Manifestation contre l’extrême droite : les syndicats dénoncent les menaces sur le monde du travail
17/06/2024
Samedi 15 juin à la manifestation parisienne, les numéros uns de l’intersyndicale étaient unanimes : la démocratie politique mais aussi les droits des salariés et les syndicats eux-mêmes sont menacés par l’extrême droite.
Aucune consigne de vote ne sera donnée la veille des élections législatives. Le mot d’ordre du cortège mené par les organisations syndicales (CFDT, CGT, FSU, Unsa, Solidaires) samedi 15 juin à Paris et en province appelle au vote contre les idées d’extrême droite en général. Les syndicalistes sont bien conscients que l’accession de ces partis illibéraux au pouvoir entraînerait des lois antisociales et antisyndicales. Un exemple parmi tant d’autres : il y a quelques semaines, interviewée sur la chaîne CNews, Marion Maréchal Le Pen a en effet évoqué le principe d’une suppression du droit de grève dans les transports. Une tribune publiée sur son site internet personnel déplore que “les syndicats disposent en France d’un pouvoir considérable au travers du paritarisme” et prône de “réduire drastiquement [leurs] sources de financement”. L’extrême droite défendait également aux élections présidentielles de 2022 la fin du monopole syndical au premier tour des élections professionnelles afin de favoriser l’émergence de “syndicats” à sa main.
Samedi dernier, dans le carré de tête de la manifestation parisienne, les représentants de l’intersyndicale déclarent se concentrer dans un premier temps sur les élections des 30 juin et 7 juillet mais certains réfléchissent déjà aux conséquences d’une éventuelle victoire du Rassemblement National. S’ils ne donnent pas de consigne de vote, ils appellent les électeurs à se rendre aux urnes et à choisir n’importe quel parti sauf ceux d’extrême droite. La manifestation a réuni en France 250 000 personnes selon la préfecture, 640 000 selon les syndicats. Derrière le cortège syndical, les Parisiens ont pu assister au baptême public du Nouveau Front Populaire qui avait diffusé son programme la veille.
Les syndicats défendent la démocratie sociale… et leur avenir
“Oui, les syndicats jouent leur place dans la démocratie, car l’extrême droite veut une démocratie sans contre-pouvoirs”, assène Marylise Léon (CFDT). Selon la secrétaire générale du premier syndicat français, non seulement l’extrême droite “attaque l’indépendance de la justice, la liberté de la presse et la liberté d’expression”, mais “c’est en plus une imposture sociale qui considère que le monde de l’entreprise doit exister sans syndicalistes donc avec des travailleurs sans voix”. Pour Sophie Binet (CGT), “leur programme reprend les rêves les plus fous du patronat puisque leur projet c’est de supprimer tous les contre-pouvoirs. Ils ont bien compris que les syndicats sont un contre-pouvoir fort qui protège les institutions démocratiques et les droits sociaux des travailleurs. Nous savons que les syndicats seront les premiers sur la liste, d’ailleurs, c’est ce qui se passe dans l’Italie de Giorgia Meloni qui s’attaque aux libertés syndicales et au droit de grève”.
Pour Laurent Escure (Unsa), la vision du RN est “d’abattre le monde du travail, les travailleurs, leurs droits mais aussi les droits des femmes et des minorités. C’est un programme régressif au plan social et démocratique qui voit les syndicalistes comme des croque-morts et préfèrera des syndicats patriotes. C’est donc notre responsabilité de porter une espérance et un contre-récit social”. Il pense en revanche que les syndicats survivront : “Quels que soient les mauvais coups qu’on nous portera, les milliers de Français investis dans le syndicalisme continueront à se battre même avec moins de moyens”.
Représentant FSU, Benoît Teste développe cette analyse : “L’extrême droite veut abattre la société civile organisée avec les syndicats et les associations. C’est pourquoi nous sommes des pôles de résistance. Il s’agit de la survie du monde du travail organisé car ils préfèrent des individus isolés afin d’avoir une emprise sur eux dans leur discours. Ils aiment bien les syndicats maison, les syndicats corporatistes, pas ceux qui portent des transformations sociales”. De l’avis unanime des leaders syndicaux présents, l’extrême droite au pouvoir jetterait aux oubliettes les corps intermédiaire et poursuivrait une politique de répression et de discrimination syndicale en entreprise.
Sympathisants RN dans les syndicats : un effet de la colère
Selon un sondage Toluna-Harris Interactive pour l’agence de presse AEF, la liste Rassemblement National aux élections européennes a également fait des émules parmi les électeurs se disant proches d’un syndicat, et ce tous syndicats confondus. Dès lors, comment peuvent-ils concilier les valeurs syndicales et les programmes antisyndicaux d’extrême droite ? Pour Sophie Binet, cela s’explique “parce que nous sommes une organisation de masse de 600 000 adhérents. L’extrême droite progresse partout donc évidemment aussi parmi les sympathisants syndicaux, mais il n’y en a pas parmi nos militants”. Benoît Teste (FSU) “les gens sont très en colère, mais ça ne veut pas dire qu’il faille les exclure comme définitivement perdus pour la cause : il faut continuer à discuter, à objectiver les choses”. Chez Solidaires, Julie Ferrua, nouvelle co-déléguée avec Murielle Guilbert, partage le constat d’une diffusion des idées d’extrême droite dans toutes les couches de la société : “On fait des formations pour donner conscience aux travailleurs et travailleuses, pour leur expliquer les choses. Après, c’est à nous de nous faire entendre médiatiquement avec nos solutions”.
Rendez-vous ministériels avec le RN : y aller ou pas ?
Comment réagir si Jordan Bardella s’installe à Matignon et demande à rencontrer les syndicats ? Marylise Léon (CFDT), Sophie Binet (CGT) et Julie Ferrua (Solidaires) considèrent que le temps n’est pas encore venu de se poser cette question, la priorité restant pour l’instant de mobiliser les Français autour de l’élection afin que cette hypothèse ne se réalise pas.
Laurent Escure (Unsa) avance un rôle d’opposition et de défense : “On s’opposera de toutes nos forces, après il faudra aller voir des employeurs du public et du privé pour défendre les salariés. On sait qu’on ne pourra rien construire avec eux. Il faudra retourner au terrain de base”. Benoit Teste (FSU) reconnaît “qu’il s’agit d’une question redoutable : si on y va on cautionne leur politique et on n’est pas dans le vrai, on ne peut pas parler avec eux comme avec d’autres partis. Mais si on n’y va pas, on disparaît. Donc il faudra passer par des discussions au cas par cas. Partant de là, il faudra porter le fer en organisant des revendications, on retournera au terrain syndical”.
Une position justement défendue la semaine dernière par Frédéric Souillot en ces termes : “FO restera sur le terrain syndical pour porter ses revendications en toute indépendance et défendre les intérêts des salariés”. Réunie en Commission Exécutive le 13 juin, la confédération a également exprimé ses positions : ” FO fidèle à ses principes, rappelle qu’elle a combattu et combat les atteintes aux libertés et lutte au quotidien contre le racisme, la xénophobie et l’antisémitisme”. Rappelons que Force Ouvrière (pour des motifs statutaires), la CFE-CGC et la CFTC ne se sont pas joints à l’intersyndicale qui a appelé à manifester.
Il ne faut cependant pas en déduire que ces confédérations restent muettes face à l’extrême droite. Dans un édito publié sur le site de la CFTC le 11 juin, Cyril Chabanier précise qu’il ne dispose pas de mandat “pour guider le choix” de ses adhérents ou sympathisants, ajoutant “Je redis en revanche à qui veut l’entendre que la CFTC a toujours été, est et restera un syndicat réformiste, humaniste, pro-européen et modéré”. La CFE-CGC n’est pas non-plus restée dans le flou : selon son communiqué de presse du 10 juin, “désormais que le mal est fait, la CFE-CGC appelle les futurs candidats aux élections législatives et aux partis qui les regroupent à cette nécessaire clarification sur leurs intentions. La CFE-CGC appelle l’ensemble des Français à la vigilance et au discernement nécessaires à imposer par leur vote une restauration des équilibres entre le pouvoir politique et les corps intermédiaires”.
L’intersyndicale appelant à manifester samedi dernier était donc composée de la CFDT, la CGT, l’Unsa, la FSU et Solidaires. En revanche, celle qui regroupe les cinq syndicats représentatifs du secteur privé (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC) continue ses échanges et sa mobilisation notamment contre la réforme de l’assurance chômage.
Qu’en disent les organisations patronales ? |
Mardi 11 juin, Patrick Martin a précisé ses positions lors d’un débat avec Sophie Binet. Le même jour en début d’après-midi, le Medef a publié un communiqué de presse selon lequel “il soutiendra les projets favorables aux réformes économiques et à l’ambition européenne, dans le respect de la démocratie sociale”. La principale organisation patronale relève que “certains proposent des mesures économiques contraires à ces objectifs (retour à la retraite à 60 ans ou 62 ans, indexation automatique des salaires sur l’inflation (…) qui se traduiront immanquablement par une nouvelle dégradation de nos finances publiques”. On le voit, le Medef défend la démocratie sociale mais rappelle ses intérêts économiques. Parmi les 80 propositions émises le 15 janvier 2024, la CPME soutenait une suppression du monopole syndical au premier tour des élections professionnelles. Le lendemain de la dissolution, le 10 juin, elle a tenu à rappeler ses priorités : “une limitation du poids de la fonction publique (…), une politique de l’offre (…), une baisse du coût du travail et des charges sociales”. Le 14 juin, elle a publié un autre communiqué de presse visant directement le programme du Nouveau Front Populaire qui signifierait selon elle “le retour d’une économie administrée (…), une perte brutale de compétitivité (…), une crise économique majeure”. Michel Picon, Président de l’U2P (artisans, commerçants et professions libérales) s’est exprimé dans les médias en s’inquiétant des déclarations de partis “sur le retour de la retraite à 60 ans, les charges et impôts (…) et une dette insoutenable”, évoquant également la situation “d’infirmières qui ne peuvent plus entrer dans les cages d’immeubles pour aller soigner leurs patients” et “de toute une catégorie de Français qui se dit [que] ça ne peut pas être pire donc oui nous allons essayer”, avant que la journaliste lui fasse préciser “essayer le RN”. Il ajoute que “nous en tant qu’organisation professionnelle nous ne le pensons pas aussi brutalement”. |
Marie-Aude Grimont
Élections législatives : Gabriel Attal propose une prime Macron à 10 000 euros
17/06/2024
Après l’annonce du programme du Nouveau Front Populaire, le Premier ministre Gabriel Attal a dévoilé quelques éléments du programme de la majorité présidentielle. Il propose de porter de 3 000 euros à 10 000 euros le montant de la prime Macron défiscalisée, la prime de partage de la valeur. De plus, elle pourrait être mensualisée. Selon le ministre, elle a été versée à 6 millions de salariés l’année dernière, précisant également qu’il ne s’agirait pas d’une hausse de salaires.
Parmi les autres propositions du volet pouvoir d’achat de ce programme, on trouve par exemple la possibilité d’acheter un véhicule électrique pour 100 euros par mois, une exonération des frais de notaire pour un achat de logement jusqu’à 250 000 euros ou encore une extension de la “complémentaire santé publique à 1 euro par jour” à 3 millions de Français dépourvus de mutuelle.
Source : actuel CSE
Application du barème Macron aux salariés ayant moins d’un an d’ancienneté : l’arrêt d’une cour d’appel est cassé
17/06/2024
Le salarié ayant moins d’un an d’ancienneté qui est licencié sans cause réelle et sérieuse peut bénéficier d’une indemnité au plus égale à un mois de salaire.
Depuis l’entrée en vigueur du barème obligatoire fixé à l’article L.1235-3 du code du travail, dit “barème Macron”, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est encadrée par des montants minimaux et maximaux déterminés par année d’ancienneté, que le juge est dans l’obligation de respecter et qui s’applique à tous les salariés et toutes les entreprises, quel que soit leur effectif.
Ce barème prévoit, à l’égard des salariés ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, une indemnité plancher nulle et une indemnité maximale égale à un mois de salaire.
Une règle que la cour d’appel de Toulouse semble avoir occultée, puisqu’elle a estimé qu’en application de l’article L.1235-3 du code du travail, “le salarié qui bénéficie d’une ancienneté inférieure à un an dans une entreprise employant moins de onze salariés ne peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse”.
Elle est logiquement censurée par la Cour de cassation, qui rappelle qu’en vertu de cet article, si le salarié est licencié pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’existe pas de possibilité de réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté exprimée en années complètes du salarié. Puis elle précise que “pour un salarié dont l’ancienneté dans l’entreprise est de moins d’une année, le montant maximal de l’indemnité est d’un mois de salaire, ce dont il résulte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont il appartient au juge de déterminer le montant”.
L’affaire est renvoyée devant une autre cour d’appel.
Source : actuel CSE
Précisions sur le congé de formation syndicale des salariés appelés à exercer des fonctions syndicales
18/06/2024
La Cour de cassation confirme que les élus et délégués syndicaux ont droit à 18 jours de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Puis elle précise les sanctions applicables en cas de manquement de l’employeur dans ce cadre.
Conformément à l’article L. 2145-5 du code du travail, l’objet du congé de formation syndicale, de son nom complet “congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale”, est de permettre aux salariés qui le désirent de participer à des stages ou sessions de formation économique, sociale ou environnementale ou de formation syndicale, organisés soit par des centres rattachés à des organisations syndicales de salariés représentatives sur le plan national, soit par des instituts spécialisés.
Tous les salariés peuvent en bénéficier à hauteur de 12 jours par an, mais les “salariés appelés à exercer des fonctions syndicales” et les “animateurs de stages et sessions” ont un droit à congé de 18 jours par an (article L. 2145-1 et L. 2145-7 du code du travail).
Dans cet arrêt publié de la Cour de cassation en date du 12 juin 2024, la chambre sociale confirme quels sont ces salariés “appelés à exercer des fonctions syndicales”, et apporte des précisions sur les sanctions encourues par l’employeur dans ce cadre.
Durée maximum du droit à congé de formation d’un élu et délégué syndical
Dans cette affaire, un membre suppléant du CSE d’établissement, également délégué syndical d’établissement, transmet à son employeur une demande de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale de 13 jours. Son employeur n’est pas d’accord, car il considère que le salarié n’a droit qu’à 12 jours de congé à ce titre, et non 13.
Le salarié et son syndicat saisissent donc le conseil de prud’hommes :
- pour juger de son droit à 18 jours de congé de formation syndicale et d’ordonner à la société d’autoriser son congé de 13 jours ;
- pour condamner l’employeur à leur verser des dommages et intérêts, pour le salarié au motif de refus abusif, et pour le syndicat au titre de l’intérêt collectif de la profession ;
- pour condamner l’employeur pour non-respect de l’obligation de consulter le CSE avant refus d’un congé de formation syndicale ;
- pour condamner l’employeur pour délit d’entrave à l’exercice du droit syndical.
Droit à 18 jours de congé syndical pour les salariés appelés à exercer des fonctions syndicales…
Le conseil de prud’hommes décide que le salarié est un salarié appelé à exercer des fonctions syndicales et qu’à ce titre, son droit au congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale s’élève à 18 jours. Il ordonne à l’employeur d’autoriser le congé pour formation syndicale de 13 jours demandé.
► En cas de différend dans le cadre de l’octroi du congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale, le refus de l’employeur peut être directement contesté devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes, lequel statue en dernier ressort, selon la procédure accélérée au fond (articles L. 2145-11 et R. 2145-5 du code du travail).
Mais l’employeur conteste. Il estime que le droit à 18 jours de congé annuel est réservé aux “animateurs de stages et sessions”, conformément à l’article L. 2145-7 du code du travail.
La Cour de cassation donne raison au salarié et au conseil de prud’hommes. Elle explique que l’article L. 2145-7 n’est pas applicable aux “salariés appelés à exercer des fonctions syndicales”. Il n’est donc pas nécessaire que ceux-ci soient “animateurs de stages et de sessions”, ils bénéficient de droit, au titre des dispositions de l’article L. 2145-1 d’une durée totale de 18 jours de congé pris à ce titre dans l’année.
Puis la chambre sociale précise que le salarié, en ses qualités d’élu suppléant au CSE d’établissement et de délégué syndical d’établissement, exerce bien des fonctions syndicales. Il a donc droit à un congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale de 18 jours. Il doit donc être fait droit à la demande de 13 jours de congé à ce titre.
► La circulaire DRT n° 87/11 du 3 novembre 1987 relative au congé de formation syndicale (voir pièce jointe) a précisé que “la loi n’a pas défini les notions d’animateur et de salarié appelés à exercer des responsabilités syndicales (…). Ces notions sont en réalité difficilement réductibles à une définition juridique précise. Il faut considérer qu’il s’agit de tous les salariés exerçant une fonction d’animation des stages de formation dans le domaine économique, social et syndical et de tous ceux auxquels les organisations syndicales envisagent de confier une responsabilité, ou qui exercent déjà une telle responsabilité, dans le cadre de l’entreprise ou hors de celui-ci”.
… mais pas de consultation du CSE en cas de refus pour désaccord sur le nombre maximum de jours de congé
Le syndicat demande également des dommages et intérêts, au titre de l’intérêt collectif de la profession, pour violation de l’obligation de consulter le CSE. A l’appui de sa demande, il avance l’article L. 2145-11 du code du travail qui prévoit que le congé de formation économique, sociale et environnementale et de formation syndicale est de droit, sauf dans le cas où l’employeur estime, après avis conforme du CSE, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l’entreprise. Dans ce cadre, il doit consulter le CSE et obtenir son avis conforme.
Mais la Cour de cassation ne fait pas droit à cette demande. Elle précise que lorsque l’employeur conteste seulement la durée du congé auquel le salarié pouvait prétendre, comme c’était le cas dans cette affaire, l’avis conforme du CSE n’a pas à être sollicité.
► Rappelons que certains congés de formation ou autorisations d’absence s’imputent sur les 12 ou 18 jours de congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Il s’agit des congés de formation des membres du CSE (congé de formation économique et congé de formation santé et sécurité) et du congé de formation des conseillers du salarié (articles L. 1232-12, L. 2315-63, alinéa 2 et R. 2315-17 du code du travail). Ainsi, le salarié appelé à exercer des fonctions syndicales ayant pris 13 jours au titre du congé de formation syndicale, ne pourra prendre que cinq jours au titre de ces autres congés sur la même année civile. En outre, ces différents congés sont également soumis à des contingents : contingent global de jours de congé fixé pour l’établissement en fonction de son effectif pour l’année civile en cours (par exemple, pour un établissement de 499 salariés : 240 jours par an au total), et quota d’absences simultanées de plusieurs salariés au titre de ces congés. A ce titre, l’employeur peut reporter les congés, les demandes à satisfaire en priorité sont celles ayant déjà fait l’objet d’un report (Arrêté du 7 mars 1986; article L. 2145-8 du code du travail).
Le refus abusif de l’employeur justifie des dommages et intérêts pour le salarié…
Le salarié demande des dommages et intérêts pour refus abusif de son employeur de lui accorder le congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Le conseil de prud’homme le déboute au motif que “l’employeur n’a pas refusé sa demande mais a demandé le jour même au salarié des précisions car sa demande excédait douze jours”, et “que la société n’était pas de mauvaise foi, qu’elle s’appuyait sur l’article L. 2145-7 du code du travail et qu’il y avait une divergence d’interprétation des droits”.
Mais la Cour de cassation donne raison au salarié : “le jugement retient que le salarié avait droit à 18 jours de congé et ordonne à l’employeur de lui accorder un 13e jour de congé, ce dont il se déduisait que l’employeur n’avait pas donné de suite favorable à une demande de congé qu’il aurait dû accorder de plein droit et avait commis ainsi un manquement au préjudice du salarié”.
Ainsi, dès lors que le droit est reconnu au salarié et que l’employeur ne le lui a pas accordé, il y a bien refus abusif et le salarié a droit à des dommages-intérêts à ce titre.
… et pour le syndicat au titre de l’intérêt collectif de la profession…
De même, le syndicat est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation du droit à la formation du salarié appelé à exercer des fonctions syndicales. Il agit au titre de l’intérêt collectif de la profession, en application de l’article L. 2132-3 du code du travail. Le conseil de prud’hommes s’appuie sur les mêmes arguments que concernant le refus de dommages-intérêts du salarié.
Le syndicat conteste cette décision et la Cour de cassation lui donne raison. Pour la chambre sociale, en effet, “le refus d’un congé de 18 jours à des salariés appelés à exercer des responsabilités syndicales porte préjudice à l’intérêt collectif de la profession”. Ainsi, dès lors que “le jugement constate que l’employeur n’avait pas donné de suite favorable à une demande de congé du délégué syndical qu’il aurait dû accorder de plein droit en application des dispositions de l’article L. 2145-11 du code du travail , le conseil de prud’hommes a violé les textes susvisés “.
Il y a donc bien atteinte à l’intérêt collectif de la profession, et le syndicat peut exiger des dommages et intérêts à ce titre.
…mais ne constitue pas un délit d’entrave au droit syndical
Enfin, le conseil de prud’hommes déboute le salarié et le syndicat de leurs demandes respectives de dommages-intérêts pour entrave à l’exercice du droit syndical. Et la Cour de cassation donne raison aux juges du fond.
Elle explique que “l’article L. 2146-1 du code du travail sanctionne le fait d’apporter une entrave à l’exercice du droit syndical, défini par les articles L. 2141-4, L. 2141-9 et L. 2141-11 à L. 2143-22 du code du travail. Le non-respect des dispositions des articles L. 2141-10, L. 2145-1 et L. 2145-11 du code du travail n’entre pas dans les prévisions de ce texte”.
En d’autres termes, il ne peut y avoir de délit d’entrave au droit syndical dans le cadre de l’atteinte au droit à congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale.
En effet, seul un texte légal réprimant l’entrave permet de condamner l’employeur au titre de ce délit, c’est l’élément légal nécessaire à la constitution de toute infraction pénale. Ici, la Cour de cassation constate que l’article L. 2146-1 définissant l’entrave à l’exercice du droit syndical, ne vise pas les articles relatifs au droit au congé de formation économique, sociale, environnementale et syndicale. Le délit d’entrave n’est donc pas constitué.
Severine Baudouin
Désmicardisation : un rapport déplore la stagnation salariale au cours de la carrière
20/06/2024
La commission des affaires du Sénat a publié un rapport intitulé : “Négociations salariales et smicardisation : faux débat, vrai problème”.
Le constat de la commission des affaires sociales est le suivant : le problème salarial en France ne viendrait pas tant des minima de branche. “Les partenaires sociaux des branches se sont efforcés de jouer le jeu de la négociation collective après chaque revalorisation du Smic”.
Le rapport pointe surtout “la stagnation salariale au cours de la carrière [qui] constitue le principal problème auquel les salariés sont confrontés”.
Il convient, indique le rapport, “d’apporter un soutien public ciblé sur les branches professionnelles qui, par la nature de leur secteur d’activité, sont en difficulté pour offrir une progression salariale satisfaisante à leurs salariés. Ce soutien pourrait être assuré via les dotations accordées par France compétences aux opérateurs de compétence (Opco), en majorant le financement des plans de développement des compétences des branches qui s’engagent dans des accords incitant au développement des compétences et à la formation continue. De même, le Fonds national de l’emploi-Formation, dans le cadre du conventionnement entre l’État et chaque Opco, pourrait intégrer un objectif d’aide à la progression salariale”.
Le rapport estime que “la révision des classifications de branche, pour essentielle qu’elle soit à long terme dans la valorisation des compétences, ne constitue pas à court terme un levier de « désmicardisation » des carrières. Ces révisions sont des procédures lourdes à engager et longues à aboutir, ce qui justifierait un meilleur accompagnement de l’État en ingénierie de ces projets”.
Source : actuel CSE
Une nouvelle fusion de branches professionnelles
20/06/2024
Un arrêté du 3 juin 2024 acte la fusion du champ d’application de la convention collective des pâtes alimentaires sèches et du couscous non préparé et de la convention collective nationale des cinq branches industries alimentaires diverses.
Source : actuel CSE
[Veille JO] Les textes parus cette semaine : avantage en nature, chèque énergie, emploi, législatives, représentativité, santé sécurité, TPE
21/06/2024
Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) du vendredi 14 juin au jeudi 20 juin inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.
Climat
- Un décret du 15 juin 2024 fixe les modalités de mise en œuvre du plan d’épargne avenir climat
- Un décret du 15 juin 2024 précise la mise en œuvre du plan d’épargne avenir climat et au contrôle de la détention des produits d’épargne réglementée
- Un décret du 14 juin 2024 révise le système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne
Droits des salariés
- Un arrêté du 3 juin 2024 fixe les modèles de documents d’information prévus par l’article R. 1221-38 dans sa rédaction résultant de l’article 1er du décret n° 2023-1004 du 30 octobre 2023 portant transposition de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne
- Un arrêté du 28 mai 2024 fixe l’évaluation de l’avantage en nature logement pour le calcul des cotisations de sécurité sociale des salariés affiliés au régime général
Elections législatives
- Un arrêté du 17 juin 2024 fixe la liste des candidats au premier tour de l’élection des députés élus par les Français établis hors de France
- Un arrêté du 17 juin 2024 pris en application de l’article 8 du décret n° 2024-527 du 9 juin 2024 porte convocation des électeurs pour l’élection des députés à l’Assemblée nationale définissant la liste des partis ou groupements politiques pouvant bénéficier des émissions du service public de la communication audiovisuelle prévues à l’article L. 167-1 du code électoral
- Dans une décision du 20 juin 2024, le Conseil constitutionnel a rejeté 10 recours contre la convocation des électeurs aux législatives
Emploi
- Un décret du 18 juin 2024 détermine la composition et le fonctionnement des comités territoriaux pour l’emploi
- Un décret du 18 juin 2024 traite des modalités de la préparation opérationnelle à l’emploi individuelle
Energie et pouvoir d’achat
- Un arrêté du 12 juin 2024 traite des demandes de chèque énergie, aide forfaitaire attribuée aux ménages modestes
Fonction publique
- Un arrêté du 12 juin 2024 précise la mise en œuvre de dispositions temporaires en matière de compte épargne-temps pour les personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques des établissements publics de santé
- Un arrêté du 13 juin 2024 fixe la date des prochaines élections professionnelles en cours de cycle électoral du comité social d’administration et de la commission consultative paritaire de la direction de l’information légale et administrative
- Un arrêté du 13 juin 2024 détermine la part respective de femmes et d’hommes représentés au sein du comité social d’administration de la direction de l’information légale et administrative
Nominations et dialogue social
- Un arrêté du 4 juin 2024 modifie l’arrêté du 23 mai 2022 portant nomination des membres titulaires du Haut Conseil du travail social
- Un arrêté du 23 mai 2024 porte nomination au conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Karine Ollivier pour la CGT)
- Un arrêté du 13 juin 2024 porte nomination des commissaires du gouvernement aux conseils d’administration des opérateurs de compétences
- Un arrêté du 7 juin 2024 modifie l’arrêté du 18 juin 2021 portant nomination à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle et des sous-commissions constituées en son sein
- Un arrêté du 17 juin 2024 porte nomination au conseil d’administration de l’établissement public Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (Arpe)
- Un arrêté du 14 juin 2024 modifie l’arrêté du 26 mars 2024 portant nomination au Comité national pour l’emploi
- Un arrêté du 18 juin 2024 porte nomination des membres du Haut Conseil du dialogue social
- Un décret du 19 juin 2024 porte nomination du président et des membres du Haut Conseil pour le climat
Représentativité
- Un arrêté du 14 juin 2024 fixe la liste des organisations professionnelles d’employeurs reconnues représentatives dans le périmètre utile à la négociation des entreprises au service de la création et de l’évènement
- Un arrêté du 14 juin 2024 fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le périmètre utile à la négociation des entreprises au service de la création et de l’évènement
- Un arrêté du 14 juin 2024 porte désignation du président et du secrétaire de la Commission nationale des opérations de vote prévue pour la mesure en 2024 de l’audience des organisations syndicales concernant les entreprises de moins de 11 salariés, prévue fin 2024
Santé sécurité
- Un arrêté du 4 juin 2024 modifie l’arrêté du 14 août 2012 relatif aux conditions de mesurage des niveaux d’empoussièrement, aux conditions de contrôle du respect de la valeur limite d’exposition professionnelle aux fibres d’amiante et aux conditions d’accréditation des organismes procédant à ces mesurages
- Un décret du 17 juin 2024 précise les modalités de la prévention du risque électrique lié aux travaux d’ordre non électrique réalisés dans l’environnement d’ouvrages ou installations électriques aériens ou souterrains
Source : actuel CSE
Emploi et handicap : l’Agefiph actualise son guide sur ses aides
21/06/2024
L’Agefiph (association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) publie l’actualisation de son guide d’intervention. Sont présentées les aides dont peuvent bénéficier les salariés et les entreprises :
- qui emploient une personne en situation de handicap ;
- de droit privé ou relevant du droit privé ;
- exerçant leurs activités sur le territoire national, et soumise au régime juridique de droit français ;
- à jour de leurs obligations sociales (cotisations et contributions sociales et contribution relative à l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap).
Source : actuel CSE