Semaine de quatre jours : peser les enjeux et les risques avant la négociation

10/06/2024

La semaine de quatre jours fait son chemin : déjà expérimentée dans certains ministères, elle intéresse également les entreprises privées qui y voient l’occasion de réduire les coûts et d’augmenter la productivité. Si cette négociation relève de la compétence des délégués syndicaux, les élus du CSE ont aussi leur mot à dire. Synthèse du cadre juridique et des pistes de réflexion à connaître avant de se lancer, avec deux expertes du cabinet Sextant, Karen Venet et Delphine Vegas.

Depuis l’épidémie de Covid-19, salariés et employeurs se disent en recherche accrue de flexibilité. Peut-être pas pour les mêmes raisons cependant. Comme avec l’open space ou le flex office, les entreprises perçoivent la semaine de quatre jours comme une opportunité de rationaliser les coûts. Si certains salariés peuvent y trouver avantages, les intérêts sont-ils pour autant communs ? Rien n’est moins sûr si l’on tient compte des risques d’intensification des tâches et de perte du sens collectif dans les équipes déjà malmenées par le télétravail. Seule solution à cette quadrature du cercle : une négociation en bonne et due forme, fondée sur des enquêtes de terrain et un diagnostic mené par les représentants du personnel.

La semaine de 4 jours oui, en 4 jours non

Selon l’enquête LinkedIn de 2022, 63 % des candidats au recrutement déclarent que l’équilibre entre les vies personnelle et professionnelle constitue leur priorité. De nombreux salariés privilégient également le temps libre à la rémunération, à hauteur de 61 % en 2023 au lieu de 38 % en 2008 (étude de la fondation Jean Jaurès, janvier 2023). Attention cependant, les salariés semblent se méfier de l’intensification du travail si l’on en croit les résultats de deux enquêtes réalisées en 2023 : 47 % préfèrent travailler en semaines de quatre jours avec les mêmes horaires (enquête Robert Half 2023), mais le taux baisse à 37 % s’il s’agit d’adopter des journées plus longues (ADP Research Institute 2023).

Les risques de la semaine de quatre jours pèsent sur les deux parties au contrat de travail. Côté salariés, ce mode d’organisation peut aussi conduire à l’isolement s’il est mal articulé avec le télétravail. Des injustices peuvent également survenir entre salariés éligibles à la semaine de quatre jours et salariés inéligibles. Sans compter les pertes de salaire et la surcharge de travail.

Côté employeurs, on craint une fragilisation de la continuité de l’activité, notamment sur la gestion des ressources et des habitudes des clients ou partenaires. Des salariés résistants au changement et des managers déstabilisés peuvent aussi perturber l’organisation. La semaine en quatre jours peut même tourner au repoussoir pour employeurs et salariés : selon l’OCDE, plus un salarié travaille longtemps en une journée, plus sa productivité diminue.

Quoiqu’il en soit, Delphine Vegas, experte au cabinet Sextant, recommande d’évaluer l’adaptabilité de la semaine de quatre jours en lien avec l’activité de l’entreprise : “Les réalités des organisations de travail sont très diverses selon que l’on s’adresse à des cadres ou des ouvriers, et les modalités vont différer selon les secteurs d’activité. Ce n’est pas la loi qui se penchera sur l’activité de l’entreprise, seule une négociation au plus près des attentes des salariés le permettra”.

Se référer aux accords déjà conclus et à la convention collective

Première action à envisager en tant qu’élu du CSE ou délégué syndical : parcourir l’accord d’entreprise sur le temps de travail. “Il peut également exister un accord de branche ou un décret professionnel”, précise l’experte Karen Venet (article L.3121-67 du code du travail). Elle rappelle que depuis les ordonnances Macron de 2017, la durée et l’organisation du travail figurent dans le “bloc 1” : les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que les accords de branche. En revanche, le forfait jour relève du bloc 3 : il est possible de déroger à l’accord de branche. Enfin, les représentants du personnel devront se référer aux dispositifs de la convention collective.

Attention, la loi ne fixant pas de nombre de jours de travail dans la semaine, l’employeur peut selon les expertes mettre en place la semaine de quatre jours de manière unilatérale. Cependant, si les horaires ont été contractualisés, il faudra faire signer des avenants au contrat de travail. La Cour de cassation a cependant précisé dans un arrêt du 3 novembre 2011 que le changement d’horaire ne doit pas porter une atteinte excessive au droit de la salariée au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos.

Articuler avec le forfait jour et le télétravail

Délégués syndicaux et élus de CSE vérifieront que l’accord respecte la durée journalière maximale de travail fixée à dix heures par l’article L.3121-18 du code du travail, ainsi que l’amplitude maximale de travail de 13 heures et le repos quotidien de 11 heures (article L.3131-1).

Les représentants du personnel devront aussi articuler la semaine avec le régime du forfait jour. Selon Karen Venet, “si la semaine de quatre jours est exclue pour les cadres dirigeants, elle peut être envisagée pour les salariés selon deux options : soit la signature d’un avenant à chaque convention individuelle de forfait pour réduire le nombre de jours travaillés dans l’année, soit en allouant au salarié des jours de repos spécifiques et hebdomadaires, assimilés à une journée de travail pour les droits liés à la rémunération et aux congés”.

Les expertes ont également étudié des accords collectifs déjà négociés dans les entreprises sur la semaine de quatre jours. Il en ressort quatre grands types de clauses :

  • Une exclusion totale des salariés au forfait jour ;
  • Un maintien du forfait jour avec des jours de repos ;
  • Un forfait jour réduit ;
  • Un retour des salariés aux horaires classiques.

De même, les délégués et élus du CSE pourront envisager de négocier avec la direction une réduction du nombre de jours télétravaillés en signant un avenant à l’accord télétravail ou aux contrats de travail.

Quel rôle pour les élus de CSE ?

La négociation des accords relève des délégués syndicaux, mais les élus peuvent suppléer à leur absence. Par ailleurs, selon Karen Venet, “on ne peut que recommander l’association du CSE. D’un point de vue légal il n’a pas à être informé ni consulté sur la semaine de 4 jours en amont du process de négociation. En revanche, il doit être réuni sur toutes les questions qui intéressent l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise, ainsi que les conditions de travail des salariés (articles L.2312-8 et suivants du code du travail). La consultation sur la politique sociale sera également privilégiée”.

Les expertes recommandent aux élus de CSE impliqués dans une telle négociation d’utiliser leurs retours de terrain afin de diagnostiquer l’impact sur la santé des salariés, les conséquences pour l’entreprise, les salariés éligibles, l’impact sur les rémunérations ou encore sur la cohésion du collectif de travail. Des enquêtes auprès des salariés seront donc nécessaires, mais aussi sur les pratiques adoptées dans des entreprises concurrentes. Les élus seront en première ligne pour accompagner le changement culturel et cartographier les métiers représentés dans l’entreprise. Elles relèvent que de nombreux accords sur la semaine de quatre jours ont décidé d’une phase de test afin d’éprouver le dispositif.

Leur étude des accords disponibles montre un certain nombre de mesures phares dont les élus et délégués syndicaux peuvent s’inspirer, mentionnées dans les synthèses ci-dessous.

Marie-Aude Grimont

Seniors : Eurotunnel services GIE favorise la réduction progressive d’activité

11/06/2024

Dans un accord sur le maintien dans l’emploi des seniors du 17 avril, signé avec la CFE-CGC, la CGT et FO, Eurotunnel Services GIE prévoit une réduction progressive d’activité (RPA), dans la limite de deux ans, pour les salariés pouvant prétendre à une retraite à taux plein au plus tard au 31 mars 2026. La première période, d’un an, est travaillée à hauteur de 80 % de la durée du travail à temps plein ; la deuxième, de 50 %. Toutefois, en accord avec la hiérarchie, “une souplesse dans l’organisation du travail peut être utilisée pour s’adapter aux contraintes de l’activité sur la période de RPA sans pouvoir prévoir une durée du travail sur une année supérieure en moyenne à 80%”.

Le salarié percevra une rémunération mensuelle brute, fonction de son taux d’activité à temps partiel.

Les salariés concernés bénéficieront d’une partie du maintien de leurs cotisations en matière de retraite au titre du régime général et du ou des régimes complémentaires obligatoires comme s’ils avaient poursuivi leur activité à temps plein. Eurotunnel Services GIE prendra en charge la part patronale et la part salariale des cotisations de retraite assises sur la différence entre la rémunération versée et celle que les salariés concernés auraient perçu à temps plein.

Ce choix est irréversible sauf motifs impérieux (divorce, perte d’emploi du conjoint, invalidité…).

Source : actuel CSE

Certification : un guide à destination des négociateurs des branches professionnelles

11/06/2024

À l’occasion d’un séminaire intitulé “Les clés pour réussir une révision sur les classifications”, qui a lieu le 28 mai, la Direction générale du travail (DGT) publie un guide à l’attention des négociateurs des branches professionnelles. L’objectif est de les “accompagner pas à pas dans leurs réflexions et les étapes à mettre en place”. Au sommaire, le diagnostic de la situation de la branche ; le benchmark des classifications conventionnelles ; le positionnement des emplois ; le déploiement et accompagnement des entreprises…

Pour rappel, 94 des 171 branches suivies par la DGT, couvrant plus de 5 000 salariés, n’avaient pas conclu d’accord sur les classifications depuis plus de cinq ans, selon le pointage du 31 mai dernier.

A contrario, 77 branches (45 %) ont révisé leurs grilles et la moitié d’entre elles ont procédé à une refonte totale, c’est-à-dire qu’elles ont entièrement modifié leurs systèmes.

Source : actuel CSE