Le tribunal judiciaire de Paris valide deux nouvelles CJIP

17/02/2025

Le parquet national financier (PNF) a annoncé avoir signé deux nouvelles conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP) conclues le 10 février 2025 et validées par le président du tribunal de Paris le 11 février.

La première CJIP concerne la société Klubb France qui s’engage à verser une amende d’intérêt public de 558 024 euros et prévoit la mise en place d’un programme de conformité d’une durée de 3 ans au sein du groupe Klubb. A l’origine de cette CJIP : des faits de corruption d’agent public étranger dans le cadre de l’exécution d’un marché de livraison d’ambulances en Algérie.

La deuxième CJIP concerne la société Paprec Group qui s’engage à verser une amende d’intérêt public de 17 538 990 euros et prévoit la mise en place d’un programme de conformité d’une durée de 3 ans au sein du groupe Paprec. À l’origine de cette CJIP : des faits de blanchiment aggravé, de corruption active et passive de personnes chargées de mission de service public, de favoritisme, de recel de favoritisme ou encore d’ententes illicites dans le cadre de l’octroi de marchés ou délégations de service public en matière de traitement de déchets par différentes collectivités locales françaises.

Source : actuel CSE

La Cnil signe une déclaration commune pour une IA respectueuse de la vie privée

17/02/2025

À l’occasion du sommet pour l’action sur l’IA à Paris, la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et les autorités de protection des données britannique, coréenne, australienne et irlandaise ont cosigné une déclaration commune sur la gouvernance des données pour promouvoir une intelligence artificielle innovante et respectueuse de la vie privée.

Les autorités signataires s’engagent notamment à :

  • clarifier les bases légales pour le traitement des données dans l’IA ;
  • partager des informations et établir des mesures de sécurité adaptées ;
  • suivre les impacts techniques et sociétaux de l’IA en impliquant divers acteurs ;
  • encourager l’innovation tout en réduisant les incertitudes juridiques ;
  • renforcer la coopération avec les autres autorités compétentes (protection des consommateurs, concurrence, propriété intellectuelle).

Source : actuel CSE

Elu de CSE et en situation de handicap : mission possible !

18/02/2025

Emmeric Fingonnet, Guy Brugevin, Ludivine Jasinnski, Catherine Schmitt,Abdoulaye Traore

Alors que la loi handicap de 2005 a célébré son vingtième anniversaire, nous donnons la parole à des élus de CSE et des délégués syndicaux eux-mêmes en situation de handicap. Comment gèrent-ils leurs mandats ? Quels sont leurs besoins ? À quelles difficultés sont-ils confrontés ? De quelles réussites sont-ils fiers ? Voyage au cœur de leurs missions de représentant du personnel avec cinq élus de tous horizons syndicaux.

La date anniversaire d’une loi ne suffit pas : le handicap, il faut en parler toute l’année. Et ce sont les personnes en situation de handicap qui en parlent le mieux. Nous avons donc interrogé des élus de CSE et délégués syndicaux eux-mêmes porteurs d’un handicap sur leur vision de leur mandat, leurs besoins, leurs difficultés mais aussi leurs réussites.

Six mois après l’euphorie des Jeux paralympiques de Paris, les élus de CSE et délégués syndicaux se sont reconcentrés sur leur mandat. D’une voix unanime, ils clament qu’un élu porteur de handicap a besoin de compensations, c’est-à-dire d’adaptation de ses missions opérationnelles et de ses conditions de travail. En revanche sur le mandat, ils ont les mêmes besoins qu’un élu valide : du temps et des moyens supplémentaires.

“Un élu autiste Asperger tiendra comme personne les comptes du CSE”

Selon les élus de CSE et délégués syndicaux, malgré les difficultés du mandat et celles du handicap, oui, il est possible voire souhaitable que des personnes handicapées se présentent aux élections professionnelles ou soient désignées délégué syndical. De l’avis de Jean-Christophe Dugalleix, ancien élu au CSE au Centre des études supérieures industrielles et titulaire d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), on peut être élu et en situation de handicap car “il n’y a pas de limitation ni de séparation entre le mandat et le handicap”.

Un représentant du personnel aura besoin, comme tout salarié, de compensations, c’est-à-dire d’adaptation de son poste. En la matière, ils sont aussi unanimes : tout dépend du handicap. Guy Brugevin est élu FO au CSE d’une usine Amipi à Angers. Son handicap lui complique la lecture et l’écriture. Il nous confie : “Moi j’ai besoin de word et de la dictée vocale, c’est ce qui me permet de travailler”. En revanche, Emmeric Fingonnet, élu CGT au CSE, à la CSSCT et référent handicap au CIC Ouest, considère qu’il est préférable de ne plus exercer de fonctions opérationnelles et de se consacrer à 100 % à ses mandats : “On reçoit tellement de pression sur les résultats que c’est très compliqué de cumuler des mandats avec un handicap”.

Abdoulaye Traore est élu CFDT de CSE d’une association de 300 salariés dans le domaine de la protection sociale et éducateur spécialisé de métier. Son fils est atteint d’un syndrome de Rubinstein-Taybi qui bloque son développement. Pour lui, un élu en situation de handicap peut aussi constituer un atout : “Selon le handicap, la situation peut varier de zéro à cent. Un élu de CSE autiste Asperger sera super pointu. Une fois trésorier, il tiendra les comptes de l’instance comme aucun autre élu ne pourra le faire”. Abdoulaye Traore est aussi très fier de négocier en ce moment avec son employeur la création d’une commission du CSE dédiée à l’intégration des personnes dotées d’une RQTH ou en invalidité.

Le handicap, un avantage pour le mandat ?

Un représentant du personnel lui-même porteur d’un handicap ne serait-il pas plus à même de repérer des salariés en difficulté, qu’elles soient physiques, mentales, ergonomiques ou cognitives ? D’autant que certains salariés sont affectés de handicaps invisibles ou souhaitent cacher leur situation à leurs collègues et à l’employeur. Pour Catherine Schmitt, élue CFTC et téléconseillère Chez Takim Terre d’appels, la sensibilité des élus handicapés est évidente : “On le voit davantage que les autres, on est plus attentifs. Après, cela dépend de l’entreprise et de son ouverture d’esprit au sujet du handicap”.

Pour Abdoulaye Traore, “cela n’est pas lié au handicap mais au vécu de la personne, si elle a sublimé son handicap ou si elle le subit. Dans le premier cas, elle pourra mieux repérer des situations et même les sentir à l’instinct sans les nommer”.

Jean-Christophe Dugalleix y voit même une sorte d’expertise, en particulier pour monter un dossier de RQTH, que tous les élus que nous avons rencontrés décrivent comme un Everest à gravir sur les mains: “Ayant moi-même constitué pour mon cas le dossier RQTH, je saurai mieux accompagner un salarié et trouver les passerelles lui permettant de l’obtenir. Par exemple, entamer une formation permet une accélération du dossier qui met en moyenne huit mois pour aboutir. Mais encore faut-il le savoir”.

Les mêmes besoins qu’un élu de CSE valide

On le rabâche depuis huit ans : les ordonnances Macron ont compliqué le mandat au sein du CSE. Qu’en pensent les élus en situation de handicap ? Ludivine Jasinski, élue CFTC au CSE du Crédit Agricole, estime qu’elle n’a pas à se plaindre : “Nous avons un super accord avec des heures de délégation supérieures à ce que prescrit la loi, l’entreprise emploie d’ailleurs plus de 6 % de personnes avec un handicap. Je ne peux donc pas dire que mon handicap soit un frein à mon mandat”.

Bien sûr, il est encore plus complexe de se déplacer sur un autre site de l’entreprise quand els transports en commun ne sont pas accessibles. mais au-delà des nécessaires compensations de leur handicap, les élus considèrent qu’ils ont les mêmes besoins que des élus valides, à commencer par du temps.  Notamment car le handicap et les maladies chroniques nécessitent des soins. C’est en tout cas ce que réclame Catherine Schmitt : des heures de délégation car en période de soins, elle ne peut pas être sur le terrain. “Ma sclérose en plaques en période de crise me fatigue et perturbe mon équilibre, elle me gêne aussi pour interagir et malheureusement, la plupart du temps, c’est à moi de m’adapter. Un environnement de travail inclusif permet à chacun de s’épanouir, quelles que soient ses capacités”.

Mon mandat me permet de sortir de mon quotidien 

Jean-Christophe Dugalleix ne fait clairement pas de différence entre élus en handicap et élus valides : “Le mandat, c’est le mandat, handicap ou pas. Mais le handicap devient une force par rapport aux collègues car ils savent qu’on a surmonté de nombreuses difficultés. Le handicap se dilue dans le mandat donc nous n’avons pas de besoins spécifiques à notre handicap. A aucun moment je n’ai été gêné par mon handicap pendant mon mandat, sauf quand j’ai renversé mon café en pleine réunion car je ne peux plus utiliser mon pouce !”, ajoute-t-il avec humour. Emmeric Fingonnet va plus loin : “Mon mandat permet de sortir de mon quotidien, il m’évite de focaliser sur mon handicap en aidant d’autres personnes. Cela me permet de ne pas ressasser, ne pas subir”. Un mandat devenu salvateur donc.

“Tu veux exercer un mandat ? Fonce !”

Comment inciter davantage de salariés en situation de handicap à candidater aux élections professionnelles ? Pour Abdoulaye Traore, il faudrait commencer par revoir le taux de 6 % d’emploi obligatoire de personnes handicapées dans les entreprises : “Aujourd’hui on est loin du compte et la contribution Agefiph n’est pas assez élevée, beaucoup d’employeurs préférant la payer que recruter des salariés handicapés. S’il y avait plus de salariés handicapés, il y aurait aussi plus d’élus dans cette situation”. Il plaide aussi pour une obligation d’élus de CSE handicapés en proportion des personnes titulaires d’une RQTH dans l’entreprise”.

Guy Brugevin insiste quant à lui sur l’accompagnement : “Si quelqu’un vient me voir et qu’il hésite à se présenter, je vais d’abord l’accueillir et lui montrer qu’on sera là pour l’aider. C’est ce que FO a fait pour moi, ils ont toujours été là”.

Pour Catherine Jasinski, la réponse serait tout  aussi claire : “Fonce et fais ce dont tu as envie”.

La loi de 2005 sur le handicap : nécessaire mais pas suffisante
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Ce texte, dont toutes les promesses n’ont pas été tenues, a notamment fixé une obligation de taux d’emploi de salariés handicapés à hauteur de 6 % de l’effectif des entreprises. Mais comme nous le rapportait récemment Christophe Roth lorsqu’il a quitté la présidence de l’Agefiph, ce taux n’atteint que 3,5 % aujourd’hui.  

Marie-Aude Grimont

Un CSE obtient la suspension du déploiement d’outils IA

20/02/2025

Dans une ordonnance en date du 14 février, le tribunal judiciaire de Nanterre enjoint à une entreprise de suspendre le déploiement d’outils d’intelligence artificielle tant que le CSE n’aura pas été consulté. Ce type de contentieux va-t-il se multiplier ?

Jusqu’à présent, et au grand dam des représentants du personnel et de leurs experts le déploiement des outils d’intelligence artificielle dans les entreprises s’est plutôt effectué hors des clous du dialogue social, de rares entreprises choisissant d’associer le CSE et les délégués syndicaux aux expérimentations, comme Covea ou Axa. 

On peut pourtant estimer que ces outils évolutifs représentent un cas de mutation technologique nécessitant l’information et la consultation du comité économique et social. C’est d’ailleurs prévu par le 4e alinéa de l’article L. 2312-8 du code du travail. En outre, le CSE peut faire appel à un expert au titre de l’article L. 2315-94 du code du travail. 

Dans cette affaire, c’est bien pour réclamer le droit d’être informé et consulté que le CSE d’une entreprise saisit le juge des référés du tribunal judiciaire de Nanterre.

Une consultation obtenue après une première assignation

À plusieurs reprises, le comité a demandé en vain à être consulté sur l’introduction de nouvelles applications mettant en œuvre des procédés d’intelligence artificielle (*). Après cette assignation en date du 17 juin 2024, l’entreprise engage le 26 septembre de la même année une consultation du CSE. Mais c’est insuffisant pour les représentants du personnel. Pour obtenir des documents supplémentaires ainsi qu’une prolongation du délai de consultation, ils assignent à nouveau l’entreprise, le 19 novembre. 

Le CSE plaide que les applications informatiques ont été mises en oeuvre avant même qu’il ait pu rendre son avis, ce qui caractériserait “un trouble manifeste et une entrave à ses prérogatives”. Le comité demande au juge d’ordonner la suspension du projet sous astreinte de 50 000€ par jour. 

En défense, l’employeur soutient que la consultation était achevée, mais aussi que cette consultation n’était pas nécessaire pour des outils qui n’étaient encore qu’au stade expérimental et donc pas réellement déployés. 

La consultation n’était pas achevée

Pour rendre sa décision, le juge des référés examine d’abord les dates et il en conclut que le CSE disposait de deux mois pour rendre un avis compte-tenu de la mission confiée à un expert. Autrement dit, à quelques jours près, la consultation engagée le 26 septembre n’était pas close lorsque le CSE a saisi le juge le 19 novembre. Il n’est donc pas réputé avoir rendu un avis négatif. 

Sur le fond, le juge doute de la caractérisation de l’entreprise. En fait d’expérimentation, il s’agit plutôt d’une phase pilote, des courriels produits par le CSE attestant que ces outils devaient être, “au moins partiellement”, utilisés par l’ensemble des salariés : “Cette phase ne peut dès lors être regardée comme une simple expérimentation nécessaire à la présentation d’un projet suffisamment abouti, mais s’analyse au contraire comme une première mise en œuvre des applicatifs informatiques soumis à consultation. Or il est constant que le comité n’a pas encore rendu son avis sur ces outils. Leur déploiement anticipé constitue dès lors un trouble manifestement illicite”. 

Le juge ordonne donc la suspension de la mise en œuvre de ces nouveaux outils jusqu’à la clôture de la consultation. Il assortit cette injonction d’une astreinte de 1 000€ par infraction constatée, pendant 90 jours, la société étant également condamnée à verser 5 000€ au CSE pour non-respect de ses prérogatives. 

Qu’en dit la Cour de cassation ?

Attention, il ne s’agit que d’une ordonnance de référé, et on ignore encore si l’employeur fera appel. Sur le fond, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 12 avril 2018, que l’introduction d’un programme (“Watson”) aidant les chargés de clientèle à trier leurs courriels ne justifiait pas la consultation du CHSCT, les conséquences sur les conditions de travail étant mineures. Mais il s’agit là d’une décision “ancienne” au regard des nouvelles possibilités ouvertes par l’intelligence artificielle et de leur impact sur les métiers et les conditions de travail des salariés…

(*) Il s’agit des outils “Finovox” (suite logicielle permettant de détecter l’origine de documents), “Synthesia” (plateforme de vidéos IA), “Notify” (connexion de plateformes CRM), “Semji” (gestion de données marketing) ) et “MetIQ” (analyse de produits grâce à l’IA).

Bernard Domergue

Droit d’alerte en cas de danger grave et imminent : précisions sur les actions en justice du CSE

20/02/2025

La Cour de cassation rend un avis concernant les actions en justice ouvertes et leurs modalités en cas de désaccord entre les représentants du personnel et l’employeur dans le cadre de l’exercice du droit d’alerte en cas de danger grave et imminent.

Hérité du CHSCT, le CSE (et non la CSSCT !) est désormais titulaire du droit d’alerte en situation de danger grave et imminent (C. trav., art. L. 4132-1 à L. 4132-5). Dans l’affaire ayant donné lieu à l’avis du 12 février, il est toujours question du CHSCT, lequel est resté en place à la Poste plusieurs années après la création du CSE, englobant le dit CHSCT.

Pour plus de simplicité, nous évoquerons dans cet article le CSE, la solution dégagée par la Cour s’y appliquant de la même façon. En effet, les dispositions en cause n’ont pas été modifiées lors du passage à l’instance unique.

Le juge demande un avis sur l’interprétation de l’art. L. 4132-4

Dans cet arrêt, une réorganisation au sein de la Poste prévoit la délocalisation de plusieurs sites. Le CHSCT (CSE) initie une procédure d’alerte pour danger grave et imminent (DGI). L’enquête menée conjointement entre employeur et membres du comité aboutit à un désaccord, et les membres du CSE votent l’engagement d’une procédure judiciaire.

Mais le déménagement a tout de même lieu.

Le comité saisit alors le juge des référés du tribunal judiciaire avec deux requêtes :

  1. voir commettre un bureau d’études spécialisé en structure de bâtiments, sa mission étant d’apprécier la capacité portante des dalles des planchers des nouveaux locaux ;
  2. voir ordonner (dans l’attente des résultats de cette étude et du respect des éventuelles mesures prescrites), et sous astreinte, la suspension de la délocalisation des agents sur ledit site.

​Mais le juge des référés n’est pas sûr de sa qualité à intervenir dans ce cadre. Il transmet donc à la Cour de cassation une demande d’avis rédigée en ces termes : “L’article L. 4132-4 du code du travail donne-t-il pouvoir au juge judiciaire pour statuer en cas de divergence entre l’employeur et la majorité des membres du CHSCT (CSE) sur la réalité d’un danger grave et imminent ?”

Articulation des textes relatifs à l’alerte en cas de DGI

La procédure d’alerte des représentants du personnel en cas de DGI est précisée par plusieurs articles du code du travail :

  • lorsqu’un membre du CSE constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent, il en alerte immédiatement l’employeur (C. trav., art.L. 4131-2) ;
  • une enquête s’ensuit avec le représentant du comité qui a signalé le danger (C. trav.,art. L. 4132-2) ;
  • en cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le comité est réuni d’urgence dans les 24 heures et l’employeur informe immédiatement l’inspecteur du travail et l’agent du service de prévention de la Cram, la Caisse régionale d’assurance maladie (C. trav., art. L.4132-3) ; 
  • à défaut d’accord entre l’employeur et la majorité des membres du comité sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur (C. trav., art.

L. 4132-4) ;

  • l’inspecteur peut alors mettre en œuvre, notamment, la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 (possibilité de saisine du juge des référés judiciaire par l’inspecteur du travail pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que par exemple la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels…, en cas de risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur) et L. 4732-2 (dispositions spécifiques pour les opérations de BTP) du code du travail (C. trav., art. L. 4132-4).

Or dans cette affaire, c’est le comité qui a saisi le juge des référés de ses demandes sur le fondement de l’article L. 4132-4, lequel article n’octroie pas expressément au juge judiciaire le pouvoir de statuer sur la réalité du DGI.

Prise en compte de l’objet des demandes dont est saisi le juge des référés du TJ

Pour répondre à la demande d’avis, la Cour de cassation pose un principe : “Il convient de se reporter à l’objet des demandes dont est saisi le juge des référés du tribunal judiciaire dès lors que le danger grave et imminent, sur l’existence duquel il est invité par les parties à se prononcer, ne constitue que le fondement juridique des différents chefs de demandes”. Puis il l’applique aux demandes effectuées.

La désignation d’un bureau d’étude spécialisé est une demande d’expertise risque grave

La première demande du comité au juge est en effet de commettre un bureau d’études spécialisé en structure de bâtiments.

La Cour de cassation considère que cette requête s’analyse en une demande d’expertise. Or, le CSE dispose de la prérogative légale de décider d’une expertise pour risque grave constaté dans l’établissement sur le fondement de l’article L. 2315-94,1° (L. 4614-12,1° pour le CHSCT).

Dans ce cadre, les contestations par l’employeur de la nécessité de l’expertise, du choix de l’expert, du coût prévisionnel, de l’étendue ou la durée de l’expertise sont de la seule compétence du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.

La Cour en conclut que le comité n’est pas recevable à solliciter du juge judiciaire statuant en référé une mesure d’expertise sur le fondement de l’article L. 4132-4 du code du travail.

► Remarque : la Cour précise également qu’un syndicat n’est pas recevable dans sa prétention tendant à exercer une prérogative propre du comité et ce même en invoquant au nom de l’intérêt collectif de la profession le fondement juridique de la procédure d’alerte pour danger grave et imminent (DGI).

Concrètement, donc, le comité aurait dû voter le recours à ce bureau d’études sur le fondement de son droit à expertise pour risque grave (et choisir un expert habilité pour ce faire). Et ç’aurait alors été à l’employeur de contester cette désignation dans les 10 jours, devant le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond. Dans ce cadre, le président du tribunal judiciaire aurait jugé de l’existence du risque grave (risque identifié et actuel).

La demande de suspension de la délocalisation

La deuxième requête du comité est une demande en suspension, sous astreinte, de la délocalisation des agents. Pour la Cour, cette demande s’analyse en une demande tendant à suspendre la mise en œuvre d’un projet de réorganisation.

Or, à cet égard, les articles L. 4732-1 et L. 4732-2 du code du travail, auxquels renvoie l’article L. 4132-4, prévoient des mesures qui peuvent être décidées par le juge judiciaire statuant en référé, et notamment l’arrêt temporaire d’une activité.

En effet, selon l’article L. 4732-1, l’inspecteur du travail saisit le juge judiciaire statuant en référé pour donner toutes mesures propres à faire cesser le risque, telles que la mise hors service, l’immobilisation, la saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres, lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité physique d’un travailleur résultant de l’inobservation notamment des dispositions du Titre III du Livre Ier, dont celles consacrées aux droits d’alerte et de retrait, et le juge peut également ordonner la fermeture temporaire d’un atelier ou chantier.

Il résulte toutefois de la combinaison des articles L. 4132-4 et L. 4732-1 du code du travail que, si l’objet de la demande de suspension du projet de réorganisation entre dans le champ des mesures susceptibles d’être ordonnées par le président du tribunal judiciaire statuant en référé, celui-ci ne peut être saisi, en application de l’article L. 4132-4, que par l’inspecteur du travail. Si tel est le cas, le juge judiciaire peut se prononcer sur l’existence d’un danger grave et imminent.

Concrètement, seul l’inspecteur du travail peut saisir le juge des référés du tribunal judiciaire pour demander l’arrêt temporaire d’une activité sur le fondement de l’exercice du droit d’alerte en cas de DGI. Dans ce cadre, le tribunal judiciaire est habilité à juger de la réalité du danger grave et imminent.

Le comité ne peut donc pas actionner ce recours. Du moins pas sur le fondement de l’article L. 4132-4 relatif à l’alerte pour DGI.

Recours référé au titre de l’obligation de sécurité

La Cour de cassation va plus loin que sa réponse à la question posée et ouvre la possibilité d’une action en justice du CSE.

Elle explique que, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge des référés peut être saisi sur le fondement des dispositions de droit commun des articles 834 et 835 du code de procédure civile, au titre de l’obligation de sécurité instaurée par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

► Remarque : la Cour vise deux arrêts (Cass. soc., 7 déc., n° 15-16.769, concernant l’obligation de sécurité vis-à-vis de sous-traitants ; Cass. soc., 14 nov. 2019, n° 18-13.887, concernant l’obligation de sécurité en matière de risques psychosociaux).

Dans ce cadre, le juge des référés peut ordonner notamment la suspension d’une mesure constituant un risque de danger grave et imminent. Il lui appartient à cet égard d’apprécier si les conditions exigées par les articles 834 ou 835 du code de procédure civile sont réunies.

Ainsi, le CSE peut agir devant le juge des référés du tribunal judiciaire au titre d’un trouble manifestement illicite constitué par un manquement à l’obligation de sécurité. Le juge peut se prononcer même en présence d’une contestation sérieuse, et peut ordonner des mesures conservatoires ou de remise en l’état en prévention d’un dommage imminent.

Séverine Baudouin

Aides publiques aux entreprises : vers une meilleure information des CSE ?

20/02/2025

Hier, lors de la séance de questions au gouvernement devant l’Assemblée nationale, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a été interpellé par le député Gérard Leseul (Socialistes et apparentés, 5e circonscription de Seine-Maritime). Ce dernier, revenant sur la fermeture de Legrand, de Chapelle Darblay et d’ExxonMobil dans son département, lui a reproché de n’avoir pas répondu à ses nombreux courriers sur ces entreprises en difficulté, les normes sociales et environnementales pour les importations, les subventions ciblées, le sort des salariés, la conditionnalité sociale et environnementale des aides publiques.

En réponse, Marc Ferracci a indiqué que “la conditionnalité des aides existe déjà sur le crédit d’impôt recherche(*), l’aide à l’embauche des apprentis” ou encore les aides à l’investissement. Par ailleurs, il a ajouté : “Nous travaillons avec ma collègue Astrid Panosyan-Bouvet, [à] une meilleure information des salariés sur l’utilisation des aides. Il est fréquent, quand je discute avec les salariés de certaines entreprises, qu’ils émettent des critiques sur l’utilisation qui est faite des aides par les entreprises. Je pense que nous pouvons progresser sur ce sujet et nous allons essayer de le faire en lien avec la ministre du Travail”. 

Bercy a également précisé dans l’après-midi que les ministres souhaitent réfléchir au rôle que peuvent avoir les CSE dans le suivi et l’utilisation des aides publiques. Les réflexions sont en cours et on ignore pour l’instant le cadre dans lequel elles se tiennent.

(*) Attention, le crédit d’impôt recherche est conditionné mais de façon assez limitée  : il suffit d’avoir embauché un seul jeune Docteur ou diplôme équivalent pour remplir cette obligation. La conditionnalité ne porte pas sur le maintien dans l’emploi de l’ensemble des salariés de l’entreprise mais seulement sur le personnel affecté à la recherche et développement. De plus, selon la doctrine fiscale, un dirigeant d’une entreprise qui participe personnellement aux opérations de recherche et développement (R&D) de l’entreprise peut être considéré comme “jeune Docteur”.

Source : actuel CSE

L’Assemblée nationale adopte le projet de loi “DDADUE”

21/02/2025

Le 17 février, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation du droit de l’UE en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes (DDADUE). 

Le texte initial avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée le 31 octobre. Il comprend une quarantaine d’articles portant notamment sur la transposition des actions de groupe transfrontières, les corrections sur la CSRD et les dispositions sectorielles.

Source : actuel CSE