SANTÉ, SÉCURITÉ, CONDITIONS DE TRAVAIL

Le COR questionne l’efficacité du C2P en matière de retraite

05/04/2023

Dans la lignée de la Cour de comptes en décembre, le Conseil d’orientation des retraites (COR) invite à “améliorer l’effectivité du C2P (le compte professionnel de prévention) dont les droits sont sous-déclarés et encore peu utilisés”, notamment au moment du départ à la retraite. Dans un dossier publié jeudi, il souligne ainsi que parmi les bénéficiaires, moins de 5 % se servent du dispositif pour obtenir une majoration de durée d’assurance.

La prise en compte des risques professionnels dans les retraites a débuté suite à la réforme de 2003 et devrait encore évoluer avec celle de 2023, sur laquelle l’avis du Conseil constitutionnel reste attendu dans les prochaines semaines. Dans ce contexte, lors de sa réunion du 23 mars, le Conseil d’orientation des retraites (COR) s’est penché sur la question : dans quelle mesure les Français sont-ils exposés aux risques professionnels ? Les dispositifs mis en place pour compenser cette pénibilité au moment de la retraite (C2P, retraite pour inaptitude) sont-ils efficaces ? Des problématiques centrales puisque, comme le rappelle le Conseil, les individus ayant été exposés à au moins un facteur de risque ont une espérance de vie plus faible et un état de santé dégradé, effets négatifs qui peuvent toutefois être atténués par un départ plus précoce à la retraite.

Une exposition à la pénibilité particulièrement importante en France…

Depuis une trentaine d’années, le travail est devenu plus intense. Les contraintes de rythme liées aux équipements et celles liées à la demande des clients ou usagers tendent à se cumuler mais l’autonomie au travail stagne voire régresse. De même, les contraintes physiques se sont en moyenne stabilisées mais continuent d’augmenter pour les ouvriers et les employés de commerce et de services, et la proportion de salariés exposés à au moins un produit cancérogène ne diminue plus.

Plus globalement, le COR dénonce le fait que “l’exposition aux risques professionnels en France est située parmi les plus défavorables en comparaison avec les économies comparables (l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède)”. Pour le bruit, les salariés se sont même déclarés plus exposés en France que dans les cinq autres pays (32,9 % en 2015 contre 19,8 % pour l’Italie). Plus révélateur encore, si l’on compare les exigences demandées par le travail (à savoir des facteurs de risque physiques et mentaux importants) et les ressources fournies (marges de manœuvre individuelles et institutionnelles ou soutien des collègues), en 2021, 31 % des emplois ont des exigences supérieures aux ressources et sont dits “en tension” dans l’Union Européenne. Avec environ 38 % des emplois “en tension”, la France est le pays le moins bien classé en comparaison avec sept autres pays européens (Pays-Bas, Allemagne, Suède, Espagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni).

… et particulièrement sous-déclarée dans le C2P

Le COR s’intéresse plus particulièrement aux salariés exposés à des facteurs de pénibilité comparables à ceux listés dans le compte professionnel de prévention (C2P). Là non plus les résultats ne sont pas bons puisqu’en 2017, 1,3 million de salariés bénéficiaient d’un compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P, prédécesseur du C2P), alors que 2,9 millions étaient concernés par l’une des pénibilités ouvrant potentiellement un droit : “ces ordres de grandeur très différents suggèrent que l’exposition puisse être sous déclarée”.

De fortes inégalités sont constatées selon les profils. Parmi les salariés exposés à des pénibilités potentiellement éligibles à un compte, ceux qui travaillent la nuit ou en équipes alternantes en ont plus fréquemment un, notamment car ces expositions sont plus faciles à objectiver. Les hommes disposent de même plus souvent d’un compte (19 %) que les femmes (12 %), les salariés entre 40 et 54 ans plus que les plus jeunes ou ceux dépassant 55 ans. Autres divergences, les secteurs de la chimie et des matériels de transport ouvrent plus souvent des comptes à leurs salariés potentiellement éligibles que la construction ou l’agriculture, et plus de bénéficiaires sont recensés dans les établissements dotés de CHSCT et de syndicats.

Une proportion très faible de bénéficiaires recourt au C2P pour la retraite

L’exposition aux risques professionnels entraîne un sentiment accru d’insoutenabilité du travail, au point que les poly-exposés estiment à 61 % ne pas être capables de tenir jusqu’à la retraite. Pourtant, parmi les salariés ayant au moins un point sur leur C2P et partis à la retraite en 2021, seuls 1 010 (soit 4,7 %) ont bénéficié d’une majoration de durée d’assurance (MDAP) générant un droit supplémentaire en matière de retraite. Pourquoi une proportion si basse ? Premièrement, après déduction de ceux réservés ou utilisés pour la formation et le temps partiel, 39 % des bénéficiaires n’ont plus assez de points pour demander une MDAP. Deuxièmement, une telle majoration génèrerait un droit supplémentaire (anticipation du départ, baisse de la décote, hausse de la surcote) pour seulement 27 % des assurés ayant assez de points disponibles, certains partant déjà au plus tôt, d’autres souhaitant partir plus tard que l’âge légal.

Enfin, parmi les 2 200 assurés qui pourraient utiliser des droits apportés par leur C2P, seuls 46 % ont fait la demande de conversion de leurs points pour bénéficier effectivement de trimestres de MDAP. “Cette faible proportion pose la question de la manière dont les assurés pourraient être mieux informés de leurs droits, ou même d’une conversion automatique des points en MDAP à partir d’un certain âge, sans empêcher la possibilité de les reconvertir en formation ou en temps partiel” conclut le COR.

Elise Drutinus

La santé mentale des salariés en activité partielle s’est dégradée pendant la crise sanitaire

06/04/2023

Dans une étude parue hier, la Dares, le service études et statistiques du ministère du travail, s’interroge sur l’impact de l’activité partielle et de la perte d’emploi sur la santé des salariés. Il en ressort que “l’état de santé perçu des personnes en activité partielle, mais aussi de celles qui ont subi leur perte d’emploi, s’est davantage dégradé par rapport à l’avant-crise sanitaire que celui des personnes qui ont continué de travailler ou ont choisi de quitter leur emploi”.

La Dares constate une hausse des symptômes dépressifs. Ainsi, en janvier 2021, les personnes en activité partielle ont quasiment autant de symptômes dépressifs que celles ayant subi leur perte d’emploi (respectivement 56 % et 61 %). 

Par ailleurs, ces personnes ont souffert de troubles du sommeil. Elles sont respectivement 46 % et 44 % à éprouver des difficultés à s’endormir, à subir des réveils nocturnes ou précoces plusieurs fois par semaine, voire presque tous les jours. Les personnes qui sont placées en activité partielle et celles qui ont subi leur perte d’emploi déclarent aussi plus souvent une hausse de ces troubles du sommeil par rapport à l’avant-crise sanitaire. Elles sont respectivement 41 % et 39 % dans ce cas, contre 31 % de celles qui sont en emploi et 29 % de celles qui ont choisi de quitter leur emploi.

Corollaire de ces deux constats, en janvier 2021, 12 % des personnes en activité partielle prennent des médicaments en lien avec des problèmes d’anxiété, de sommeil et de dépression, soit autant que celles qui ont subi leur perte d’emploi. Parmi les personnes qui prennent des médicaments en janvier 2021, la moitié de celles en activité partielle ou qui ont subi leur perte d’emploi n’en avaient pas consommés avant la crise sanitaire. 

L’une des hypothèse testée par la Dares est que l’altération de la santé mentale s’explique en partie par la dégradation de la situation financière par rapport à l’avant-crise, plus importante pour les personnes placées en activité partielle et celles ayant subi leur perte d’emploi que les autres. Toutefois, il apparaît que cette dégradation de la santé mentale n’est pas seulement liée à la perte de revenu. Même à évolution de la situation financière similaire, les personnes en activité partielle connaissent une dégradation de la santé mentale par rapport aux personnes restées en emploi, hors activité partielle.

Source : actuel CSE