Le syndicat affilié à une fédération signataire ne peut pas contester le protocole préélectoral
30/03/2023
Un syndicat professionnel affilié à une fédération ou une union de syndicats qui a signé le protocole préélectoral ne peut pas contester la validité de ce protocole et demander l’annulation des élections professionnelles, estime la Cour de cassation dans un arrêt du 22 mars.
La jurisprudence de la Cour de cassation sur la contestation du protocole préélectoral (PAP) et des élections par les syndicats est abondante. Rappelons que la chambre sociale, en effet, tend à limiter les possibilités de recours après les élections afin de sécuriser le lourd processus électoral. C’est sur la possibilité de contester le PAP et les élections en résultant pour un syndicat non signataire, mais affilié à une fédération signataire, que se prononce la Cour dans cet arrêt du 22 mars 2023.
Un syndicat non-signataire du PAP mais affilié à une fédération signataire…
Dans cette affaire, le syndicat SGT-CFDT conteste le protocole préélectoral et demande l’annulation des élections. Il n’a pas signé le PAP et n’a pas présenté de candidats. Le tribunal judiciaire déclare son action irrecevable, retenant qu’il n’a pas intérêt à agir car il est affilié à l’union fédérale FGTE-CFDT, laquelle est signataire du PAP. Le syndicat conteste au motif qu’il s’agit de deux syndicats juridiquement autonomes, la signature de la fédération ne privait donc pas le syndicat de son droit d’agir.
Elle invoque également l’article L. 2132-3 du code du travail qui confère aux syndicats le droit d’agir en justice en cas d’atteinte à l’intérêt collectif de la profession
… ne peut pas contester le PAP et les élections
Mais la Cour de cassation est d’accord avec le juge judiciaire. Elle rappelle “qu’il résulte de l’article L. 2314-6 du code du travail qu’un syndicat qui a signé un protocole d’accord préélectoral répondant aux conditions prévues à cet article, ne saurait, après proclamation des résultats, contester la validité du protocole d’accord préélectoral et demander l’annulation des élections”.
En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation a précisé que lorsque le PAP est conclu aux règles de double majorité, un syndicat qui l’a signé ou qui a présenté des candidats sans émettre de réserves (« adhésion tacite ») ne peut en contester la validité après la proclamation des résultats, quand bien même il invoquerait une méconnaissance des règles d’ordre public (Cass. soc., 24 nov. 2021, n° 20-20.962).
En revanche, donc, un syndicat non-signataire et n’ayant pas présenté de candidats (ou un syndicat ayant émis des réserves) peut contester le PAP après la proclamation des résultats (cette possibilité reste également ouverte à tout syndicat avant la proclamation des résultats lorsqu’est invoquée la méconnaissance de règles d’ordre public). D’où l’importance de déterminer si un syndicat non-signataire affilié à une fédération signataire (ou ayant présenté des candidats) dispose d’un droit propre compte tenu de sa personnalité morale distincte, ou s’il est lié par sa fédération.
Un syndicat affilié à une confédération ne peut présenter qu’une seule liste de candidats
Puis la Cour de cassation précise que “selon l’article L. 2133-3 du code du travail, les unions de syndicats jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels”. La chambre sociale rappelle sa propre jurisprudence décidant “de façon constante, que les syndicats affiliés à une même confédération nationale, qu’elle soit ou non représentative, ne peuvent présenter qu’une seule liste de candidats, par collège, lors des élections professionnelles dans l’entreprise” (voir par exemple les arrêts n° 10-60.135, n° 13-60.238, n° 16-22.168).
Elle en déduit “qu’un syndicat professionnel, affilié à une fédération ou à une union de syndicats qui a signé le protocole d’accord préélectoral, que celle-ci soit ou non représentative, ne peut contester la validité de ce protocole et demander l’annulation à ce titre des élections professionnelles dans l’entreprise”. Au passage, il nous semble que la Cour de cassation sous-entend, en se fondant sur cette jurisprudence relative aux listes de candidats, qu’il existe une « unité » entre les syndicats affiliés à une même fédération et cette fédération. Il s’avère alors impossible que l’un conteste ce qui a été signé par l’autre.
L’union fédérale, à laquelle le syndicat est affilié, ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral et ayant signé celui-ci, le syndicat est donc irrecevable à contester judiciairement la validité du protocole préélectoral et les élections après la proclamation des résultats.
► Remarque : à noter que la Cour de cassation ne précise pas dans son dernier moyen que la contestation est irrecevable lorsqu’elle est introduite “après la proclamation des résultats”. Il nous semble qu’elle se contente ici de répondre à la question relative à la recevabilité du recours d’un syndicat affilié à une fédération signataire. Cette solution ne modifie toutefois pas, d’après nous, la jurisprudence exposée ci-dessus à cet égard, à laquelle la chambre sociale se réfère elle-même.
Séverine Baudouin