FORMATION

Alternance : la Cour des comptes préconise de mettre fin aux aides exceptionnelles

Au moment où l’alternance connaît des records d’entrée, les magistrats financiers mettent en garde contre le déficit financier de France compétences qui octroie des fonds dédiés aux Opco. Selon la cour des comptes, les coûts ont doublé et ce mode de formation n’apporte pas de réponses suffisantes aux jeunes en situation de fragilité.

Côté pile, un “succès indéniable”. Le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000, en 2016 à près de 800 000, en 2021, soit une hausse de 82 % notamment en 2019 et 2021. Une hausse “qui a dépassé les prévisions les plus optimistes” largement imputable à la loi Avenir professionnel de 2018 qui a modifié le pilotage et le financement. Mais aussi aux aides attribuées aux employeurs depuis l’été 2020 par l’Etat : une prime de 5 000 euros pour un mineur et de 8 000 euros pour un majeur.

Côté face, l’apprentissage est dans une “impasse financière” : c’est le constat dressé, hier, par la Cour des comptes dans un rapport dédié et un référé adressé aux ministres du travail et de l’économie.

Les dépenses pourraient atteindre 11 milliards d’euros en 2021 sous l’effet de l’augmentation du coût des aides (5,7 milliards d’euros) et des contrats d’apprentissage (5,3 milliards d’euros), contre 5,5 milliards d’euros en 2018. “Le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti”, pointe les auteurs du rapport.

“Manque d’anticipation”

Un manque d’anticipation qui, conjugué aux effets de la crise sanitaire et économique, contribue au déficit enregistré par France compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€).

A tel point que “le nouveau système issu de la réforme n’est pas en mesure de financer le développement de l’apprentissage et place France compétences dans une situation préoccupante en 2022 et au-delà”.

Ce qui nécessitera de nouveaux coups de pouce. France compétences avait déjà dû recourir à l’emprunt à hauteur de 1,7 milliards d’euros pour combler les trous et à l’Etat pour lui verser des subventions exceptionnelles pour un montant de 2,75 milliards d’euros.

Le coût d’un apprenti a augmenté d’au moins 17 %

Depuis la loi Avenir professionnel, l’apprentissage est piloté par les branches professionnelles et non plus par les régions. Ce sont, en effet, aux branches qu’incombe désormais la tâche de définir les besoins de formation, de déterminer les diplômes et titres professionnels et de fixer le niveau de prise en charge pour chaque certification (“coût-contrat”) alors que jusqu’ici les CFA (centres de formation des apprentis) bénéficiaient de subvention régionale. Or, ce changement de financement a fait augmenter le coût par apprenti “d’au moins 17 %” et produit “des écarts injustifiés entre formation de même niveau et de même domaine”.

Une recomposition au détriment des moins qualifiés

Autres bémols : cette hausse des effectifs s’est accompagnée d’une évolution du profil des apprentis, en privilégiant ceux de l’enseignement supérieur (51 % en 2020) au détriment des moins qualifiés (diplôme d’un niveau inférieur ou équivalent au bac professionnel). Ces derniers représentaient 63 % du total des apprentis en 2016. Cette recomposition ne correspond pas aux “objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification (CAP, baccalauréat professionnel), ceux qui rencontrent le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail”, observe le rapport.

“Si le nombre d’apprentis dans le secondaire augmente peu c’est en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de troisième, peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une formation plus exigeante”, selon la cour pour qui l’apprentissage “reste mal connu et moins considéré” par les professeurs de collège.

Les rapporteurs notent la persistance des difficultés d’accès à l’apprentissage pour les jeunes des quartiers prioritaires (QPV) ou habitant dans des zones enclavées et déplorent l’absence de concertation et de régulation de l’offre de formation qu’effectuaient jusqu’à présent les régions.

Priorité au tertiaire

De plus, les effectifs se concentrent aujourd’hui davantage sur “le tertiaire plutôt que sur les secteurs traditionnellement concernés par l’alternance, comme l’artisanat, l’industrie, ou l’agriculture”.

“L’alternance n’apporte pas suffisamment de réponses aux entreprises rencontrant des difficultés de recrutement et aux besoins spécifiques de territoires”, observe le rapport.

Définir une stratégie nationale de l’alternance et un financement adapté

Pour rectifier le tir, les magistrats de la rue Cambon font une série de recommandations. Côté financier, ils appellent des mesures fortes. Au premier chef, l’arrêt des aides exceptionnelles versée aux employeurs d’alternants, considérées comme des “effets d’aubaine significatifs” alors que le gouvernement a d’ores et déjà annoncé leur prolongement jusqu’à la fin de l’année.

Par ailleurs, ils préconisent de redéfinir les niveaux de prise en charge financière des contrats d’apprentissage. Et recommandent de déterminer une stratégie nationale pour l’alternance qui priorise “les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value”. Or, à partir de la licence, “la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible” selon la cour même si cela “contribue à démocratiser, professionnaliser et financer l’enseignement supérieur”.

La cour propose également de “favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, d’adapter et de développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité”. Elle appelle aussi à un renforcement des relations entre les établissements du secondaire – en particulier ceux qui relève de l’éducation prioritaire – et les CFA.

Enfin, le rapport préconise de mettre en place une concertation entre les principaux acteurs (régions, Dreets, Éducation nationale, enseignement agricole, branches professionnelles et Opco) “pour identifier et soutenir les formations moins rentables, mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises”.

De quoi donner du grain à moudre au nouveau ministre du travail, Olivier Dussopt, qui devra trancher la question du financement alors que les partenaires sociaux ont mené plusieurs concertations sur ce sujet depuis 2021.

Anne Bariet

Alternance : un projet de décret prolonge les aides exceptionnelles jusqu’au 31 décembre 2022

Un projet de décret, soumis à la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle, prolonge de six mois, jusqu’au 31 décembre 2022, l’aide exceptionnelle versée aux employeurs d’apprentis et de salariés en contrat de professionnalisation. Accordées depuis le 1er juillet 2020 dans le cadre du plan “Un jeune, une solution”, ces aides étaient prévues jusqu’au 30 juin 2022 inclus. Or, le ministre du Travail avait, d’ores et déjà, annoncé le 24 mai leur prorogation, au moins jusqu’à la fin de l’année 2022.

Pour rappel, le montant des aides exceptionnelles s’élève à 5 000 euros pour un mineur et à 8 000 euros pour un majeur et concerne la première année d’exécution du contrat. Elles visent les entreprises de tout taille, à condition pour celles de 250 salariés et plus, d’atteindre un quota d’alternant dans leurs effectifs en 2023.

Actuel CE

Formation : les cinq tendances 2022

Management, efficacité professionnelle, projets et agilité, communication orale et écrite, bureautique et outils digitaux… Ces thématiques figureront en priorité dans les plans de formation 2022, selon l’enquête dévoilée par l’organisme de formation Unow, à l’occasion du Printemps de la Formation, organisé du 30 mai au 3 juin 2022.

Si le présentiel reste dominant (50 %), en hausse de 15 points par rapport à 2021, pour les modalités de formation, le distanciel représente désormais 36 % (+5 % par rapport à 2019) et le blended, 14 %. A court terme, 41 % des responsables formations souhaitent plus de formations distancielles dans un avenir proche. A leurs yeux, celles-ci répondent à trois enjeux : permettre à l’apprenant de se former à son rythme, optimiser l’efficacité des formations et réduire les coûts.

Pour 60 % des responsables formation sondés, l’évaluation de l’efficacité des formations est “prioritaire” ou “indispensable”.

actuEL CE

L’aide exceptionnelle à l’alternance est prolongée jusqu’à la fin de l’année

Un décret du 29 juin 2022 officialise les annonces du gouvernement sur la prolongation de l’aide à l’alternance mise en place pendant la crise sanitaire. Elle perdurera jusqu’au 31 décembre 2022. Un autre décret du même jour étend l’aide à l’embauche en contrat de professionnalisation de demandeurs d’emploi de longue durée à de nouveaux bénéficiaires et assouplit la date d’appréciation des conditions d’éligibilité.

Emmanuel Macron l’avait annoncé pendant sa campagne présidentielle et son gouvernement l’avait confirmé quelques semaines plus tard : l’aide exceptionnelle à l’alternance, qui devait prendre fin le 30 juin 2022, sera prolongée au moins jusqu’à la fin de l’année. C’est chose faite.

Prolongation de l’aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis ou de salariés de moins de 30 ans en contrat de professionnalisation

Pour mémoire, une aide exceptionnelle à l’embauche d’apprentis ou de jeunes de moins de 30 ans en contrat professionnalisation avait été mise en place pour les contrats conclus à compter du 1er juillet 2020. Elle avait été prolongée en dernier lieu jusqu’au 30 juin 2022. Elle sera finalement effective jusqu’au 31 décembre 2022. Les conditions d’éligibilité de l’aide et les modalités de son versement restent inchangées.

Pour rappel, son montant s’élève à 5 000 € maximum pour un apprenti ou un salarié en contrat de professionnalisation de moins de 18 ans et à 8 000 € maximum pour un apprenti ou un salarié en contrat de professionnalisation majeur. Elle est versée sous certaines conditions tenant notamment au niveau du titre ou du diplôme préparé et au quota d’alternants présents dans les entreprises d’au moins 250 salariés.

Prolongation corrélative de la majoration du montant de l’aide unique à l’apprentissage

L’aide unique à l’apprentissage, mise en place le 1er janvier 2019, est réservée aux entreprises de moins de 250 salariés, l’effectif étant apprécié au titre de l’année civile précédant la date de conclusion du contrat, tous établissements confondus. Elle est attribuée au titre des contrats d’apprentissage visant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent au plus au baccalauréat.

En principe, son montant est limité à 4125 € pour la première année d’exécution du contrat. Mais pour les contrats conclus entre le 1er mars 2021 et le 30 juin 2022, le montant de l’aide versée au titre de la première année d’apprentissage avait été aligné sur celui de l’aide exceptionnelle. Elle était ainsi portée à 5 000 € si l’apprenti était mineur et à 8 000 € s’il était majeur (ce montant s’appliquant à compter du 1er jour du mois suivant le jour où l’apprenti atteint 18 ans).

Ce montant majoré de l’aide unique à l’apprentissage attribué pour la première année d’exécution du contrat continuera d’être versé pour tout contrat d’apprentissage conclu jusqu’au 31 décembre 2022 entre une entreprise de moins de 250 salariés et un apprenti visant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalent au plus au baccalauréat.

Adaptation de l’aide exceptionnelle à l’embauche en contrat de professionnalisation de chômeurs de longue durée

Un autre décret, également publié au Journal officiel du 30 juin 2022, étend l’aide à l’embauche en contrat de professionnalisation de demandeurs d’emploi de longue durée à de nouveaux bénéficiaires et assouplit la date d’appréciation des conditions d’éligibilité.

Un décret du 29 octobre 2021 permettait, sous conditions, aux employeurs qui embauchaient en contrat de professionnalisation, entre le 1er novembre 2021 et le 31 décembre 2022, des chômeurs de longue durée (âgés d’au moins 30 ans pour les contrats conclus jusqu’au 30 juin 2022 et sans condition d’âge pour les contrats conclus entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022) de bénéficier d’une prime de 8 000 € versée par Pôle emploi.

A compter du 1er juillet 2022, l’aide n’est ouverte qu’aux chômeurs de longue durée âgés d’au moins 30 ans, les plus jeunes pouvant bénéficier de l’aide exceptionnelle « classique » désormais effective jusqu’au 31 décembre 2022.

► Remarque :  en effet, initialement, le décret du 29 octobre 2021 ouvrait l’aide à l’embauche « chômeurs de longue durée » aux personnes de moins de 30 ans pour les contrats conclus à partir du 1er juillet 2022. Cette mesure s’expliquait par le fait que l’aide exceptionnelle à l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation, réservée aux embauches de salariés de moins de 30 ans, devait prendre fin à compter de cette date. Cette aide ayant été prolongée pour les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2022, le décret du 29 juin 2022 maintient la condition d’âge (30 ans et plus) pour le bénéfice de l’aide à l’embauche en contrat de professionnalisation de chômeurs de longue durée pour les contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2022. Les employeurs qui embauchent en contrat de professionnalisation jusqu’au 31 décembre 2022 peuvent donc prétendre soit à l’aide exceptionnelle à l’embauche de salariés en contrats de professionnalisation s’ils recrutent un ou des jeunes de moins de 30 ans, soit à l’aide exceptionnelle à l’embauche en contrat de professionnalisation de chômeurs de longue durée s’ils recrutent une ou des personnes âgées d’au moins 30 ans.

Pour les contrats de professionnalisation conclus entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022, le texte élargit également le bénéfice de l’aide à l’embauche « chômeurs de longue durée » aux recrutements réalisés à l’issue d’une préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) ou d’une action de formation préalable au recrutement (AFPR) financée en tout ou partie par Pôle emploi.

► Remarque : s’agissant de l’embauche à l’issue d’une action de formation préalable au recrutement, le texte précise qu’il s’agit d’une « formation nécessaire à l’acquisition des compétences requises pour occuper un emploi correspondant à une offre déposée par une entreprise auprès de Pôle emploi, financée en tout ou partie par celui-ci, au titre de la première année d’exécution du contrat ».

Les conditions d’éligibilité de l’aide sont désormais appréciées :

  • soit à la date de conclusion du contrat de professionnalisation ;
  • soit à la date à laquelle la formation est proposée dans le cadre du projet personnalisé d’accès à l’emploi par Pôle emploi au demandeur d’emploi ;
  • soit à la date à laquelle est formulée une proposition de recrutement en contrat de professionnalisation par l’employeur.

Dans ces deux dernières hypothèses, les propositions doivent être faites – par tout moyen donnant date certaine à sa réception – dans un délai maximum de quatre mois avant la date de conclusion du contrat.

Delphine De Saint Remy

Les opérateurs de compétences face au défi de la transition écologique

Dans une note publiée, aujourd’hui, France Stratégie dresse la feuille de route des opérateurs de compétences chargés, avec la loi climat du 22 août 2021, d’accompagner les entreprises dans leurs projets d’adaptation à la transition écologique, notamment par l’analyse et la définition de leurs besoins en compétences.

A partir d’auditions menées d’octobre 2021 à avril 2022 par le Réseau Emplois Compétences et l’Observatoire national des emplois et métiers de l’économie verte (Onemev) auprès des responsables techniques (responsable d’observatoire, responsable de l’offre de services aux branches et aux entreprises) et de quelques membres des conseils d’administration des 11 Opco, le think tank liste les leviers d’action mobilisables. Comment construire une analyse transversale des impacts de la transition écologique sur les métiers pour les branches ?  Parvenir à une vision fine des dynamiques territoriales en vue de proposer un accompagnement de proximité ? Favoriser l’accessibilité de la formation en fonction des cibles et des secteurs ? Partager des pratiques, des méthodes, des analyses, des retours d’expériences ? Des recommandations précieuses et pragmatiques pour tous les Opco.

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