Transitions professionnelles : un accord a minima entre les partenaires sociaux
27/06/2025

De gauche à droite, en haut, Jean-François Foucard (CFE-CGC), Adeline Mougenot (CFTC) ; au milieu, Sandrine Mourey (CGT), Eric Chevée (CPME), Hubert Mongon (Medef); en bas, Michel Beaugas (FO) et Yvan Ricordeau (CFDT)
Les organisations syndicales et patronales sont parvenues à un compromis mercredi soir, après des négociations tendues. Reste à savoir quelle sera la véritable portée de ce texte qui devrait être retranscrit dans le projet de loi seniors dont l’examen en séance publique est prévue le 3 juillet à l’Assemblée nationale.
C’est vers 22 heures, mercredi 25 juin, qu’a pris fin la négociation sur les transitions professionnelles, à l’issue d’une séance de plus de huit heures. Les partenaires sociaux ont finalement trouvé un terrain d’entente sur un projet d’accord national interprofessionnel, au terme de sept séances de pourparlers échelonnées sur deux mois.
“Nous avons brillamment réussi ce soir”, s’est immédiatement félicité Éric Chevée, chef de file pour la CPME. Un optimisme que ne partagent pas totalement les autres négociateurs qui y voient plutôt un accord de compromis, fruit d’un contexte politique particulier.
Un accord “excessivement politique”
“C’est un accord excessivement politique”, analyse Jean-François Foucard (CFE-CGC). Selon lui, “l’effet retraite a joué à plein, avec une très grande volonté patronale d’essayer d’obtenir un accord et de réduire, voire d’annuler, les aspérités négatives qui figuraient dans son texte”.
L’enjeu dépassait en effet le seul cadre des transitions professionnelles. Ne pas parvenir à un accord aurait porté un coup sévère à l’image du dialogue social, dans un contexte déjà tendu par les dernières discussions sur les retraites qui se sont soldé par un échec. “Cet accord permet de démontrer que lorsque nous sommes dans un cadre paritaire, nous pouvons obtenir des résultats”, a souligné Michel Beaugas (FO), valorisant implicitement cette négociation par rapport à la concertation sur les retraites menée par Jean-Jacques Marette, ancien directeur de l’Agirc-Arrco (retraites complémentaires), chargé d’animer les discussions.
Une majorité syndicale favorable
Le texte devrait recevoir l’aval de la majorité des organisations syndicales.
La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC ont d’ores et déjà exprimé un avis favorable ou nuancé positivement, FO a annoncé dès hier sa signature
Yvan Ricordeau (CFDT) a indiqué qu’il défendrait le texte aujourd’hui devant le bureau national de son syndicat tandis que Jean-François Foucard a jugé l’accord “signable”. Adeline Mougenot (CFTC) présentera le texte au conseil confédéral avec “plutôt un avis favorable”. Pour FO, Michel Beaugas a confirmé que “ce projet d’accord ne franchit pas les lignes rouges” fixées par l’organisation. Une position confirmée par un communiqué de son syndicat, assurant sa signature.
Seule la CGT réserve encore sa réponse. La centrale de Montreuil réunit son bureau confédéral lundi et la commission exécutive devrait se prononcer “d’ici la fin de semaine prochaine”.
Simplification du paysage institutionnel
L’ambition principale du texte consiste, selon son préambule, à “accroître l’efficience du système, simplifier et améliorer la lisibilité des possibilités offertes aux entreprises et aux salariés” tout en cherchant à “mieux sécuriser les parcours de transition professionnelle”.
Concrètement, l’accord simplifie drastiquement le paysage des dispositifs de transition professionnelle, réduisant la douzaine d’outils existants à deux mécanismes principaux : le projet de transition professionnelle (PTP), à l’initiative du salarié, et la période de reconversion, pilotée par l’entreprise.
“Notre objectif était de mettre la formation au service de l’emploi, et pour nous, l’objectif est atteint ce soir”, a déclaré Hubert Mongon, chef de file de la négociation pour le Medef. “Nous avions à cœur de mettre en place des dispositifs de mobilité professionnelle avec un enjeu central : l’amélioration du taux d’emploi, l’accompagnement dans les évolutions des métiers et la sécurisation des parcours des salariés”.
Des concessions patronales significatives
Pour parvenir à ce compromis, les organisations patronales ont consenti plusieurs concessions importantes sur des points de cristallisation majeurs.
Concernant la mobilisation du compte personnel de formation (CPF) par l’entreprise, le patronat a accepté d’intégrer plusieurs garde-fous. Le CPF pourra certes être mobilisé dans le cadre d’une “co-construction”, mais uniquement pour financer les coûts pédagogiques de la formation et “sous réserve de l’accord du salarié”.
Sur le projet de transition professionnelle (PTP), les employeurs ont également assoupli leur position initiale. Le texte prévoit désormais un droit à la réintégration dans l’entreprise d’origine pour le salarié parti en formation, en cas d’échec de son insertion dans l’entreprise d’accueil.
Concrètement, l’employeur devra demander au salarié, trois mois avant la fin de la formation, s’il souhaite réintégrer “son emploi ou un emploi similaire, ou présenter sa démission”. Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître ses choix. En l’absence de réponse, il sera “réputé souhaiter réintégrer l’entreprise”, alors que le patronat voulait initialement que le contrat soit considéré comme rompu.
Ce changement de braquet permet de “consolider le PTP”, estime Yvan Ricordeau qui qualifie désormais le dispositif de “solide” et “robuste”.
Renforcement des garanties pour la période de reconversion
La période de reconversion, qui fusionne les dispositifs “Transitions collectives” et “Pro-A”, avait suscité de vives inquiétudes syndicales, certains craignant qu’elle ne serve de prétexte à des licenciements déguisés.
Le texte final prévoit des garanties supplémentaires, notamment un “étage de négociation en-dessous du seuil de 300 salariés”.
Les entreprises de 50 à 299 salariés, pourvues d’un délégué syndical et dont au moins 10 % de l’effectif peut être concerné par une période de reconversion externe sur 12 mois, ont désormais l’obligation d’ouvrir une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ou portant sur la rupture conventionnelle collective, pour fixer les modalités d’organisation des périodes de reconversion. Cette obligation ciblait jusqu’ici les structures de plus de 300 employés.
De plus, les sociétés de moins de 50 salariés et les entreprises de 50 à 299 salariés dépourvues d’un délégué syndical, peuvent mettre en œuvre des périodes de reconversion externe par décision unilatérale de l’employeur après consultation du CSE, lorsqu’il existe.
Des ambitions limitées par les contraintes budgétaires
Malgré ces avancées, l’impact de l’accord reste circonscrit par le cadre budgétaire contraint. “C’est le minimum du minimum de ce qui était possible de faire”, concède Jean-François Foucard, qui estime que ce texte ne “changera pas la face du monde”.
“C’est un accord qui a du sens dans la manière dont il réorganise, de façon un peu plus moderne, les dispositifs de reconversion”, nuance Yvan Ricordeau, tout en soulignant qu’il s’agit d’une “ambition tout à fait mesurée” en raison du “cadre budgétaire super contraint”. “Il faudrait mettre quelques centaines de millions supplémentaires”, ajoute-t-il.
Pour Michel Beaugas (FO), “on a sauvé l’essentiel, on n’a pas obtenu de nouveaux droits mais on n’en a pas perdu”. Une appréciation que ne partage pas entièrement Sandrine Mourey (CGT), qui s’interroge sur la capacité du texte à répondre aux défis du contexte économique actuel, marqué par plus de 400 plans de licenciement en cours et les enjeux de transformation des métiers.
Hubert Mongon a indiqué que le texte devait être transmis dans la nuit de mercredi à jeudi au ministère du travail pour être intégré au projet de loi qui transpose l’accord national interprofessionnel (ANI) sur l’emploi des seniors, déjà adopté sur ses autres articles par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, le 24 mai. Celle-ci se réunira à nouveau lundi pour permettre d’intégrer l’accord sur les reconversions. Le débat en séance public est, lui, programmé le 3 juillet.
► Nous reviendrons plus en détail sur le contenu du texte dans une prochaine édition.
Anne Bariet