Moins d’autonomie au travail, plus d’abstention aux élections !

04/03/2024

“À niveau de diplôme, âge, secteur d’activité, profession et autres caractéristiques observables données, l’absence d’autonomie au travail renforce nettement l’abstention aux élections” : telle est la conclusion d’une étude, menée par le chercheur Thomas Coutrot, que vient de publier l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales). Cette étude repose sur la combinaison, au niveau communal, des enquêtes Conditions de travail de 2016-17 et 2019 et des résultats des élections présidentielle de 2017 et européenne de 2019, le tout étant enrichi par les données compilées par Julia Cagé et Thomas Piketty dans leur récent ouvrage.

“Pour les salariés qui votent, la possibilité de s’exprimer sur leur travail dans le cadre de réunions formelles contribue à orienter leur vote vers les candidats du centre (macroniste) ou de gauche, et les éloigne du vote RN. Parmi les autres aspects des conditions de travail, les horaires atypiques et la pénibilité physique sont associés positivement au vote RN et négativement au vote macroniste”, estime Thomas Coutrot.

Et le chercheur de conclure ainsi ses travaux : “Ces résultats sont de simples ordres de grandeur qui n’ont aucun caractère automatique : les comportements électoraux ont bien d’autres déterminants. Néanmoins il est permis de penser qu’une politique de démocratisation du travail, en rééquilibrant les rapports de forces sociaux dans les entreprises, contribuerait à tarir d’autres sources de la dégradation démocratique, comme l’insécurité de l’emploi ou les inégalités de revenu. Ces nouveaux droits à l’expression collective et au contrôle des travailleuses et des travailleurs sur l’organisation de leur travail semblent en tout cas aujourd’hui nécessaires pour réformer un management à la française particulièrement autoritaire et vertical (..), dont les impacts sanitaires sont déjà très largement documentés, et dont les conséquences politiques ici mises en évidence sont inquiétantes pour la démocratie”.

Source : actuel CSE

AGS et prise d’acte : la Cour de cassation va devoir revoir sa position

05/03/2024

Dans une décision rendue le 22 février dernier, la Cour de justice de l’union européenne estime que les créances salariales d’un travailleur qui prend acte de la rupture de son contrat de travail pour des manquements graves de son employeur doivent pouvoir être prises en charge par l’AGS, l’association pour la garantie des salaires. Une position différente de celle de la Cour de cassation.

La Cour de cassation écarte l’intervention de l’AGS (l’association qui garantit les salaires en cas de procédure collective) en cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail pendant la période d’observation en considérant que les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l’article L. 3253-8, 2°, du code du travail s’entendent d’une rupture à l’initiative de l’administrateur ou du mandataire judiciaire (arrêt du 20 décembre 2017 ; arrêt du 14 octobre 2020.

A noter : dans un arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation a indiqué que la prise d’acte intervenue avant le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire ouvrait droit à la prise en charge par l’AGS des créances résultant de la rupture du contrat de travail.

A ce meccano déjà compliqué du droit français, la CJUE vient y ajouter une strate supplémentaire et pourrait bien contraindre la Cour de cassation à redéfinir sa position.

La position de la Cour de cassation contrecarrée par la CJUE

La Cour de justice de l’union européenne (CJUE) a été saisie de quatre questions préjudicielles. Il lui est demandé de répondre à la question suivante : 

“La directive 2008/94 doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la couverture des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail par le régime assurant le paiement des créances des travailleurs salariés par une institution de garantie, établi conformément à l’article 3 de cette directive, lorsque la rupture du contrat de travail est à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné, mais exclut la couverture de telles créances par cette institution de garantie lorsque le travailleur en cause a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et une juridiction nationale a jugé cette prise d’acte comme étant justifiée ?”

La CJUE y répond dans une décision du 22 février 2024.

Les juges européens estiment que “la cessation du contrat de travail à la suite de la prise d’acte de la rupture de ce contrat par le travailleur, en raison de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite dudit contrat, considérée par une juridiction nationale comme étant justifiée, ne saurait être regardée comme résultant de la volonté du travailleur, dès lors qu’elle est, en réalité, la conséquence desdits manquements de l’employeur”.

Dès lors, estiment-ils que ces salariés “se trouvent dans une situation comparable à celle dans laquelle se trouvent les travailleurs dont les contrats ont pris fin à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné“.

Conséquence : l’AGS doit s’appliquer à ces créances salariales. “Il y a lieu de répondre aux questions posées que la directive 2008/94 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit la couverture des créances impayées des travailleurs salariés résultant de contrats de travail ou de relations de travail par le régime national assurant le paiement des créances des travailleurs salariés par une institution de garantie, établi conformément à l’article 3 de cette directive, lorsque la rupture du contrat de travail est à l’initiative de l’administrateur judiciaire, du mandataire liquidateur ou de l’employeur concerné, mais exclut la couverture de telles créances par cette institution de garantie lorsque le travailleur en cause a pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de manquements suffisamment graves de son employeur empêchant la poursuite dudit contrat et une juridiction nationale a jugé cette prise d’acte comme étant justifiée”.

Florence Mehrez

Seuils, seniors, CPF : la prudence de Catherine Vautrin

05/03/2024

Pour sa première interview à un titre de presse nationale, dans la Tribune ce dimanche 3 mars, la nouvelle ministre du travail, de la santé et des solidarités fait montre d’une grande prudence sur les sujets d’actualité touchant à l’emploi, au travail et à la négociation collective, à savoir la négociation pacte de vie qui concerne les seniors, l’assurance chômage et le futur projet de loi de réforme du code du travail qui pourrait comporter un relèvement des seuils. 

A propos de la négociation sur l’emploi des seniors, Catherine Vautrin souligne que cet accord “doit notamment intégrer le relèvement de l’âge d’indemnisation des seniors, comme les partenaires sociaux l’ont acté en novembre”. Au sujet d’un acte 2 de la réforme du travail, la ministre explique : “La stratégie du gouvernement est de simplifier, sécuriser afin de libérer les énergies et de créer de l’emploi, avec une ambition particulière pour les PME. Tout ce qui relève du code du travail sera évidemment traité rue de Grenelle, dans le dialogue avec les partenaires sociaux”. 

On peut lire cette dernière phrase comme une affirmation par rapport au ministère de l’économie et des finances, qui a amputé d’un milliard d’euros les crédits du ministère du travail et de la santé en 2024. La ministre semble aussi vouloir marquer sa différence par rapport à Bercy quand elle répète qu’il n’y aurait pas de réforme de la rupture conventionnelle et que le reste à charge envisagé sur le compte personnel de formation n’était “pas encore arbitré”. 

Source : actuel CSE

La nouvelle liste des métiers en tension incluant des métiers agricoles est publiée au Journal officiel

05/03/2024

Comme annoncé par le ministère du travail la semaine dernière, un arrêté du 1er mars 2024, publié au Journal officiel le samedi 2 mars, complète la liste des métiers en tension, en incluant l’ensemble des métiers agricoles relevant des quatre familles professionnelles suivantes, quelle que soit la région :

  • agriculteurs salariés ;
  • éleveurs salariés ;
  • maraîchers, horticulteurs salariés ;
  • viticulteurs, arboriculteurs salariés.

Cet arrêté s’ajoute à celui du 1er avril 2021 relatif à la délivrance des autorisations de travail aux étrangers non européens.

A noter : la loi immigration du 26 janvier 2024l prévoit que la liste des métiers en tension sera désormais annualisée tous les ans.

Un arrêté du 1er mars 2024 complète la liste

Source : actuel CSE

Preuve des heures de travail : que faire en l’absence d’un système de décompte objectif et fiable ?

06/03/2024

L’employeur qui n’a pas mis en place un système de décompte du temps de travail objectif, fiable et accessible conserve tout de même la faculté, pour prouver l’existence et le nombre d’heures de travail réellement accomplies, de soumettre au juge des éléments de preuve.

En l’absence d’horaire collectif dans l’entreprise, que se passe-t-il si l’employeur n’a pas mis en place, comme il le doit, un système objectif, fiable et accessible permettant de décompter le temps de travail ? Peut-il, lors d’un contentieux, apporter des éléments de preuve sur la réalité des heures effectuées ? Oui répond la Cour de cassation dans un arrêt du 7 février 2024.

Dans cette affaire, une salariée, coiffeuse, saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire et de paiement d’heures supplémentaires et de contrepartie obligatoire en repos. L’employeur y répond en produisant un cahier manuscrit de relevé des heures tenu quotidiennement par lui-même, corroboré par des attestations de témoignages en justice.

Prenant en compte les éléments produits de part et d’autre, la cour d’appel juge que la salariée n’a pas accompli les heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies et la déboute de ses demandes.

Celle-ci se pourvoit en cassation en arguant que le juge ne peut prendre en considération, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, les documents produits par l’employeur que si ceux-ci proviennent d’un système objectif, fiable et accessible de mesure de la durée du travail du salarié mis en place par l’employeur. Or, l’employeur n’avait en l’espèce pas mis en place un tel système, mais usait, pour décompter les heures qu’elle effectuait, d’un cahier manuscrit qu’il remplissait quotidiennement.

Le cahier quotidien de décompte des heures et les attestations fournis acceptées comme modes de preuve

La Cour de cassation approuve la cour d’appel qui a débouté la salariée de ses demandes d’heures supplémentaires. Selon la Haute juridiction,  l’absence de mise en place par l’employeur d’un système objectif, fiable et accessible ne le prive pas du droit de soumettre au débat contradictoire tout élément de droit, de fait et de preuve, quant à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies.

Pour rendre sa décision, la Cour de cassation rappelle sa jurisprudence sur le mécanisme probatoire particulier prévu par l’article L.3171-4 sur l’existence ou le nombre d’heures de travail accomplies : le salarié doit, en premier lieu, apporter des “éléments suffisants” à l’appui de sa demande, puis l’employeur, en réponse, fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et règlementaires.

En l’espèce, les juges du fond ont considéré, s’appuyant notamment sur le cahier quotidien de décompte des heures et les attestations fournis par l’employeur, que la salariée n’avait pas effectué les heures non rémunérées qu’elle prétendait avoir accomplies.

On peut se demander si les juges du fond auraient adopté la même position si l’employeur avait apporté comme preuve uniquement un cahier manuscrit ou uniquement des attestations de témoignages en justice.

Dans sa décision, la Cour rappelle la jurisprudence de la Cour de Justice de l’union européenne du 14 mai 2019 qui prévoit que les Etats membres doivent imposer aux employeurs l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur (CJUE 14 mai 2019, Federación de Servicios de Comisiones Obreras (CCOO), C-55/18, point 60).

A noter qu’en droit interne, le code du travail ne précise pas que ce système de décompte des heures doit être objectif, fiable et accessible. Il se limite à préciser que si le système d’enregistrement est automatique, ce système doit être fiable et infalsifiable (article L.3171-4 du code du travail). L’application de la jurisprudence européenne oblige à tenir un décompte des heures de travail en respectant des critères plus exigeants.

La question posée au juge dans ce litige était de connaître les conséquences du non-respect de cette obligation par l’employeur. La réponse est claire : ce non-respect ne le prive pas du droit de soumettre les éléments de preuve dont il dispose.

La Cour de cassation adopte une appréciation très large des éléments de preuve que l’employeur peut apporter en réponse aux éléments de preuve fournis par le salarié. 

La rédaction sociale

Pacte de la vie au travail : Catherine Vautrin met la pression sur les partenaires sociaux

06/03/2024

Dans son discours de clôture des 9èmes rencontres pour le travail et l’emploi qui se sont tenues hier, la ministre du Travail n’a pas mâché ses mots : les négociations sur le “Pacte de la vie au travail” doivent mener à améliorer le taux l’emploi des seniors, ce dernier étant “le cœur de notre bataille pour le plein emploi”. Elle insiste, “nous jouons là une partie absolument majeure, la réforme des retraites ne sert à rien si nous n’avons pas la capacité à travailler sur l’emploi des 60-64 ans”. Un message clair aux partenaires sociaux dans un contexte où les discussions sur le sujet patinent, et ce d’autant plus qu’étaient entre autres dans la salle Patrick Martin, le président du Medef, et Yvan Ricordeau, le chef de file de la délégation CFDT présente aux négociations.

Outre ce point, Catherine Vautrin est revenue sur sa feuille de route. Plein emploi, prévention en matière de santé/sécurité au travail, pouvoir d’achat des travailleurs de classe moyenne, “ma priorité c’est surtout le bon emploi”. Mais elle a également rappelé que très concrètement la compétitivité est l’enjeu central puisque “l’année 2023 n’était pas celle espérée et qu’en 2024, les recettes n’y sont pas”. Malgré les bénéfices attendus de France Travail pour accélérer le retour à l’emploi, la ministre le dit, “mon sujet va être celui des PSE”.

Source : actuel CSE

L’arbitrage famille/travail repose encore très majoritairement sur les femmes

06/03/2024

Ce n’est plus une surprise mais la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) le rappelle dans une étude publiée, le 5 mars, ce sont dans l’immense majorité des cas les mères qui portent l’articulation entre vies familiale et professionnelle au sein des couples. Ainsi, lorsqu’un des deux parents est plus éloigné de l’emploi que l’autre (chômage, temps partiel, congé long), c’est la mère dans pas moins de cinq cas sur six, les mères de jeunes enfants étant deux fois plus souvent sans emploi que les pères (28 % contre 13 %). De même, six fois plus de mères que de pères ayant déjà eu un emploi sont sans emploi ou à temps partiel en raison de leurs enfants. Ce phénomène est d’autant plus marqué selon la catégorie socioprofessionnelle puisque les couples avec une mère sans emploi et un père à temps complet sont trois fois plus nombreux quand la mère est employée ou ouvrière (27 %) que lorsqu’elle est cadre ou de profession intellectuelle supérieure (9 %).

Si cet éloignement de l’emploi est parfois choisi, 18 % des couples avec un enfant de moins de trois ans se retrouvent à le garder eux-mêmes faute de solution d’accueil. Et cette garde parentale subie est aussi principalement assurée par les mères, qui passent en moyenne 22 heures seules avec leur enfant du lundi au vendredi, contre moins de cinq heures pour les pères. “Même si les situations d’emploi des couples sont devenues plus souvent similaires depuis 20 ans, leurs organisations demeurent toujours très genrées” et “l’égalité est encore loin”.

Source : actuel CSE

Pas besoin d’être syndiqué pour bénéficier de la protection contre les discriminations syndicales

07/03/2024

Tout salarié, même s’il n’est investi d’aucun mandat, doit bénéficier de la protection accordée à l’exercice de toute activité syndicale. Ainsi, s’il dénonce un délit de discrimination syndicale, il est protégé comme lanceur d’alerte, décide la Cour de cassation dans un arrêt du 20 décembre 2023.

Un consultant senior d’un bureau d’études est envoyé en mission auprès du Technocentre de Renault. Lui reprochant d’avoir eu des contacts avec les syndicats de Renault et leurs représentants en vue de les “encourager à poursuivre une manifestation contre la loi travail… par une occupation des lieux et la diffusion du film Merci patron !“, son employeur le reçoit en entretien le 16 mars 2016 pour évoquer la situation. A l’issue d’une procédure disciplinaire avec mise à pied conservatoire et entretien préalable, le salarié fait finalement l’objet d’un avertissement. Mais l’affaire ne s’arrête pas là !

Licenciement pour faute grave

Le salarié, qui avait enregistré l’entretien du 16 mars à l’insu de l’employeur et laissé diffuser son contenu sur Youtube, est licencié pour faute grave en raison d’un “manquement à ses obligations de loyauté et de bonne foi”. Ajoutons que l’enregistrement diffusé révélait qu’au cours de l’entretien du 16 mars 2016 l’employeur avait déclaré :  “Donc ils surveillent, et ils surveillent les mails. Et à ton avis les mails de qui ils surveillent en priorité ? Bah les mails des syndicalistes, bien évidemment ! Je suis convaincu que tu es de bonne foi. C’est pas la question. Le problème c’est que t’as fait une grosse bêtise. C’est une grosse bêtise ; t’es pas censé en tant qu’intervenant chez Renault, discuter avec les syndicats de Renault. Les syndicats de Renault, ils sont là pour les salariés de Renault”.

Estimant que son licenciement était intervenu en violation de la protection des lanceurs d’alerte, le salarié décide d’aller aux prud’hommes en vue d’obtenir l’annulation de son licenciement.

Le licenciement est annulé

Après une très longue procédure judiciaire, ayant donné lieu à un premier arrêt de cassation (Cass. soc., 4 nov. 2020, n° 18-15.669) l’affaire revient devant la Cour de cassation. Cette fois-ci le salarié obtient gain de cause, son licenciement est annulé.

D’abord, il est précisé dans ce nouvel arrêt du 20 décembre 2023 que “tout salarié, même s’il n’est investi d’aucun mandat, doit bénéficier de la protection accordée à l’exercice de toute activité syndicale”.

Ainsi, pour les juges, même si le salarié n’était pas titulaire d’un mandat ou ne justifiait pas d’une activité syndicale, l’échange de mails avec des syndicats du Technocentre de Renault constituait bien une activité syndicale bénéficiant de la protection contre la discrimination. Et, comme le rappelle la Cour de cassation, cette protection interdit à l’employeur “de prendre en considération l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail, sous peine d’une amende délictuelle de 3 750 euros”.

Ensuite, il est décidé que le salarié devait bien être protégé comme un lanceur d’alerte ayant “relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions”.

► Remarque : cette protection interdit à l’employeur de sanctionner, licencier ou discriminer un salarié pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Lanceur d’alerte

Dans notre affaire, le salarié avait d’abord été sanctionné pour avoir échangé des messages avec les organisations syndicales du Technocentre de Renault, pour être ensuite licencié pour avoir diffusé les propos de son employeur lui reprochant ces échanges. Il en résultait donc qu’il avait été licencié pour avoir relaté des agissements portant atteinte au libre exercice d’une activité syndicale, ce qui constitue le délit de discrimination syndicale. On retombe donc bien sur la situation d’un lanceur d’alerte qui a relaté des faits constitutifs d’un délit dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

Frédéric Aouate

Transports publics routier : une attestation sécurisée pour communiquer aux entreprises les informations relatives au permis de conduire de leurs conducteurs

07/03/2024

Deux arrêtés du 15 février 2024 s’adressent aux entreprises qui exercent une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises. Ces dernières peuvent accéder à certaines informations du Système national des permis de conduire, à savoir celles relatives à l’existence, la catégorie et la validité du permis de conduire pour les personnes qu’elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur.

Le premier arrêté précise les critères d’identification de ces entreprises et détermine les modalités de délivrance et les caractéristiques de l’attestation sécurisée permettant de communiquer aux entreprises les informations relatives au permis de conduire de leurs conducteurs.

Le second arrêté fixe le montant de la redevance acquittée par ces entreprises selon le nombre de conducteurs salariés. 

Source : actuel CSE

L’index d’égalité hommes femmes atténue les inégalités réelles

08/03/2024

Le haut Conseil à l’Égalité (HCE) a rendu hier un rapport sur l’index d’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Si l’outil a permis une prise de conscience des inégalités salariales, le calcul des indicateurs atténue et invisibilise les inégalités. Le HCE constate aussi que les élus du personnel ne s’en sont pas emparés.

Créé en janvier 2013, le HCE a pour mission d’animer le débat public sur la politique relative aux droits des femmes et à l’égalité. Il publie régulièrement des rapports et recommandations dans ces domaines, notamment depuis 2017 un rapport annuel sur l’état du sexisme en France. A la veille de la journée internationale des droits des femmes, il publie un rapport de 140 pages consacré à l’index d’égalité professionnelle. Depuis 2020, les entreprises de plus de 50 salariés sont tenues de calculer et publier chaque année leurs résultats d’index.

Ce nouveau rapport ne fait que confirmer l’urgence d’une refonte déjà promise lors de la conférence sociale par Elisabeth Borne en octobre 2023. Ces derniers jours, le cabinet du Premier ministre Gabriel Attal a annoncé des concertations avec les partenaires sociaux en vue de se doter d’un nouvel index d’ici 2025. De nombreux points sont à revoir, notamment le champ d’application : seulement 1 % des entreprises sont tenues de calculer leur index. Si le HCE reconnaît que l’index a permis de prendre conscience des inégalités, le mode de calcul des indicateurs atténue les inégalités salariales.

Indicateur d’écarts de salaire : un calcul “largement invérifiable”

A lui seul, l’indicateur sur les écarts de rémunération représente 40 % des résultats de l’index. C’est dire son importance dans le calcul de la note finale. Malgré cette place majeure, sa conception ne permet pas de rendre compte des inégalités réelles, principalement pour des raisons méthodologique : la marge d’erreur tolérée de 5 % (ou “seuil de pertinence”) réduit le résultat final des “écarts calculés, constate le HCE. De plus, des “effets de bord statistiques” rendent parfois l’index “incalculable”.

Le rapport critique également que l’indicateur des écarts salariaux consiste dans une moyenne, qui par définition manque de précision. Il pointe que cette méthode de calcul n’est pas conforme aux exigences de la directive européenne du 10 mai 2023 sur la transparence des rémunérations. Enfin, le HCE indique que l’indicateur “altère la compréhension des écarts de rémunération”. Dans leur calcul, les entreprises peuvent retenir les catégories socio-professionnelles (sans consulter le CSE), mais de nombreux secteurs privilégient la référence à la convention collective de branche (avec consultation du CSE). La première méthode aboutit à une réduction de 5 % des écarts, la seconde à une réduction de 2%.

Le HCE en conclut que l’indicateur “tendant déjà à atténuer les inégalités réelles, le phénomène d’invisibilisation est double : par certains choix méthodologies et (…) par l’opportunité laissée aux employeurs d’adapter un calcul complexe et largement invérifiable”.

L’indicateur sur les promotions efface les traitements différenciés

Le HCE note tout d’abord une difficulté d’interprétation du terme de promotion, sa définition étant purement administrative, comme le “passage d’un salarié à un niveau ou coefficient hiérarchique supérieur”. L’indicateur peine à tenir compte des promotion dans un même grade, entre deux grades différents, automatiques, avec changement d’intitulé de poste. De ce fait, certaines promotions ne sont pas prises en compte. Il existe de plus une grande homogénéité des systèmes de promotion d’une entreprise à l’autre. L’indicateur ne tient pas plus compte des montants d’augmentation salariales liées aux promotions, ni de la qualité de ces dernières. Selon le HCE, cela peut dans certains cas “invisibiliser les traitements différenciés entre les femmes et les hommes”. Autrement dit, l’indicateur efface de lui-même les cas où les hommes et femmes sont promus, mais où les hommes perçoivent une meilleure augmentation de salaire…

L’index laisse de côté les CSE et les branches

Pour le Haut Conseil, l’index laisse persister “une absence de stimulation du dialogue social” car il n’a que très peu d’effet sur la négociation en entreprise. En principe, l’employeur présentant une note inférieure à 75 sur 100 doit mettre en œuvre des mesures de rattrapage par accord ou décision unilatérale après avoir consulté le CSE. Pourtant, “la création de l’index n’a rien changé aux obligations de l’entreprise en termes de négociations. Les DRH interrogés par le Haut Conseil confirment que les indicateurs n’ont pas été un fil directeur de négociation, notamment parce que le cadre légal existant prévoit déjà une négociation sur la suppression des écarts de salaires.

De plus, les représentants du personnel se sont peu saisis de l’index, et sont souvent consultés “par pur formalisme”. Le HCE convient que la raison vient peut-être de la technicité de l’outil mais reconnaît aussi que les élus n’ont souvent pas accès aux modalités de calcul. L’index est donc plus utilisé comme un outil RH que comme un appui au dialogue social. Les élus de CSE auditionnés par le Conseil se disent vigilants sur le fait qu’une bonne note à l’index permet aux employeurs de court-circuiter les représentants du personnel.

Enfin, les branches professionnelles n’ont pas d’obligation d’accompagner les entreprises sur le calcul de l’index. Certaines apportent un soutien ponctuel, comme Le Monde de la Propreté qui propose un traducteur d’index dans l’environnement de la déclaration sociale nominative. Des organisations interprofessionnelles ont également proposé des formations, mais le rôle des branches reste à écrire.

Les propositions du HCE
Les pistes d’évolution les plus consensuelles au sein du haut conseil proposent de maintenir l’index. L’indicateur sur les écarts de salaire pourrait cependant être remplacé par celui que propose la directive de mai 2023 en pourcentage d’écarts entre hommes et femmes et avec 7 sous-indicateurs en annuel et horaire brut. Il pourrait aussi intégrer les éléments variables de rémunération et tenir compte des emplois de valeur égale. Le HCE propose de renforcer la communication des pouvoirs publics qui pourraient également prendre en charge une automatisation du calcul de l’index via un logiciel libre et gratuit sur Internet. Il serait également souhaitable de mieux conjuguer l’index et les autres outils comme la base de données économiques sociales et environnementales (BDESE), les accords d’égalité professionnelle. Le rôle des branches gagnerait à être renforcer en appui des entreprises. En piste “majoritaire”, le HCE propose de tenir compte des temps partiels.

En revanche, plusieurs pistes ne font pas consensus au HCE, comme renforcer les sanctions des entreprises en cas d’inégalité constatée (même avec un simple bonus/malus), publier la liste des entreprises ayant obtenu un zéro à l’un des indicateurs, ou encore imposer l’obligation de négocier avec les délégués syndicaux lorsque les résultats sont insuffisants.

Marie-Aude Grimont

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : environnement, fonction publique, nominations, plateformes, représentativité, transports

08/03/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, du vendredi 1er mars au jeudi 7 mars inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés. Nous n’évoquons pas ici les très nombreux textes relatifs aux conventions collectives, que vous retrouvez dans notre baromètre des branches.

Environnement

  • Une décision de l’Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse) du 22 novembre 2023 précise la mise en place d’une collecte annuelle de données environnementales auprès des opérateurs de communications électroniques, de centres de données, des fabricants de terminaux et des équipementiers de réseaux mobiles 

Fonction publique

  • Un arrêté du 28 février 2024 précise l’intégration dans la fonction publique hospitalière de personnels d’établissements privés à caractère sanitaire ou social

Nominations

  • Un arrêté du 27 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles
  • Un arrêté du 27 février 2024 porte nomination au cabinet de la ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l’enfance, de la jeunesse et des familles
  • Un arrêté du 27 février 2024 porte nomination sur l’emploi de directeur régional adjoint de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de Nouvelle-Aquitaine, chargé des fonctions de directeur régional délégué
  • Un arrêté du 26 février 2024 porte nomination de la présidente du Conseil supérieur de la prud’homie
  • Un arrêté du 1er mars 2024 porte nomination au conseil d’administration du fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante
  • Un arrêté du 5 mars 2024 porte nomination au Conseil d’orientation des retraites (Sylvie Durand pour la CGT)

Plateformes

Protection sociale

  • Un décret du 6 mars 2024 précise le transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général en 2023 et le transfert à la Caisse d’amortissement de la dette sociale des déficits du régime général à effectuer en 2024

Représentativité

  • Un arrêté du 19 février 2024 fixe la liste des organisations syndicales représentatives dans le secteur des entreprises du bâtiment occupant jusqu’à dix salariés

Transports

  • Un arrêté du 15 février 2024 pris en application de l’article R. 225-5-1 du code de la route précise les critères d’identification des entreprises accédant à certaines informations du Système national des permis de conduire pour les personnes qu’elles emploient comme conducteur de véhicule à moteur
  • Un arrêté du 15 février 2024 fixe le montant de la redevance acquittée par les employeurs exerçant une activité de transport public routier de voyageurs ou de marchandises ayant accès à des éléments relatifs à la validité du permis de conduire de leurs salariés affectés à la conduite des véhicules

Source : actuel CSE

Une proposition de loi pour lutter contre les discriminations capillaires examinée le 27 mars

08/03/2024

Les 27 et 28 mars prochains, l’Assemblée nationale examinera une proposition de loi visant à reconnaitre et à sanctionner la discrimination capillaire. Déposée en septembre 2023 par Olivier Serva du groupe Liot, le texte vise à lutter contre “toute discrimination ou distinction fondée sur la texture, la couleur, la longueur ou le style capillaire d’un individu”. 

Les députés rappellent que dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation avait indiqué qu’une compagnie aérienne ne pouvait interdire à un steward de porter des tresses.

Il est ainsi proposé de compléter l’article L.1132-1 du code du travail relatif aux motifs de discrimination et d’ajouter après l’item “apparence physique” : “notamment la coupe, la couleur, la longueur ou la texture de leurs cheveux”.

L’article 225-1 du code pénal serait aussi modifié en conséquence. 

Source : actuel CSE

Des propos racistes tenus dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de salariés ne peuvent pas être sanctionnés

08/03/2024

Une salariée de la CPAM de Tarn-et-Garonne est licenciée pour faute grave après avoir utilisé la messagerie professionnelle pour diffuser, auprès d’autres agents, des propos “au caractère manifestement racistes ou xénophobes”.

L’employeur avançait notamment comme argument pour justifier la rupture du contrat de travail que les salariés d’une caisse de sécurité sociale sont soumis aux principes de neutralité et de laïcité du service public. Il indiquait également que le règlement intérieur de la CPAM et la charte d’utilisation de la messagerie électronique interdisaient expressément tout propos raciste ou discriminatoire comme la provocation à la discrimination, à la haine notamment raciale, ou à la violence. 

Mais ni la cour d’appel, ni la Cour de cassation ne lui donnent raison. Pour la cour d’appel de Toulouse, le licenciement n’était justifié ni par une faute grave ni par une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse. 

La Cour de cassation confirme cette solution. Elle commence par rappeler que “le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée” et “qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail”. 

Or, les juges du fond avaient constaté que “les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires”. 

Par ailleurs, “la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues et que l’employeur ne versait aucun élément tendant à prouver que les écrits de l’intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l’extérieur de la CPAM du Tarn-et-Garonne et de la CPAM de la Haute-Garonne et que son image aurait été atteinte”. 

Enfin, elle retient que “si l’article 26 du règlement intérieur interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la caisse, y compris dans le domaine de l’informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abusait pas et, qu’en l’espèce, l’envoi de neuf messages privés en l’espace de onze mois ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu”.

Dès lors confirme-t-elle que “l’employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle”. 

Source : actuel CSE