[Les autres en parlent, on vous explique] Comment fonctionne le Smic ?

02/02/2024

Issu d’une loi du 2 janvier 1970, le Smic est aujourd’hui l’objet des attentions politiques du fait de l’inflation. Dès l’origine, il a pour but de protéger le pouvoir d’achat des salariés face à la hausse des prix. Il évite également un décrochage entre les salariés au Smic et les autres, du moins en théorie. Fixation, revalorisation, exonérations : on vous dit tout sur le Smic.

“Il faut désmicardiser la France”, a clamé le nouveau Premier ministre, Gabriel Attal, lors de sa déclaration de politique générale, mardi 31 janvier. Visait-il de nouvelles exonérations employeur ? Une valorisation de la prime d’activité au détriment du Smic ? Préparait-il les esprits à une négociation d’entreprise sur le montant du salaire minimal ? Nul ne le sait pour l’instant. Dès le lendemain, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, s’est empressée de préciser que le Smic ne serait pas supprimé. A-t-elle pour autant rassuré les salariés rémunérés au salaire minimum ? On peut en douter. Quoi qu’il en soit, ceux-ci sont de plus en plus nombreux. De 10,6 % des salariés au Smic en 2017, la proportion est passée à 14,4 % en 2022 et 17,3 % au 1er janvier 2023 selon la Dares (direction statistique du ministère du Travail). Dans le même temps, les organisations syndicales ne cessent de réclamer une revalorisation supérieure à la seule indexation sur les prix. Pour comprendre les enjeux de ce débat, voici un tour d’horizon du Smic.

Le Smic s’applique à tout contrat de travail

Le Smic est un seuil minimal de rémunération que tout salarié est censé percevoir à minima. Il s’applique en présence de tout contrat de travail, quel que soit le mode de rémunération, et dès le début de l’exécution du contrat. Un employeur qui paierait ses salariés sous le niveau du Smic se rend passible d’une amende applicable autant de fois qu’il y a de salariés concernés (article R. 3233-1 du code du travail). Le salarié peut également demander en justice des rappels de salaires et des dommages et intérêts.

Le montant du Smic est fixé par l’État et indexé sur l’inflation

Dès la loi de 1970, lorsque le Smic a pris le relais du Smig (salaire minimum interprofessionnel généralisé) à la suite des accords de Grenelle de 1968, il est destiné à garantir le pouvoir d’achat des salariés et leur assurer une participation au développement économique du pays. Il évite ainsi que les salariés au Smic soient déclassés par rapport aux salariés percevant une rémunération plus élevée.

A cette fin, le Smic est indexé sur l’inflation : chaque hausse des prix entraîne mécaniquement une revalorisation. De ce fait, il a été revalorisé 7 fois depuis 2021, et pour la dernière fois de 1,13 % au 1er janvier 2024.

Son montant s’établit ainsi :

  • Smic brut : 1 766,92 €
  • Smic net : 1 398,69 €
  • Smic horaire brut : 11,65 €
  • Smic horaire net : 9,22 €

La fréquence des revalorisations

Le Smic est recalculé tous les ans au 1er janvier en tenant compte des deux paramètres suivants :

  • L’indice des prix à la consommation (prix hors tabac affectant les 20 % de ménages les plus modestes) fixé par l’Insee ;
  • Le salaire horaire de base des ouvriers et employés (SHBOE) élaboré par la Dares.

Cependant, si l’inflation des 20 % de ménages les plus modestes atteint 2 % depuis la date de la dernière revalorisation, le gouvernement actionne des revalorisations successives sans attendre le 1er janvier de l’année suivante. C’est pourquoi, en 2022 par exemple, le Smic a été revalorisé de 0,9 % en janvier, 2,65 % en mai, 2,01 % en août.

Le “coup de pouce” brille par son absence

Le Smic galope donc derrière l’inflation, le gouvernement ne cédant pas aux injonctions syndicales réclamant une hausse supplémentaire du Smic afin de donner de l’air aux salariés. Il préfère suivre les recommandations (purement consultatives) du “Groupe d’experts Smic” créé en 2008. En principe composé de personnalités indépendantes du gouvernement (celui-ci ayant cependant la main sur leur nomination), ce groupe rend chaque année un rapport annuel au gouvernement et à la Commission national de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP).

Les syndicats voient d’un mauvais œil ce système de revalorisation qui leur semble fermé et économiquement insuffisant. La CFDT souhaite le remplacer par une commission sur les bas salaires, la CGT réclame sa suppression pure et simple, FO conteste sa légitimité. La conférence sociale du 16 octobre 2023 s’est cependant contentée d’annoncer son remplacement au profit d’un Haut conseil aux rémunérations. Un engagement dont on a peu de nouvelles depuis l’arrivée du gouvernement Attal.

Le Smic encouragé par les exonérations

Les syndicats dénoncent également les “trappes à bas salaires ” que produisent les exonérations des employeurs et qui maintiennent les salariés à de faibles niveaux de revenus. Ils pointent également leur coût, chiffré par l’Urssaf à 73,6 Millions d’euros en 2022. Aujourd’hui, les employeurs sont exonérés de cotisations patronales sur les salaires inférieurs à 1,6 Smic brut par an au titre de la réduction générale des cotisations patronales.  Rien que ce dispositif concerne les cotisations assurance maladie, invalidité-décès, vieillesse, allocations familiales, logement, solidarité autonomie, retraite complémentaire et assurance chômage. A 2,5 Smic, le taux de cotisation d’assurance maladie est réduit de 13 à 7 %.

Les employeurs bénéficient également d’un taux de cotisation allocations familiales réduit (3,45 % au lieu de 5,25 %) au niveau de 3,5 Smic et de la transformation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) en allégement de charges.

Smic et minima de branche : quel rapport ?
  Les salaires font l’objet d’une négociation annuelle obligatoire dans les entreprises et dans les branches. De plus, tout accord collectif de branche doit contenir une clause sur les salaires pour être étendue par arrêté à l’ensemble des salariés de la branche. Ainsi, les conventions collectives fixent une classification des emplois et une rémunération minimale, appelée “minima conventionnel”. Il ne faut cependant pas que ces montants se trouvent inférieurs au montant du Smic, sous peine de ne pas appliquer la promesse selon laquelle tout salarié a droit à être payé au moins le Smic. C’était tout l’enjeu de la conférence sociale d’octobre 2023 (60 branches n’étaient toujours pas dans les clous) : stimuler les branches récalcitrantes à la négociation afin de hisser ces minimas conventionnels au niveau du Smic. Au 30 novembre 2023, 39 branches restaient encore sous le Smic. Au 11 décembre, seulement 5 branches se sont mises en conformité et le ministère, qui estimait à 30 le nombre de branches dont les minima restaient inférieurs au Smic fin décembre, dénombre aujourd’hui une centaine de conventions collectives posant problème, du fait de la dernière revalorisation de janvier 2024.

Marie-Aude Grimont