PLFSS pour 2026 : les députés suppriment le gel des retraites et adoptent le décalage de la réforme
03/11/2025
Vendredi 31 octobre 2025, les députés ont apporté de nouvelles modifications au PLFSS pour 2026 en commission des affaires sociales. Les amendements de suppression (n° 1514 par exemple) de l’article 44 qui gèle les pensions de retraite et prestations sociales (“année blanche”) ayant été adoptés, cet article a été supprimé. En revanche, l’article 45 sur les pensions de retraite des femmes, qui reprend l’un des accords issus du conclave entre partenaires sociaux (prise en compte des majorations de durée d’assurance pour enfant et modification du nombre d’années prises en compte dans le salaire annuel moyen) a été adopté sans modifications.
La commission des affaires sociales a également adopté l’article 45 bis qui intègre les effets de la lettre rectificative, à savoir le décalage de la réforme des retraites de 2023. Deux amendements (n° 1728 et 1479 prévoyaient de supprimer cet article mais ont été rejetés. Les 13 autres amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (entraînant une diminution des ressources publiques ou la création ou l’aggravation d’une charge publique).
Depuis l’hémicycle de l’Assemblée nationale où il suivait la séance publique sur l’adoption du projet de loi de finances, Sébastien Lecornu a déclaré : “Le gouvernement sera favorable aux amendements qui dégèleront l’ensemble de ces minimas sociaux” (…), avant de reconnaître que la question du gel des “retraites” n’était “pas acceptable” ni “acceptée par nos concitoyens”.
Parmi les autres amendements adoptés :
- rétablir la visite de reprise obligatoire lors d’un retour de congé maternité (n° 730) ;
- interdire le renouvellement d’un arrêt de travail par télémédecine (n° 1755) ;
- ajouter à l’obligation pour l’organisme de sécurité sociale qui a constaté des fraudes aux arrêts de travail d’en informer l’employeur (LFSS pour 2025) l’obligation d’informer également l’organisme d’assurance maladie complémentaire (n° 1756) ;
- permettre aux médecins de prescrire la poursuite ou la reprise du travail en télétravail comme alternative à un arrêt de travail total lorsque l’état de santé du patient le permet et que le poste est télétravaillable (n° 1401, 219) ;
- prendre en compte les différences d’exposition, de symptomologie et de parcours de soins selon le sexe dans le diagnostic des maladies professionnelles (n° 75) ;
- supprimer la disposition visant à confier à un collège de deux médecins-conseils et non plus aux comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles les cas dits “simples” (n° 1596) ;
- permettre de recourir au temps partiel dans le cadre du nouveau congé supplémentaire de naissance (n° 1774) ;
- demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur le non-recours et la non-perception par les ayants-droits du capital décès proposé par la Sécurité sociale (n° 378) ;
- supprimer l’article 38, qui introduit un principe de subsidiarité entre les indemnisations versées au titre d’un dommage corporel et les prestations sociales que sont l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la Prestation de compensation du handicap (n° 1533) ;
- interdire le financement public des EHPAD et des établissements sociaux et médico-sociaux là où les écarts de salaire dépassent un rapport de 1 à 9 (n° 99).
Les députés ont ensuite rejeté l’ensemble de la partie Dépenses du ¨PLFSS.
Source : actuel CSE
Les paramètres pour le calcul des cotisations Agirc-Arrco à compter du 1er janvier 2026 sont fixés
04/11/2025
Une circulaire en date du 30 octobre 2025 fixe l’ensemble des paramètres utiles à compter du 1er janvier 2026 pour le calcul des cotisations recouvrées par Agirc-Arrco et pour celui des allocations versées par ces mêmes institutions de retraites complémentaires.
La circulaire indique ainsi :
- les tranches soumises à cotisations ;
- les taux sur les tranches 1 et 2 des salaires ;
- la contribution d’équilibre général et la contribution d’équilibre technique ;
- la cotisation Apec recouvrée par les institutions Agirc-Arrco ;
- la valeur d’achat du point Agirc-Arrco ;
- la valeur de service du point Agirc-Arrco (à compter du 1er novembre 2025) ;
- le plafond des majorations familiales pour enfants nés ou élevés (à compter du 1er novembre 2025).
Source : actuel CSE
Suspension de la réforme des retraites : quid des carrières longues ?
05/11/2025
Lors de la séance des questions au gouvernement hier à l’Assemblée nationale, le député non inscrit Aurélien Pradié, qui avait combattu la réforme Borne de 2023, a demandé au ministre s’il comptait agir en faveur des carrières longues :
“La réforme est passée à côté de l’essentiel, le respect du travail. Nous avons été nombreux à nous mobiliser pour défendre les carrières longues et les travailleurs les plus méritants. Ces travailleurs qui ont débuté leur carrière très jeune, souvent dans des métiers difficiles, paient l’essentiel de la réforme. Si on respecte l’effort, le travail et les métiers les plus rudes, on ne punit pas les carrières les plus longues. Celui qui débute tôt doit finir tôt. Vous allez donc suspendre cette réformette, mais en l’état pas pour les carrières longues et pas pour les travailleurs en invalidité. Résumons : la pseudo conquête sociale que représenterait la suspension de la réforme permettra donc aux cadres nés en 1964 ou 1965 de gagner 3 mois de cotisation alors que l’ouvrier qui aura débuté sa carrière à 17 ans avec toutes ses cotisations, lui devra travailler un trimestre de plus”.
Le ministre du travail, Jean-Pierre Farandou, n’a pas répondu précisément : il a renvoyé le député au débat parlementaire. Le gouvernement est “ouvert aux amendements qui feraient évoluer le texte initial” au sujet de la suspension de la réforme des retraites, a-t-il indiqué, en ajoutant : “Nous regarderons attentivement ceux qui visent à dégeler les pensions et les minimas sociaux”.
Lors de l’ouverture du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le ministre a été plus explicite en se disant prêt à examiner des amendements y compris sur la question de la suspension de la réforme et de ses effets sur ls carrières longues. Jean-Pierre Farandou s’est dit aussi prêt à “une alternative” à la suppression totale de l’exonération dont bénéficient les employeurs pour les apprentis : “Notre objectif commun doit être de préserver l’apprentissage et de rationaliser l’effort budgétaire car nous sommes sortis de la phase de lancement et de propulsion de cette politique publique qui est un succès”.
Source : actuel CSE
Sécurité sociale : 80 ans et toujours moins de recettes
06/11/2025
Alors que l’anniversaire des 80 ans de “la Sécu” est partout célébré, quelles recettes lui sont accordées dans le projet de budget 2026 afin d’assurer sa pérennité ? Le texte met surtout l’accent sur les économies, les déficits devant se réduire de 23 à 17,5 milliards d’euros. En parallèle, un projet de loi contre la fraude sociale sera bientôt débattu au Parlement. On peut cependant douter que cela soit suffisant sans augmentation des recettes.
“Un acquis à défendre”, une “vielle dame à protéger, le “moteur d’importants progrès sociaux” selon le ministère de la Santé. Quand il s’agit de célébrer les 80 ans de la Sécurité sociale, on sait toujours choisir les mots. Quand il faut trouver le moyen de renouveler ses recettes, la formule de calcul devient plus délicate. Surtout quand l’État pioche lui-même dans les caisses et applique depuis plusieurs décennies des politiques conduisant aux déficits ou à l’étatisation des ressources.
De plus, les modalités de financement imaginées sous d’autres gouvernements affichent aujourd’hui leurs limites, comme le transfert de la dette à une caisse dédiée, la Cades. Enfin, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale ambitionne de réduire le déficit de la Sécurité sociale par des mesures d’économies (gel des retraites, doublement des franchises médicales, 8 % de forfait social sur les activités sociales et culturelles etc.) sans revenir sur les sources principales de recettes : les cotisations. Si les recettes évoluent dans le temps elles ne sont pas suffisantes au regard des besoins. En un mot, la Sécurité sociale est volontairement sous-financée. La Cour des comptes le dit d’ailleurs à sa manière au sujet du PLFSS 2026 : “Les mesures nouvelles ne font que compenser la faiblesse de l’évolution spontanée des recettes, la progression des recettes en 2025 (+2,4 %) étant quasiment identique à celle du PIB en valeur (+2,5 %). Hors mesures nouvelles, les recettes sociales s’affaissent, en lien avec la situation économique : leur progression (1,4 %) est à peine supérieure à l’inflation prévue pour 2025 (1,1 %)”.
Ainsi, la bien aimée “Sécu” fait face à trois phénomènes : un asséchement des recettes, un recours toujours plus élevé à l’emprunt, une volonté de lutte contre la fraude. Il apparaît alors que le déficit de la Sécurité sociale n’est pas une fatalité comme trop d’intérêts politiques voudraient le faire croire.
Des recettes grevées par les exonérations de cotisations patronales
Fondées après-guerre sur un principe de solidarité (cotiser selon ses moyens, recevoir selon ses besoins) et alimentées par les cotisations versées par les salariés et les employeurs, les recettes de la Sécu font aujourd’hui défaut. La partie salariale se trouve mise à mal par des arguments politiques autour d’une promesse factice de hausse du pouvoir d’achat, omettant de préciser que payer moins de cotisation entraîne mécaniquement moins de droits et assèche les ressources du système. Bon nombre de salariés mal informés risquent ainsi de croire dans les argumentaires vendant un salaire net plus proche du salaire brut. Pourtant, le financement par cotisation est d’une efficacité redoutable. Comme l’indique l’économiste Michaël Zemmour, le décalage de la réforme des retraites de 2023 ne coûterait aux salariés que 0,1 point de cotisations supplémentaires.
Dès son élection en 2017, Emmanuel Macron avait dans ce sens annoncé son souhait de transférer les cotisations maladie et chômage vers de la CSG. Une tentative quelque peu grossière dans la mesure où, selon les chercheurs, il n’existe pas de “révolte du cotisant” (lire par exemple les études Michaël Zemmour et Elvire Guillaud), et que la population consent à garder la maîtrise des cotisations en vue de se préserver des droits.
Il en va tout autrement du dossier des exonérations de cotisations patronales, principales responsables de l’asséchement des recettes de la Sécurité sociale et donc, de l’accumulation des déficits.
75 milliards d’euros en 2023
Fin 2024, la publication du rapport des économistes Antoine Bozio et Etienne Wasmer avait permis de démocratiser le sujet. L’allégement général des cotisations patronales créé en 1993 devait permettre à l’origine de compenser ce que le patronat qualifie de “coût du travail”. Édouard Balladur met donc en place un système fondé sur deux piliers explicités par le Bulletin officiel de la Sécurité sociale :
- la réduction générale dégressive des cotisations et contributions sociales, qui supprime les cotisations et contributions au niveau du Smic et dont le niveau décroît en fonction du salaire pour devenir nulle pour une rémunération annuelle égale à 1,6 fois le Smic ;
- les réductions proportionnelles des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales, qui permettent de diminuer de 6 et 1,8 points les cotisations pour les rémunérations annuelles inférieures à 2,25 et à 3,3 fois le Smic.
À la suite du rapport Bozio/Wasmer qui a chiffré le coût des exonérations patronales à 75 milliards d’euros en 2023, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 adopte une réforme applicable à compter du 1er janvier 2026 : supprimer les taux réduits des cotisations d’assurance maladie et d’allocations familiales, à l’exception des bénéficiaires d’exonérations spécifiques dégressives et revoir la réduction générale. Le décret n° 2025-887 prévoit désormais une réduction unique et fixe le “point de sortie” de l’exonération à trois fois le montant du Smic au lieu de 1,6. Elle abaisse aussi les plafonds d’éligibilité des baisses de cotisations maladie, de 2,4 à 2,25 Smic, et de cotisations famille, de 3,4 à 3,3 Smic, alors qu’une suppression pure et simple de ces bandeaux aurait rapporté davantage de fonds.
Damien Lentile, directeur de l’Urssaf (la branche recouvrement de la Sécurité sociale) n’a pas manqué d’évoquer le sujet lors de son audition jeudi 30 octobre par la Commission des affaires sociales du Sénat : “C’est trois milliards de moins dans les comptes de la Sécurité sociale car ces mesures avaient fait l’objet d’une compensation forfaitaire. Cette somme sera donc transférée vers l’État et ne bénéficiera pas à la Sécurité sociale”.
Le jeu à tiroirs des transferts et des compensations
Le directeur de l’Urssaf met ici le doigt sur un jeu que l’État connaît bien. Depuis la loi n° 1994-637 du 25 juillet 1994, toute nouvelle mesure d’exonération de cotisations de sécurité sociale doit être entièrement compensée par l’État. Seules les lois de financement de la Sécurité Sociale autorisent la non-compensation de nouvelles mesures d’exonération. Le principe et son exception fixés dès le départ verrouillaient donc déjà l’asséchement de la Sécu.
Qu’en est-il donc dans le PLFSS 2026 ? Pour le découvrir, impossible de se contenter du dossier remis à la presse pour l’information du commun des mortels : il ne mentionne pas le sujet. Il faut se pencher sur le texte lui-même et son étude d ‘impact. L’article 9 prévoit “une rationalisation de dispositifs particulièrement coûteux pour les ministères qui en assurent la compensation”, à savoir l’exonération de cotisations autour de quatre dispositifs :
- l’aide à la reprise et à la création d’entreprise ;
- les exonérations pour le développement économique des outre-mer de 2009 ;
- l’exonération de cotisations salariales en faveur des apprentis ;
- l’exonération en faveur des Jeunes entreprises innovantes.
Le message est clair : les compensations coûtent trop cher, on réduit donc les exonérations au bénéfice du budget des ministères, donc de l’État. Mais ce n’est pas tout : au-delà des mesures visant spécifiquement les finances du système de santé que nous n’examinerons pas ici, l’article 10 du PLFSS 2026 évoque une clarification des transferts financiers au sein des administration de sécurité sociale. On y retrouve le sujet de Damien Lentile devant le Sénat : le transfert de la sécurité sociale à l’État, via la branche maladie et l’Acoss (devenu Urssaf Caisse Nationale), des gains issus de la réforme des allègements généraux à compter de 2026 et les fameux 3 milliards attendus l’année prochaine.
Une baisse des transferts de TVA
Un autre point mérite de s’y arrêter : ” Au total, la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale est réduite de 3,44 Md€ par rapport à l’année 2025″, indique l’étude d’impact sous l’article 10. Une explication s’impose : depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la perte de recettes provoquée par des réductions de cotisations est compensée par l’État par l’affectation à la sécurité sociale d’une fraction de TVA “pour solde de tout compte”. Depuis 2019, le montant de la TVA ainsi affectée n’a cessé d’augmenter. Le PLFSS 2026 en réduit la part : pour recueillir de la TVA, il faut de la croissance économique, de la consommation des ménages et donc de la confiance qui font actuellement défaut…
À tous ces éléments on peut encore ajouter l’article 40 du projet de loi de finances pour 2026, sobrement intitulé “Relations financières entre l’État et la Sécurité sociale”. Son quatrième alinéa minore au détriment de l’Unédic (l’organisme paritaire de gestion de l’assurance chômage) le transfert de TVA de 4,1 milliards. L’exposé des motifs de l’article le justifie par “la situation excédentaire du régime d’assurance chômage dès 2022 et pour les années suivantes”. En un mot, le régime étant bien géré, l’État se sert dans les caisses alimentées par les cotisations chômage des salariés.
Même si l’assurance chômage ne fait pas partie des branches de la Sécu, l’Unédic dénonce depuis plusieurs années le même phénomène car il l’oblige, comme l’Urssaf, à emprunter sur les marchés financiers à des taux d’intérêts élevés. De plus, la configuration des marchés permettait il y a quelques années d’emprunter à taux négatifs, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les retards de paiement créent aussi des intérêts moratoires lourds financer. Un phénomène qui concerne toutes les caisses de Sécurité sociales sans exception. Deux amendements ont été déposés sur le PLFSS 2026 pour tenter de préserver les fonds de l’assurance chômage. Ils ont tous deux été rejetés en Commission des affaires sociales.
Le transfert de la dette Covid
Après la crise sanitaire, l’État a en effet décidé de transformer la dette Covid en dette sociale, et donc à la faire peser sur la Sécu. Dès le mois de mai 2020, l’économiste Michaël Zemmour, s’élevait contre ce choix dans une tribune publiée dans le quotidien Le Monde : “Une telle décision hypothéquerait l’avenir de nos assurances sociales en leur faisant supporter inutilement la dette Covid, dont elles ne sont pourtant pas responsables, et alors que cette dette pourrait être plus habilement gérée par l’État”.
Malgré cet appel au bon sens, l’exécutif poursuivit ses projets et publia au Journal officiel une loi n° 2020-992 grevant les comptes de la Sécurité sociale de 136 milliards d’euros. Certes, cette décision n’est pas la seule à augmenter le déficit. Selon le rapport de la Cour des comptes rendu le 30 octobre dernier, la dette de la Sécu est passée de 10,8 milliards en 2023 à 23 milliards prévus en 2026. En cause selon l’institution, la dynamique des soins de ville et le vieillissement de la population.
La Cour émet également cette alerte sur laquelle il convient de s’arrêter : “Le portage, année après année, par l’Acoss de déficits récurrents fait peser des risques accrus sur le financement des prestations de la sécurité sociale”. Un point sur lequel est revenu le directeur de l’Urssaf lors de son audition au Sénat : “En tant qu’Urssaf Caisse Nationale (le nouveau nom de l’Acoss depuis 2021, NDLR), nous assumons financièrement les déficits. Or, ce n’est pas la vocation de l’Urssaf de financer de la dette à long terme”.
Damien Lentile dénonce là un autre phénomène qui grève les comptes : en raison du défaut de cotisations, il se voit contraint de demander au Parlement de rehausser le plafond d’emprunt de l’Urssaf de 65 milliards en 2025 à 83 milliards en 2026. Cette hausse de la capacité d’emprunt est devenue nécessaire pour colmater les brèches mais Patrick Privat, administrateur Urssaf pour FO, soulève une difficulté : “Avant, l’Urssaf empruntait à court terme sur 12 mois. Aujourd’hui on peut monter à 18 mois minimum. Or, l’Acoss est une Rolls pour recouvrer et emprunter à court terme. En revanche, le long terme c’est un autre métier. L’Urssaf n’est pas là pour porter une dette qui revient en grande partie à l’État”.
Patrick Privat souligne également le sous-financement des hôpitaux publics et le pillage de la CNRACL (caisse de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers) par l’État : “Elle était à l’équilibre il y a quelques années mais les sous-compensations ont créé des déficits. C’est donc l’art et la manière de mettre un organisme en déficit en piquant dans la caisse…”.
La Cades : politique de l’autruche sur le défaut de recettes
Si l’Urssaf doit porter elle-même les déficits et emprunter à taux élevés sur les marchés, c’est parce que le PLFSS prévoit de ne pas transférer sa dette à la Cades, contrairement à ce qui s’est produit ces dernières années. Créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 pour “éponger” les dettes du régime général de la sécurité sociale, la Cades (caisse d’amortissement de la dette sociale) devait connaître une courte vie et cesser de se voir transférer les dettes en 2009. Ses ressources sont constituées par de la CSG/CRDS et un versement annuel du fonds de réserve pour les retraites.
Mais face aux déficits persistants, il a été décidé de la prolonger jusqu’en 2033. C’est sans doute dans cette perspective que le gouvernement a décidé de ne pas transférer la dette à la Cades dans le PLFSS 2026. De plus, un prolongement de sa durée de vie ne peut être assumé que par un autre projet de loi spécifique. Christelle Thieffinne, en charge de la protection sociale à la confédération CFE-CGC ne cesse de demander la prolongation de la caisse : “On a plaidé en faveur d’une dérogation afin que la Cades puisse continuer à exister et emprunter car là on entasse les déficits, ça ne va plus être soutenable”.
La Cour des comptes alerte sur ce point dans son dernier rapport : “Dans les années à venir, sans réduction des dépenses, apport de nouvelles recettes ou disposition de transfert à la Cades des déficits constatés la dette sociale va s’accumuler à l’Acoss. La Cour a, à plusieurs reprises, souligné les risques d’une telle situation. L’Acoss est d’ores et déjà un émetteur important sur le marché des titres de court terme”. Et pour la Cour, un nouveau transfert à la Cades ne peut s’envisager sans retour à l’équilibre des finances de la Sécurité sociale. C’est ainsi que le serpent se mord la queue alors qu’il est régulièrement question de redonner aux partenaires sociaux la gestion du régime de base des retraites ou de la totalité de l’assurance chômage, sans que jamais ces options ne soient définitivement entérinées.
Pourtant, les comptes de la Sécu ont longtemps été équilibrés avant que l’État s’en mêle. C’est d’ailleurs le cas des régimes de retraites complémentaires gérés par les syndicats et le patronat à l’Agirc-Arrco. En 1945, lors de sa création, les caisses de Sécurité sociale sont gérées par les partenaires sociaux sans intervention de l’État. Ce choix sera définitivement remis en cause par la réforme Juppé en 1995-1996. Depuis lors, les lois de financement de la Sécu entérinent les choix de l’exécutif. Comme l’indique l’économiste Bruno Palier, le but était de permettre à l’État de prendre ses responsabilités en matière de financement de la protection sociale. On voit que le pari est réussi…
| La lutte contre la fraude, gage de retour à l’équilibre ? |
| Un projet de loi visant à lutter contre la fraude fiscale a été présenté en même temps que les projets de lois de finances. Ce texte reçoit le soutien de Damien Lentile devant le Sénat : “Nous le soutenons et ses propositions viennent pour une bonne partie des remontées de terrain reçues par les inspecteurs de l’Urssaf”. Selon son directeur, le projet permet de remonter la chaîne de sous-traitance et de rendre plus effectif le recouvrement des créances. Il réduit le champ de nuisance des entreprises éphémères qui disparaissent avant même que l’Urssaf ait pu recouvrer les cotisations impayées. Le projet de loi est également soutenu par FO qui souhaite que ce texte soit adopté et mis en œuvre dans les plus brefs délais. Le recouvrement total des sommes fraudées rapporterait 13 milliards d’euros dans les caisses. Autant de moins à supporter par les assurés et à financer par l’emprunt. À la CFE-CGC, Christelle Thieffinne souligne que la fraude est majoritairement le fait d’employeurs. De plus, la lutte contre la fraude lui semble un moyen nécessaire mais pas suffisant : “Il reste une marge enter ce que l’on détecte et ce que l’on recouvre. Et quand les entreprises ont fermé, l’Acoss récupère très peu de fonds. On ne peut donc pas compter dessus pour retrouver l’équilibre”. |
Marie-Aude Grimont
