[Législatives] La gauche obtient le plus grand nombre de députés, devant Ensemble et le RN

08/07/2024

Surprise au soir du second tour des législatives organisées après la dissolution décidée par le président de la République suite aux résultats des élections européennes : alors que le parti d’extrême droite, le Rassemblement et ses alliés, apparaissaient au premier tour comme la première force politique sur le point de l’emporter, c’est la gauche, via le Nouveau Front populaire (LFI, PS, Écologistes, PCF), avec 178 députés (dont 146 élus au second tour avec 25,68% des suffrages exprimés) qui obtient le plus grand nombre de députés à l’Assemblée. Suivent Ensemble (la majorité présidentielle, soit Renaissance, Horizons, Modem), avec 150 sièges (dont 148 élus au second tour pour 23,15% des suffrages), le Rassemblement national (125 députés dont 88 sièges au second tour pour 32,05% des suffrages) et les Républicains (39 sièges pour 5,41%), dans un scrutin qui a fortement mobilisé les électeurs (66,6% de taux de participation). 

Reste à savoir si une force politique ou une coalition sera en mesure d’obtenir une majorité législative pour gouverner, la barre de la majorité absolue étant à 289 voix sur 577 députés. 

Rappelons que le Nouveau Front populaire, s’il devait accéder au pouvoir, a promis dans son programme une augmentation substantielle du Smic, un rétablissement du CHSCT, un blocage des prix des produits de première nécessité, une meilleure représentation des représentants des salariés dans les conseils d’administration. 

Le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé qu’il présentera ce lundi sa démission au président de la République, après avoir déclaré qu’il accepterait de rester à Matignon le temps nécessaire à la formation d’un nouveau gouvernement.

La désignation du Premier ministre est du ressort du président de la République, qui s’expose cependant à une motion de censure si la personnalité qu’il choisit n’obtient pas le soutien d’une majorité des députés.

► Voir les résultats sur le site du ministère de l’intérieur

Source : actuel CSE

Premier ministre : Emmanuel Macron se donne du temps en invitant les forces politiques à “bâtir une majorité solide”

11/07/2024

Dans une nouvelle “lettre aux Français” publiée par la presse régionale, le président de la République estime que les Français ont “clairement refusé” que l’extrême-droite arrive au pouvoir lors du second tour des législatives qui a vu l’union de la gauche (Le Nouveau Front populaire) obtenir le plus grand nombre de députés devant Ensemble et le Rassemblement national.

Aux yeux d’Emmanuel Macron, toutefois, “personne ne l’a emporté”, puisque “aucune force politique n’obtient à elle-seule une majorité suffisante” et que “les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires”. Dès lors, le chef de l’Etat demande aux forces politiques “se reconnaissant dans les institutions républicaines, l’Etat de droit, le parlementarisme, une orientation européenne la défense de l’indépendance française”, d’engager “un dialogue sincère et loyal pour bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle, pour le pays”. 

C’est seulement ensuite que le président de la République, “à la lumière de ces principes”, décidera de nommer un Premier ministre. Cela suppose donc, explique Emmanuel Macron dans son communiqué, “de laisser un peu de temps aux forces politiques pour bâtir ces compromis avec sérénité et dans le respect de chacun”. 

En attendant, donc, Gabriel Attal reste Premier ministre. 

Rappelons que la nouvelle assemblée nationale se réunit le jeudi 18 juillet et que les forces politiques sont en pleine recomposition. Hier, le député Sacha Houlié, une des figures de Renaissance, a annoncé qu’il ne siégerait plus avec la majorité présidentielle car il entend bâtir un groupe 

De son côté, la gauche souligne qu’elle compte le plus de députés (au moins 178 députés pour le Nouveau Front populaire, soit loin de la majorité absolue qui est de 289 députés) et elle revendique de pouvoir choisir le nom d’un Premier ministre.

À droite et au centre, des voix se prononcent en faveur d’une coalition avec LR et le centre gauche mais excluant LFI. À suivre… 

Source : actuel CSE

[Législatives] Le sort électoral des personnalités politiques investies dans les sujets du social et du travail

12/07/2024

Quel a été le sort, lors des élections législatives, des personnalités politiques investies sur les sujets sociaux et liés au travail ? Notre tour d’horizon, avec un focus sur les ouvriers et les syndicalistes devenus députés.

Quelques jours après le second tour des législatives du 30 juin et 7 juillet 2024, voyons ce que le sort électoral a réservé aux figures politiques investies dans les sujets liés au travail et au social, sans oublier les ouvriers et syndicalistes devenus députés (lire notre encadré). Commençons notre tour d’horizon par la majorité présidentielle sortante.

Du côté du gouvernement

Certaines de ces figures, qui ont planché sur les retraites, l’assurance chômage ou les dossiers du travail et du dialogue social, ont été réélues. C’est le cas du Premier ministre Gabriel Attal à Vanves (92), de l’ancienne Première ministre et ministre du travail Elisabeth Borne, à Vire (14), tandis que l’ancien ministre du travail, Olivier Dussopt, implanté dans l’Ardèche (07), avait choisi lui de ne pas se représenter. L’actuelle ministre du travail et de la santé, Catherine Vautrin, n’était pas non plus candidate, tout comme Carole Grandjean : non reconduite dans le gouvernement Attal, l’ancienne ministre déléguée à l’enseignement et à la formation professionnels avait annoncé en janvier sa décision de retourner dans le secteur privé, elle est désormais DRH du groupe Etam. 

Aurélien Rousseau représente quant à lui un cas à part. Après avoir été de ceux qui ont piloté la réforme des retraites de 2023, l’ancien directeur de cabinet d’Elisabeth Borne, qui avait démissionné en décembre 2023 du ministère de la santé pour marquer son désaccord avec la loi immigration, a été élu député, mais sous l’étiquette Place Publique, au sein du PS, donc à gauche ! Il est originaire du Gard (où toutes les circonscriptions ont basculé au Rassemblement national) mais a été élu dans les Yvelines. 

A été également réélue la ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, Aurore Bergé (Yvelines), qui a été présidente du groupe de députés Renaissance. Elle défend d’ailleurs une “alliance programmatique” d’Ensemble avec la droite afin de former un nouveau gouvernement. 

Du côté de l’Assemblée et de l’ancienne majorité présidentielle

Toujours dans le camp de l’ancienne majorité présidentielle, du côté de l’Assemblée justement, Yaël Braun-Pivet, la présidente sortante, a été réélue. Elle souhaite à nouveau présider la chambre des députés, après s’être déclarée en faveur d’une large coalition des forces républicaines excluant toutefois la France insoumise (LFI). 

Ministre déléguée en charge des personnes âgées, ancienne présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, Fadila Khetabi, a pour sa part été battue à Dijon (elle s’est désistée au second tour pour faire barrage au RN). Même sort pour l’ancien ministre de la santé lors de la crise sanitaire, Olivier Véran, battu dans l’Isère.

Député actif notamment dans le domaine de l’assurance chômage, artisan du système de bonus-malus pour les cotisations, Marc Ferracci, un proche d’Emmanuel Macron qui a été conseiller de Muriel Pénicaud et de Jean Castex, a été réélu dans la 6e circonscription des Français de l’étranger. 

La médecin Stéphanie Rist (Renaissance), vice-présidente de la commission des affaires sociales de l’Assemblée et ancienne rapporteure du projet de loi réformant les retraites, a été réélue à Orléans, tout comme Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance, Paris) qui porte une voix relativement indépendante au sein de l’ancienne majorité présidentielle. Jugeant insuffisante une coalition Ensemble-LR, cette députée défend “une grande coalition entre ceux – gaullistes, centristes, sociaux-démocrates, écologistes – qui partagent des valeurs démocrates, républicaines et pro-européennes”.

Enfin, Charlotte Parmentier-Lecocq (Renaissance), qui connaît bien les sujets de la santé au travail pour avoir transposé un accord interprofessionnel sur la prévention de la santé au travail en 2021, et qui présidait depuis 2023 la commission des affaires sociales de l’Assemblée, a été réélue avec plus de 60% dans le Nord. C’est aussi le département du député Paul Christophe (Horizons). Réélu de justesse, ce dernier a été l’un des rapporteurs à l’Assemblée de la réforme des retraites. En 2018, il avait aussi porté un amendement très controversé, et finalement abandonné, limitant les exonérations des activités sociales et culturelles du CSE. 

Du côté de l’Assemblée et de la gauche

A gauche, certains membres actifs de la commission des affaires sociales de l’Assemblée, un organe très important pour l’élaboration des textes sur la santé, la formation, le travail et les sujets sociaux, connaissent des fortunes diverses.

Le député communiste Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône), qui était souvent intervenu en séance au sujet de la Sécurité sociale et qui avait bataillé contre les ordonnances de 2017, fait partie des battus, tout comme l’aide-soignante Caroline Fiat (LFI) et la femme de ménage Rachel Kéké (LFI), qui étaient devenus en quelque sorte les symboles d’une possible accession au mandat de députés des catégories populaires (lire à ce sujet notre encadré sur les 4 députés ouvriers). 

A l’inverse, a été réélu de justesse en Picardie le député François Ruffin. Très investi sur les questions sociales (il a fait un film sur les femmes invisibles des métiers du lien et du soin, il a défendu une proposition de loi sur les femmes de ménage et une autre sur le burn out), ce député-journaliste a rompu pendant la campagne avec La France insoumise, au motif que la figure de Jean-Luc Mélenchon et la stratégie de ce mouvement ne permettent pas à la gauche de renouer avec les catégories populaires, une analyse déjà exposée en 2022 dans son livre.

Figure aussi, parmi les figures des “dissidents” de LFI qui ont été réélus et qui étaient membres de la commission des affaires sociales, Clémentine Autain (Seine Saint-Denis). Cette dernière, qui a manifesté son intérêt pour le poste de Premier ministre tout comme le premier secrétaire du PS Olivier Faure, également réélu en Seine-et-Marne, est très engagée sur le dossier de l’égalité professionnelle et des violences sexuelles ; elle a fait adopter en 2022 une proposition de loi sur l’endométriose. 

Du côté du Parti socialiste, plusieurs personnalités qui interviennent régulièrement à la tribune de l’Assemblée sont réélus comme Boris Vallaud, dans les Landes. Ancien secrétaire général adjoint de l’Elysée sous le mandat de François Hollande au moment de l’épisode des frondeurs et donc du 49.3 déclenché par Manuel Valls pour faire passer sa loi travail, Boris Vallaud est un orateur pugnace et un bon connaisseur du droit du travail. Il a d’ailleurs été reconduit comme président du groupe socialiste à l’Assemblée. Figure des frondeurs, justement, l’ancien député européen Emmanuel Maurel, battu lors des dernières européennes sous l’étiquette communiste, retrouve l’assemblée après avoir été investi par le Nouveau Front populaire dans le Val d’Oise. 

Il convient aussi de signaler la réélection du socialiste Arthur Delaporte dans le Calvados (il a critiqué la loi travail de 2016 et le projet de déchéance de nationalité) et celle, dans l’Essonne, de Jérôme Guedj. Ancien inspecteur des affaires sociales et très bon connaisseur du droit social, très actif dans le domaine du grand âge, Jérôme Guedj, victime d’attaques antisémites, a fait campagne sans le soutien du Nouveau Front populaire, en désaccord avec la campagne très agressive menée par LFI lors des européennes, notamment au sujet d’Israël et de Gaza. 

A noter qu’Andy Kerbrat et Ségolène Amiot, deux salariés d’un centre d’appels ayant été tous deux secrétaires de CHSCT, et qui avaient accédé à l’Assemblée en 2022, ont été réélus députés (LFI, NFP) en Loire-Atlantique.

Enfin, n’oublions pas trois figures, très différentes, de la gauche. L’écologiste Sandrine Rousseau, qui siégeait à la commission des affaires sociales et qui vient de faire acte de candidature pour le perchoir de l’Assemblée, a été réélue à Paris, tout comme le communiste André Chassaigne à Clermont-Ferrand, qu’on a vu notamment ferrailler au moment des débats sur les retraites, et…François Hollande. L’ancien président de la République, qui a promulgué la loi travail en 2016, retrouve un siège de député en Corrèze après avoir défendu l’union au sein du Nouveau Front populaire.

Du côté de l’Assemblée et du centre 

Malgré son effectif réduit, le groupe centriste Liot a marqué les esprits dans l’assemblée sortante. Ses députés ont défendu une motion de censure contre le gouvernement pour s’opposer à la réforme des retraites et ils ont tenu, en mai dernier, une conférence de presse commune avec les organisations syndicales contre la nouvelle réforme de l’assurance chômage. Mais ce groupe subsistera-t-il après le 18 juillet, date de la réunion de la nouvelle assemblée nationale ? Rien n’est moins sûr. Si Charles de Courson a été réélu dans la Marne, le président du groupe, Bertrand Pancher, a été battu dans la Meuse, et seuls 14 de ses 22 députés sortants siègeront à nouveau, alors que la création d’un groupe parlementaire requiert au moins 15 députés. 

Du côté de l’Assemblée et de la droite

Membre de la commission des affaires sociales, Philippe Juvin (Les Républicains), opposé à tout rapprochement de LR avec le RN, a été réélu dans les Hauts-de-Seine, tout comme Yannick Neuder, ancien vice-président de la commission des Affaires sociales, réélu dans l’Isère. Réélu député dans l’Eure-et-Loire, Philippe Vigier (Modem) a été ministre des Outre-Mer de juillet 2023 à janvier 2024 avant de reprendre son mandat à l’Assemblée. Responsable du dossier des retraites pour le Modem, il avait suggéré d’augmenter le temps de travail quotidien des actifs afin de financer les pensions. 

Du côté de l’Assemblée et du Rassemblement national

Plusieurs députés de l’extrême droite siégeaient à la commission des affaires sociales. Laure Lavalette, qu’on a beaucoup vu sur les plateaux TV lors de la campagne et qui a récemment expliqué qu’elle voterait avec le Nouveau Front populaire un éventuel projet d’abrogation de la réforme des retraites, a été réélue dans le Var, tout comme Christophe Bentz, ancien opposant au mariage pour tous et à l’IVG et jusqu’alors secrétaire de la commission des Affaires sociales, vainqueur dans la Haute-Marne.  

L’heure de vérité approche

Rappelons que la nouvelle Assemblée nationale se réunit à partir du 18 juillet et jusqu’au 1er août pour élire sa présidente mais aussi ses commissions. Il s’agit d’une réunion décisive quant aux choix d’affiliation des députés, qui déterminera la composition des différents groupes politiques et leurs rapports de force, et donc leur capacité ou non à former une coalition pour proposer un Premier ministre et soutenir un gouvernement.

Le député Sacha Houlié, qui était jusqu’alors une des figures de l’aile dite gauche de Renaissance en tant que président de la commission des lois de l’Assemblée (il avait fait de ses doutes lors de la loi immigration), a ainsi annoncé mercredi 10 juillet sa volonté de ne plus siéger avec Renaissance mais de constituer un groupe “allant de la droite sociale à la gauche socialiste”. Et ce alors que le président de la République se donne le temps pour nommer un nouveau Premier ministre en invitant les forces politiques respectant certaines valeurs à créer “une majorité solide”.

Pour finir, jetons un œil, grâce au site de l’Assemblée et au journal Le Monde, sur le profil de la nouvelle assemblée dans laquelle 408 des 577 députés siégeaient déjà avant la dissolution : 

– seulement 215 femmes (soir 36%) et 369 hommes ) ;
– âge moyen de 49 ans et 7 mois (au lieu de 48 ans et 10 mois avant) ; 
– 74% des députés appartiennent à la catégorie cadres et professions intellectuelles supérieures (alors que cette catégorie pèse moins de 22% dans la population).

Soulignons la faible proportion de députés issus des catégories populaires. Seulement 6 députés sont ouvriers (soit 1%, alors qu’ils représentent 19,1 % de la population française en emploi) :

– Laurent Alexandre (LFI), ouvrier réélu dans l’Aveyron (il a été délégué syndical CGT chez Ratier Figeac) ;
– Jorys Bovet (RN), chauffeur-livreur réélu dans l’Allier ;
– Bérenger Cernon (LFI), conducteur de RER et délégué CGT cheminots qui l’a emporté dans l’Esssonne contre Nicolas Dupont-Aignan ;
– Mathilde Hignet (LFI), ouvrière agricole réélue en Ille-et-Vilaine ;
– Katiana Levavasseur (RN), agent d’entretien et de maintenance élue dans l’Eure ; 
– Liselle Pollet (RN), ancienne femme de ménage et salariée dans la restauration collective (elle a été déléguée CFDT du personnel), réélue dans la Drôme. 

Également cheminot CGT et membre d’un parti nationaliste basque, Peio Dufau a été élu député NFP dans les Pyrénées Atlantiques. Autre figure syndicale, qui s’était engagée contre la fermeture des hauts-fourneaux : Frédéric Weber , après 17 ans de syndicalisme à la CFDT puis à FO chez Arcelor Mittal, devient député RN de Meurthe-et-Moselle 

Bernard Domergue