Pénibilité, carrière très longues, séniors : les détails avant l’heure de la réforme des retraites
Olivier Dussopt, le ministre du Travail, a présenté quelques détails lors d’un point d’étape organisé rue de Grenelle, hier après-midi. Les concertations avec les partenaires sociaux vont en tout cas se poursuivre jusqu’au 10 janvier.
On aurait pu croire qu’il s’agissait d’occuper le terrain pour combler le report de l’annonce de la réforme au 10 janvier prochain. L’hypothèse était plausible, mais Olivier Dussopt a livré plusieurs détails quant aux mesures envisagées dans la future loi réformant les retraites. Sans doute le gouvernement souhaite-t-il montrer que malgré le report, la réforme est bien sur les rails.
Les formules mixtes de réforme sont devenues possibles
L’objectif reste de reporter l’âge légal à 65 ans pour 2031, mais la piste de combiner un relèvement de l’âge de départ à une accélération des effets de la réforme Touraine de 2014 a été clairement évoquée. Ainsi, l’âge de départ pourrait être fixé à 64 ans et associé à une augmentation de cet âge de 3 ou 4 mois par an. Une chose est sûre : le gouvernement n’ira pas au-delà des 43 annuités requises pour obtenir le taux plein. Le relèvement de l’âge légal ne sera d’ailleurs pas couplé à un relèvement de l’âge d’annulation de la décote qui restera fixé à 67 ans.
Séniors : le cumul emploi-retraites créateur de droits
Les pistes concrètes envisagées pour l’emploi des séniors sont de “transformer les fins de carrière pour assurer des transitions plus douces”. Dans ce but, il est envisagé de rendre le cumul emploi-retraites créateur de droits, afin de revaloriser la pension accordée au début de la période de retraite. “Le nombre de trimestres ainsi effectués comptera désormais pour la pension, avec une possibilité de seconde liquidation”, a assuré le ministre. Le gouvernement pense également généraliser l’accès à la retraite progressive et l’ouvrir à la fonction publique.
Autre volonté : mieux accompagner les demandeurs d’emploi séniors en évitant que la reprise d’activité se traduise par une perte de rémunération. Un bonus va donc être discuté avec les partenaires sociaux dans ce sens. Cette mesure sera à articuler avec la réforme de l’assurance chômage.
Par ailleurs, l’index sénior déjà annoncé sera négocié dans chaque branche professionnelle et publié dans chaque entreprise de plus de 50 salariés. L’obligation de publicité sera sanctionnée, sans que le ministre précise toutefois cette pénalité. Une piste de discussion évoquée avec les partenaires sociaux consisterait de plus à “rendre obligatoire un accord pour l’emploi des séniors en cas de mauvais résultats à l’index”. La prévention de l’usure professionnelle passerait aussi par l’amélioration des possibilités de départ anticipé.
Compte professionnel de prévention (C2P) et fonds de prévention
Serait créé un congé de reconversion pour les bénéficiaires du C2P. L’acquisition de points sur le C2P serait de plus facilitée par un abaissement des seuils (notamment celui du travail de nuit), par une augmentation des points acquis pour les personnes exposées à plusieurs risques, et par la suppression de plafonds. Un fonds de prévention de l’usure professionnelle serait créé afin de financer les plans de prévention et de formation au bénéfice des métiers exposés à l’usure identifiés dans chaque branche. Ce fonds serait financé sur la branche AT/MP, mais Olivier Dussopt n’a pas précisé de quel montant il serait doté. Le gouvernement demanderait enfin aux branches de négocier sur la mise en place de plans de prévention, concernant les métiers dont la branche AT/MP considère qu’ils sont exposés à l’usure professionnelle, notamment “afin de tenir compte des critères ergonomiques” a précisé Olivier Dussopt.
Les personnes exposées à la pénibilité se verront proposer un suivi médical renforcé, et bénéficieraient d’un outil de réparation à posteriori de la pénibilité : un meilleur accès à retraite pour incapacité permanente, et un maintien de l’âge de départ en retraite des personnes en incapacité ou en inaptitude (qui sera toujours fixé à 62 ans à taux plein). De même, cet âge ne changerait pas pour les travailleurs exposés à l’amiante ni ceux en situation de handicap. Enfin, une attention sera portée à la pénibilité des métiers du soin : ce chantier nécessite encore un peu de travail pour en préciser les mesures avec les partenaires sociaux.
L’usure professionnelle et l’âge de départ restent cependant encore en discussion avec les partenaires sociaux jusqu’au 10 janvier 2023. Le débat parlementaire pourrait quant à lui affiner les droits familiaux.
Les mesures de justice sociale : un dispositif “carrières très longues”
Le ministre a confirmé une revalorisation des minimas de pension pour créer une garantie tous régimes confondus à hauteur de 85 % du Smic net pour une carrière complète. Il ne viserait cependant pas les retraités actuels mais uniquement les nouveaux retraités. Le ministre n’a pas précisé à partir de quelle date.
Le gouvernement veut permettre à ceux qui ont travaillé jeunes de partir plus tôt. Les personnes ayant connues des carrières longues pourront continuer de partir 2 ans avant l’âge légal. Un nouveau régime de “carrières très longues ” serait créé : il permettrait de partir 4 ans avant l’âge légal. Le régime permettant le départ 2 ans avant l’âge légal pour ceux qui ont validé 5 trimestres avant 20 ans. Le départ anticipé de 4 ans viserait ceux qui auraient validé soit 10 trimestres avant 20 ans, soit 5 trimestres avant 18 ans, ce point n’étant pas encore tranché.
Le ministre a par ailleurs indiqué que le régime des “jobs d’été” ne serait pas modifié.
Fin des régimes spéciaux pour les nouveaux entrants
Olivier Dussopt a indiqué que les régimes spéciaux de retraite (RATP, SNCF, EDF…) seraient fermés pour les nouveaux entrants, “comme nous l’avons fait pour l’assurance vieillesse à la SNCF”.
Enfin, le ministre a indiqué que “toutes ces mesures sont recevables dans le cadre de l’examen d’un projet de loi de financement de la Sécurité sociale, initial ou rectificatif. In fine, la nature de la réforme tranchera la nature du vecteur législatif”.
Marie-Aude Grimont
Garantie des salaires : le taux de la cotisation AGS est maintenu à 0,15 % au 1er janvier 2023
Le conseil d’administration de l’AGS (association pour la gestion du régime de garantie des salaires), qui s’est tenu le 8 décembre 2022, a décidé de laisser inchangé à 0,15 % le taux de la cotisation AGS au 1er janvier 2023.
Ce taux est en vigueur depuis le 1er juillet 2017.
Pour rappel, la cotisation AGS est exclusivement due par l’employeur. Elle est assise sur les rémunérations servant de base au calcul de la contribution d’assurance chômage, c’est-à-dire sur les sommes entrant dans l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Celles-ci seront prises en compte en 2023 dans la limite de 14 664 euros correspondant à quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale.
actuEL CE
Cotisations Agirc-Arrco : modifications pour la clause de non-concurrence et le forfait jours
Une circulaire du 13 décembre 2022 détaille les évolutions relatives aux cotisations Agirc-Arrco (retraites complémentaires) à la suite des évolutions des règles de calcul des cotisations de sécurité sociale communiquées via le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss).
La circulaire tire les conséquences, sur la réglementation Agirc-Arrco, de deux évolutions diffusées par le Boss.
1) Le rattachement des sommes versées en vertu de clauses dites de non-concurrence. Les indemnités de non-concurrence sont désormais calculées, comme pour toute somme versée après la rupture du contrat de travail, selon les règles d’assiette, de taux et de plafonnement applicables à la dernière période de travail du salarié. La même règle doit s’appliquer pour le calcul des cotisations de retraite complémentaire.
► Exemple : un salarié, dont le contrat de travail est rompu le 31 décembre 2022, perçoit par son ex-employeur des sommes versées chaque mois du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2024 au titre d’une clause de non-concurrence. Les sommes perçues se verront toutes appliquer les paramètres en vigueur au 31 décembre 2022.
2) La proratisation du plafond de sécurité sociale pour les salariés dont la durée de travail est exprimée en jours (forfait jours), lorsque cette durée est inférieure à 218 jours. Le Boss étendu le bénéfice de cette proratisation des salariés à temps partiel aux salariés en forfait jours. En cas d’option de l’employeur pour cette proratisation, le plafond de sécurité sociale est déterminé de la façon suivante : valeur mensuelle du plafond * durée du forfait en jours / 218 jours (ou la durée équivalente à un temps plein fixée par convention ou accord collectif de travail si cette durée est inférieure à 218 jours). Dans un objectif de cohérence et de simplification, la même règle doit s’appliquer pour le calcul des cotisations de retraite complémentaire.
actuEL CE
Le plafond de la sécurité est fixé à 3 666 euros en 2023
Comme le Bulletin officiel de la sécurité sociale (Boss) l’avait annoncé, un arrêté du 9 décembre 2022 fixe le montant du plafond de la sécurité sociale pour 2023 comme suit :
- valeur mensuelle : 3 666 euros ;
- valeur journalière : 202 euros.
Ces montants sont applicables aux cotisations et aux contributions de sécurité sociale dues au titre des périodes courant à compter du 1er janvier 2023.
actuEL CE
Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 : le Conseil constitutionnel censure plusieurs mesures sur les indemnités journalières
Le 20 décembre 2022, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer plusieurs mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 qui intéressaient entreprises et salariés :
- l’article 101 de la LFSS pour 2023. Cet article prévoyait une limitation de l’indemnisation des arrêts de travail prescrits par téléconsultation, à compter du 1er juin 2023, afin de mettre fin à certains abus récemment constatés par les pouvoirs publics. Le texte prévoyait ainsi le versement d’indemnités journalières seulement si l’incapacité physique avait été constatée par le médecin traitant de l’assuré ou par un médecin ayant déjà reçu l’assuré en consultation depuis moins d’un an. La même restriction devait s’appliquer aux arrêts de travail prescrits en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
► Si le Conseil constitutionnel comprend bien que le législateur “a souhaité prévenir les risques d’abus liés à la prescription d’arrêts de travail dans le cadre d’une consultation à distance” et “poursuivre l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude en matière de protection sociale”, il censure malgré tout la disposition. En effet, constatent les Sages, “les dispositions contestées peuvent avoir pour effet de priver l’assuré social ayant eu recours à la téléconsultation du versement des indemnités journalières alors même qu’un médecin a constaté son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail”.
- L’article 90 de la LFSS pour 2023. Cet article prévoyait que l’employeur devait garantir à son salarié, dès le premier cycle de paie, le versement d’une somme au moins égale au montant des indemnités journalières de l’assurance maternité et du congé de paternité et d’accueil de l’enfant, et qu’il pouvait être subrogé à son salarié dans le versement de ces indemnités journalières.
► Le Conseil constitutionnel estime que cette mesure constitue “un cavalier législatif”. Cette disposition n’a en effet pas sa place dans une loi de financement de la sécurité sociale, indiquent les Sages.
- l’article 89. La disposition assouplissant la procédure de dérogatoire de renouvellement avant le terme des trois ans du congé de présence parentale et de l’allocation journalière de présence parentale est censurée au motif là aussi qu’il s’agit d’un cavalier. Idem pour l’article 77 prévoyant la remise par le gouvernement au Parlement d’un rapport identifiant les moyens à mettre en œuvre afin de rendre l’allocation journalière du proche aidant accessible aux aidants des personnes malades du cancer.
actuEL CE