NÉGOCIATION COLLECTIVE

Les accords d’entreprises sont tournés vers le départ des seniors

15/05/2023

Le cabinet d’expertise Syndex a présenté lors d’une soirée-débat le fruit de ses analyses d’une vingtaine d’accords d’entreprises consacrés aux seniors. On y découvre que le sujet du recrutement y est très peu abordé. En revanche, de nombreux accords proposent au seniors des dispositifs d’accompagnement vers la retraite.

Que proposent les entreprises aux seniors ? Le sujet est revenu dans le débat public depuis la présentation du projet de réforme des retraites qui a créé des interrogations sur les effets du report de l’âge légal de 62 à 64 ans. De nombreux économistes, sociologues et experts du travail ont pointé que les seniors ne parviennent souvent pas à atteindre l’âge légal car leur employeur les pousse au départ.

Le cabinet Syndex, spécialisé dans l’expertise auprès des CSE, en a fait le thème de sa soirée-débat, jeudi 11 mai, depuis son siège du 18ème arrondissement. Une cinquantaine de personnes sont venues écouter Annie Jolivet (chercheuse auprès du Cnam*, du Ceet** et de l’Ires***) présenter quelques chiffres et statistiques sur la situation des seniors. Samuel Pasquier, expert chez Syndex, a ensuite détaillé les résultats du travail d’un groupe interne au cabinet qui a analysé une vingtaine d’accords seniors. Enfin, Magali Martin, déléguée syndicale centrale adjointe CFDT chez Orange, a présenté les grandes lignes de l’accord signé dans l’entreprise.

Les âges de départ en retraite glissent progressivement

A l’appui de plusieurs graphiques statistiques, Annie Jolivet a fait le point sur la situation des seniors. Tout d’abord, le taux d’emploi des 55-64 ans est passé de 37,5 % en 2003 à 56,1 % en 2021. Ce bilan peut sembler flatteur, pourtant, “le taux reste inférieur aux moyennes des pays européens”, précise la chercheuse. Elle constate également que la part de seniors qui cumule emploi et retraites est bien présente mais reste marginale. En revanche, elle observe une montée des inactifs, en invalidité par exemple. Par ailleurs, l’âge de départ glisse progressivement au-delà de 62 ans en raison de la fin des dispositifs des préretraites publiques, “un désengagement massif de l’État dans la prise en charge de ces dispositifs”, selon la chercheuse.

Un point de rupture qui explique aussi le glissement de l’âge de départ en retraite de 60 vers 62 ans, déjà favorisé par l’allongement de la durée de cotisation requis. Annie Jolivet nuance cependant ce constat : “Il ne s’agit pas juste d’un glissement imposé par des réformes des retraites, il est lié aussi au fait que chacun remplit des conditions individuelles qui poussent à partir à des âges plus tardifs”. Enfin, dernier constat, la part très importante des fins de CDD dans les motifs de sortie des seniors (les chiffres datent cependant de 2014).

Des accords d’entreprise standardisés et tournés vers l’accompagnement à la retraite

Un groupe de travail interne au cabinet Syndex a analysé une vingtaine d’accords, issus d’entreprises de secteurs d’activités variés, employant de 100 à plus de 2 000 salariés. Ont été étudiés des accords de nature différentes, soit intégralement consacrés aux seniors soit issus de négociation GEPP (gestion des emplois et des parcours professionnels).

Samuel Pasquier, expert chez Syndex, en retient que très peu d’accord se penchent sur le maintien et le développement des compétences et de l’employabilité des seniors. Également peu abordée, la thématique de la dynamique des parcours et des opportunités professionnelles, dont les accords se cantonnent aux obligations légales avec de faibles engagements de l’employeur. Même sort pour le mécénat de compétences, la transmission des savoirs et la lutte contre les stéréotypes relatifs aux seniors. Les accords sont par ailleurs, selon l’expert, très standardisés et manquent d’adaptation au contexte de l’entreprise.

De même, le sujet du recrutement des seniors est peu abordé, alors qu’il constitue un point majeur dans l’allongement de l’âge légal de départ des travailleurs. Samuel Pasquier a trouvé quelques clauses visant à recourir à des contrats de professionnalisation seniors pour maintenir le nombre de salariés de plus de 50 ans, à remplir un objectif chiffré de recrutement de salariés de 45 ans et plus, ou encore à neutraliser des pratiques visant à écarter des candidats en raison de leur âge.

La palette d’accords est plus large en ce qui concerne la prise en compte de l’usure professionnelle et la santé au travail des seniors. Ces textes peuvent prévoir un aménagement ergonomique du poste de travail, un aménagement des tâches, des formations aux gestes et postures, des passages en poste de jour, une extension du télétravail ou encore des jours de congés supplémentaires par tranches d’âge.

Enfin, la star incontestée des accords consiste dans les dispositifs de transition et d’accompagnement vers la retraite. “C’est de loin le thème le plus abordé et développé dans les accords, et c’est même souvent le seul”, constate Samuel Pasquier. Les clauses reprennent pour la plupart ces sujets :

encouragement au cumul emploi-retraite ;

possibilité de passage à temps partiel avec, selon les cas rémunération prorata temporis ou compensation partielle de perte de rémunération, et/ou maintien des cotisations patronales à temps plein ;

acceptation des demandes de pré-retraite progressive ;

possibilité de convertir tout ou partie de l’indemnité de départ en retraite en congé avant retraite, ou bonification de l’indemnité ;

dispense d’activité (plafonnée) si rachat de trimestres, et/ou aide administrative au rachat de trimestres ;

compte épargne temps senior (uniquement en temps) ;

congé de fin de carrière à l’initiative de l’employeur (jusqu’à 12 mois) si poste devant être supprimé, dans un accord GEPP ;

bilan et accompagnement personnalisé des demandes de départ à la retraite ;

information / formation à la préparation à la retraite ;

En conclusion, les accords étudiés se concentrent sur l’allègement des dernières années de travail, la préparation de la retraite, mais laissent de côté ce qui maintiendrait peut-être plus de seniors en emploi : les perspectives professionnelles, la réduction des discriminations à l’égard des seniors et la valorisation de leur rémunération.

Un exemple concret : l’accord seniors d’Orange

Magali Martin présente l’accord seniors signé chez Orange et négocié par ses soins côté CFDT. Il concerne la période 2022-2024 et a débouché sur un autre accord permettant l’embauche de jeunes tout en maintenant l’activité des seniors qui le souhaitent. Le document de 76 pages “aborde tous les points parcourus par l’analyse du groupe de travail Syndex”, se félicite Magali Martin, qui en résume le dispositif principal : les formules de “temps partiel seniors”. L’entreprise emploie aujourd’hui beaucoup d’hommes, souvent techniciens, qui correspondent à l’ancien statut de d’entreprise publique d’Orange.

Aux trois anciennes formules de temps partiel prévues dans l’accord de 2018 a été ajouté un dispositif “TPS 2022”. Dans ce système, avec 12 mois de temps de travail à 50 %, les métiers support bénéficient de 48 mois en “temps libéré”, avec une rémunération de 70 % du temps travaillé et de 65 % du temps libéré. Les fonctions opérationnelles avec 24 mois de temps de travail à 50 % bénéficient de 36 mois en temps libéré, rémunéré aux mêmes conditions. Les minimas de rémunération ont par ailleurs été augmentés de 1 887 € à 2 000 € brut pour un non-cadre, et de 2 629 à 2 787 € brut pour un cadre.

Selon Magali Martin, le taux de couverture des salariés s’est amélioré : de 32 % à 71 % des non-cadre et de 40 à 49 % des cadres. L’accord propose également un temps partiel pour les seniors en situation de handicap. Enfin, une clause de revoyure prévoit de nouvelles négociations entre mi-mai et mi-juin 2023 afin d’étudier les effets de la réforme des retraites sur ces mesures.

Sur ces bases, l’entreprise prévoit 7 622 départs sur les 3 à 5 prochaines années et 8 000 embauches en CDI à l’horizon de 3 ans. Annie Jolivet apporte son éclairage sur cet accord : “En fait, on fait partir des gens pour en recruter d’autres. Même si l’employeur promet de recruter un peu plus de personnes, on comprend sa cible : elle veut modifier sa pyramide des âges”. La chercheuse ajoute que dans la plupart des accords qui proposent ces dispositifs, le salarié qui veut bénéficier du temps partiel senior doit s’engager sur sa date de départ en retraite. Elle critique également le fait que bon nombre d’accords ne prévoient pas de réversibilité : une fois engagés dans le dispositif de l’accord, les salariés ne peuvent plus en sortir, en cas de veuvage par exemple.

* Cnam : Conservatoire national des arts et métiers

** Ceet : Centre d’études de l’emploi et du travail

*** Ires : Institut de recherches économiques et sociales

Marie-Aude Grimont

E. Borne n’a pas adressé d’ordre du jour pour les bilatérales avec les syndicats

15/05/2023

Demain et mercredi, Elisabeth Borne reçoit à Matignon les partenaires sociaux pour une reprise de contact. “Même après ces mois agités, je reste convaincue qu’il faut donner plus de place à la négociation et au dialogue social. C’est pour cela que je n’ai pas souhaité adresser un ordre du jour détaillé pour ces rencontres  : je suis à l’écoute des priorités que les organisations syndicales et patronales souhaitent mettre dans la discussion (..) Chacun a conscience des enjeux : la prévention de l’usure professionnelle, le compte temps universel…Sur tous ces champs, je ne doute pas que les organisations syndicales et patronales souhaiteront prendre leurs responsabilités”, a indiqué hier la Première ministre dans une interview au Journal du Dimanche.

Les organisations syndicales vont toutes se rendre à cette invitation. Elles y demanderont une nouvelle fois l’abandon de la réforme des retraites mais avanceront aussi d’autres revendications comme la révision des ordonnances travail de 2017, comme l’a indiqué mercredi Sophie Binet, la secrétaire générale de la CGT, au Conseil économique, social et environnemental. Les syndicats pourraient en effet présenter des revendications communes à la Première ministre.

Source : actuel CSE

Le baromètre des branches d’avril 2023

16/05/2023

Quelles ont été, en avril 2023, les nouvelles dispositions applicables dans les branches professionnelles ? Notre tableau fait le point.

Grâce au travail de veille de l’équipe du Dictionnaire Permanent Conventions collectives des Éditions Législatives (Lefebvre Dalloz), société éditrice d’actuEL-CSE.fr, nous vous proposons chaque mois un rendez-vous thématique consacré aux branches professionnelles. Il n’est pas question pour nous d’être exhaustif sur ce sujet, mais de vous signaler, au travers des arrêtés d’extension parus au Journal officiel qui rendent obligatoires des dispositions pour toutes les entreprises d’une branche, ainsi qu’au travers d’accords récents, quelques tendances dans l’activité conventionnelle.

Ce baromètre nous paraît d’autant plus intéressant que la loi Travail, puis les ordonnances Macron, ont redéfini les possibilités de négociation données aux branches par rapport aux niveaux de la loi et de la négociation d’entreprise. En outre, une vaste opération de fusion des branches existantes est en cours, le gouvernement souhaitant en réduire fortement le nombre.

► CCN : convention collective nationale

► IDCC : identifiant des conventions collective. C’est un numéro de 1 à 4 chiffres sous lequel une convention collective est enregistrée.

Baromètre des branches d’avril 2023
Volume des textes parus au Journal officiel relatifs aux branches professionnelles  114 accords élargis/étendus, dont 78 au moins partiellement relatifs aux salaires, sont parus au Journal officiel du 1er au 30 avril 2023. Une fois étendus ou élargis, les accords et avenants deviennent obligatoires pour tous les employeurs, généralement le lendemain de la date de la publication de l’arrêté au Journal officiel.  Exemples d’accords ou avenants étendus ou agréés : – deux textes relatifs à l’activité partielle de longue durée (APLD) signés dans les branches suivantes : Industries chimiques (IDCC 44, voir l’arrêté) ; Industries de la transformation de volailles (IDCC 1938, voir l’arrêté) ; – deux textes relatifs aux frais de santé signés dans les branches suivantes : Jardineries et graineteries (IDCC 1760, voir l’arrêté) ; Production et transformation de papiers-cartons (IDCC 3238, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à une révision de CCN signé dans la branche des bureaux d’études techniques (IDCC 1486, voir l’arrêté) ; –  un texte relatif au congé exceptionnel en cas d’interruption spontanée de grossesse signé dans la branche des bureaux d’études techniques (IDCC 1486, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la reconduction du forfait mobilités durables signé dans la branche des céréales, meunerie, approvisionnement, alimentation (bétail) oléagineux (IDCC 7002, voir l’arrêté) ; – un texte relatif à la période d’essai signé dans la branche des organismes de formation (IDCC 1516, voir l’arrêté).
Activité partielle de longue durée (APLD)  Des mesures exceptionnelles ont été prises pour faire face à l’épidémie de Coronavirus, notamment l’activité partielle de longue durée (APLD). Les accords mettent en œuvre ou prolongent l’APLD. Celle-ci permet, sous réserve notamment de la conclusion d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de branche étendu, de diminuer l’horaire de travail des salariés. Ces derniers perçoivent une indemnité plafonnée à 4,5 SMIC et fixée en pourcentage de leur rémunération brute (lire notre article). Branche des industries de transformation de volailles : avenant n°1 du 6 février 2023 à l’accord APLD du 28 mars 2020 étendu. Les partenaires sociaux allongent le bénéfice de l’APLD dans la limite de 36 mois consécutifs ou non, sur une période de 48 mois consécutifs. La durée d’application de l’accord du 28 mars 2020 étendu est par ailleurs prolongée jusqu’au 30 juin 2026.
  Durée du travail  Branche du commerce de détail alimentaire non spécialisé : accord du 17 janvier 2023 applicable depuis cette même date. Les partenaires sociaux mettent en place le travail de nuit et le recours aux avenants de compléments d’heures pour les salariés à temps partiel. Ils portent à 190 heures le contingent annuel d’heures supplémentaires et à 217 le nombre annuel de jours travaillés dans le cadre du forfait jours.
Indemnité de départ à la retraite  Branche de la manutention ferroviaire et travaux connexes : accord du 27 février 2023, applicable à compter du 1er jour du mois suivant la publication de son arrêté d’extension au Journal officiel. Les partenaires sociaux revoient à la hausse le montant de l’indemnité de départ à la retraite.
Retraite supplémentaire individualisée des cadres  Branche de l’édition : avenant du 22 décembre 2022, applicable depuis le 1er janvier 2023. Afin de se mettre en conformité avec la loi Pacte, les partenaires sociaux révisent le régime de retraite supplémentaire des cadres en instaurant un plan d’épargne retraite obligatoire (PERO).
Prévoyance  Branches des bois d’œuvre et produits dérivés et du négoce des matériaux de construction : accord du 23 février 2023 applicable à compter du 1er octobre 2023 ou à sa date d’extension si elle est postérieure. Les partenaires sociaux instaurent un régime de prévoyance commun aux entreprises de négoce de matériaux de construction et aux entreprises de bois d’œuvre et produits dérivés.
Forfait mobilité  Branche des céréales, meunerie, approvisionnement, alimentation (bétail), oléagineux : avenant n° 135 du 30 janvier 2023 applicable, en l’absence de précision, à compter du 28 mars 2023 (lendemain de son dépôt). Les partenaires sociaux reconduisent le forfait mobilités durables pour l’année 2023.
Télétravail  Branche de la télédiffusion : accord du 2 février 2023 applicable à compter du 1er jour du mois civil suivant la publication au Journal officiel de son arrêté d’extension et jusqu’au 31 décembre 2024. Les partenaires sociaux fixent les conditions de recours au télétravail et préconisent de le limiter à 3 jours par semaine.

Marie-Aude Grimont, avec l’équipe du Dictionnaire permanent Conventions collectives

Un accord interprofessionnel sur la branche AT-MP est soumis à signature

17/05/2023

Le 16 mai au petit matin, les partenaires sociaux ont finalisé un accord national interprofessionnel sur la branche AT-MP (accidents du travail, maladies professionnelles). Ils pérennisent les aides aux entreprises pour la prévention mais réclament un meilleur suivi de leurs impacts. Ils souhaitent reprendre la main sur la gestion de la branche en transformant la Commission accidents du travail – maladies professionnelles en conseil d’administration paritaire.

Les organisations ont jusqu’au 31 mai pour signer le texte. Le minimum requis pour le valider devrait être atteint. Nous reviendrons plus en détail sur le texte dans une de nos prochaines éditions.

Source : actuel CSE