Assurance chômage : la réforme de 2019 a impacté les intérimaires, les précaires et les jeunes

25/03/2025

L’Unédic a publié le 20 mars 2025 les résultats de ses évaluations de la réforme 2019 de l’assurance chômage. Bilan : les intérimaires, les jeunes et les peu diplômés paient le prix fort. La dégressivité a réduit les allocations et accéléré le retour à l’emploi. Enfin, le bonus-malus se révèle peu efficace voire inéquitable pour les employeurs.

Le gestionnaire paritaire de l’assurance chômage, l’Unédic, a publié jeudi 20 mars sa deuxième vague d’évaluation des effets de la réforme de l’assurance chômage de 2019.

Initiée en 2019 mais repoussée à cause du Covid, cette réforme est finalement entrée en vigueur par décret en 2021. Elle prévoyait :

  • une refonte du mode de calcul du salaire journalier de référence (SJR) ;
  • un durcissement de la condition d’affiliation portée à 6 mois de travail (au lieu de 4) sur 24 mois (au lieu de 28 mois) ;
  • une baisse de l’allocation en cas de travail par périodes discontinues ;
  • une dégressivité des allocations à partir du 7e mois d’indemnisation pour les moins de 57 ans percevant plus de 4 800€ bruts par mois ;
  • un bonus-malus des cotisations patronales en cas de recours aux contrats de travail de courte durée.

Les jeunes, les intérimaires et les non-diplômés principalement impactés

Selon l’Unédic, cette réforme a impacté “la très grande majorité des allocataires de l’assurance chômage”, soit 3,3 millions de Français. Parmi eux, 1,5 millions ont perçu une allocation plus faible ou pendant moins longtemps.

Sont principalement impactés les intérimaires, les jeunes, les salariés en contrats courts et les personnes peu diplômées. En revanche, les allocataires indemnisés à l’issue d’un contrat à durée indéterminée, les diplômés et les cadres ont été moins visés. Ils subissent cependant davantage que les autres les effets de la dégressivité des allocations.

La réforme du salaire journalier de référence (SJR) qui a touché 1,1 millions d’allocataires a impacté le même public : les travailleurs aux contrats à durée limitée, les jeunes et les moins diplômés.

Leur allocation a baissé en moyenne de 6€, soit – 16 %. En revanche, selon l’Unédic, la modification du mode de calcul de l’allocation a entrainé “une accélération de l’accès à l’emploi des personnes aux parcours fragmentés : la part de ces personnes ayant mis au plus six mois pour retrouver un premier emploi augmente de 4,1 à 6,1 points de pourcentage, passant de 52 % à un taux entre 56 et 58 % selon la méthode d’estimation”.

L’Unédic indique cependant que “cet effet est néanmoins très largement porté par les contrats courts de moins de six mois, et non par des contrats pérennes”. 

La réforme de 2019 a poussé les personnes au parcours professionnel discontinu “à faire plus souvent des concessions sur le choix de leur emploi”, du fait des contraintes financières accrues.

La dégressivité accélère le retour à l’emploi mais baisse l’allocation

La dégressivité des allocations a entraîné une baisse de 30 % par rapport à l’absence de dégressivité, pour les allocataires ayant perdu un salaire supérieur à 7 000 euros bruts. Selon l’Unédic, “baisser le niveau d’allocation des impactés accélère l’accès à l’emploi salarié, et ce d’autant plus que le taux de dégressivité est élevé”.

Selon les études économétriques et une enquête quantitative menée auprès de 15 000 allocataires par l’Unedic, la probabilité, pour les personnes subissant une dégressivité de 30 %, de reprendre un emploi salarié dans les 12 mois augmente de 13 %. Mais la probabilité pour ces allocataires de percevoir une allocation plancher augmente également de 37 à 40 %.

Ce retour plus prompt à l’emploi se fait donc au prix de compromis plus importants que les autres allocataires sur la conciliation entre vie professionnelle et personnelle, la durée de trajet domicile-travail et le montant du salaire.

Enfin, l’Unédic constate que la dégressivité est sans effet sur la création d’entreprise “car les projets entrepreneuriaux sont très souvent décidés en amont de l’inscription”. La dégressivité augmente en revanche la rapidité de sa mise en œuvre.

Un ralentissement de l’ouverture des droits

La réforme de 2019 a durci la condition d’affiliation et les rechargements de droits. Il faut désormais travailler 6 mois et non plus seulement 1 mois pour recharger ses droits entre deux périodes de chômage. L’Unédic constate que depuis cette réforme, les demandes d’ouverture de droits ont baissé de 15 % en 2023.

Cette baisse est plus marquée chez les jeunes de moins de 25 ans, les peu diplômés et les salariés en contrats courts. En revanche, “elle s’accompagne d’une hausse concomitante de la durée moyenne des droits des allocataires”. L’Unédic reconnaît cependant qu’elle aura besoin d’analyses plus approfondies sur les effets de la réforme sur le recours à l’assurance chômage et sur la durée des contrats proposés par les employeurs, “plusieurs travaux qui nécessitent de mobiliser des données sur l’ensemble du marché du travail et non uniquement sur les demandeurs d’emploi sont encore en cours au sein de l’Unédic et de la Dares.

Bilan limité pour le bonus-malus

La variation à la hausse ou à la baisse des contributions patronales d’assurance chômage, sur 7 secteurs d’activité et en fonction du taux de séparation médian, a visé un peu moins de 30 000 entreprises, soit environ 15 % des structures françaises de 11 salariés ou plus. Dans les secteurs visés, le taux de cotisation chômage varie entre 3 % et 5,05 %.

L’Unédic observe une baisse du taux de séparation de ces entreprises avec leurs salariés entre 2023 et 2024. Cependant, “cette baisse n’est pas forcément imputable au dispositif”. En effet, ce phénomène peut s’expliquer par d’autres mécanismes inhérents au marché du travail : des facteurs économiques et conjoncturels ou d’autres changements réglementaires relatifs à l’assurance chômage. Pour l’Unédic, il faudrait d’autres travaux pour confirmer ces résultats.

Le coup de canif de l’Unédic sur le bonus-malus consiste surtout dans ce constat : “L’architecture du dispositif présente différentes limites le rendant peu opérant”. D’une part, la sélection des secteurs entraîne des situations inéquitables, tout un secteur pouvant se trouver pénalisé par un petit nombre d’entreprises tirant la moyenne vers le haut, même si la majorité des employeurs se sépare peu de ses salariés. C’est particulièrement le cas dans le secteur “autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ”.

Par ailleurs, selon l’Unédic, “la surcotisation des entreprises au malus est plafonnée (avec un taux maximal de cotisation de 5,05 %), ce qui diminue les incitations financières à réduire le nombre de séparations pour les employeurs recourant fortement aux contrats courts”. 

Sur le bonus-malus, ces chiffres sont à compléter par ceux de la Dares qui avait évalué la même réforme en février 2024. La direction statistique du ministère du travail avait par ailleurs montré que la réforme avait réduit de 17 % l’ouverture des droits des demandeurs d’emploi et que les jeunes et les moins diplômés en faisaient les frais.

Marie-Aude Grimont

De nouveaux territoires pour l’expérimentation “territoires zéro chômeur de longue durée”

25/03/2025

Un décret du 21 mars 2025 habilite huit nouveaux territoires pour mener l’expérimentation “territoire zéro chômeur de longue durée”. 

  • Jaunay-Marigny/Dissay (Vienne) ; 
  • Bottière – Pin Sec et Nantes Est pour le Droit à l’Emploi (Loire Atlantique) ; 
  • Rives du Haut Allier (Haute-Loire) ; 
  • Loireauxence (Loire Atlantique) ; 
  • Communauté de communes de Mimizan (Landes) ; 
  • Rezé (Loire Atlantique) ; 
  • Grammont-Grenet-Voltaire-Lods (Sotteville-les-Rouen / Rouen) (Seine Maritime) ; 
  • Plessé (Loire Atlantique)

► Le texte précise les limites géographique de ces huit nouveaux territoires.

Source : actuel CSE

Retraite : les partenaires sociaux redéfinissent leur feuille de route autour de quatre priorités

28/03/2025

Les partenaires sociaux (CFDT, CFTC, CFE-CGC, Medef et CPME) ont poursuivi hier leurs discussions sur la réforme des retraites. Loin d’être entrés “dans le dur” des sujets, ils ont échangé sur leur nouvelle feuille de route et sur leurs priorités. Des pistes de réforme sur la pénibilité ont tout de même été esquissées, mais il n’est pas sûr que le “conclave” suffira à en faire le tour.

La négociation sur les retraites prend semaine après semaine une étrange tournure. Elle n’en finit pas de commencer. La semaine dernière, les partenaires sociaux s’étaient donnés une à deux séances pour finaliser une nouvelle feuille de route remplaçant celle élaborée par Matignon. La séance d’hier n’aura effectivement pas suffi à la boucler. Les partenaires sociaux ont tout juste réussi à se mettre d’accord sur les quatre points qui seront à l’ordre du jour et qui en constitueront le squelette. 

Les priorités de la négociation redéfinies

Le premier point est la consolidation du système par répartition indissociable de l’équilibre financier.

Le deuxième, le pilotage et la gouvernance du système de retraite “avec une volonté affichée” que les partenaires sociaux y aient “un rôle renforcé”, indique le chef de file de la CFDT, Yvan Ricordeau.

Troisième item, l’amélioration des mécanismes de solidarité “dans un objectif de justice et de progrès social”.

Enfin, le dernier consiste à trouver les ressources qui concrétisent des “efforts partagés” entre les salariés et les entreprises en matière de financement de la retraite et de la protection sociale. Le document sera finalisé lors de la prochaine séance, jeudi 3 avril.

Le principal point de discorde entre les organisations syndicales et patronales sera sans conteste la définition des “efforts partagés”. Pour Eric Chevée, chef de file de la CPME”, il n’est pas question d’augmenter le coût du travail. Même son de cloche du côté du Medef, Diane Milleron-Deperrois rappelant fermement qu’aucune hausse de cotisation ne pourra être envisagée. En somme, le patronat compte sur l’amélioration du taux d’emploi pour dégager de nouvelles recettes.

Les propositions mises sur la table en matière de pénibilité

Les partenaires sociaux ont ensuite poursuivi leurs discussions sur la pénibilité et l’usure professionnelle. Pour l’heure, les discussions restent très techniques, chacun déposant sur la table ses propositions. Si un consensus semble se dessiner pour réintégrer les trois critères ergonomiques dans le compte professionnel de prévention (C2P), les moyens de les évaluer diffèrent, oscillant entre évaluation collective et/ou appréciation individuelle. 

Pour la CFDT, cette question est une priorité. Ses propositions s’articulent autour de cartographies nationales réalisées soit par la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CATMP), soit par les branches professionnelles à partir du travail qu’elles font au sein du Fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle (Fipu), permettant ainsi d’identifier les métiers et secteurs susceptibles d’être automatiquement intégrés au C2P.

Afin de valider la fiabilité de leur dispositif, la CFDT a transmis son document à la Direction de la sécurité sociale (DSS) et à la Direction générale du travail (DGT) qui devront déterminer si elle est “opérationnelle”.

Pour Yvan Ricordeau le seul fait d’avoir eu “un temps aussi long pour approfondir la question de la pénibilité” est en soi un premier succès alors que cela fait 20 ans que la CFDT “bataille avec le patronat sur la prise en charge de la pénibilité”. Il faut dire que Diane Milleron-Deperrois s’est dit disposée à étudier “comment on peut trouver des dispositions simples et opérationnelles”.

La CPME défend quant à elle une approche plus individualisée. Si la confédération ne voit rien à redire à l’établissement d’une cartographie en mobilisant les branches professionnelles, elle souhaite que ce dispositif soit complété par l’entretien professionnel à 45 ans, assorti d’une visite médicale, prioritairement pour les salariés travaillant dans les métiers et les secteurs exposés. Ceux qui souhaiteraient continuer à exercer le même métier bénéficieraient ensuite d’un suivi adapté. A 59/60 ans, ils passeraient une visite médicale de fin de carrière afin de dresser un bilan de la prévention réalisée au cours de leur vie professionnelle. Si cette dernière s’avérait insuffisante, alors ces salariés pourraient bénéficier de dispositifs de réparation (reconversion professionnelle, temps partiel, départ à la retraite anticipé). 

La CFTC adopte une position médiane, défendant une cartographie branche par branche dans le cadre des activités du Fipu (Fonds d’investissement pour la prévention de l’usure professionnelle), permettant de définir les métiers et activités qui ouvriraient droit automatiquement au bénéfice du C2P (compte professionnel de prévention) pour les risques ergonomiques. “Le dispositif pourrait être complété par un entretien de mi-carrière afin d’améliorer l’individualisation de la reconnaissance de la pénibilité”, explique Léonard Guillemot, en charge du financement de la protection sociale au sein de la confédération.

Une discussion à part ?

Christelle Thieffinne, chef de file pour la CFE-CGC, a joué les trouble-fêtes estimant irréaliste de vouloir traiter ce sujet en trois mois. “C’est un vrai sujet, celui du travail, de la responsabilité des entreprises, des conditions de travail, des fins de carrière, des seniors, qui demande plus qu’une ou deux séances de travail”. Selon elle, s’il est possible de fixer les principes et les objectifs à atteindre – notamment celui de la réintégration dans le compte professionnel de prévention des trois critères ergonomiques – dans le cadre du “conclave”, il faudra poursuivre les discussions bien au-delà du temps imparti.

Il n’y a pas que la pénibilité qui risque de sortir du cadre des discussions devant s’achever fin mai. Le pilotage et le financement de la protection sociale devraient subir le même sort. L’urgence étant de trouver un accord sur les points qui seront intégrés dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale : “l’amélioration des droits des femmes, l’âge de départ en retraite, l’équilibre à cinq ans, une hausse des cotisations”, énumère Christelle Thieffinne.

En somme, une négociation qui n’en finira pas de finir…

Florence Mehrez