La Cour des comptes recommande de rendre obligatoire la visite de pré-reprise

02/06/2025

Pour limiter les dépenses d’invalidité et soulager les finances sociales, la Cour des comptes recommande notamment dans son rapport 2025 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié le 26 mai d’améliorer le retour à l’emploi en rendant obligatoire la convocation des salariés absents depuis plus de 30 jours pour raison médicale à une visite de pré-reprise. Pour ce faire, les sages de la rue Cambon appellent à prévoir l’obligation pour les employeurs de transmettre les informations nécessaires (arrêts de longue durée) à leur service de prévention et de santé au travail (SPST).

“Cette visite joue un rôle crucial pour amorcer le processus d’adaptation des conditions de travail et d’emploi, en vue d’un retour du salarié sur son poste ou à un autre poste”, pèse la Cour des comptes, qui regrette que la loi Santé au travail de 2021 ait “atténué la portée” de la visite de pré-reprise en la rendant facultative. Alors même que “l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020 […] visait à systématiser la visite de pré-reprise au même titre que la visite de reprise, en cas d’arrêt maladie de longue durée”.

Pour rappel, la visite de pré-reprise peut être effectuée par le médecin ou l’infirmier du travail dès le trentième jour de maladie du salarié. “Elle permet d’envisager les aménagements nécessaires à la reprise du poste ou d’un nouvel emploi dans l’entreprise avant que l’employeur ne soit consulté sur la possibilité de les mettre en œuvre”, résume la Cour des comptes.

En 2023, les services de prévention et de santé au travail ont réalisé 495 000 visites de pré-reprises (contre 467 029 en 2022), selon la direction générale du travail. Le taux de délégation aux infirmiers du travail est “quasi-nul”.

La Cour appelle par ailleurs à “mieux mobiliser” les employeurs, constatant que les rendez-vous de liaison à leur initiative sont “trop peu nombreux”. Les SPSTI ont participé à 6 363 rendez-vous de liaison en 2023, selon la direction générale du travail. Un dispositif qui mériterait, selon la Cour des comptes, une campagne d’information et de communication.

Source : actuel CSE

Les obligations de l’employeur sont renforcées en cas de fortes chaleurs

03/06/2025

L’employeur doit évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur.

Un décret et un arrêtés datés du 27 mai 2025, publiés ce week-end au Journal officiel, renforcent les obligations de l’employeur en cas de vague de chaleur. Le plan de prévention devra être adapté à l’intensité de la chaleur et s’appliquera aussi bien au travail réalisé à l’extérieur qu’à l’intérieur. Ces nouvelles mesures entrent en vigueur le 1er juillet 2025.

Une concertation menée avec les partenaires sociaux au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct) devait déboucher sur un texte règlementaire visant à renforcer les dispositifs de prévention au sein du code du travail pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs lors des vagues de chaleur : c’est désormais chose faite avec le décret du 27 mai 2025 et un arrêté daté du même jour.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à compter du 1er juillet 2025.

Définition des épisodes de chaleur intense

Le décret définit les périodes de chaleur. Pour ce faire, le code du travail s’adosse au dispositif de vigilance déployé par Météo France. Ce dispositif, précisé par l’arrêté du 27 mai 2025, permet de prévenir et d’anticiper les vagues de chaleur qui génèrent des risques susceptibles de porter atteinte à la santé et la sécurité des travailleurs.

Les différents niveaux de vigilance pour canicule signalent le niveau de danger de chaque vague de chaleur selon l’échelle de couleur suivante :

  • “vigilance verte” correspond à la veille saisonnière sans vigilance particulière ;
  • “vigilance jaune” correspond à un pic de chaleur : exposition de courte durée (un ou deux jours) à une chaleur intense présentant un risque pour la santé humaine, pour les populations fragiles ou surexposées, notamment du fait de leurs conditions de travail ou de leur activité physique. Il peut aussi correspondre à un épisode persistant de chaleur : températures élevées durablement (indices biométéorologiques (IBM) proches ou en dessous des seuils départementaux) ;
  • “vigilance orange” correspond à une période de canicule : période de chaleur intense et durable pour laquelle les indices biométéorologiques atteignent ou dépassent les seuils départementaux, et qui est susceptible de constituer un risque sanitaire pour l’ensemble de la population exposée, en prenant également en compte d’éventuels facteurs aggravants (humidité, pollution, précocité de la chaleur, etc.) ;
  • “vigilance rouge” correspond à une période de canicule extrême : canicule exceptionnelle par sa durée, son intensité, son extension géographique qui présente un fort impact sanitaire pour l’ensemble de la population ou qui pourrait entraîner l’apparition d’effets collatéraux, notamment en termes de continuité d’activité. 

Le décret du 27 mai 2025 ajoute ainsi un chapitre III au titre VI du livre IV de la quatrième partie du code du travail consacré à la prévention des risques liés aux épisodes de chaleur. L’article R. 4463-1 définit l‘épisode de chaleur intense par référence au dispositif développé par Météo-France pour signaler le niveau de danger de la chaleur.

► Ces épisodes correspondent à l’atteinte du seuil de niveau de vigilance “jaune” ou “orange” ou “rouge”.

À noter : l’arrêté précise que les périodes de vigilance orange et rouge – périodes de canicule – constituent, en application de l’article D.5424-7-1 du code du travail, des conditions atmosphériques au sens de l’article L.5424-8 du code du travail ouvrant droit au bénéfice de l’indemnisation des arrêts de travail en raison des intempéries dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics.

Pas de températures maximales : le ministère assume son choix
Alors que plusieurs syndicats, commet la CGT ou la Confédération européenne des syndicats (CES), plaident depuis un certain temps pour l’instauration de températures de travail maximales contraignantes dans le code du travail (ou dans une éventuelle directive européenne), le ministère assume sa décision de ne pas retenir cette solution.

“Nous avons fait le choix de nous adosser aux seuils de vigilance de Météo France [pour répondre à] la variabilité climatique de notre pays, justifie le ministère du travail. Cela permet d’avoir une réelle adaptation caractéristique du climat local et d’apprécier au plus juste le caractère exceptionnel des pics de chaleur par rapport aux moyennes de saison. Cela nous semblait beaucoup plus pertinent que de définir un seuil de température applicable aussi bien à Montpellier qu’à Dunkerque”.

Et de poursuivre : “Toute la logique du code en matière de mesures de prévention repose sur l’évaluation des risques par employeur. Il y a la question de la température extérieure mais aussi de l’intensité physique des travaux effectués par le travailleur exposé. Malheureusement ou heureusement, il n’est pas possible pour l’autorité règlementaire d’anticiper toutes les situations et paramètres. […] Ces textes sont un renforcement global des obligations de prévention. Ils doivent être suffisamment souples pour s’adapter à la réalité et à la diversité des situations”.

Evaluation des risques

De nouvelles mesures sont intégrées au code du travail afin d’évaluer les risques liés à la chaleur.

L’employeur devra évaluer les risques liés à l’exposition des travailleurs à des épisodes de chaleur intense, en intérieur ou en extérieur. Lorsque l’évaluation permettra d’identifier un risque d’atteinte à la santé ou à la sécurité des travailleurs, l’employeur devra définir les mesures ou les actions de prévention prévues au III de l’article L.4121-3-1 (article R.4463-2 du code du travail).

Ainsi, l’employeur devra mettre à jour le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) :

  • mise à jour du programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail pour les entreprises de 50 salariés et plus : fixer  la liste détaillée des mesures devant être prises au cours de l’année à venir, qui comprennent les mesures de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels ainsi que, pour chaque mesure, ses conditions d’exécution, des indicateurs de résultat et l’estimation de son coût ; identifier les ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées ; déterminer un calendrier de mise en œuvre ; 
  • définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés.

L’employeur devra alors adapter et renforcer les mesures de protection. La réduction des risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense prévue au second alinéa de l’article R. 4463-2 devra se fonder, notamment, sur (article R.4463-3 du code du travail) :

  1. La mise en œuvre de procédés de travail ne nécessitant pas d’exposition à la chaleur ou nécessitant une exposition moindre ;
  2. La modification de l’aménagement et de l’agencement des lieux et postes de travail ;
  3. L’adaptation de l’organisation du travail, et notamment des horaires de travail, afin de limiter la durée et l’intensité de l’exposition et de prévoir des périodes de repos ;
  4. Des moyens techniques pour réduire le rayonnement solaire sur les surfaces exposées, par exemple par l’amortissement ou par l’isolation, ou pour prévenir l’accumulation de chaleur dans les locaux ou au poste de travail ;
  5. L’augmentation, autant qu’il est nécessaire, de l’eau potable fraîche mise à disposition des travailleurs ;
  6. Le choix d’équipements de travail appropriés permettant, compte tenu du travail à accomplir, de maintenir une température corporelle stable ;
  7. La fourniture d’équipements de protection individuelle permettant de limiter ou de compenser les effets des fortes températures ou de se protéger des effets des rayonnements solaires directs ou diffusés ;
  8. L’information et la formation adéquates des travailleurs, d’une part, sur la conduite à tenir en cas de forte chaleur et, d’autre part, sur l’utilisation correcte des équipements de travail et des équipements de protection individuelle de manière à réduire leur exposition à la chaleur à un niveau aussi bas qu’il est techniquement possible.

En cas d’épisode de chaleur intense, l’employeur devra fournir une quantité d’eau potable fraîche suffisante. Il devra également prévoir un moyen pour maintenir au frais, tout au long de la journée de travail, l’eau destinée à la boisson, à proximité des postes de travail, notamment pour les postes de travail extérieurs (article L.4463-4 du code du travail).

Des dispositions existaient déjà dans le code du travail, que le décret du 27 mai aménage. L’article R. 4225-2 du code du travail prévoit que “l’employeur met à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson”. Il est désormais indiqué que “l’employeur met à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour leur permettre de se désaltérer et de se rafraîchir“.

Par ailleurs, le premier alinéa de l’article R. 4534-143 est modifié. Il précise désormais que “l’employeur met à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour leur permettre de se désaltérer et de se rafraîchir. Lorsqu’il est impossible de mettre en place l’eau courante, la quantité d’eau mise à disposition à cette fin est d’au moins trois litres par jour par travailleur” (exemple : pour les chantiers non raccordés à l’eau courante).

Risques liés à la santé de certains travailleurs 

Lorsque l’employeur sera informé de ce qu’un travailleur est, pour des raisons tenant notamment à son âge ou à son état de santé, particulièrement vulnérable aux risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense, il devra adapter, en liaison avec le service de prévention et de santé au travail, les mesures de prévention précitées afin d’assurer la protection de sa santé (article R.4463-5 du code du travail).

L’employeur devra définir les modalités de signalement de toute apparition d’indice physiologique préoccupant, de situation de malaise ou de détresse, ainsi que celles destinées à porter secours, dans les meilleurs délais, à tout travailleur et, plus particulièrement, aux travailleurs isolés ou éloignés. Elles seront portées à la connaissance des travailleurs et communiquées au service de prévention et de santé au travail (article R.4463-6 du code du travail).

Lors de la survenue des épisodes de chaleur intense, l’employeur devra mettre en œuvre les mesures ou les actions de prévention définies à l’article R. 4463-3 (précitées), en les adaptant en cas d’intensification de la chaleur (article R.4463-7 du code du travail). 

Le plan de prévention prévu à l’article R.4512-6, le plan général de coordination prévu à l’article L. 4532-8, et le plan particulier de sécurité et de protection de la santé prévu à l’article L.4532-9 devront tenir compte, le cas échéant, des risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense (article R.4463-8 du code du travail).

Précautions en cas de sous-traitance

Le décret prévoit également des dispositions applicables aux travailleurs dans le cadre d’une sous-traitance. 

En cas de risques liés à l’exposition aux épisodes de chaleur intense mentionnés à l’article R. 4463-1, les travailleurs indépendants ainsi que les employeurs qui exercent directement une activité sur un chantier de bâtiment et de génie civil devront mettre en œuvre les mesures de prévention prévues aux articles R. 4463-3 et R. 4463-4. Ils devront également tenir compte de ces risques dans l’élaboration du document prévu à l’article L.4532-9 (article R.4535-14 du code du travail). 

Autres adaptations du code du travail

Le décret du 27 mai 2025 adapte également d’autres dispositions du code du travail.

Actuellement, l’article R. 4223-13 du code du travail prévoit que “les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide. Le chauffage fonctionne de manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune émanation délétère”. 

Désormais, il indique que “les locaux fermés affectés au travail sont, en toute saison, maintenus à une température adaptée compte tenu de l’activité des travailleurs et de l’environnement dans lequel ils évoluent. En cas d’utilisation d’un dispositif de régulation de température, celui-ci ne doit émettre aucune émanation dangereuse”.

L’article R.4225-1 du code du travail indique que “les postes de travail extérieurs sont aménagés de telle sorte que les travailleurs : (nous précisons en gras ce que modifie le décret du 27 mai 2025).

1° Puissent rapidement quitter leur poste de travail en cas de danger ou puissent rapidement être secourus ;
2° Soient protégés contre la chute d’objets ;
 Dans la mesure du possible le décret supprime cette locution rendant obligatoires les points ci-dessous.
a) Soient protégés contre les effets des conditions atmosphériques ;
b) Ne soient pas exposés à des niveaux sonores nocifs ou à des émissions de gaz, vapeurs, aérosols de particules solides ou liquides de substances insalubres, gênantes ou dangereuses ;
c) Ne puissent glisser ou chuter”. 

S’agissant de l’article R. 4323-97 du code du travail, il est complété comme suit (en gras) : “L’employeur détermine, après consultation du comité social et économique, les conditions dans lesquelles les équipements de protection individuelle sont mis à disposition et utilisés, notamment celles concernant la durée de leur port. Il prend en compte la gravité du risque, la fréquence de l’exposition au risque, les caractéristiques du poste de travail de chaque travailleur, et les performances des équipements de protection individuelle en cause ainsi que les conditions atmosphériques“. 

Extension de la mise en demeure préalable

Le décret du 27 mai 2025 ajoute aux cas qui peuvent donner lieu à l’application de la procédure de mise en demeure préalable (article R.4721-5 du code du travail) la définition des mesures ou actions de prévention du risque professionnel lié à l’exposition aux épisodes de chaleur intense mentionnés à l’article R.4463-1.

Le délai minimum d’exécution est fixé à huit jours. 

Le ministère du travail souhaite aller plus loin et prévoir une procédure d’arrêt des travaux. Pour l’heure, aucun véhicule législatif permettant d’intégrer de telles dispositions dans le code du travail n’a été identifié. Les services du ministère rappellent en effet que le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) prévoit de renforcer les pouvoirs de l’inspection du travail en ce sens.

Florence Mehrez

De la difficulté d’approcher la santé au travail au niveau syndical…

03/06/2025

Comment les syndicats ont-ils approché la question de la santé au travail dans les années 1980-1990 ? C’est la question à laquelle tente de répondre un chercheur dans un article publié par la Dares, la direction des études et de la recherche du ministère du travail. L’article se fonde sur l’analyse de l’activité des acteurs et actrices des directions confédérales de la CFDT et de la CGT en charge de la santé au travail durant les années 1980-1990. Voici ce qu’écrit, en résumé, l’auteur, Rémi Ponge : 

“À la CGT, la faible expérience des conseillers techniques sur les questions de santé au travail, leur socialisation en poste et la priorité accordée par leur direction à la lutte contre la précarisation du travail les ont conduits à revendiquer des améliorations des conditions d’emploi (temps de travail, salaires, formation, qualification, politique économique des entreprises, etc.) afin de réduire les risques du travail. À la CFDT, c’est d’abord vers la construction d’une expertise syndicale de la santé au travail, appuyée sur la maîtrise du droit et des savoirs scientifiques, que les conseillers techniques, recrutés sur la base de leur capital culturel plutôt que militant, se sont orientés. Néanmoins, dans un contexte de chute sans précédent des effectifs syndicaux, la priorité mise sur la re syndicalisation à partir du milieu des années 1980 a entraîné une redéfinition de l’approche de la santé au travail. Ce sujet a été pensé moins comme un enjeu en tant que tel que comme un levier pour renforcer la proximité des syndicalistes avec les salariés afin de favoriser la syndicalisation”.

Source : actuel CSE

L’INRS lance un nouvel outil d’aide au repérage des perturbateurs endocriniens en milieu de travail

04/06/2025

L’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) a lancé en avril dernier un nouvel outil d’aide au repérage des perturbateurs endocriniens en milieu de travail. “Sous forme de grille Excel à télécharger, cet outil rassemble 344 substances chimiques produites en grande quantité et classées pour leurs effets avérés ou potentiels de perturbation endocrinienne”, précise l’institut dans son communiqué. Toutes figurent dans le règlement européen CLP (classification, emballage et étiquetage des substances chimiques), sur la liste des substances d’intérêt en raison de leur activité endocrinienne potentielle de l’Anses ou sur la liste européenne institutionnelle ED Lists.

L’INRS présente notamment pour chaque substance les principaux secteurs industriels et usages (passés et actuels) concernés, le ou les tableaux de maladies professionnelles et la fiche toxicologique associés. “Les secteurs du traitement des déchets, des eaux usées, de la gestion des sites et sols pollués et de l’entretien et de la maintenance n’ont pas été investigués dans cet outil compte tenu de la diversité des polluants rencontrés”, précise-t-il.

L’Institut national a par ailleurs mis à jour et complété son dossier web Perturbateurs endocriniens faisant le point sur les risques liés à ces substances chimiques et sur les moyens de les prévenir.

Source : actuel CSE

Seul un tiers des établissements contrôlés respectent l’obligation d’informer/consulter le CSE en cas d’accident du travail

05/06/2025

Près de la moitié des AT observés dans le cadre de la campagne par l’inspection du travail sont survenus dans le secteur du BTP.

Mauvaise réévaluation des risques suite à un accident du travail (AT), obligations en matière d’information et de consultation peu respectées, manque de mesures d’accompagnement aux victimes, défaut de moyens donnés au CSE : la direction générale du travail (DGT) dresse un sombre bilan de la campagne 2024 de l’inspection du travail sur la prévention des accidents.

“Si les aspects formels de la réglementation sont plutôt respectés, cela n’aboutit que trop partiellement à la mise en place d’actions concrètes permettant de supprimer ou réduire les risques auxquels les travailleurs sont exposés, résume la Direction générale du travail, la DGT, dans son bilan de la campagne nationale 2024 de l’inspection du travail sur la prévention des accidents du travail publié sans communiqué le 2 juin via la mise à jour de l’une de ses pages internet. Cette campagne permet de relever l’implication insuffisante des employeurs dans la prévention des risques. »

Les inspecteurs ont mené entre avril et juin 2024 des contrôles dans près de 2 000 établissements de TPE/PME de moins de 250 salariés appartenant aux secteurs les plus accidentogènes (BTP, transport routier de marchandises et messagerie, travaux forestiers et aménagement paysager, hébergement social et médical), et 1 228 accidents du travail survenus dans 1 149 établissements ont été analysés.

Les contrôles ont particulièrement porté sur les obligations de procéder à une nouvelle évaluation des risques à la suite d’un accident du travail, d’associer les représentants du personnel et de faire bénéficier la victime d’un suivi médical et d’un accompagnement pour son maintien dans l’emploi.

Plus de la moitié des risques à la suite d’un AT non réévalués

Premier constat : plus de la moitié des employeurs (54,7 %) n’ont pas ou insuffisamment mené une réévaluation du ou des risques à l’origine de l’accident, ont constaté les inspecteurs. Et près de la moitié  (49,4 %) n’avaient pas ou insuffisamment mis en place des mesures de prévention pour éviter la réitération de l’accident. “L’absence de réévaluation des risques va de pair avec l’absence de mise en œuvre de mesure de prévention », souligne la DGT.

76 % des victimes d’un accident du travail sont […] restées sur le poste de travail où a eu lieu l’accident,  alors même que les mesures pour éviter la réitération de l’accident n’ont pas forcément été prises

Et aussi de pair avec la mise à jour du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP). “Même lorsqu’une réévaluation des risques a été menée suite à la survenance des accidents du travail (44,7 %), celle-ci n’a été correctement retranscrite dans les documents prévus par le code du travail que dans un tiers des cas. [Et] le document n’avait pas été mis à jour dans 42 % des cas”, rapporte la DGT. Le secteur de l’hébergement médico-social présenterait une “forte proportion d’absence de mise à jour du document et d’absence de document”.

“Si l’absence [tous secteurs confondus] de DUERP est faible [10 % selon la DGT], la réévaluation des risques suite à un accident du travail et sa traduction en mesures de prévention concrètes restent à acquérir dans plus de la moitié des cas, note la DGT. La démarche globale n’est pas comprise par une proportion importante d’employeurs.”

Selon la DGT, le pourcentage de respect de mise à jour du DUERP est passé de 33 % lors du premier contrôle à 62 % à la suite des interventions des inspecteurs du travail.

Peu de moyens donnés aux CSE et CSSCT

Deuxième constat : les employeurs ne “donnent pas tous les moyens à l’instance [CSE et CSSCT, ndlr] pour agir sur le sujet de la prévention des risques d’AT (formation, prérogatives)”.

Selon la DGT, seul un tiers des établissements contrôlés respectaient l’obligation d’informer/consulter le CSE en cas d’accident et près de la moitié des employeurs n’avaient pas organisé de réunion avec le CSE à la suite d’un accident du travail (AT). Un tiers seulement des AT ont ainsi fait l’objet d’une enquête conjointe ou de préconisations de la part du CSE.

Côté secteurs, la DGT relève que la majorité des entreprises de l’hébergement médico-social (59 %) et de la messagerie (65 %) n’ont pas informé ou consulté leurs instances.

Les agents de contrôle ont par ailleurs constaté un manque de formation des élus en matière de SST : “45 % des entreprises n’ont pas formé l’ensemble de leur élus sur ce sujet”.

Seul satisfecit en la matière : l’obligation de mise en place du CSE est respectée (9 employeurs sur 10).

La visite de reprise pas toujours réalisée

Troisième constat : alors que la visite de reprise est obligatoire en cas d’AT ayant entrainé un arrêt d’au moins 30 jours, 27 % des salariés victimes suivis par les agents de contrôle n’en ont pas bénéficié, selon la DGT. Et près de la moitié des employeurs (49 %) n’ont pas respecté leur obligation d’informer le salarié victime de la possibilité de bénéficier d’une visite de pré-reprise. Résultat : seuls 40 % d’entre eux ont été reçus en visite de pré-reprise.

Seulement la moitié des préconisations [du médecin du travail] étaient suivies par l’employeur

Autre chiffre alarmant : seulement 37 % des employeurs ont respecté leur obligation d’informer leur service de prévention et de santé au travail (SPST) de la survenance d’un accident ayant donné lieu à un arrêt de travail de moins de 30 jours. Alors même que la quasi-totalité d’entre eux ont adhéré à un SPST (99 %).

Enfin, seulement un tiers des visites de pré-reprise/reprise auprès du médecin du travail ont donné lieu à la formulation de préconisations, rapporte la DGT. Et seulement la moitié de ces préconisations étaient suivies par l’employeur.

“76 % des victimes d’un accident du travail sont […] restées sur le poste de travail sur lequel l’AT s’est produit, alors même que les mesures pour éviter la réitération de l’accident n’ont pas forcément été prises”, finit de mettre en perspective le ministère du travail. De quoi certainement “nourrir les réflexions de la DGT dans le contexte […] de définition des axes stratégiques du PST5 » et « alimenter les réflexions des instances et des branches professionnelles”, comme le note la Direction.

La manutention manuelle, premier risque identifié
Selon l’analyse des inspecteurs du travail, la manutention manuelle est le premier risque identifié, à l’origine de 31,7 % des accidents du travail (AT), et ce dans tous les secteurs couverts (exceptés l’aménagement paysager et l’exploitation forestière). Le second risque est le travail en hauteur (18,6 %), surtout dans les secteurs du BTP et du transport routier de marchandises.

Dans l’hébergement social et médical, les agressions ont été identifiées dans 23 % des AT. Une plus forte proportion d’AT liés à la manutention mécanique et à des accidents routiers a été recensée dans les secteurs du transport routier de marchandises et messagerie. 50 % des AT dans l’exploitation forestière ont concerné des heurts par un élément végétal. Et l’utilisation d’outillage à main (risques présents dans 18 % des AT) et de machines (14,2 %) étaient à l’origine de la plupart des AT dans l’aménagement paysager.

La majorité des AT observés sur la période par l’inspection se sont produits dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés (45 %) et celles comptant entre 50 et 249 salariés (34 %). Ils sont principalement survenus dans le BTP (49 %) et le secteur de l’hébergement médico-social (27 %), dont 91 % des victimes étaient des femmes. Dans les autres secteurs, 90 à 98 % des victimes étaient des hommes.

Matthieu Barry