La DGSI alerte sur les risques liés au débauchage

29/01/2024

Dans une note publiée en décembre 2023, la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) alerte sur les risques attachés aux débauchages. 

La DGSI a ainsi identifié des cas d’entités française déstabilisées à la suite de débauchages réalisés par des acteurs étrangers. La DGSI pointe tout particulièrement les entreprises qui œuvrent dans des domaines technologiques de pointe où les profils recherchés sont rares.

L’opération peut viser la majorité du personnel ou un seul salarié qui détient des informations stratégiques, une expertise ou des compétences rares.

L’objectif peut être de fragiliser un concurrent, de développer une nouvelle activité ou d’acquérir des briques technologiques. 

Afin de se protéger de ces risques, la DGSI délivre plusieurs recommandations : 

  • conduire de façon régulière une cartographie des concurrents ; 
  • anticiper les situations à risques telles que les tensions internes entre salariés ou avec leur hiérarchie ;
  • prévenir le vol d’informations sensibles et la perte de clients ;
  • s’assurer d’une protection juridique suffisante lors de la rédaction des contrats d’embauche.

En cas de tentative de débauchage ou de cas avéré, la DGSI préconise de : 

  • solliciter le service juridique de l’entreprise ou un cabinet d’avocat ; 
  • s’assurer de la restitution effective de tous les supports numériques et documentation d’un salarié à son départ.
  • obtenir des preuves des agissements commis par les anciens salariés ; 
  • déposer plainte auprès des services de police ou de gendarmerie ou auprès du procureur de la République ; 
  • contacter la DGSI afin de signaler l’incident.

Source : actuel CSE

Amazon réagit à sa condamnation par la Cnil

29/01/2024

Dans un communiqué datée du 26 janvier, Amazon réagit à sa condamnation par la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) à une amende d’un montant de 32 millions d’euros en raison de l’utilisation par ses salariés d’un scanner permettant de suivre leur activité en temps réel. 

“Nous sommes en profond désaccord avec les conclusions de la Cnil qui sont factuellement incorrectes et nous nous réservons le droit de faire appel, prévient la société. L’utilisation de systèmes de gestion d’entrepôt est une pratique courante du secteur : ils sont nécessaires pour garantir la sécurité, la qualité et l’efficacité des opérations et pour assurer le suivi des stocks et le traitement des colis dans les délais et conformément aux attentes des clients”.

Amazon “regrette” par ailleurs “qu’en dépit de [leurs] invitations répétées, les travaux aient été menés sans que le rapporteur ne se soit rendu une seule fois sur [leurs] sites, ce qui aurait contribué à garantir une compréhension factuelle et complète de [leurs] opérations et processus”.

Source : actuel CSE

Loi immigration : ce qui change pour l’emploi des travailleurs étrangers

30/01/2024

La loi “immigration” vient d’être publiée au Journal officiel du 27 janvier. Elle comporte plusieurs dispositions concernant l’emploi des travailleurs étrangers telles que la régularisation facilitée dans les métiers en tension, la création d’une amende administrative à la place de la contribution spéciale en cas de travail irrégulier, l’accompagnement à l’apprentissage à la langue française.

Si près de la moitié des articles du projet de loi “immigration” a été censurée totalement ou partiellement par le Conseil constitutionnel, les dispositions concernant l’emploi des travailleurs étrangers ont été validées. Nous développons ci-après ces dispositions.

Etrangers travaillant dans un métier en tension (articles 27 et 28)

Obtention plus souple de la carte de séjour temporaire “travailleur temporaire” ou “salarié” (article 27)

L’article 27 de la loi du 27 janvier 2024, en créant un nouvel article L. 435-4 du Ceseda (code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile), met en place, jusqu’au 31 décembre 2026, un nouveau cas d’admission exceptionnelle au séjour à la seule initiative des ressortissants étrangers présents sur le territoire national.

Ainsi, une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié” d’une durée d’un an “peut” être délivrée, sans exigence d’un visa de long séjour, à l’étranger qui remplit les conditions suivantes :

  • avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois ;
  • occuper un emploi relevant de ces métiers et zones ; 
  • justifier d’une période de résidence ininterrompue d’au moins trois années en France.

En outre, l’étranger ne doit pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnée au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

Insistant sur le caractère discrétionnaire du dispositif, la loi du 26 janvier 2024 précise que le titre de séjour est délivré “à titre exceptionnel, et sans que les conditions [requises] ne soient opposables à l’autorité administrative”.

Les périodes de séjour et de travail sous couvert des titres de séjour “saisonnier”, “étudiant” et de l’attestation de demande d’asile ne sont pas prises en compte pour obtenir cette carte de séjour temporaire.

L’article L.435-4 du Ceseda précise que pour accorder ou non ce titre de séjour, l’autorité compétente prend en compte, “outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu’aux principes de la République”. 

Le titre de séjour délivré ne vaut pas automatiquement autorisation de travail. La loi prévoit en effet que l’autorité administrative vérifie “par tout moyen la réalité de l’activité alléguée” (article L.5221-5 du code du travail). Ce n’est qu’après cette vérification que l’autorisation de travail, matérialisée par un document sécurisé, est délivrée.

Ce nouveau dispositif s’ajoute aux autres cas d’admission exceptionnelle au séjour déjà prévus par le Ceseda, dont celui de l’article L.435-1 qui permet la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention “travailleur temporaire” ou “salarié”, mais avec la nécessité de présenter un formulaire Cerfa rempli par l’employeur.

Pour rappel, le projet de loi initial prévoyait, non pas un dispositif de régularisation discrétionnaire, mais une attribution de plein droit dune carte de séjour temporaire mention “travail dans des métiers en tension” aux étrangers remplissant certaines conditions.

L’étude d’impact du projet de loi soulignait qu’à l’occasion de l’instruction de la demande de titre, la situation de l’employeur fera l’objet des contrôles et vérifications prévues à l’article R.5221-20 du code du travail (respect des obligations déclaratives sociales, vérification que l’employeur n’a pas fait l’objet de sanctions et que le salaire est conforme aux minima légaux et conventionnels) “au terme desquels un signalement pourra être transmis aux administrations compétentes en matière d’atteintes à l’ordre public social, de contrôle et d’engagement de procédures de sanctions”. Certains employeurs pourraient donc être sanctionnés pour travail illégal à l’issue de cette procédure de régularisation.

Un mécanisme de régularisation qui laisse des questions en suspens

Ce nouveau mécanisme de régularisation suscite des interrogations quant à son utilité et sa mise en œuvre.

Le texte ne précise pas les modalités de contrôle “par tout moyen” de la “réalité de l’activité alléguée” par l’étranger.

Il ne mentionne pas non plus les contrôles dont pourrait faire l’objet l’employeur. Pourtant ceux-ci semblent prévus dans la mesure où l’étude d’impact et les rapports parlementaires les mentionnent sans équivoque.

La loi du 26 janvier prétend mettre en place un dispositif de régularisation sans intervention de l’employeur mais on voit mal comment ces contrôles pourraient être effectués en dehors de son intervention, en particulier si le salarié en situation irrégulière n’a pas de fiches de paie.

Ajoutons que les critères de régularisation fixés par la loi sont plus stricts que ceux contenus dans la circulaire du 28 novembre 2012 qui précise les conditions d’examen des demandes d’admission exceptionnelle au séjour en application de l’article L.435-1 ; ce texte n’exige que 8 mois d’ancienneté de travail, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois et une ancienneté de séjour d’au moins 5 ans sauf exception (3 ans si l’étranger a travaillé 24 mois dont 8, consécutifs ou non, dans les 12 derniers mois). 

Actualisation annuelle de la liste des métiers en tension (article 28)

La liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement, dans lesquels la situation du marché de l’emploi n’est pas opposable pour la délivrance des autorisations de travail, sera actualisée au moins une fois par an (article L.414-13 du code des étrangers).

Cette liste est établie par l’autorité administrative après consultation des organisations syndicales représentatives d’employeurs et de salariés. Sa dernière actualisation date d’avril 2021 (arrêté du 1er avril 2021). L’objectif d’une actualisation annuelle est que la liste soit représentative des tensions actuellement constatées sur le marché du travail.

Modifications portant sur le “passeport talent” (articles 30 et 31)

La carte de séjour pluriannuelle mention “passeport talent” est renommée “talent”.

Trois catégories de carte délivrées à des salariés qualifiés (diplômés master, jeune entreprise innovante, “salarié en mission” mobilité intragroupe) sont fusionnées en une seule dénommée “talent-salarié qualifié”, partant du constat que la durée maximale de validité de ces titres et les droits qui y sont associés sont identiques (article L.421-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).

Les membres de la famille accéderont à la carte “talent famille”.

Sanctions de l’emploi d’un étranger sans titre (article 34)

La contribution spéciale devient “l’amende administrative”

L’employeur d’un étranger sans titre l’autorisant à travailler en France encourt des sanctions pénales (articles L.8256-1 et s. du code du travail) et des sanctions administratives. Il s’agit de la contribution spéciale dont le montant est fixé par l’Office français de l’immigration et de l’intégration pour le compte de l’Etat et qui est liquidé par le ministre chargé de l’immigration (article L.8253-1 et s. du code du travail) et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger prévue par le Ceseda (articles L.822-2 et s. du Ceseda).

L’article 34 de la loi remplace la contribution spéciale par une amende administrative et supprime la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l’étranger dans son pays d’origine.

La nouvelle amende administrative est prononcée par le ministre chargé de l’immigration, au vu des procès-verbaux et des rapports transmis par les autorités compétentes pour constater les infractions, et sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à l’encontre de l’employeur (article L.8253-1 du code du travail).

Pour en déterminer le montant, le ministre prend en compte les capacités financières de l’auteur d’un manquement, le degré d’intentionnalité, le degré de gravité de la négligence commise et les frais d’éloignement du territoire français du ressortissant étranger en situation irrégulière.

Sans changement par rapport à la contribution spéciale, le montant de l’amende est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti (MG) (20 750 euros au 1er janvier 2024). Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux (62 250 euros).

En revanche, la loi ne prévoit plus de montant minoré en cas de non-cumul d’infractions ou de paiement spontané par l’employeur des salaires et indemnités dus au salarié étrangers ans titre.

L’amende est appliquée autant de fois qu’il y a d’étrangers concernés.

Un plafonnement des sanctions applicables est prévu. Lorsqu’une sanction pénale est également prononcée (articles L.8256-2, L.8256-7 et L.8256-8 du code du travail) à l’encontre de la même personne, et pour les mêmes faits, le montant global des amendes prononcées ne peut dépasser le maximum légal le plus élevé des sanctions encourues.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur après publication d’un décret en Conseil d’Etat.

Hausse des amendes pénales

Le montant de l’amende pénale encourue par l’employeur qui, directement ou par personne interposée, embauche, conserve à son service ou emploie pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France, passe de 15 000 à 30 000 euros, de 100 000 euros à 200 000 euros lorsque l’infraction est commise en bande organisée (article L.8256-2 du code du travail).

Contribution des employeurs à la formation linguistique des étrangers allophones (article 23)

Plusieurs dispositions du code du travail sont modifiées afin d’améliorer la participation de l’employeur à la formation en français des salariés allophones, dans l’objectif de favoriser leur insertion professionnelle.

Dans le cadre du plan de développement des compétences, l’employeur peut proposer aux salariés allophones des formations visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau qui sera fixé par décret (article L.6321-1 du code du travail).

S’agissant des formations financées dans le cadre du compte personnel de formation et réalisées en tout ou partie durant le temps de travail, pour lesquelles une autorisation doit être demandée à l’employeur, la loi prévoit que l’autorisation d’absence est de droit, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’Etat, pour les formations en français langue étrangère choisies par les salariés allophones signataires du contrat d’intégration républicaine et visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret (article L.6323-17 du code du travail).

Des modalités spécifiques d’application de ces dispositions seront prévues par décret pour les salariés employés par des particuliers à leur domicile et les assistants maternels.

Enfin, pour les salariés allophones signataires du contrat d’intégration républicaine et engagés dans un parcours de formation linguistique visant à atteindre une connaissance de la langue française au moins égale à un niveau déterminé par décret, les actions de formation s’inscrivant dans ce parcours constituent du temps de travail effectif, dans la limite d’une durée fixée par décret en Conseil d’Etat, avec maintien de la rémunération par l’employeur (article L.6321-3 du code du travail).

Véronique Baudet-Caille

Discrimination du salarié protégé : des indemnités mais pas de nullité du licenciement

30/01/2024

Si le licenciement du salarié protégé a été autorisé, ce dernier peut demander au conseil de prud’hommes des dommages et intérêt en raison de sa discrimination syndicale, mais il ne peut contester son licenciement.

Il est de jurisprudence constante que si le juge judiciaire ne peut pas en l’état d’une autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé et, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement.

Qu’en est-il si ces fautes, ces agissements commis par l’employeur, sont qualifiés de discrimination syndicale ? C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans cet arrêt publié du 17 janvier 2024.

Un salarié protégé peut être indemnisé au titre de la discrimination syndicale…

Dans cette affaire, l’employeur obtient l’autorisation de licencier un salarié protégé pour motif économique. Soutenant avoir subi une discrimination syndicale, le salarié saisit le conseil de prud’hommes de demandes en paiement au titre de la discrimination et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En appel, il sollicite la nullité de son licenciement outre une indemnité au titre de la discrimination syndicale.

La société est condamnée à payer des dommages-intérêts pour le préjudice moral résultant de la discrimination syndicale, et le licenciement est déclaré entaché de nullité en ce qu’il avait été prononcé dans le contexte d’une discrimination syndicale. L’employeur conteste cette décision au motif que l’autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n’a eu, ni pour objet, ni pour effet de faire échec au mandat représentatif, et que le juge judiciaire viole le principe de séparation des pouvoirs.

Cette autorisation, devenue définitive, retenait en effet expressément “l’absence de lien entre la demande d’autorisation de licenciement et le mandat exercé par le salarié”.

La Cour de cassation valide l’indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination syndicale, le salarié présentant des éléments laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, et l’employeur ne démontrant pas que ses agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Elle rappelle à cet égard sa jurisprudence : “Si le juge judiciaire ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement, il reste, cependant, compétent pour apprécier les fautes commises par l’employeur pendant la période antérieure au licenciement et notamment l’existence d’une discrimination syndicale dans le déroulement de la carrière du salarié”. 

Remarque : la Cour de cassation ne le cite pas, mais un arrêt de 2019 avait déjà précisé que le contrôle exercé par l’administration du travail saisie d’une demande d’autorisation de licenciement, de l’absence de lien avec les mandats détenus par le salarié ne rend pas irrecevable la demande du salarié fondée sur la discrimination syndicale qu’il estimait avoir subie dans le déroulement de sa carrière (Cass. soc., 29 mai 2019, n° 17-23.028). La Cour de cassation met en application cette jurisprudence dans le cadre d’un licenciement économique, en cas de discrimination syndicale pendant la période antérieure au licenciement. 

… mais son licenciement autorisé ne peut pas être annulé

La deuxième question qui se pose est celle de savoir si le juge judiciaire peut dire le licenciement nul en raison de cette discrimination syndicale.

Remarque : en effet, l’arrêt de 2019 précité, précise bien, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation relative aux circonstances entourant le licenciement, que, même en présence de discrimination, le juge judiciaire ne peut pas apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement d’un salarié protégé dont l’autorisation de licenciement a été accordée par l’administration, et ce en raison du principe de séparation des pouvoirs. Mais il n’est pas question dans cet arrêt de la nullité du licenciement sur le fondement de la discrimination, celle-ci n’étant pas invoquée. 

La réponse est non, et la Cour de cassation est très claire.

Au visa du principe de séparation des pouvoirs, elle explique que “dans le cas où l’employeur sollicite l’autorisation de licencier le salarié, il appartient à l’administration de vérifier si la mesure de licenciement envisagée n’est pas en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l’intéressé. Par conséquent, l’autorisation administrative de licenciement établit que le licenciement n’a eu ni pour objet ni pour effet de faire échec au mandat représentatif. Il en résulte que le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de séparation des pouvoirs, en l’état d’une autorisation administrative de licenciement devenue définitive, annuler le licenciement pour motif économique du salarié sur le fondement d’une discrimination syndicale subie par ce dernier”. 

Remarque : la Cour de cassation ne répond pas directement sur ce point, mais il apparaît que le salarié ne peut donc pas réclamer l’indemnité due dans le cas d’une nullité du licenciement pour discrimination syndicale en l’absence de réintégration, laquelle, par exception au barème des indemnités, ne peut être inférieure à 6 mois de salaires (C. trav., art. L. 1235-3-1). 

Séverine Baudouin

Des taux de travail dissimulé plus élevés dans la construction et l’hôtellerie-restauration

30/01/2024

Le Haut conseil du financement de la protection (HCFiPS) a publié le bilan 2023 de l’Observatoire du travail dissimulé

Après deux années de suspension du fait de la crise sanitaire, les plans de contrôles aléatoires sur le secteur privé ont repris en 2022. 

Il en résulte, en 2023, un manque à gagner en matière de cotisations évalué au titre de 2022 comparable à celui mesuré les années précédentes, qu’il s’agisse de la lutte contre le travail illégal (entre 1,7 et 2,1%) ou de contrôle comptable d’assiette (entre 0,5 et 0,6%).

Exprimé en montants, le manque à gagner global s’élève, sur le champ du régime général, de l’Unédic et des retraites complémentaires Agirc Arrco à environ 9 Md€, 7 Md€ sur le seul champ de la lutte contre le travail illégal.

Les taux de travail dissimulé les plus élevés sont constatés dans les secteurs de la construction et de l’hôtellerie-restauration. Le secteur du commerce se situe dans la moyenne ; ceux de l’industrie et des autres services sont plus faibles.

Source : actuel CSE

Gabriel Attal annonce vouloir confier davantage de “règles” à la négociation d’entreprise

31/01/2024

Après avoir annoncé la fin de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) pour les demandeurs d’emploi en fin de droits, le nouveau Premier ministre a donc précisé hier vouloir conduire une nouvelle réforme du droit du travail, mais après l’été, touchant à la négociation d’entreprise.

Dans son discours de politique générale prononcé hier devant l’Assemblée nationale, le nouveau Premier ministre a martelé sa volonté de “simplifier”, “débureaucratiser” et “désmicardiser” la France. “Aujourd’hui, pour augmenter de 100€ le revenu d’un employé au Smic, l’employeur doit débourser 238 euros de plus. Quant au salarié, il perdra 39€ de prime d’activité, il verra sa CSG et ses cotisations sociales augmenter de 26€ et il entrera dans l’impôt sur le revenu. En bref, autant le dire, notre système, fruit de réformes successives pétries de bonnes intentions ces dernières décennies, a placé notre monde économique dans une situation où il n’y a quasiment plus aucun intérêt pour quiconque à augmenter un salarié au Smic”, a argumenté le Premier ministre. 

Multipliant les références aux classes moyennes, répétant que le travail doit davantage payer que l’inactivité, Gabriel Attal a annoncé sa volonté de remédier à la faiblesse des salaires en France sur la base des propositions d’experts, de parlementaires et des partenaires sociaux afin de procéder à des changements lors de la prochaine loi de finances. 

En attendant, Gabriel Attal demande aux branches de négocier à la hausse des minima conventionnels inférieurs au Smic (une trentaine étaient encore concernées fin 2023 avant la nouvelle hausse du Smic début 20224). Il dit ne s’interdire “aucune mesure pour y parvenir”. Rappelons qu’Elisabeth Borne avait évoqué cet automne une remise en cause de l’exonération des cotisations sociales pour les entreprises de branches dont les minima resteraient inférieurs au Smic.

Négocier davantage au niveau de l’entreprise

Pour “libérer l’énergie de nos TPE et nos PME”, Gabriel Attal a surtout promis, pour après l’été, “une nouvelle étape” de la réforme du droit du travail pour “leur permettre de négocier certaines règles directement, entreprise par entreprise”, sans toutefois préciser quelles règles seraient visées.

Alors que la CPME a multiplié les demandes d’assouplissement à l’égard des institutions représentatives du personnel et du dialogue social, certains membres et soutiens de la majorité présidentielle plaident pour une réforme englobant la question des rémunérations. “Une (..) piste serait de permettre à une convention d’entreprise de déroger, au moins transitoirement, à des dispositions de conventions de branche, en particulier concernant les minima salariaux, bien sûr dans le respect de dispositions d’ordre public comme le Smic. Cela permettrait d’éviter que les ajustements à la baisse de la masse salariale des entreprises en difficulté se fassent prioritairement sur l’emploi”, ont ainsi expliqué, dans le Monde, l’économiste Gilbert Cette et l’avocat Jacques Barthélémy. Le député Renaissance Marc Ferracci va dans le même sens quand il propose de désindexer le Smic de l’inflation. Il s’agit, a-t-il expliqué aux Echos, “de permettre aux entreprises, dans leurs cinq premières années, de pouvoir choisir d’appliquer ou pas la convention collective”. 

Vers une révision du “bloc 1” ?

Si telle était la voie choisie par le gouvernement, ce serait un approfondissement majeur de la logique d’inversion de la hiérarchie des normes, au détriment de la branche. Une branche dont les syndicats CFDT et FO estimaient avoir sauvegardé l’essentiel en 2017 malgré les ordonnances travail.

En effet, depuis 2018 l’article L. 2253-1 du code du travail fixe une liste de 13 thèmes dans lesquels les dispositions de la convention de branche ou du niveau interprofessionnel prévalent sur celles de la convention d’entreprise. Dans ce “bloc 1”, on retrouve les salaires minima hiérarchiques, les classifications, certaines mesures liées à la durée de travail, les CDD et contrats de mission, la durée des périodes d’essai, la protection sociale complémentaire, l’égalité professionnelle, les emplois saisonniers, etc. Les entreprises pourraient-elles à l’avenir déroger sur certains de ces thèmes ? A suivre donc après l’été !

La fin de l’Allocation de solidarité spécifique

Alors que les partenaires sociaux attendent toujours l’agrément de l’accord négocié fin 2023 sur l’assurance chômage et qu’ils ont entamé leurs négociations sur le pacte de travail (emploi des seniors, usure professionnelle, parcours professionnels et compte-épargne temps, un CET qualifié hier de “véritable sac à dos social” par Gabriel Attal), le nouveau Premier ministre a d’ores-et-déjà annoncé son intention de supprimer l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), versée aux demandeurs en fin de droits (Ndlr : en 2021, 321 900 personnes ont perçu l’ASS).

Ces derniers basculeront donc directement vers le RSA, sachant que les modalités de calcul des deux prestations ne sont pas les mêmes. A propos du RSA, le Premier ministre a d’ailleurs annoncé la généralisation début 2025 de l’obligation de 15 heures d’activité prévue par la loi plein emploi. Gabriel Attal a également menacé les partenaires sociaux d’une nouvelle lettre de cadrage en cas de déviation de la trajectoire financière du régime d’assurance chômage souhaitée par l’exécutif (lire notre encadré).

Le nouveau Premier ministre, qui n’a pas évoqué les conditions de travail en France, a également promis de baisser les impôts de 2 milliards d’euros et de relancer la construction de logements. Il a confirmé la réforme du congé parental : il sera transformé en un congé de naissance d’une durée de 6 mois “mieux rémunéré”. Il a fait sien l’objectif de parvenir à un million d’apprentis par an.

A son agenda figurent aussi une nouvelle loi sur l’industrie verte, la relance du nucléaire, un “service civique écologique” que pourraient suivre 50 000 jeunes d’ici à 2027 mais aussi une incitation à ses ministres de favoriser, dans les administrations, “non pas la semaine de 4 jours, mais la semaine en 4 jours, sans réduction du temps du travail”. 

Chômage : les effets d’un nouveau durcissement des conditions d’indemnisation
Après que le président de la République a annoncé un nouveau durcissement des conditions d’indemnisation chômage, le gouvernement a demandé à la Dares, le service statistiques et recherche du ministère du travail, de plancher sur des prévisions chiffrées. Selon le journal en ligne Mediapart qui a consulté ces prévisions, ces chiffres sont bâtis sur l’hypothèse d’une nouvelle diminution, de 20%, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi. “La durée maximale d’indemnisation passerait alors de 18 mois à 14,4 mois pour les moins de 53 ans, de 22,5 mois à 18 mois pour les 53-54 ans et de 27 mois à 21,6 mois pour les 55 ans et plus. Comparée à la durée initiale, avant la réforme de février 2023, la baisse totale serait… de 40 %”, écrit Mediapart. Si de tels scénarios étaient validés et mis en œuvre par l’exécutif, ils entraîneraient une économie de 3 milliards d’euros d’économies supplémentaires par an, mais ils feraient aussi basculer, selon l’évaluation de la Dares citée par Mediapart, 100 000 allocataires de plus par an vers le RSA ou l’ASS (allocation de solidarité spécifique), le tout pour un retour à l’emploi espéré de 40 000 personnes par an. Concernant les seniors, la suppression des maintien de droit à indemnisation jusqu’à la retraite, du fait du relèvement de l’âge de départ de 62 à 64 ans, entraînerait 342 millions d’euros d’économies par an et concernerait 20 000 allocataires.

Bernard Domergue

QPC sur les congés payés en cas de maladie du salarié : les Sages se prononceront le 9 février

31/01/2024

Le Conseil constitutionnel a tenu audience hier matin sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur les congés payés en cas de maladie du salarié. Après avoir écouté les différentes parties et leurs argumentations, les Sages rendront leur décision le 9 février.

Le 15 novembre dernier, la Cour de cassation a transmis deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel sur la question des congés payés en cas de maladie du salarié. Le Conseil constitutionnel, qui a trois mois pour se prononcer, a tenu audience hier matin, écoutant les arguments des uns et des autres.

Des débats qui ont bien sûr été alimentés par le revirement de jurisprudence opéré par la Cour de cassation le 13 septembre 2023.

Toutefois, comme le rappelait Bérénice Bauduin, maître de conférences à l’Ecole de droit de la Sorbonne, la position de la Cour de cassation et celle du Conseil constitutionnel sont strictement indépendantes et n’ont pas à se positionner par rapport aux mêmes normes.

Une atteinte au droit à la santé et au repos ? 

La première question est de savoir si les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du code du travail portent atteinte au droit à la santé, au repos et aux loisirs garanti par le 11e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en ce qu’ils ont pour effet de priver, à défaut d’accomplissement d’un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d’origine non professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d’origine professionnelle de tout droit à l’acquisition de congés au-delà d’une période d’un an. 

Pour Maude Sardais, avocate représentant la salariée dans le contentieux qui a donné lieu aux deux QPC, l’argument selon lequel le salarié pourrait déjà se reposer pendant son arrêt maladie méconnaît la finalité de l’arrêt maladie qui consiste “à se soigner et non à se reposer et revenir apte au travail. Or [le salarié] doit attendre plusieurs mois, voire une année, pour pouvoir prendre des congés payés. Il subit alors une double peine alors que l’arrêt de travail est indépendant de sa volonté”.

“Le droit aux loisirs est également méconnu, indique-t-elle. Le salarié en arrêt maladie voit ses déplacements dans l’espace et dans le temps limités” [lorsqu’il a des autorisations de sortie strictes]. 

Même si “la CJUE et la Cour de cassation ont décorrélé la notion de travail effectif avec celle de l’acquisition de congés payés”, l’avocate “craint qu’un public non averti continue de les appliquer” et milite ainsi pour “une déclaration d’inconstitutionnalité” qui permettra “d’encadrer les travaux parlementaires”. Elle estime par ailleurs que les Sages n’ont “pas à différer la déclaration d’inconstitutionnalité” afin de permettre aux salariés “d’acquérir d’ores et déjà des congés payés”.

L’avocat au Conseil représentant la société Mazagran, Antoine Dianoux, estime quant à lui que “c’est la Nation qui garantit [ce droit] à tous en vertu de la solidarité nationale. Ce n’est pas à l’employeur d’assurer cela et encore moins de le rémunérer”. Et de compléter son argumentation : “Le salarié en arrêt maladie n’a pas de congés payés mais le droit à la santé, au repos et aux loisirs est largement protégé par ailleurs : prise en charge des frais de soin et versement d’indemnités journalières de sécurité sociale, ce qui “est financé en grande partie par des cotisations employeur”, sans compter, insiste l’avocat, “l’obligation légale de maintenir le salaire en complément des indemnités journalières et le régime de prévoyance collective lorsque l’arrêt maladie est de longue durée”.

Selon de dernier, il n’est donc pas nécessaire d’y rajouter les congés payés, “le salarié [étant] déjà au repos pour se soigner et disposant de temps libre pour des activités non éprouvantes. Lui accorder des congés payés, c’est accorder du repos sur du repos – du repos au carré – or les congés payés sont conçus intrinsèquement comme une contrepartie du travail effectué”. 

Pour Jean-Jacques Gatineau, avocat à la Cour qui représentait le Medef, “le droit au repos [en France] est l’un des mieux assuré qui soit et assure la protection des salariés malades, qu’il s’agisse d’une maladie professionnelle ou non”. Le système français est “aussi généreux pour le salarié que coûteux pour les entreprises”. “Rien ne peut être reproché à notre législation, argumente-t-il, qui permet au salarié de se réparer et [de disposer de] son droit au repos car l’arrêt maladie ne s’arrête pas quand la maladie est guérie mais au jour où le salarié a récupéré de sa force de travail”.

Damien Célice, avocat au Conseil représentant la CPME, a rappelé aux Sages “qu’appliquer cette jurisprudence [celle du 13 septembre 2023] n’est pas [leur] rôle qui est de garantir l’équilibre essentiel dans notre droit de la protection sociale. La jurisprudence est de nature à porter atteinte à l’identité constitutionnelle de la France. Vous devez rappeler la nécessité de la préserver au besoin en l’interprétant”.

“Un régime de protection sociale, ce sont des droits et des avantages mais aussi des devoirs et des contraintes qui forment un ensemble et reposent sur des équilibres (…) C’est cet esprit d’ensemble que la CPME demande de protéger au nom de l’identité constitutionnelle de la France. Le coût de la protection sociale est supportable tel qu’il est mais ne le serait plus s’il s’alourdissait”. L’avocat pointe le risque “d’un basculement d’un risque collectif à un risque individuel” qui battrait ainsi en brèche “la mutualisation du risque”.

Une atteinte au principe d’égalité ?

La seconde interrogation à laquelle le Conseil constitutionnel doit répondre est celle de savoir si l’article L.3141-5, 5° du code du travail porte atteinte au principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 en ce qu’il introduit, du point de vue de l’acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l’origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

L’avocat de la société Mazagran estime là encore que la loi est bien conforme à la Constitution. “La différence [de traitement entre maladie professionnelle et non professionnelle] est logique car les congés payés sont la contrepartie du travail ; les salariés en bénéficient car ils ont travaillé. Les salariés en arrêt maladie à la suite d’un accident ou d’une maladie non professionnels sont dans une différence de situation objective. Les congés payés dus par l’employeur le sont lorsque l’arrêt maladie est en lien avec le travail fourni par cet employeur”. En quelque sorte résume l’avocat, il s’agit “d’une compensation en application de la théorie du risque”.

Même son de cloche du côté de l’avocat du Medef. “Il n’y a pas d’atteinte à l’égalité de traitement car les situations sont radicalement différentes”, estime Jean-Jacques Gatineau.

Franck Michelet, l’avocat qui représente la CGT, soutient quant à lui que les dispositions incriminées du code du travail violent bien le principe d’égalité. “Traiter différemment des personnes dans la même situation, à savoir la maladie, est sans rapport avec l’objet de la législation sur les congés payés”. 

Réponse le 7 février

Les parties ne se sont pas privées de délivrer leurs conseils aux Sages pour faire évoluer la jurisprudence ou, au contraire, maintenir un statu quo. 

Franck Michelet, qui représente la CGT, propose d’effacer la notion de travail “effectif” et de ne laisser dans la loi que la référence au “travail”. “De l’exception vous feriez la règle et vous pourriez ensuite définir des exceptions”.

Jean-Jacques Gatineau, qui représente le Medef, indique aux Sages qu’ils peuvent “rappeler que le changement de législation ne peut jamais être rétroactif”, ou bien encore “que le report ne pourrait pas être supérieur à 12 mois sur les quatre semaines de congés payés garanties par la directive et non sur les cinq semaines du droit français. Le mieux serait de constater la parfaite constitutionnalité des textes”, conclut-il.

Damien Célice, qui représente la CPME, soutient lui qu’il convient de “déclarer ces dispositions conformes à la Constitution afin de donner un signal au législateur pour ne pas mettre en œuvre servilement la jurisprudence de la CJUE, ne pas procéder à un simple toilettage des textes et rappeler que le système de protection sociale fait partie de l’identité constitutionnelle de la France”.

La position du représentant du Premier ministre

Intervenant à la fin de l’audience, le représentant du Premier ministre a insisté sur la nécessité d’un “équilibre entre le droit à la santé et au repos et la nécessité de ne pas imposer une charge disproportionnée à l’employeur telles que le prévoient les dispositions actuelles du code du travail”, indiquant que selon Matignon, cet “équilibre législatif ne méconnaît pas ni les principes constitutionnels de droit au repos ni ceux du principe d’égalité”. 

“Le législateur a toujours rattaché l’acquisition de congés payés à la notion de travail effectif, a-t-il poursuivi, et assimilé des périodes non travaillées à du travail effectif (en cas d’AT-MP par exemple) mais aussi au regard d’autres objectifs comme cela est le cas pour les congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant”. Et de poursuivre son raisonnement. “La différence fondée sur les AT-MP ne méconnaît pas le principe d’égalité car c’est dans le travail que l’AT-MP”. 

Il a également indiqué que “pour la mise en conformité du droit français, notamment par rapport à la directive de 2003, le gouvernement envisage “de limiter le quantum à quatre semaines de congés payés dans le respect du principe d’égalité”. En effet, rappelons que le droit européen consacre un droit annuel à congés payés de quatre semaines. Mais la Cour de cassation a précisé que le principe de non-discrimination au regard de l’état de santé conduit à appliquer son revirement du 13 septembre 2023 aux cinq semaines légales de congés payés et aux congés conventionnels.

Il est à noter que l’argument économique développé par le représentant du Medef n’a pas laissé indifférent l’un des Sages, Alain Juppé qui a lui a demandé une note d’évaluation pour le délibéré afin de mieux comprendre le chiffre avancé par l’avocat au Conseil, à savoir un coût de 2 Md€ par an pour l’ensemble des entreprises et ce, sans compter le rattrapage rétroactif. 

Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 9 février. Une décision qui sera guettée autant par les entreprises que par les salariés.

Florence Mehrez

Protection des données : 1 DPO sur 2 juge difficile de convaincre le service marketing de se conformer au RGPD

31/01/2024

A l’occasion de la Journée mondiale de la protection des données célébrée le 28 janvier, l’association Noyb a mené une enquête (document en anglais)  auprès de 1 000 délégués à la protection des données (DPO) travaillant au sein d’entreprises européennes afin de dresser un état des lieux sur la conformité au RGPD (règlement général de la protection des données) depuis son entrée en application. Quelques chiffres-clés à retenir :

  • 3 DPO sur 4 estiment que si une Autorité contrôlait une entreprise aujourd’hui, elle trouverait certainement des violations du RGPD ;
  • 7 DPO sur 10 souhaitent que les Autorités de protection des données rendent des décisions plus claires pour améliorer la compliance ;
  • près de 4 DPO sur 10 considèrent qu’il est difficile de convaincre le top management à mettre en place de nouveaux process ;
  • 1 DPO sur 2 déclare qu’il est difficile de convaincre les services marketing et vente en particulier ;
  • plus de 3 sur 10 indiquent même qu’ils subissent de la pression pour limiter la conformité au RGPD.

Source : actuel CSE

C. Vautrin : “Il faut cibler les baisses d’impôt pour les salariés juste au-dessus du Smic”

01/02/2024

Que signifie la volonté, exprimée par le Premier ministre Gabriel Attal dans son discours de politique générale, de “désmicardiser” la France ? Une affirmation répétée hier devant le Sénat par Gabriel Attal : “Le Smic devient le salaire par défaut (..) Dès le prochain budget, nous prendrons les mesures nécessaires pour en finir avec ce système”.

Invitée hier matin de RMC-BFM, la ministre du travail, de la santé et des solidarités a expliqué qu’il s’agissait de tirer les salaires vers le haut, via “une baisse d’impôt de 2 milliards” spécifiquement ciblée sur la catégorie de salariés se situant “juste au-dessus du Smic”.

Au sujet des “102 métiers” dont les minima se situent actuellement sous le Smic (contre 30 conventions collectives fin 2023 avant la nouvelle augmentation du 1er janvier), Catherine Vautrin s’est bornée à répondre : “Il faut voir branche par branche pourquoi ça n’a pas été fait et voir ce qu’on peut changer”. Rien donc sur la menace qu’Elisabeth Borne avait laissé planer sur une possible relise en cause des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises dont les branches ne revaloriseraient pas leur grille conventionnelle.

En revanche, la ministre du travail a évoqué la volonté du gouvernement de transposer, “avant le 1er janvier 2025”, une directive européenne traitant de ce sujet. La ministre n’a pas précisé de quelle directive il s’agissait, mais son propos pourrait viser la directive de l’Union européenne du 10 mai 2023 visant à renforcer l’application du principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes. Cette directive doit être transposée par les Etats membres au plus tard le 7 juin 2026. Rappelons que la loi sur le partage de la valeur oblige les branches à ouvrir, avant le 31 décembre 2023, une négociation afin de réviser les classifications en tenant compte de l’objectif d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. 

► Lors de la conférence sociale, en octobre 2023, la Première ministre Elisabeth Borne avait déjà annoncé vouloir transposer rapidement cette directive européenne sur la transparence des rémunérations et l’égalité F/H et en profiter pour proposer un nouvel index de l’égalité F/H “plus ambitieux, plus transparent, plus fiable”.

Source : actuel CSE

“Notre droit ne permet pas de protéger les travailleurs à l’étranger des multinationales”

02/02/2024

Le 16 janvier, la Cour de cassation a validé la mise en examen de la société Lafarge pour complicité de crimes contre l’humanité. C’est la première fois pour une entreprise. Entretien avec Cannelle Lavite, co-directrice du département Entreprises et droits humains à ECCHR et Anna Kiefer, chargée de contentieux et plaidoyer à Sherpa, deux ONG qui avaient porté plainte aux côtés de travailleurs syriens.

Si Lafarge reste mis en examen pour complicité de crimes contre l’humanité, financement d’entreprise terroriste et violation d’un embargo avec la Syrie, la Cour de cassation a toutefois annulé la mise en examen du cimentier pour mise en danger de la vie d’autrui. 

Quelle est votre réaction concernant la décision de la Cour de cassation ?

Anna Kiefer : C’est un vrai soulagement concernant la confirmation de la mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité. Cette confirmation est une étape nécessaire pour qu’il puisse y avoir un renvoi devant une juridiction de jugement, ce qui serait une première pour une entreprise. C’est historique.

Toutefois c’est une énorme déception concernant l’annulation de la mise en examen pour mise en danger d’autrui, pour nos associations, pour les salariés syriens et de manière globale pour les travailleurs de multinationales. Cette annulation signifie l’impossibilité pour les plaignants d’obtenir réparation de leur préjudice sur la base de cette infraction.

Cela démontre que notre droit ne permet pas de protéger les travailleurs à l’étranger des multinationales. La Cour exonère les multinationales qui, par leur activité, mettraient délibérément la vie de leurs salariés en danger.

Cannelle Lavite : C’est un constat en demi-teinte. Sur la non-application de la loi française, cela vient cristalliser un double standard dans la manière dont les travailleurs de multinationales à l’étranger peuvent être traités et avoir accès à la justice, comparé aux travailleurs français. Toutes les multinationales avaient pris la décision de quitter la Syrie en 2012 lorsque le conflit s’est installé. Or, Lafarge a décidé de d’évacuer ses salariés expatriés et de maintenir ses salariés locaux et ce, malgré leur peur exprimée et les dangers pour leur sécurité. Ils viennent chercher justice en France et en avec cette décision, la Cour de cassation risque de consolider ces doubles standards. 

Quel est le signal envoyé aux entreprises ?

Anna Kiefer : Sur le volet « complicité de crimes contre l’humanité », c’est une victoire. Le signal fort avait déjà été envoyé en septembre 2021. La chambre criminelle avait à cette occasion affirmé qu’une entreprise ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant un objectif commercial. La poursuite d’une activité commerciale est en effet une circonstance s’apparentant au mobile, et ne porte pas sur l’élément intentionnel.

Si l’entreprise apporte une aide pour commettre un crime, elle peut être complice de cette infraction, même en tant que personne morale. La décision du 16 janvier vient mettre un arrêt à la contestation de Lafarge de cette mise en examen.

Sur l’annulation de la mise en examen pour mise en danger d’autrui, le signal envoyé est que les entreprises peuvent exposer les salariés de leurs filiales à des risques sans en porter la responsabilité. Notre droit doit évoluer pour mieux protéger les travailleurs à l’étranger de multinationales.

Cannelle Lavite : Concernant le maintien de la mise en examen de Lafarge pour complicité de crimes contre l’humanité, le signal répété par la Cour de cassation est qu’il y a une ligne rouge à la légalité de l’activité des entreprises en conflit armé. Dans ce dossier, en septembre 2021, la Cour de cassation a affirmé que lorsqu’une personne ou une entreprise a conscience que par ses actes elle peut contribuer à des crimes graves, elle ne peut pas s’exonérer de sa responsabilité sous prétexte d’avoir cherché à poursuivre son activité commerciale.

Pour la mise en danger délibérée, le signal envoyé semble être que les entreprises multinationales peuvent donc organiser leur irresponsabilité à travers leurs filiales ou sous-traitants ou les fournisseurs à l’étranger dont elles bénéficient de la main d’œuvre. Le raisonnement de la Cour de cassation pour décider que le droit du travail français ne s’applique pas dans le cas des salariés de la filiale de Lafarge en Syrie me semble un peu incohérent avec les constatations de la cour d’appel. Le manque de clarté que je perçois dans l’attendu de la Cour de cassation place aussi les entreprises multinationales dans une situation d’incertitude quant à l’application des règles de conflits de lois, règles très souvent invoquées dans le cadre d’activités transnationales.

Concernant, l’annulation de la mise en examen pour mise en danger de la vie d’autrui, la Cour de cassation a jugé que le droit du travail français ne s’appliquait pas. Qu’en pensez-vous ?

Cannelle Lavite : Concernant la mise en danger d’autrui, l’infraction suppose la violation d’une loi ou d’un règlement. Ici, la question posée à la Cour c’est : « est-ce que le droit du travail français s’applique aux travailleurs syriens ? ». La cour d’appel avait répondu par l’affirmative car elle avait relevé notamment « l’immixtion permanente » de Lafarge dans l’activité de sa filiale, ce qui avait engendré la perte d’autonomie de celle-ci. Elle avait considéré que les salariés syriens étaient sous l’autorité effective de la maison mère Lafarge, et en particulier parce que les dirigeants à Paris étaient impliqués vis-à-vis de la sécurité des travailleurs en Syrie. Autant d’éléments qui devaient raisonnablement permettre de qualifier des liens plus étroits entre la France et les travailleurs syriens.

Sans reprendre la mention de « l’autorité effective » de la maison mère sur ses travailleurs syriens, la Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas de liens étroits entre la France et les travailleurs syriens car il n’y avait pas de relation démontrée entre les contrats de travail et la maison-mère.

Anna Kiefer : Cela nous semble être un contre-sens de reconnaître, d’un côté, qu’il y a une situation de co-emploi entre la société mère française et les salariés syriens et, de l’autre, de dire qu’il n’y a pas de liens plus étroits avec la France.

Cela aurait dû justifier l’application du droit français. La chambre d’instruction avait indiqué que le droit syrien prévoit également des obligations de sécurité envers les employeurs. La Cour a toutefois statué que l’obligation de prudence ou de sécurité mentionnée à l’article 223-1 du code pénal devait être prévue par un règlement ou une loi française, et non étrangère. 

C’est un point qui nous semble problématique. S’il est avéré qu’une multinationale a exposé ses salariés à un risque de mort, elle pourrait échapper à sa responsabilité si le droit français n’est pas applicable.

En octobre 2022, Lafarge a plaidé coupable devant le Department of justice aux Etats-Unis en admettant avoir fourni une aide et des ressources importantes à l’État islamique d’Irak et du Shâm (ISIS) et au Front al-Nosra (ANF). Quel est le lien avec la procédure en cours en France ?

Cannelle Lavite : Il y a eu une coopération judiciaire entre la France et les USA. Lafarge a été condamnée à verser plus de 777,78 millions de dollars mais aucun dollar n’ira aux travailleurs syriens, cet accord ne doit pas être confondu avec un accès à la justice.

En outre, cela ne couvre que le financement de terrorisme, et non pas la complicité de crimes contre l’humanité et les autres infractions liées aux conditions de travail.

Ce plaidé-coupable nous donne des informations sur les motivations de Lafarge et de ses anciens dirigeants au moment de leur décision de maintenir l’usine. La sécurité des salariés a été peu considérée par rapport aux intérêts financiers et notamment la fusion à venir avec Holcim. Le profit obtenu par Lafarge en maintenant son usine et en payant les groupes terroristes a été chiffré à 70,3 millions de dollars.

Quelles sont les prochaines étapes de la procédure ?

Anna Kiefer : L’instruction se poursuit. Nous n’avons pas de visibilité sur le calendrier. Sur le volet financement d’entreprise terroriste et violation d’embargo, un avis de fin d’information partiel a été rendu. Nous attendons le réquisitoire définitif du Parquet. Nous espérons que cela aboutira à un procès dans les mois ou années à venir.

Plusieurs dirigeants restent également mis en examen (pour financement d’entreprise terroriste et violation d’embargo) ou ont le statut de témoin assisté.

propos recueillis par Leslie Brassac

Alexandre Saubot élu président du conseil d’administration de France Travail

02/02/2024

Le conseil d’administration de France Travail a élu hier, lors de sa première séance, Alexandre Saubot président du conseil d’administration. Patricia Ferrand (CFDT) et Hubert Mongon (Medef) ont été réélus vice-présidents. 

Ancien élève de l’Ecole polytechnique, Alexandre Saubot a commencé sa carrière en occupant différents postes dans l’administration, en cabinet ministériel et dans la banque (Natexis Banque Populaire). Il dirige depuis 2000 une ETI familiale, Haulotte Group SA, qui emploie 2 000 personnes dans le monde.

Alexandre Saubot est Président de France Industrie depuis 2020. Ancien Président de l’UIMM, de l’Unédic et de l’Opco 2i, opérateur de compétences inter-industriel, ancien Vice-Président du Medef et du conseil d’administration de Pôle emploi.

Source : actuel CSE

[Veille JO] Les textes parus cette semaine : Environnement, formation, immigration, justice, nominations, protection sociale

02/02/2024

Voici un récapitulatif des textes parus au Journal officiel (JO) cette semaine, du vendredi 26 janvier au jeudi 1er février inclus, avec le cas échéant les liens vers les articles traitant ces nouveautés.

Environnement

  • Un décret du 31 janvier 2024 modifie le décret n° 2023-1394 du 30 décembre 2023 pris en application de l’ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023 relative à la publication et à la certification d’informations en matière de durabilité et aux obligations environnementales, sociales et de gouvernement d’entreprise des sociétés commerciales  

Formation

Immigration

Justice

  • Un décret du 29 janvier 2024 modifie le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la justice

Nominations

Protection sociale

  • Un arrêté du 18 janvier 2024 précise la fixation du montant du plafond annuel des aides et prestations que le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants peut attribuer en matière d’action sanitaire et sociale pour l’année 2024
  • Un décret du 29 janvier 2024 modifie le décret n° 2019-969 du 18 septembre 2019 relatif à des traitements de données à caractère personnel portant sur les ressources des assurés sociaux

Source : actuel CSE