[3 Q / R] Suppression d’un CSE d’établissement, négociateurs du protocole d’accord préélectoral et durée des mandats, anonymat des accords publiés en ligne
02/06/2025
Chaque mois, un juriste de L’Appel Expert examine 3 questions posées par des élus du personnel. Dans cet article, Florian Erard répond aux questions suivantes : L’employeur peut-il supprimer un CSE d’établissement ? Qui peut négocier le protocole d’accord préélectoral avec l’employeur et la durée des mandats peut-elle y être réduite ? Que peut faire un élu dont le nom est mentionné sur un accord publié en ligne ?
[3 questions d’élus, 3 réponses d’expert]

Florian Erard, juriste pour l’Appel Expert, répond à 3 questions posées par des élus de CSE en mai 2025
L’employeur peut-il supprimer un CSE d’établissement ?
Oui, par accord ou décision unilatérale
Une entreprise dispose de deux CSE d’établissement et d’un CSE central. L’un des établissements distincts perd son autonomie, de sorte que presque toutes les décisions sont prises au niveau de l’autre établissement. Les élus du CSE se demandent si l’employeur peut faire perdre sa qualité à d’établissement qui a perdu son autonomie.
En effet, l’article L.2313-6 du code du travail prévoit qu’un établissement distinct peut perdre sa qualité et renvoie aux mêmes modalités que la création de l’établissement, à savoir par accord d’entreprise, accord avec le CSE ou décision unilatérale de l’employeur. Dans ce dernier cas, l’administration du travail exerce son contrôle sur la perte d’autonomie et peut retoquer la décision de l’employeur.
En revanche, les textes sont silencieux sur la nécessité de respecter la même modalité lors de la création et lors de la suppression de l’établissement. A priori, si à l’origine, l’établissement distinct était reconnu par accord d’entreprise, il n’est pas nécessaire de recourir au même type d’accord pour supprimer l’établissement. L’employeur peut donc adopter une décision unilatérale si la négociation d’un tel accord échoue ou en l’absence de délégués syndicaux et d’élus de CSE pour signer cet accord.
Par ailleurs, la perte de la qualité d’établissement emporte immédiatement cessation des mandats des élus du CSE de l’établissement concerné, sauf si un accord prévoit le maintien des mandats jusqu’à la fin du cycle électoral. Il en va de même si l’établissement perd sa qualité en vertu d’une décision unilatérale de l’employeur.
Qui peut négocier le protocole d’accord préélectoral avec l’employeur et la durée des mandats peut-elle y être réduite ?
le délégué syndical ou une autre personne désignée.
La durée des mandats ne peut y être réduite
En présence d’un délégué syndical dans l’entreprise, c’est ce dernier qui a vocation à négocier et signer le protocole d’accord préélectoral (PAP) avec l’employeur. Le délégué syndical n’a en principe pas besoin d’un mandat express de son organisation syndicale : sa qualité emporte mandat en tant que telle.
En revanche, la jurisprudence a précisé que le syndicat peut décider de choisir une autre personne que son délégué syndical (Cour de cassation, chambre sociale, 31 janvier 2012, n° 11-16.049). Cette personne peut même être extérieure à l’entreprise. Cette situation peut survenir lorsque le syndicat ne fait plus confiance à son délégué ou parce qu’il dispose d’une personne plus expérimentée dans la négociation. Dans ce cas, la personne désignée devra disposer d’un mandat écrit et express à présenter à l’employeur.
Par ailleurs, les articles L.2314-33 et L.2314-34 du code du travail prévoient que la durée des mandats peut être réduite jusqu’à 2 ans par accord de groupe ou accord d’entreprise. Selon la jurisprudence (Cour de cassation, chambre sociale, 7 décembre 2016, n° 15-60.227), il s’agit d’un accord de droit commun signé avec les délégués syndicaux ou les élus de CSE. Un PAP ne peut donc pas contenir de réduction de la durée des mandats. Cela n’est possible que dans un autre accord.
Saisir quelque chose
Que peut faire un élu dont le nom est mentionné sur un accord publié en ligne ?
Demander à l’employeur de rectifier
Selon l’article L.2231-5-1 du code du travail, les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d’entreprise et d’établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires.
Avant la réforme issue des ordonnances Macron de 2017 (lois du 8 août 2016 et du 29 mars 2018), il fallait que les parties signataires décident de leur anonymat. Depuis la réforme, les accords sont déposés en ligne dans leur version anonyme. Cela concerne tous les accords et tous les signataires sans exception qu’ils soient élus de CSE ou délégués syndicaux. Seul le nom de l’organisation syndicale de rattachement en mentionné.
En principe, les modalités de dépôt de l’accord par l’employeur sont telles que le nom des signataires ne peut pas apparaître : un contrôle automatique du site « TéléAccords » détecte la présence des noms et prénoms sur le document. Cette situation peut donc résulter d’une défaillance du système de contrôle ou d’une erreur de l’employeur.
Dans ce cas, l’élu de CSE ou le délégué syndical dont le nom apparaît peut contacter l’employeur et lui demander de soumettre au site internet une nouvelle version anonymisée de l’accord. L’employeur peut alors contacter les administrateurs du site. Si cela ne suffit pas et que l’élu ou le délégué subit un préjudice du fait du défaut d’anonymisation de l’accord, il peut alors demander en justice à l’employeur des dommages et intérêts.
Une infographie de Marie-Aude Grimont avec les juristes de l’Appel Expert du groupe
Les ministres de la justice et des PME lancent un groupe de travail sur la simplification du droit des entreprises en difficulté
02/06/2025
Alors que l’Assemblée a repris l’examen du projet de loi de simplification, Gérald Darmanin et Véronique Louwagie, ministre de la justice et ministre déléguée chargée du commerce, de l’artisanat et des PME ont lancé le 27 mai un groupe de travail sur la simplification du droit des entreprises en difficulté, le système actuel, “avec 13 procédures amiables et collectives” étant jugé trop complexe et “source d’insécurité juridique”.
Composé de 11 experts et présidé par Anne-Sophie Texier, avocate générale à la Cour de cassation, et par Philippe Roussel Galle, professeur agrégé de droit, ce groupe a pour mission de “bâtir un droit plus clair et modernisé dans l’intérêt des entreprises françaises, en particulier des PME et des entrepreneurs individuels”. L’objectif, expliquent les ministres, est de “permettre à la justice commerciale d’être un soutien davantage qu’un frein” pour “soutenir l’activité industrielle et commerciale”.
Parmi les sujets abordés figurent :
- “l’élaboration d’un régime simplifié de procédures collectives adapté aux petites entreprises” ;
- “l’opportunité de rapprocher les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire” ;
- “l’élaboration d’une nouvelle architecture du livre VI du code de commerce”, etc.
En 2024, le nombre de défaillances d’entreprise (65 000, soit 190 000 emplois menacés) a progressé de 17%.
Source : actuel CSE
L’employeur ne peut pas toujours se contenter de consulter le comité social et économique central
03/06/2025
Dès que le déploiement d’un nouvel outil logistique nécessite des mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement et relevant du pouvoir de décision du chef d’établissement, le CSE d’établissement doit être consulté.
En présence d’un CSE central et de CSE d’établissement, l’employeur a parfois tendance, lors de la présentation d’un nouveau projet, à se contenter d’une consultation du comité social et économique central (CSEC), estimant ainsi qu’il n’a pas à consulter les comités d’établissement. Comme en témoigne une jurisprudence du 26 mars 2025, il se trompe parfois.
L’affaire se déroule au sein de la société Leroy Merlin, dont la représentation du personnel est assurée par un comité social et économique central et plusieurs CSE d’établissement.
L’enjeu : le déploiement d’un nouvel outil logistique
Ayant pour projet de déployer dans ses magasins un nouvel outil logistique, dénommé “Login”, destiné à simplifier la logistique et la gestion des stocks, la direction de Leroy Merlin procède à la consultation de son CSE central en février 2021. L’outil est ensuite déployé au niveau des magasins, dont celui de Waziers dans le département du Nord.
Estimant qu’il aurait dû être lui aussi consulté, le CSE de l’établissement de Waziers décide de porter l’affaire en justice. Il réclame la suspension de l’outil logistique au sein du magasin tant qu’il n’aura pas été consulté.
Les juges font droit à la demande.
Ce que dit le droit du travail |
Le CSE d’établissement a les mêmes attributions que le CSE d’entreprise dans la limite des pouvoirs confiées au chef d’établissement. En cas de nouveau projet décidé au niveau de l’entreprise, il est consulté sur les mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement et relevant de la compétence du chef d’établissement (article L. 2316-20 du code du travail). En cas de projet d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, il devra donc être consulté sur les mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement relevant de la compétence du chef d’établissement. En revanche, si les mesures d’adaptation sont communes à plusieurs établissements, seul le comité social et économique central doit être consulté (article L. 2316-20). |
Ce qui est intéressant dans cette affaire, ce sont les éléments de fait qui ont permis de convaincre les juges que le CSE du magasin de Waziers devait effectivement être consulté.
D’abord, il a été relevé que la note d’information remise aux élus énonçait que le dispositif devait être déployé de façon progressive dans les magasins en fonction de leurs situations respectives et aux choix des directeurs de magasin.
Une faculté d’adaptation magasin par magasin
Ensuite, il a été constaté que le DRH de Leroy Merlin a insisté, lors d’échanges avec le CSE central, sur le fait qu’il était permis à chaque magasin “d’adapter son déploiement selon sa maturité et son niveau de préparation”. D’ailleurs, le déploiement de l’outil logistique n’avait pas été le même en fonction des établissements.
En plus, la création de nouveaux gestes métiers résultant de la mise en place et l’utilisation de l’outil numérique Login nécessitait, préalablement à la formation du personnel du magasin, la promotion de certains de ses collaborateurs au rang de coach login et le déplacement de ses salariés dans des magasins école. Il s’agissait donc bien de mesures d’adaptation, relevant des prérogatives de direction du chef d’établissement et nécessitant une consultation du CSE d’établissement.
Une formation et un accompagnement variables d’un magasin à l’autre
Enfin, contrairement à l’employeur, qui considérait qu’il s’agissait de mesures communes à plusieurs établissements relevant de la seule compétence du CSE central, les juges ont estimé que la mise en place de l’outil logistique impliquait à la fois “la formation des équipes et leur accompagnement, variable d’un magasin à l’autre” et “une nouvelle configuration électronique et matérielle des lieux, différente en fonction de l’ancienneté des magasins”. De sorte que la mise en place du nouvel outil dépendait de la situation de chaque magasin.
D’où l’obligation pour Leroy Merlin de consulter le CSE du magasin de Waziers et, en attendant que cela soit fait, de suspendre le déploiement de Login.
Frédéric Aouate
Le projet “Décarbonons la France” pour 2027 de Jean-Marc Jancovici bat le record européen du crowdfunding
04/06/2025
Lancé le 13 mai 2025, le projet “Décarbonons la France”, porté par l’association d’intérêt général, The Shift Project, présidée par Jean-Marc Jancovici, a déjà collecté – à l’heure où nous écrivons ces lignes – plus de 2,3 millions d’euros sur la plateforme de financement participatif (ou de crowdfunding) Ulule. Un record pour une campagne de financement participatif en France et en Europe, révèle la plateforme dans un communiqué du 2 juin. Le précédent record était détenu par le projet “Odyssée” porté par le youtubeur Tev (IciJapon) qui a levé 2,27 millions d’euros en novembre 2023 pour financer un lieu culturel hybride dédié au jeu vidéo.
Les fonds levés par le groupe de réflexion, qui entend influencer le débat public sur les défis climat-énergie et peser sur la prochaine élection présidentielle, sont destinés à financer son programme d’action pour 2027.
“The Shift Project a décidé de lancer un grand programme de propositions ou d’actions qui vise à mettre sur la table un certain nombre de suggestions dont nous aimerions voir la totalité des candidats et des candidates s’emparer au moment de l’élection, explique Jean-Marc Jancovici dans une vidéo de présentation publiée le 6 mai. Puisque les combustibles fossiles sont partout, nous allons radiographier absolument tout ce qui fait notre pays aujourd’hui. […] Vous l’aurez compris, notre ambition est immense. Nous avons besoin d’argent pour rémunérer les gens qui vont réfléchir, pour pouvoir engager les moyens qui vont nous permettre de faire connaître nos propositions.”
Selon Ulule, le cap des 3 millions d’euros “devrait être franchi et dépassé prochainement”, ce qui “démontre qu’un projet de transition structuré, transparent et ambitieux peut créer une mobilisation massive, à une échelle inédite”. Dans sa vidéo, Jean-Marc Jancovici exprimait un besoin “de l’ordre d’un à deux millions d’euros”.
“Il n’y pas 253 élections présidentielles avant 2050 ou avant la fin du siècle, c’est-à-dire les horizons de temps où nous devons avoir réglé les problèmes absolument majeurs que nous avons aujourd’hui sur les bras, pesait-il. […] Il n’y aura pas 253 occasions d’essayer de faire valoir la défense de l’avenir dans les élections présidentielles dans ce pays”.
La collecte se termine le 27 juin.
Source : actuel CSE
L’IA s’impose progressivement dans les entreprises françaises
05/06/2025
L’intelligence artificielle (IA) poursuit sa percée dans le monde professionnel. Selon une enquête de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) publiée le 3 juin, 76 % des grandes entreprises jugent désormais cette technologie utile ou potentiellement utile pour leurs salariés, soit une progression de 14 points par rapport à l’année dernière.
Cette évolution s’accompagne d’une demande croissante de formation. Près de trois cadres sur quatre (72 %) souhaitent améliorer leurs compétences en matière d’IA, une proportion en hausse de 12 points en un an. Seuls 24 % d’entre eux déclarent avoir bénéficié d’une formation aux usages de ces nouvelles technologies.
Malgré ce déficit, l’optimisme domine : plus d’un tiers des cadres (soit 15 points de plus qu’en 2023) perçoivent ces outils comme une opportunité professionnelle. Gains de productivité, amélioration de la qualité de vie au travail et stimulation de la créativité figurent parmi les bénéfices les plus souvent cités.
Source : actuel CSE
Le règlement intérieur du CSE ne peut pas aggraver les obligations pesant sur l’employeur
06/06/2025

Le CSE ne peut pas imposer à l’employeur de verser aux élus une indemnité de grand déplacement, alors qu’ils n’ont pas à en bénéficier et que leurs frais de déplacement sont pris en charge.
Il est illusoire de penser qu’il suffit d’insérer dans le règlement intérieur du CSE telle ou telle clause pour que l’employeur soit obligé de respecter ce qu’y est stipulé. Le code du travail est en effet très clair : sauf accord de l’employeur, le règlement intérieur du comité social et économique ne peut comporter des clauses lui imposant des obligations ne résultant pas de dispositions légales (article L. 2315-24). Illustration avec une jurisprudence du 26 mars 2025.
Frais de déplacement des membres du CSE
L’affaire concerne l’un des CSE d’établissement d’EDF. En cause notamment, une clause du règlement intérieur du CSE relatif aux frais de déplacement des membres du comité social et économique.
Il y est prévu que “les temps de participation aux séances, les temps de déplacement et les temps de délégation sont réputés être du temps de travail”… et que “dans le cadre de la non-discrimination, l’employeur versera aux élus les indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions de versement que l’ensemble des salariés…”.
Il est également stipulé que cela ne constitue “en rien pour l’employeur une contrainte ou une charge non prévue par le législateur”.
Signalons que cette clause était reprise, dans des termes identiques, pour la commission santé, sécurité et conditions de travail, la commission politique sociale et les représentants de proximité.
Erreur !
L’employeur était bien tenu, en application d’une circulaire interne à EDF du 20 décembre 1976, de verser une indemnité de grand déplacement. Mais cette indemnité était réservée aux agents exerçant une activité impliquait “des déplacements fréquents à périodicité, durée et lieux de séjour variables, les obligeant à quitter leur domicile plusieurs jours de suite”.
Quant aux frais de déplacement, de nuitée et de restauration engagés par les membres du comité social et économique dans le cadre de leurs missions, ils étaient pris en charge par l’employeur en application d’un accord d’entreprise du 25 juillet 2017.
Pour les juges, l’indemnité de grand déplacement ne se cumulait pas “avec le bénéfice de dispositifs spécifiques de prise en charge des frais de déplacement, tels ceux prévus par les stipulations de l’accord collectif du 25 juillet 2017 relatif au parcours des salariés exerçant des mandats représentatifs ou syndicaux”.
Et surtout, l’activité et les déplacements des représentants du personnel ne répondaient pas aux conditions d’attribution prévues par la circulaire du 20 décembre 1976, ce dont il résultait “qu’ils n’étaient pas dans une situation comparable à celle des agents bénéficiaires de l’indemnité de grand déplacement”.
Conclusion des juges : en imposant à l’employeur de verser aux élus les indemnités de grand déplacement dans les mêmes conditions de versement que l’ensemble des salariés, les clauses litigieuses, dont celle du règlement intérieur du CSE, “aggravaient les obligations légales et conventionnelles pesant sur l’employeur”. La direction d’EDF était donc en droit d’en obtenir l’annulation.
D’autres exemples de clauses jugées illégales : convocations, dates des réunions, vote, ordre du jour |
La jurisprudence nous donne d’autres exemples de clauses jugées illégales : – clause imposant au président du comité de convoquer aux réunions toute personne invitée par les élus (Cass. soc., 22 nov. 1988, n° 86-13.368). – Une clause du règlement intérieur ne pourrait donc pas imposer la présence des suppléants en réunion ; – clause imposant à la direction les dates de réunion du comité social et économique (Cass. soc., 15 janv. 2013, n° 11-28.324). C’est l’employeur qui convoque le CSE, c’est donc lui qui fixe les dates de réunion ; clause interdisant au président du comité social et économique de prendre part au vote organisé pour la désignation du secrétaire et du trésorier du comité (Cass. soc., 25 sept. 2013, n° 12-14.489) ; – clause stipulant que les convocations des représentants du personnel, l’ordre du jour des réunions du CSE et les documents s’y rapportant devront être envoyés 8 jours ouvrés avant la séance (Cass. soc., 8 oct. 2014, n° 13-17.133). |
Frédéric Aouate