PFAS, le polluant qu’il n’est plus possible de regarder de haut
08/03/2023
À l’instar du « Forever Pollution Project », les enquêtes s’accumulent pour accabler les sites industriels qui utilisent les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS). La pression monte et les pouvoirs publics sont invités à davantage réglementer l’utilisation, les rejets, la surveillance de ces molécules.
C’est le petit scandale environnemental qui monte. Depuis quelques semaines, les indices se multiplient. Les analyses convergent. Largement utilisées dans l’industrie pour leurs propriétés adhésives ou imperméabilisantes, dans le textile, les emballages, la cosmétique… les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS) infusent les sols et l’eau des rivières. Il y a urgence à prendre au sérieux la question de ces polluants que l’on considère comme « éternels » car très difficilement dégradables. « Ces substances contiennent toutes des liaisons carbone-fluor, qui comptent parmi les liaisons chimiques les plus stables », détaillait le ministère de la Transition écologique lors de la présentation mi-janvier d’un plan d’action 2023-2027 pour arrêter l’incendie.
Des effets qui ne laissent aucun doute
Ce plan vise entre autres à accroître la surveillance des PFAS dans les rejets aqueux des industriels, mesure qui fera l’objet d’un arrêté ministériel actuellement en consultation. Il envisage aussi par exemple de sortir des filières de recyclage les produits contaminés ou de pousser les entreprises à « mener une démarche de réduction technico-économique des rejets ». Ces mesures peuvent apparaître comme bien timides tant les PFAS ont des effets délétères sur l’environnement et la santé humaine. « Certains s’accumulent dans les organismes vivants et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans Arctique et Antarctique », rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)… avec des conséquences qui vont de la multiplication des cancers à la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination.
Pollution diffuse
En décembre, des militants d’Extinction rébellion ont mené une action coup de poing en pénétrant sur le site d’Arkema à Pierre-Bénite, dans la métropole lyonnaise. Dénonçant le manque de réaction des pouvoirs publics face à un site accusé de polluer son environnement immédiat. À l’échelle plus globale, les études se suivent et se ressemblent pour constater les dégâts. Dernier épisode en date : la publication du « Forever Pollution Project » par dix-huit médias européens, dont Le Monde, une enquête au long cours cartographiant 17 000 sites contaminés en Europe. « À des niveaux qui requièrent l’attention des pouvoirs publics (au-delà de 10 nanogrammes par litre) ». Et même de plus de 100 μg/l pour 2 100 d’entre eux. Respectivement 900 et 108 sites lorsqu’on se focalise sur la situation française. Dont cinq particulièrement problématiques. À l’autre bout de la chaîne, l’ONG Générations futures a publié mi-janvier une étude montrant que 36 % des eaux superficielles françaises contenaient au moins un PFAS… et même 100 % des échantillons prélevés à Paris et dans les Hauts-de-Seine.
Manque de transparence
Parfaire ce type d’études qui souffrent de beaucoup d’approximation est impératif. Mais il est difficile de s’en contenter. Et Générations futures, toujours, demande une révision stricte du règlement européen Reach afin de restreindre l’utilisation de ces molécules dans l’industrie. Ainsi que des normes sur les rejets dans l’air et dans l’eau qui ne sont pas envisagées à ce jour par le plan français. L’ONG Robin des bois invite de son côté les pouvoirs publics à faire preuve de davantage de transparence. Il y a un an, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (devenu IGEDD) a été chargé d’une analyse des risques de la présence de PFAS dans l’environnement. Puis d’établir des propositions visant à mieux les caractériser, à limiter les risques de transferts vers les eaux de surface et souterraines, à tester plus efficacement les sites et à réhabiliter ceux qui sont contaminés. Ce travail devait être conduit sous huit mois (soit au plus tard le 8 octobre 2022). Il n’a pas été publié. Une autre échéance approche. L’article 46 de la loi climat et résilience donne deux ans au gouvernement pour présenter un rapport sur le sujet au Parlement. Elle a été promulguée le 22 août 2021.
Olivier Descamps