux avant l’échéance des élections municipales, mais là, ça pourrait être différent avec ces restrictions budgétaires.
Une chose que vous souhaiteriez voir modifiée concernant le CSE ?
Comme je le disais, davantage de possibilité de jouer entre le budget de fonctionnement et le budget des activités sociales et culturelles. Mais aussi retrouver un CHSCT autonome comme auparavant. Notre CSSCT est très active mais les élus manquent de temps pour leurs missions sur la santé, la sécurité et les conditions de travail, c’est la conséquence du cumul au sein du CSE. Il y a aussi cette limitation à trois mandats successifs qu’il faudrait supprimer.
(*) Siret : Système d’identification du répertoire des établissements. Il est composé de 14 chiffres : les 9 chiffres du Siren + 5 chiffres propres à chaque établissement (ces 5 chiffres sont appelés NIC, numéro interne de classement Insee). Voir cet article
Bernard Domergue
PGE : la majorité des TPE rembourse progressivement
21/10/2024
Selon une note de la Banque de France (*), 93 % des très petites entreprises (TPE) ayant souscrit un prêt garanti par l’État (PGE) durant la crise sanitaire en 2020 choisissent une durée de remboursement supérieure ou égale à trois ans. Les TPE sont 65 % à différer le début de leur remboursement et seules 10 % ont remboursé l’intégralité de leur PGE en 2021.
L’échantillon analysé par la Banque de France contient 579 778 bénéficiaires de “PGE Covid”, soit un encours de 105 milliards d’euros (exclusion des grandes entreprises et de certains secteurs comme l’agriculture et les activités financières).
Source : actuel CSE
Budget 2025 : 186 000 emplois pourraient être menacés dans l’économie sociale et solidaire
23/10/2024
Alors que s’engagent les débats budgétaires, l’Udes, l’organisation patronale de l’économie sociale et solidaire (ESS), chiffre à 186 000 le nombre d’emplois menacés si les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) s’appliquaient en l’état l’année prochaine.
Dans l’économie sociale et solidaire (ESS), 186 000 emplois seraient menacés en raison des réductions budgétaires prévues par les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Accompagné de son nouveau directeur général Hugues Pollastro, le président de l’Union des employeurs de l’ESS (Udes), Hugues Vidor, a pointé; lors d’une conférence de presse le 17 octobre, les lourdes conséquences des projets de budget, présentés le 10 octobre par le gouvernement, tout en rappelant que la situation sur le terrain était déjà parfois très grave, notamment dans le social et le médico-social.
Situation très grave
Et d’énumérer les difficultés : “En Maine-et-Loire, certains services de l’ASE sont en chômage technique suite à l’arrêt des financements départementaux. Les centres sociaux sont confrontés à une grande précarité. Pour les 700 000 salariés de la Bass, dix départements n’appliquent pas le Ségur. Et quant à l’aide à domicile, certains accords de revalorisation salariale ne sont pas appliqués ici ou là.”
Hugues Vidor évoque trois grands sujets d’inquiétude. D’une part, le PLF retire 5 milliards d’euros (Md€) aux collectivités territoriales déjà en grande difficulté. « Le président de Départements de France a indiqué que l’année prochaine, 35 à 40 départements ne pourraient pas payer le Ségur », rapporte le président de l’Udes qui se doute que les budgets sociaux risquent d’en pâtir.
D’ailleurs, plutôt que d’opposer ESS et collectivités, Hugues Vidor pense possible de créer des ponts entre ces deux univers qui ont des intérêts communs à conserver des dotations suffisantes.
Exonérations cruciales
Second sujet : les 4 Md€ de réductions d’exonérations de cotisations patronales prévues par le PLF. Un tiers des salariés de l’ESS seraient concernés par ces exonérations. “Tout cela risque d’augmenter le reste à charge pour les usagers, ce qui va poser des problèmes d’accessibilité pour les plus vulnérables”, déplore Hugues Vidor. Sur ce volet, il rappelle la demande d’une réforme de la taxe sur les salaires, qui défavorise les structures du secteur, et de mise en place d’un crédit d’innovation sociale.
Enfin, l’organisation patronale ne cache pas ses inquiétudes quant aux conséquences des réductions de crédits affectant le budget travail et emploi : “Sur 3,4 Md€ de baisse, environ un milliard pourrait toucher l’ensemble de l’ESS”, estime Hugues Vidor.
Si toutes les mesures prévues dans le PLF et PLFSS sont adoptées dans leur version actuelle, l’impact économique pourrait dépasser les 8 Md€ et entraîner la destruction de 186 000 emplois.
Reprise du chômage
Face à ce désastre annoncé, l’Udes a pris langue avec la nouvelle ministre déléguée chargée de l’ESS, Marie-Agnès Poussier-Winsback. À ce propos, l’Udes se félicite de la nomination d’une ministre de plein exercice rattachée à Bercy. Mais en cadeau de bienvenue, elle devrait hériter d’un budget encore plus serré, passant de 21 millions d’euros (M€) en 2024 à 16 M€ dans le PLF 2025.
Des contacts ont été pris, ou seront pris, avec des parlementaires de diverses sensibilités pour infléchir le texte. L’Udes a également sollicité un entretien auprès du Premier ministre pour le sensibiliser aux conséquences du budget sur un secteur aussi vital pour le lien social et l’emploi.
“Il faut réfléchir globalement, résume Hugues Vidor. Si on supprime des emplois, on récolte moins de cotisations.” Et de rappeler l’estimation concernant le chômage qui pourrait grimper de 7,3 % actuellement à 8,2 % en 2025 à cause d’un début de récession.
Un dialogue social sur la qualité de vie au travail… |
À l’occasion de la convention annuelle de l’Udes qui marque son 30e anniversaire, les résultats d’une enquête, réalisée par ViaVoice, sur la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) ont été dévoilés le 17 octobre. Elle témoigne de progrès sur les questions de qualité de vie au travail. Par exemple, 60 % des structures de l’ESS, tous secteurs confondus, ont développé depuis deux ans – ou envisagent de le faire – un dialogue social sur la QVCT (qualité de vie et conditions de travail). Mais les différences sont importantes selon la taille de la structure, les plus grandes ayant plus de facilité à s’engager dans cette voie. |
Noël Bouttier
Le Sénat adopte le projet de loi simplification avec le “test PME” mais sans la simplification du bulletin de paie
23/10/2024
Le Sénat a adopté hier le projet de loi de simplification de la vie économique, qui va donc poursuivre son examen à l’Assemblée nationale.
La version votée par les sénateurs comprend notamment le “test PME”, une disposition réclamée notamment par la CPME. Le Haut conseil à la simplification des entreprises, qui serait chargé de donner un avis sur les normes applicables aux entreprises, devrait produire une analyse de l’impact attendu des normes concernées sur les petites et moyennes entreprises. Le Sénat a donc réintégré cette disposition comme elle était prévue dans la proposition de loi adoptée en mars 2024.
Parmi les autres dispositions, signalons :
- la suppression de la simplification du bulletin de salaire voulue par le gouvernement : selon la majorité sénatoriale, cette disposition “conduirait à une moins bonne information des salariés, pour une plus grande charge administrative pesant sur les entreprises” ;
- la réduction des délais dont disposent les assureurs pour proposer une indemnisation aux assurés en cas de sinistre et créer un mécanisme de sanction contre les assureurs qui ne respecteraient pas ces délais ;
- le relèvement à 100 000 € HT du seuil de dispense de procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés de travaux, etc.
Source : actuel CSE
Report des obligations de la CSRD, une si bonne idée ?
23/10/2024
Dans une interview au Journal du Dimanche, le Premier ministre Michel Barnier souhaite un report de l’application de la directive CSRD en France, afin de simplifier la vie administrative des entreprises. Cette volonté a fait réagir, sur le réseau social Linkedin, Jean-Marc Jancovici, président de Shift project, un club de réflexion qui un think tank “qui œuvre en faveur d’une économie libérée de la contrainte carbone”.
“Est-ce vraiment une bonne idée de reporter les obligations de la CSRD (Corporate Sustaibility Reporting Directive), qui est un texte européen qui demande aux entreprises, d’abord les grandes ou cotées, puis progressivement de plus petites, de publier une grande quantité d’indicateurs nouveaux, en particulier sur l’environnement ?” questionne-t-il. Jean-Marc Jancovici en doute :
“Pour les entreprises assujetties, il faudra notamment “dire quelque chose” sur le climat, la pollution, les ressources aquatiques et marines, la biodiversité, et l’utilisation des ressources. Pour cela, la première étape – obligatoire pour tous les assujettis – consistera à “cartographier la chaine de valeur”, c’est à dire inventorier les activités dont on dépend à l’amont (fournisseurs, fournisseurs des fournisseurs, etc) et à l’aval. En quoi cela va-t-il nuire aux entreprises de comprendre de quelles autres activités elles dépendent pour exister ? Pour une entreprise cotée – avec des effectifs dépassant en général le millier d’individus – cette tâche demandera quelques mois d’un salarié, avec éventuellement un budget externe de quelques dizaines de K€uros (qui sera rapidement remboursé par une optimisation ici ou là avec les informations obtenues !).
La deuxième étape est ensuite de faire une “analyse de matérialité”. Cela signifie se demander si on a de l’impact sur le sujet concerné (par exemple mon activité a-t-elle de l’impact sur la biodiversité ou sur le climat ?) et aussi si le sujet a de l’impact sur l’activité (par exemple si une rivière est polluée est-ce que cela gêne mon activité ?). A nouveau, le cout de cette investigation est marginal par rapport au CA de l’entreprise. Ce qui n’est pas marginal, c’est le désagrément éventuel d’apprendre que l’on a un problème de plus sur les bras, ce que personne n’aime… mais ce n’est pas une affaire de “complexité administrative” !
Enfin si le problème est bien matériel (et pour le climat, sauf à apporter la preuve qu’il ne l’est pas, il est “matériel par défaut” pour tout le monde), il faut publier des indicateurs ou analyses, pour donner des valeurs, ou expliquer ce que l’on est ou fait. Certaines données à publier en pareil cas sont déjà courantes (par exemple l’empreinte carbone), d’autres plus nouvelles (par exemple des analyses par scénarios pour expliquer où l’on va dans monde qui se décarbone).
Peut-on être sérieux sur le climat – ce que revendique le gouvernement – et ne pas inciter les entreprises à “mieux se situer par rapport à l’enjeu” ? Peut-on vouloir soigner la fièvre et refuser le thermomètre ? Si Matignon veut quelques suggestions de simplifications administratives qui portent sur des enjeux moins existentiels que la préservation de la planète qui permet à l’économie d’exister, je peux sûrement trouver quelques idées”, conclut le lobbyiste environnemental.
À suivre…
Source : actuel CSE
Doliprane : comment Sanofi a préparé la cession de ses médicaments sans ordonnance
24/10/2024
Sanofi va céder sa filiale Opella au fonds américain CD & R, l’Etat français entrant au capital après avoir obtenu des garanties sur le maintien des sites en France, des garanties écrites auxquelles les représentants du personnel n’ont pas accès. Le secrétaire du CSE central de la division industrielle Opella nous raconte comment le groupe a organisé progressivement l’autonomisation de sa filiale afin de pouvoir la céder. Une filiale qui produit une centaine de médicaments parmi lesquels le Doliprane mais aussi Allegra, le premier anti-rhinite vendu en France.
Opella, c’est la division santé de Sanofi. Une filiale qui pèse 5,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour une marge d’exploitation de 28%, et qui compte une centaine de marques, parmi laquelle Doliprane. Malgré ces chiffres plutôt confortables, l’entité, qui emploie 1 700 personnes en France, va être vendue par Sanofi, qui souhaite se recentrer sur l’immunologie.
Contre le feu vert de l’Etat au rachat de la filiale par le fonds américain CD & R (*), le gouvernement impose sa rentrée au capital (via la Banque publique d’investissement, BPI, qui aurait 1% à 2% du capital) afin de garantir le maintien en France de ces activités, et Sanofi a dû prendre certains engagements. Une mesure symbolique balayée par Jean-Louis Peyren, ancien coordinateur CGT chez Sanofi, aujourd’hui secrétaire à la fédération Fnic-CGT : “Payer entre 120 et 180 millions d’euros pour une place au conseil d’administration d’Opella, ça fait cher le pot de fleurs ! Que pourra faire un seul administrateur ?!”
Il faut dire que l’annonce de cette vente, dont le montant atteint 8 milliards d’euros, a été comme un pavé dans la mare de la réindustrialisation à la française. D’une part, Sanofi, qui n’avait pu produire un vaccin contre le Covid, bénéficie de façon massive du dispositif du crédit d’impôt recherche (100 millions d’euros par an selon son propre PDG) et, d’autre part, Emmanuel Macron avait insisté, lors de la crise sanitaire, sur le besoin de retrouver de la souveraineté nationale sur les vaccins et les médicaments. Or voilà que la France abandonne aux Etats-Unis la propriété d’Opella qui produit à Lisieux (250 salariés dans le Calvados) et Compiègne (450 salariés dans l’Oise) le médicament contre les maux de tête le plus vendu en France, le Doliprane.
Aucun élu n’a pu lire l’accord passé
C’est peu de dire que l’accord trouvé entre Sanofi, le repreneur américain et l’Etat au sujet du maintien des centres de décision et des outils de production en France, des engagements qui seraient pris pour une durée de 5 ans, ne rassure pas les représentants du personnel. “C’est un moindre mal, mais nous sommes loin de sauter au plafond”, réagit Humberto De Sousa, coordinateur CFDT à Sanofi. Et le délégué syndical d’expliquer sa prudence : il y a un an à peine, trois sites dédiés à la distribution des médicaments ont été vendus par Sanofi, qui supprime par ailleurs 330 postes dans la recherche contre le cancer.
Chez Sanofi, le dialogue social est pour le moins tendu, sans même parler de la grève des personnels, qui continue cette semaine à Lisieux. Humberto De Sousa insiste sur le fait que ni le CSE ni les délégués syndicaux n’ont pu lire le document tripartite. Sanofi estime en effet que ce document contient des clauses économiques confidentielles sur l’ensemble de l’entité Opella et ne peut donc pas être communiqué.
“Le ministre nous assure que des pénalités très fortes sont prévues, de l’ordre de 100 000€ par emploi supprimé, ou de 40M€ à 100 M€ en cas d’arrêt d’un site. Mais nous n’avons pas accès au document”, déplore Humberto De Sousa. Pour sa part, le coordinateur CGT Fabien Mallet s’interroge sur “le véritable périmètre” concerné par ces engagements.
Quoi qu’il en soit, ces sanctions ne sont pas vraiment crédibles aux yeux de Jean-Louis Peyren, de la Fnic-CGT : “Ces sortes d’amende en cas de licenciement pourront-elles s’appliquer si les licenciements sont par ailleurs justifiés sur le plan économique ?” interroge-t-il, Fabien Mallet glissant au passage que cela laisse toujours ouverte la possibilité de rompre les contrats autrement.
Un autre motif de prudence pour le coordinateur syndical CFDT est lié au fait qu’il ne s’agit pas encore d’une vente, mais d’une négociation exclusive en vue d’une vente. Cela explique donc qu’aucune information-consultation du CSE n’ait encore été lancée. “Nous demandons l’ouverture d’une négociation d’un accord de méthode pour voir comment traiter tous les problèmes que posera cette vente”, dit Umberto De Sousa. Que deviendra notamment le socle social des accords groupe, qui définissent des sujets aussi importants que la mutuelle, l’intéressement et la participation, la formation ?
Le CSE central veut faire reconnaître un délit d’entrave
Le secrétaire du CSE central de la division industrielle d’Opella sent pour sa part cette vente venir depuis des années. Sanofi, nous explique Adrien Meknache, a appliqué progressivement son plan stratégique. D’abord, une autonomisation des activités de médicaments sans ordonnance lancée dès 2021. Ensuite, la concrétisation de cette autonomisation avec la création d’un siège social pour l’entité Opella à Neuilly. Neuilly est devenu l’un des trois CSE d’établissement de la division industrielle avec Compiègne et Lisieux. Nouvelle étape : le 27 octobre 2023, le PDG a annoncé son intention de céder cette entité, sans information préalable du CSE. Pour Adrien Meknache, une telle annonce publique relève du délit d’entrave. En tant que secrétaire du CSE central, il a d’ailleurs saisi le procureur à cette fin, pour l’instant sans résultat. Enfin, au printemps 2024, une information consultation du CSE central d’Opella a eu lieu sur un projet de nouvelle organisation économique et financière de cette filiale, c’était la dernière étape avant la vente. “Notre expert a démontré qu’il s’agissait d’une réorganisation destinée à faciliter la cession de notre entité”, ajoute Adrien Meknache.
Un tel scénario s’est déjà joué, selon Jean-Louis Peyren : “Il s’était passé la même chose avec Euroapi. Sanofi nous a vendu le fait qu’il fallait donner toutes ses chances à cette activité pour en faire un champion français des principes actifs. Cette structure, qui comporte deux usines en France (Ndlr : Saint-Aubin-Lès-Elbeuf en Seine-Maritime et Vertolaye dans le Puy-de-Dôme), a été mise en bourse et reprise par des fonds. Résultat : cet été, Euroapi semblait en difficulté pour payer les salariés”. Au point que Sanofi, qui avait gardé 30% du capital, a dû renflouer son ex-filiale.
“Les promesses n’engagent que ceux qui y croient”
Ce fiasco boursier explique peut-être le choix de Sanofi de ne pas mettre en bourse Opella, mais de trouver d’emblée un investisseur. “Sanofi a besoin de cash rapidement, et une vente lui en fournira plus vite qu’une mise en bourse”, nous précise Fabien Mallet, coordinateur CGT.
Compte tenu de l’histoire d’Euroapi, Adrien Meknache (CFDT) aurait préféré voir le gouvernement se servir du décret Montebourg afin de jouer le rapport de forces avec Sanofi pour imposer un repreneur industriel (voir notre encadré). Le secrétaire du CSE central se dit en effet inquiet à propos du repreneur. CD & R est un fonds d’investissement américain qui poursuit un objectif de rentabilité très forte, et qui n’a pas hésité à tailler dans les effectifs des sociétés reprises, même s’il a parfois opté pour des stratégies moins court-termistes.
Le gouvernement n’a-t-il pas obtenu des engagements de maintien des sites et de l’emploi ? “Les promesses n’engagent que ceux qui y croient”, coupe le secrétaire du CSEC. Le représentant du personnel se désole de l’aspect purement formel de la future information-consultation qui devrait s’ouvrir le 6 novembre : “Nous n’allons avoir aucun document en amont, nous ne pourrons pas travailler avant le CSE”. Commentaire de Fabien Mallet (CGT) : “Tout va commencer le 6 novembre. D’ici là, nous visons une période où on nous dit qu’on ne peut rien nous dire mais qu’il ne faut pas nous inquiéter”.
Adrien Meknache s’interroge sur la possibilité de missionner une expertise, peut-être en invoquant les risques pour la santé des salariés. Car l’enjeu industriel, économique et social dépasse le seul cadre du symbole Doliprane, souligne-t-il : Otella produit une centaine de médicaments dont Allegra, le premier médicament anti-rhinite vendu en France, un médicament fabriqué à Tours et à Compiègne.
Si la CFDT a appelé les salariés de Compiègne à cesser leur action, la CGT maintient son appel à la grève sur le site de Lisieux. Le syndicat organise aussi, avec ses fédérations chimie et santé, un rassemblement devant l’Assemblée nationale le 29 octobre, premier jour d’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
(*) CD & R : Clayton, Dubilier & Rice. Ce fonds d’investissement, qui gère 57 milliards de dollars, est la 11e plus grosse société de capital investissement dans le monde.
Le décret Montebourg |
Le décret dit “Montebourg”, du nom de l’ancien ministre du redressement productif de François Hollande, prévoit que les investissements étrangers dans certains secteurs doivent faire l’objet d’une autorisation préalable de l’Etat. Le texte réglementaire de 2014, actualisé en 2018 et 2019, liste de nombreux domaines rappelés ici par le Trésor : armes, systèmes d’information, cryptologie, jeux d’argent, transmission et stockage de données, énergie, transport, opérations spatiales, protection de la santé publique, sécurité alimentaire, presse d’information politique et générale, technologies critiques (cybersécurité, intelligence artificielle, robotique, etc.), etc. Jean-Louis Peyren, pour la CGT, demande au gouvernement d’utiliser ce décret pour bloquer l’investissement étranger dans la filiale de Sanofi : “Si l’Etat veut agir, c’est la façon la plus simple de procéder pour protéger nos outils de la volonté de Sanofi de se désengager de l’industrie en France. C’est un enjeu stratégique”. Le maniement de cette arme de contrôle juridique n’est cependant pas simple pour un gouvernement qui peut craindre de s’aliéner les investisseurs étrangers qui contrôlent déjà une partie de l’économie français. Mais comme l’écrivent les Echos, l’ombre des dossiers d’Alstom et Alcatel, avec des garanties obtenues par l’Etat qui n’ont visiblement pas été respectées par le repreneur au grand dam des organisations syndicales, plane aussi sur ces dossiers. Arnaud Montebourg a d’ailleurs pris plusieurs fois la parole depuis l’annonce de la cession de la filiale de Sanofi pour rappeler que l’entreprise avait transféré une partie de sa recherche aux Etats Unis : “Je n’ai absolument pas confiance dans les dirigeants de Sanofi (..) À force de découper en morceaux le groupe et d’en vendre des parties, ils ont tué cette boite (..) Je serais ministre de l’Economie, je ne m’y prendrais pas comme cela. Je ferais monter les enchères, en nettoyant un peu cette gouvernance”. Dans le Monde, le PDG de Sanofi, a expliqué la cession de sa filiale Opella par son ambition “de devenir un pure player de la biopharmacie” et un “leader mondial de l’immunologie”, “d’où la nécessité pour Opella de quitter le nid”. Concernant les engagements qu’il a pris, Paul Hudson explique : “Antoine Armand, le ministre de l’économie, et Marc Ferracci, le ministre délégué chargé de l’industrie, se sont montrés très fermes sur ce qu’ils attendaient, à savoir protéger la souveraineté de produits tels que le Doliprane, assurer l’approvisionnement en médicaments et garantir les droits des salariés (..) Nous avons dû prendre une liste d’engagements assez longue”. |
Bernard Domergue
Le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois s’est stabilisé
24/10/2024
Le nombre de déclarations d’embauche de plus d’un mois (hors intérim) s’est stabilisé en septembre (+ 0,2 %) après la baisse enregistrée en août (- 1,9 %) et la hausse de juillet (+ 2,7 %), selon le baromètre mensuel de l’Urssaf, dévoilé hier. L’évolution sur trois mois est ainsi de + 0,9 %.
Dans le détail, au troisième trimestre, les déclarations d’embauche en CDD de plus d’un mois augmentent de 1,6 % (après -2,1%), alors que celles en CDI diminuent de 1,3 % (après -0,4 %).
Mais parallèlement, sur un an, les redressements et les liquidations judiciaires progressent respectivement de 36,9 % et de 18,5 %, après + 39,8 % et + 25,0 % au trimestre précédent. “Le niveau des procédures collectives dépasse de près de 30 % celui observé fin 2019 avant la crise sanitaire”, note l’Urssaf. Les effectifs salariés concernés par un redressement judiciaire ou une liquidation judiciaire suivent la même tendance.
Source : actuel CSE