La négociation sur l’intelligence artificielle émerge lentement

08/10/2024

Le Centre d’études de l’emploi et du travail (Cnam-CEET) s’est penché sur les accords d’entreprise qui traitent de l’intelligence artificielle (IA).  “Depuis 2017, un peu moins d’un accord sur mille fait référence à l’IA, note l’étude. Le caractère émergeant des systèmes d’IA et les difficultés de négocier sur les usages des technologies expliquent en partie cette faible occurrence dans les accords d’entreprise”. Toutefois nuance le Cnam-CEET, “entre 2018 et 2023, la proportion d’accords d’entreprise signés qui évoquent l’IA a été multipliée par 2,5”.

Autre enseignement tiré de son analyse : “Près d’un quart de ces accords proviennent du secteur de l’information et de la communication, qui ne représente pourtant que 3,4 % de l’ensemble des accords d’entreprise signés depuis 2017. Ce secteur regroupe les activités les plus exposées à l’IA générative, telles que l’édition, les services d’information, la production audiovisuelle et, surtout, les sociétés d’informatique”. 

Par ailleurs, “la négociation sur les nouvelles technologies [n’étant] ni obligatoire ni courante, elle émerge (…) comme sujet transversal dans des discussions sur des thèmes traditionnels. La question est alors d’identifier dans quelles thématiques de négociation l’IA est évoquée”.

Le graphique ci-dessous permet d’avoir une vision globale.

Ainsi, “l’IA est particulièrement présente dans les négociations sur l’emploi. En effet, 34,7  % des accords qui mentionnent l’IA traitent de l’emploi, tandis que 3,9  % de l’ensemble des accords d’entreprise sur cette même période porte sur cette thématique, soit un écart de 30,8 points de pourcentage”.

“Cette surreprésentation reflète les inquiétudes et les interrogations concernant la préservation des emplois dans un contexte de transition digitale, analyse le Cnam-CEET. Il souligne également que les grandes entreprises sont davantage investies dans les discussions sur l’IA, les négociations sur l’emploi étant majoritairement des accords de gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC), obligatoires pour les entreprises comptant plus de 300 salariés”.

Source : actuel CSE

Les partenaires sociaux pointent la lente marche du dialogue social écologique

09/10/2024

Réunis par France Stratégie dans le cadre de la troisième conférence des métiers, les partenaires sociaux ont dressé un bilan de l’accord national interprofessionnel sur la transition écologique. Malgré quelques progrès, le dialogue social peine à s’imposer sur les sujets environnementaux en entreprise et dans les branches. En bout de chaîne, les représentants du personnel souffrent toujours du manque de moyens.

Organisme d’orientation et d’évaluation des politiques publiques rattaché au Premier ministre, France Stratégie a tenu hier sa troisième conférence des métiers consacrée aux “enjeux, emplois et compétences de la planification écologique”. Une table ronde a réuni pour cette occasion les partenaires sociaux sur le dialogue social autour de la planification écologique. Quel bilan de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé par certaines organisations syndicales en avril 2023 ? Quelles entraves en entreprise à l’action des élus de CSE ? Quelles initiatives adoptées dans les branches ? A ces questions, les représentants des syndicats et du patronat répondent de manière unanime : le dialogue social écologique progresse, mais trop lentement.

Les suites logiques d’un accord sans ambition ?

Fruit de plusieurs mois de négociations de juillet 2022 à avril 2023, l’ANI sur la transition écologique était d’emblée présenté comme “une boîte à outil”, un “document de travail” ou encore un “guide méthodologique”. Est-ce à dire qu’il manquait d’ambition ? Le document de 50 pages finalement signé par la CFDT, la CFTC et les trois organisations patronales Medef, U2P et CPME. La CGT avait quitté la table des discussions et déjà Force Ouvrière soulignait “le manque d’impulsion du texte”. Chargée de ces sujets à FO, Béatrice Clicq continue de défendre une véritable négociation obligatoire et récurrente dans les entreprises. “La transition écologique a tellement de conséquences sur la santé, la sécurité, les conditions de travail, les emplois qu’une négociation obligatoire me semblait essentielle. Mais je n’ai pas été entendue lors de la négociation”, nous a-t-elle indiqué en marge de la conférence. L’accord se bornait en effet à rappeler les principes législatifs en vigueur. Des experts eux-mêmes pointaient qu’il ne comprenait “rien de révolutionnaire” en particulier sur la commission environnement. C’était un premier pas, certes, mais cet esprit lacunaire explique-t-il aujourd’hui le dialogue social à la peine sur les enjeux écologiques ?

“Aussi bien sur l’appropriation des sujets que sur la planification écologique, les choses avancent trop lentement”, reconnaît Anne-Juliette Lecourt (CFDT). Si l’accord a permis à l’époque de sa négociation de “tirer les fils pour hiérarchiser les dossiers et réorienter les stratégies des entreprises, des branches et des filières, on butte sur des difficultés liées aux interdépendances des modèles économiques, affirme la secrétaire confédérale de la CFDT en citant l’exemple de la société Saunier Duval, spécialiste des systèmes de chauffage dont l’activité se trouve en difficultés sur les pompes à chaleur. Autre exemple cité, celui de l’automobile : malgré le dernier contrat de filière, Anne-Juliette Lecourt dénonce (comme la CGT) “les logiques court-termistes des constructeurs qui soufflent le chaud et le froid sur les véhicules thermiques et ne présentent pas de cap clair pour les sous-traitants”.

Côté CFTC, Jean-Marc Boulanger défend au contraire un accord “basé sur de bonnes volontés mais peut-être qu’il fallait aller sur une obligation de négocier, sans toutefois contraindre à conclure des accords”. A l’issue des négociations, la CGT avait déclaré le projet de texte “inopérant dans la quasi-totalité de son contenu” car dénué de toute nouvelle obligation à la charge des entreprises. Virginie Neumayer, en charge de ces sujets à la direction confédérale, y voit toujours “un manque d’ambition en matière de planification écologique et industrielle alors que la réalité nous rattrape et que l’on voit se succéder inondations et incendies”. Pour Maddy Gilbert (CFE-CGC), “un ANI doit avoir des apports supplétifs, or cet accord était juste un rappel à la loi”, expliquant ainsi pourquoi sa confédération n’avait pas signé le projet.

Le patronat, signataire unanime du texte, rejoint le constat des organisations syndicales tout en pointant ses difficultés. Pour Jean-Baptiste Léger (Medef), l’ANI “reflète aussi les connaissances des partenaires sociaux, il faut de toute façon une approche échelles en regardant ce qui se passe au niveau des branches, des régions et des entreprises en acceptant que cela n’aille pas aussi vite qu’on le voudrait”. Éric Chevée (CPME) se satisfait quant à lui de l’esprit “boîte à outils de chef d’entreprise de proximité” de l’ANI, et de sa capacité à proposer des évolutions dans les branches. Côté U2P, David Morales assure que les petites entreprises “ont le sujet en tête” mais concède que “le dialogue social n’est pas aussi formalisé au quotidien dans nos structures que dans les grandes entreprises”.

Les initiatives dans les branches et les Opco

Seule la branche de l’industrie pharmaceutique travaille à un projet d’accord relatif à la transition écologique. Selon Anne-Juliette Lecourt (CFDT), le texte impliquerait que les entreprises de la branche seraient tenues de réaliser un bilan carbone (ce qui n’est obligatoire aujourd’hui que dans les entreprises de plus de 500 salariés) et de construire un plan climat. Une commission environnement leur serait également imposée.

Patricia Drevon (FO) souligne que “les branches restent le meilleur niveau pour évoquer la mutation des métiers. Les Opérateurs de compétences (Opco) ont été dotés de nouvelles compétences avec des observatoires”. Néanmoins, le bilan n’y est pas encore : “Leur mise en place a pris du temps et ils sont maintenant en vitesse de croisière. On a fait des Opco de filières la plupart du temps donc on pourrait penser que ces observatoires aient une réelle utilité pour la transition écologique sur un travail de prospective pour étudier comment vont se transformer les filières mais je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui ils aient vraiment répondu. D’autres outils sont créés par France Stratégie et la Dares mais je ne suis pas sûre que tout le monde travaille déjà ensemble sur ces sujets. Il faut encore que les observatoires pilotés par les branches portent leurs fruits et soient partagés de manière collective avec les organisations syndicales et patronales”.

L’initiative est également rappelée par Eric Chevée (CPME) : “Les observatoires des Opco ont pour mission d’étudier les évolutions. Les lignes de crédit pour la transition écologique n’étaient jamais mobilisées il y a quelques années, elles le sont désormais donc l’appétence vient”.

Les CSE toujours entravés par le manque de moyens

Les organisations syndicales déplorent toutes l’ajout de la compétence environnementale aux élus de CSE par la loi climat sans les moyens qui devraient les accompagner. “Personne n’est opérationnel, ni les délégués syndicaux ni les élus de CSE, et ce, malgré la feuille de route sur la décarbonation. Certes, la négociation GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels) doit intégrer les enjeux écologiques sur la base d’un diagnostic partagé, mais cela reste insuffisant”, relève Jean-Marc Boulanger (CFTC). Patricia Drevon (FO) partage le même constat : “Les élus de CSE manquent d’heures de délégation et de moyens pour se former et porter ces dossiers à la hauteur des enjeux. Nous nous sommes saisis de ces sujets depuis 2018 où nous avons créé un groupe de travail, édité un guide et mis en place une formation de nos militants”. Sur le terrain, la mission reste ardue. Pour Maddy Gilbert (CFE-CGC), “trop d’élus voulant mettre en place une commission environnement sont confrontés à une fin de non-recevoir”.

Le bilan n’est pas aussi sombre pour Jean-Baptiste Léger (Medef) : selon lui, “en 2021, la moitié des CSE n’avait jamais évoqué la transition écologique. En 2022, ils étaient plus d’un tiers et je suis sûr que le chiffre 2023-2024 sera encore meilleur”. Les organisations syndicales relèvent cependant que l’instabilité politique de ces derniers mois n’a plus permis de faire avancer le dialogue social écologique…

Marie-Aude Grimont

Pro-A et certification, thèmes privilégiés de la négociation collective

10/10/2024

En 2023, 135 accords de branche ont été conclus dans le domaine de la formation professionnelle, contre 165 en 2022, selon le dernier bilan de la négociation collective présenté, le 3 octobre, par la Direction générale du travail. Parmi les thèmes privilégiés, le dispositif da reconversion ou promotion par alternance (appelé Pro-A) a été le plus plébiscité, avec 38 textes. Il permet aux salariés d’accéder à une formation qualifiante en alternance afin d’obtenir une promotion ou de se reconvertir.

Les accords sur les certifications, avec la création de certificats de qualification professionnelle (CQP), se situent en deuxième place (27 accords), suivis par les accords instaurant une contribution conventionnelle et volontaire (21 accords) et ceux relatifs à l’alternance (20 accords).

À l’autre bout du spectre, les accords portant sur l’égalité femmes-hommes en matière de formation, l’entretien professionnel, la formation des salariés avec la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ou encore le projet de transition professionnelle enregistrent des performance plus modestes (avec respectivement neuf, sept, cinq, quatre des accords ratifiés). De même, le compte personnel de formation et le plan de développement des compétences ne font guère recette (avec respectivement sept et cinq accords sur chacun de ces sujets).

Source : actuel CSE

Le baromètre des branches de septembre 2024

11/10/2024

Quelles ont été, en septembre 2024, les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.

Grâce à la veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous consacré aux branches professionnelles. Pas question d’être exhaustif sur ce sujet mais de vous signaler quelques tendances dans l’activité conventionnelle. Nous nous appuyons ainsi sur des accords récents et les arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche.

Ce baromètre nous semble d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre. La Conférence sociale d’octobre 2023 a d’ailleurs relancé ce chantier.

► CCN : convention collective nationale

► IDCC : identifiant des conventions collectives (numéro de 1 à 4 chiffres sous lequel une convention collective est enregistrée).

  Baromètre des branches de septembre 2024
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles23 accords élargis/étendus, dont 10 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus au Journal officiel du 1er au 30 septembre 2024. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel.  Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés : Un texte signé dans la branche des industries chimiques relatif d’une part à la modification de la base de calcul de la prime d’ancienneté et des nouvelles valeurs du point pour le calcul des primes conventionnelles et relatif d’autre part à la suppression des dispositions relatives à la rémunération des salariés ayant des aptitudes physiques moindres (IDCC 44, lire l’arrêté).  
ParentalitéBranches des agences générales d’assurances : accord du 1er juin 2024 applicable depuis le 1er juillet 2024. Les partenaires sociaux prévoient des dispositions en faveur des salariés bénéficiant d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant et des salariées enceintes. Branche des hôtels, cafés, restaurants : avenant n° 34 du 19 juin 2024 applicable le premier jour du mois suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension. Les partenaires sociaux instituent des jours de congés rémunérés au profit des salariés dont l’enfant est malade ou hospitalisé.
Rupture du contrat de travailBranche des eaux embouteillées : avenant du 10 janvier 2024 applicable depuis le 20 juillet 2024. Les partenaires sociaux uniformisent la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence pour les salariés cadres et améliorent les dispositions relatives à leur indemnité de licenciement.
Invention de missionBranche des eaux embouteillées : avenant du 10 janvier 2024 applicable depuis le 20 juillet 2024. Les partenaires sociaux fixent le montant de la rémunération supplémentaire que le salarié auteur d’une invention de mission doit percevoir.
Fusion de branches et maintien de dispositions conventionnellesBranche de l’habitat et logement accompagnés : avenant n° 64 du 12 mars 2024 applicable à compter du 1er jour du mois suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension et au plus tard le 1er juin 2025. Dans le cadre des travaux d’harmonisation des deux CCN fusionnées (habitat et logement accompagnés / personnel PACT et ARIM(*) de l’habitat), les partenaires sociaux se dotent d’un régime commun sur les congés, la durée du travail et la parentalité. Branche des industries textiles : accord du 18 juin 2024 applicable à compter du 1er octobre 2024. Les partenaires sociaux modifient les dispositions de la CCN de l’industrie textile afin de parvenir à une convention collective unique avec l’industrie des textiles artificiels et synthétiques. Les partenaires sociaux maintiennent en revanche des dispositions spécifiques à la branche de l’industrie des textiles artificiels et synthétiques en matière d’indemnités de rupture du contrat de travail, de congés pour ancienneté, de durée du travail et d’indemnisation maladie.    

(*) PACT : Protection, amélioration, conservation, transformation de l’habitat

ARIM :  Associations pour la restauration immobilière

Marie-Aude Grimont avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives