Retraites : le référendum, “une issue” possible pour François Bayrou

03/03/2025

Dans une interview au quotidien Le Figaro,  François Bayrou est revenu sur les issues possibles de ce qu’il ne faut plus dénommer “conclave”, mais “travaux de la délégation paritaire permanente”. Au lendemain du départ de Force Ouvrière, le Premier ministre a rappelé qu’à défaut d’accord entre les partenaires sociaux, “on en restera au système antérieur, défini en 2023”.  Après avoir répété qu’il défend une retraite par points, il présente les avantages d’un tel système : “L’équilibre financier nécessaire, le choix plus individuel du départ en retraite, et la responsabilité donnée aux partenaires sociaux de gérer le système, du moins dans le privé”.

Enfin, il “refuse d’envisager la baisse des pensions”, et quand on lui demande si le référendum est une possibilité, il répond : “Oui, c’est possible, si nous étions un jour en situation de blocage. J’ai toujours dit que lorsque des questions sont bloquées, lorsqu’il n’y a pas de résolution possible, le référendum est une issue”.

De son côté, la CGT appelle à la mobilisation sur les retraites à l’occasion de la journée international du droit des femmes le 8 mars prochain (lire notre brève dans cette même édition), ainsi que le 21 mars avec les organisations syndicales de retraités (communiqué en pièce jointe). Le texte ajoute : “Dans le prolongement de ces 2 premières initiatives, la CGT appelle à la construction d’un processus de mobilisation d’ampleur pour gagner enfin l’abrogation de la réforme des retraites”.

Source : actuel CSE

Les plans d’épargne retraite représentent les trois quarts des cotisations de retraite supplémentaire en 2023

04/03/2025

Selon des données publiées hier en open data par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les plans épargne retraite représentent 75 % des cotisations de retraite supplémentaire en 2023 (contre 70 % en 2022 et 55 % en 2021). Fin 2023, ce sont 19,2 milliards d’euros de cotisations qui ont été collectés dans le cadre de contrats de retraite supplémentaire, soit une hausse de 7 % en euros courants (et de 3 % en euros constants) par rapport à fin 2022. 

Les versements associés au PER individuel représentent plus des quatre cinquièmes des cotisations sur les dispositifs individuels (83 %) comme ceux associés au PER d’entreprise collectif (85 %) tandis que ceux associés au PER obligatoire représentent un peu plus de la moitié des cotisations sur les dispositifs collectifs à cotisations définies obligatoires (55 %).

Le montant des prestations versées au titre de contrats de retraite supplémentaire s’élève quant à lui à 8,4 milliards d’euros, et est quasi-stable en euros courants par rapport à 2022 (8,3 milliards). 2,7 millions de personnes percevaient des prestations de retraite supplémentaire fin 2023, dont 2,4 millions sous la forme de rentes viagères (soit près de 13 % du nombre de retraités de droit direct des régimes légalement obligatoires).

Source : actuel CSE

Les mesures sociales de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025

05/03/2025

La loi de financement de la sécurité sociale prévoit des mesures ayant un impact en paie concernant, notamment, les apprentis, les allégements de cotisation, les victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles, le calcul de l’effectif… Panorama de ces mesures.

Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la constitution, le 28 février 2025, les mesures ayant un impact en paie de la loi de financement de la sécurité sociale, hormis une disposition concernant le contrôle Urssaf (nouvelle mention obligatoire de la contrainte), considérée comme un “cavalier législatif”.

Suite à la décision du Conseil constitutionnel, a été publiée au Journal officiel du 28 février 2025, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025. Ses dispositions sont désormais applicables à compter du 1er mars 2025, sous réserve de décrets d’application nécessaires le cas échéant et de dates d’application différées.

Nous vous présentons, dans le tableau ci-après, les mesures paie.

► Nous reviendrons en détail sur certaines de ces mesures dans nos prochaines éditions.

ThèmeContenu de la mesureDate d’application
Allégements généraux de cotisations patronales (article 18-III, articles L.241-2- 1 et L.241-6-1 du code de la sécurité sociale)En 2025 : application de la réduction du taux de cotisation patronale d’assurance maladie pour les salariés dont la rémunération ≤ 2,25 Smic (au lieu de 2,5) et de la réduction du taux de la cotisation patronale d’allocations familiales pour les salariés dont la rémunération ≤ 3,3 Smic (au lieu de 3,5 ) Cotisations dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er janvier 2025
En 2026 : suppression des dispositifs de réduction de taux de cotisation d’assurance maladie et d’allocations familiales et compensée par une réforme de la réduction générale des cotisations patronales dégressiveCotisations dues au titre des périodes d’emploi courant à compter du 1er janvier 2026
Prime de partage de la valeur (article 18-I, 1° et 2°, article L.241-13, I et III du code de la sécurité sociale)Intégration de la prime de partage de la valeur (PPV) dans l’assiette de la réduction générale des cotisations patronales et dans le calcul du coefficient de la réductionCotisations dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2025
Attribution gratuite d’actions (article 19 et article L.137-13 du code de la sécurité sociale)Augmentation du taux de la contribution patronale due sur les attributions gratuites d’actions (AGA) : alignement sur celui applicable au stock-options1er mars 2025
Tarification AT/MP (article 20 et article L. 242-5 du code de la sécurité sociale)Mutualisation des coûts des maladies professionnelles dont l’effet est différé dans le temps pour les bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (afin d’éviter une hausse ciblée des cotisations AT-MP sur les entreprises qui emploient le plus de travailleurs en situation de handicap, notamment les entreprises adaptées).
► À noter qu’un arrêté fixant la nouvelle tarification AT devrait paraître prochainement, du fait de la publication de la LFSS
Décret nécessaire
Groupement d’employeur : effectif (article 25 et loi n °2023-1250 du 26 décembre 2023, article 21)Exclusion des salariés mis à disposition par un groupement d’employeurs dans l’effectif “sécurité sociale” du groupement dès le 1er janvier 2025 (au lieu du 1er janvier 2026 prévu par la LFSS 2024) et suppression de la prise en compte de ces salariés dans l’effectif des entreprises d’accueil (qui était prévue par la LFSS 2024)1er janvier 2025
Apprentissage (articles 22 et 23, article L.136-1-1 du code de la sécurité sociale et article L.6243-2 du code du travail)Baisse du plafond d’exonération des cotisations salariales : exonération sur la part de la rémunération ≤ 50 % Smic (au lieu de 79 % aujourd’hui)
Assujettissement à CSG/CRDS sur la part de la rémunération > 50 % Smic (au lieu d’une exonération totale aujourd’hui)
Contrats conclus à compter du 1er mars 2025
Arrêt de travail (article 54 et article L.6316-1 du code de la santé publique)Interdiction de délivrer des arrêts de travail par une plateforme visant à fournir à titre principal la fourniture d’arrêts de travail ou par un professionnel de santé exerçant son activité à titre principal à l’étranger 1er mars 2025
Indemnisation des victimes d’AT/MP (article 90-III et article L.434-1A nouveau du code de la sécurité sociale)Intégration, dans l’indemnisation AT/MP, du déficit fonctionnel permanentDate à fixer par décret (avant le 1er juin 2026)

Nathalie Lebreton

Concertations sur les retraites : des premières crispations sur l’âge apparaissent

07/03/2025

Hier s’est tenue la première réunion de travail technique des concertations retraites lancées par François Bayrou. La “délégation paritaire permanente” qu’il ne faut plus appeler “conclave” a partagé des éléments de constats et demandé des chiffrages. Des premières divergences sont apparues entre patronat et syndicats autour de l’âge d’annulation de la décote et l’espérance de vie.

Après trois réunions de préparation autour de la méthode, les partenaires sociaux sont “entrés dans le dur” hier, dans les locaux ministériels de l’avenue de Ségur. Si la réunion a été essentiellement consacrée à des partages de constats et des demandes de chiffrages, les demandes patronales sur la possibilité de faire varier l’actuel âge d’annulation de la décote (67 ans) a rencontré les foudres de la CGT. La CFDT ne s’attendait pas à un bouger “névralgique” sur les 64 ans : l’ensemble des curseurs construira l’issue des concertations vers la fin du mois de mai. Enfin, si ce point n’a pas été abordé en réunion, certains ont fait connaître leur opposition à un financement des efforts de défense liés à la guerre en Ukraine par une nouvelle pression sur les ressources de la protection sociale en général, et des retraites en particulier.

Faire varier l’âge d’annulation de la décote entre 67 et 69 ans

Il n’y a pas eu de “clash” et personne n’a quitté la salle. La première réunion s’est bien tenue jusqu’au bout pendant 2h15. Pour autant, les positions se sont affirmées. A commencer par celles du patronat, notamment du Medef et de la CPME, qui souhaitent étudier les effets financiers d’une variation de l’âge d’annulation de la décote. Aujourd’hui fixé à 67 ans, les patrons souhaitent étudier ce que des changements de curseurs vers 69 ans rapporteraient au régime en suivant les données disponibles sur l’espérance de vie. Selon Diane Milleron-Deperrois qui représentait le Medef, “nous avons partagé que les gens aient conscience que la décote peut introduire, et donc nous avons demandé des chiffrages pour faire varier aussi ce sujet de décote. Cet âge n’a pas bougé avec la réforme précédente. Puisque que l’âge est resté à 67 ans, contrairement aux autres critères sur lesquels il y a une addition de 2 ans, pour participer à l’équilibre à 2030 et étudier ce qu’il rapporte”.

L’hypothèse a rencontré les foudres de la CGT. Selon Denis Gravouil, “c’est en gros une nouvelle réforme des retraites qui se prépare pour le patronat,  la réforme de 2023 n’a pas suffi. On l’a entendu nous dire que finalement, les 67 ans n’ont pas été reculés de 2 ans à 69 ans avec la réforme 2023 et qu’il faudrait peut-être y réfléchir”. La CGT est restée sur sa revendication principale : l’abrogation des 64 ans. Pas question pour elle d’accepter un report de l’âge d’annulation de la décote. Selon Denis Gravouil, les derniers chiffres de la Cnav (Caisse nationale d’assurance vieillesse) montrent que la réforme Touraine, qui a augmenté la durée de cotisation à 43 annuités en 2014, a entraîné un doublement du nombre de Français qui partent en retraite avec une décote, et donc avant 67 ans avec une pension de retraite plus faible.

À la CFDT, Yvan Ricordeau n’y est pas non plus favorable : “Personne n’a jamais demandé qu’on passe de 67 à 69 ans dans l’idée d’un parallélisme avec le recul de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans par la réforme de 2023. On a déjà dit assez fort que le passage de 62 à 64 était injuste. Passer des critères de 67 à 69 ans, là, ça aurait été catastrophique socialement”. En revanche, il se dit prêt à étudier “comment on joue sur certains paramètres avant 67 ans”.

La CFTC de Léonard Guillemot a quant à elle demandé des chiffrages d’une baisse de l’âge d’annulation de la décote de 67 à 65 ans, soit dans le sens inverse ce que souhaite le Medef… Le négociateur de la CFTC considère également que “l’ensemble des acteurs doivent contribuer à l’équilibre d’un système de retraite. Ça peut être le consommateur, l’employeur, les actifs, mais aussi les retraités”.

Pour l’instant, les positions restent fermes

Côté CFE-CGC, Christelle Thieffine, la réunion a permis à chacun d’échanger sur ses positions relatives aux âges de départ en retraite, mais pour autant, “les positions n’ont pas bougé”. Elle ajoute : “Le graphique sur l’historique des réformes des retraites montre qu’à chaque fois que l’âge de départ a été décalé, il y a eu de plus en plus de possibilités de partir plus tôt car on est obligé d’adapter la réforme”. Le syndicat des cadres souhaite donc laisser le choix au Français de choisir leur âge de départ avec des systèmes de décote ou de surcote. Il s’agira aussi pour la CFE-CGC d’atterrir en douceur sur le partage de la valeur qui selon elle permettrait de résoudre les problèmes d’équilibre des retraites.

Arrivés en amont du début de la réunion, la CGT a également présenté un chèque géant de 6 milliards d’euros, symboliquement signé par le Medef, représentant ce que rapporterait l’égalité des salaires entre hommes et femmes. Selon Myriam Lebkiri, “à la retraite, ce cumul des inégalités fait que les femmes représentent 80 % des temps partiels et 95 % des congés parentaux. Les écarts de pension sont encore de 38 % entre hommes et femmes”.

Le Medef restera également attentif aux effets de la durée de cotisation et de l’âge : “On a une échéance à court terme, 2030 c’est demain, c’est 6,5 milliards qu’il nous faut trouver. (…) Nous avons exposé que pour nous il fallait retrouver cet équilibre en 2030 et que le levier de l’âge est un levier efficace et rapide. (…) Nous avons demandé des chiffrages à 2030 et à 2040, en faisant bouger le curseur de l’âge. De la même façon, en termes de durée, combien faudrait-il de prolongation en sachant que nous sommes donc orientés sur le fait que le levier de l’âge est le levier  le plus efficace”.

La guerre en Ukraine, invitée surprise ?

La CGT était également remontée contre l’allocution d’Emmanuel Macron mercredi 5 mars. Le président de la République a en effet évoqué des efforts financiers à fournir en vue d’une hausse des budgets consacrés à la défense. Sans hausses d’impôts, cela sous-entend de rogner encore sur les dépenses. “Nous n’allons pas échanger les droits sociaux ni les services publics pour l’effort de guerre : nous voulons un effort de paix”, a indiqué Denis Gravouil en amont de la réunion.

La situation internationale n’a cependant pas été évoquée pendant les concertations. Toujours avant la réunion, Yvan Ricordeau (CFDT) a souligné que “la coïncidence de calendrier fait que la première réunion opérationnelle de travail a lieu le lendemain de l’allocution du Président de la République mais on va le traiter avec sang-froid, lucidité et persévérance”.

Pour l’instant, la question du financement de la défense ne perturbe donc pas les concertations : la lettre de cadrage du Premier ministre François Bayrou reste la même et les objectifs des partenaires sociaux sont inchangés. Il reste à savoir où en sera le contexte international et ce nouveau budget de la défense dans quelques mois…

Marie-Aude Grimont