Agression d’une salariée au sein d’un hôpital : la faute inexcusable de l’employeur est retenue

18/03/2024

Une cour d’appel a pu décider, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, que l’agression dont a été victime la salariée au sein de l’hôpital où elle travaille est due à la faute inexcusable de l’employeur dès lors qu’elle relève que :

  • ce dernier ne pouvait pas ignorer le risque d’agression encouru par son personnel soignant, médecins compris, la recrudescence d’actes violents au sein du service des urgences de l’hôpital ayant été évoquée dès 2015 en raison, notamment, de l’engorgement des services générant l’insatisfaction des usagers, l’altération des conditions de travail et la dégradation de la qualité des soins ;
  • les mesures de protection qu’il a mises en œuvre étaient insuffisantes ou inefficaces à prévenir le risque d’agression auquel était soumis son personnel, le recrutement d’un agent de sécurité et la fermeture de la zone de soins par des portes coulissantes, qui lui avaient été demandés par certains salariés pour sécuriser les locaux, étant postérieurs à l’accident du travail, le contrat de sécurité cynophile était manifestement insuffisant à prévenir les risques d’agression au sein même de l’hôpital, et l’organisation de formations sur la gestion de la violence constituant une réponse sous-dimensionnée par rapport à la réalité et la gravité du risque encouru.

Source : actuel CSE

Les SPST sont désormais des acteurs “attendus” sur les vaccinations

18/03/2024

La loi Santé au travail du 2 août 2021 a étendu les missions des services de prévention et de santé au travail (SPST), en ajoutant notamment qu’ils “participent à des actions de promotion de la santé sur le lieu de travail, dont des campagnes de vaccination”. Alors quel est le rôle exact de ces services en matière de vaccination ? Un questions-réponses du ministère du Travail, paru le 13 mars, clarifie la situation. À l’image de ce qui avait été fait à l’occasion du protocole pour la vaccination contre le Covid-19, le QR précise qui peut vacciner, en revenant en particulier sur les compétences des infirmiers, selon quelles modalités, comment se déroule la vaccination par les SPST, ou encore quelle est leur responsabilité en cas d’accident vaccinal.

Plus largement, le ministère le dit clairement : “au-delà des vaccinations liées aux risques professionnels, les SPST sont désormais des acteurs attendus sur les vaccinations contribuant à la prévention de toutes les maladies transmissibles, y compris celles qualifiées de « communautaires », conformément au calendrier vaccinal et aux recommandations des autorités sanitaires”. Ils sont donc vivement appelés à “sensibiliser les travailleurs sur la nécessité d’être à jour de ces vaccinations, vérifier que le travailleur est à jour de ses vaccins et, le cas échéant, prescrire et/ou administrer le rappel vaccinal après consentement du travailleur”, et ce notamment concernant les vaccinations diphtérie, tétanos, poliomyélite (DTP), rougeole, oreillons, rubéole (ROR), grippe saisonnière et Covid.

Ce QR revient enfin sur le rôle des employeurs en matière de vaccination et sur la liste des professions pour lesquelles la vaccination est obligatoire, tout en rappelant que le médecin du travail ne peut déclarer inapte un travailleur au seul motif qu’il ne respecte pas l’obligation vaccinale.

Source : actuel CSE

Inaptitude au travail : un contentieux toujours aussi nourri

19/03/2024

La procédure d’inaptitude au travail fait toujours l’objet d’un important contentieux malgré les réformes successives. Les arrêts de la Cour de cassation publiés ces 3 derniers mois le démontrent. Nous vous présentons un panorama de cette jurisprudence.

Qu’est-ce que la procédure d’inaptitude ? C’est un ensemble de règles à respecter dès lors que le médecin du travail déclare totalement ou partiellement un salarié inapte à reprendre son poste de travail. Pour le CSE, c’est être consulté sur les propositions de reclassement faites au salarié (C. trav., art. L. 1226-10 et L.1226-2). Mais c’est aussi l’occasion de relier les accidents ou les maladies des salariés à leurs conditions de travail et de jouer sur la prévention des risques au sein de l’entreprise.

Cette procédure génère un contentieux très important. Ces trois derniers mois, comme vous le verrez dans le tableau ci-dessous, le contentieux porte essentiellement sur la situation du salarié lorsque l’employeur néglige l’organisation d’une visite de reprise, l’importance des mentions indiquées par le médecin du travail dans l’avis d’inaptitude, la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude, l’obligation de reprise du paiement du salaire en l’absence de reclassement ou de licenciement, l’incidence de la cessation d’activité de l’entreprise.  

On retiendra, parmi ce panorama, les litiges de plus en plus importants sur la preuve de la notification au salarié de l’avis d’inaptitude et ses conséquences pour l’employeur. En effet, il apparait dans certains cas, que l’avis d’inaptitude notifié au salarié n’est pas identique à celui notifié à l’employeur. Or de cet avis découle l’étendue des obligations de l’employeur en matière notamment de reclassement.  

ThèmeContexte et problématiqueSolution
Visite de reprise
Statut du salarié entre la fin de l’arrêt de travail et la visite de repriseLorsqu’un arrêt de travail d’origine non professionnelle excède 60 jours (30 jours avant le 1er avril 2022), l’employeur doit organiser une visite de reprise dans les huit jours de la fin de cet arrêt de travail. Que se passe-t-il si l’employeur n’organise pas la visite de reprise ? faut-il rémunérer le salarié ? En l’espèce, le salarié invoquait avoir vainement sollicité l’organisation d’une visite de reprise, avant d’entreprendre lui-même les démarches pour qu’une telle visite puisse avoir lieu. Il a saisi le conseil de prud’hommes pour demander le paiement de salaire pour la période comprise entre la fin de l’arrêt de travail et la réalisation de la visite de reprise.► Arrêt du 24 janvier 2024 Si l’employeur n’organise pas la visite de reprise, la suspension du contrat de travail jusqu’à cette visite ouvre droit au paiement du salaire si le salarié s’est tenu à sa disposition pour passer cette visite de reprise. La Cour de cassation confirme ici sa jurisprudence (arrêt du 23 septembre 2014) selon laquelle le salaire n’est dû que si, à l’issue de l’arrêt de travail, le salarié se tient à la disposition de l’employeur pour passer la visite médicale de reprise obligatoire. Précision : en principe, la convocation tardive à la visite de reprise n’ouvre droit qu’à des dommages-intérêts et non à un rappel de salaire au titre de l’article L.1226-11 (reprise du salaire) (arrêt du 6 octobre 2010).
Absence de visite de repriseLorsque le salarié reprend son travail à l’issue d’un arrêt de travail sans que l’employeur n’organise une visite de reprise et qu’à la suite d’un autre arrêt de travail, il est déclaré inapte et licencié, ce licenciement pour inaptitude est-il remis en cause en raison du manquement de l’employeur lié à l’absence de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail antérieur ?   Or selon une jurisprudence constante, lorsque l’inaptitude du salarié est lié à un manquement de l’employeur, le licenciement pour inaptitude est déclaré sans cause réelle et sérieuse (arrêt du 12 janvier 2022).► Arrêt du 28 février 2024 Il faut un lien de causalité entre le manquement de l’employeur et l’inaptitude pour que ce manquement remette en cause la validité du licenciement pour inaptitude. En l’espèce, les juges du fond ont relevé un manquement de l’employeur qui n’avait pas organisé de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail et avait laissé le salarié reprendre son travail dès le 1er septembre 2019. Toutefois, la Cour de cassation considère qu’il n’est pas démontré de lien de causalité entre l’absence de cette visite de reprise et la déclaration d’inaptitude prononcée à l’issue d’un nouvel arrêt de travail plus d’un an et demi plus tard. Elle relève, en outre, que lors d’une visite périodique ayant eu lieu peu après la reprise du travail du salarié suite au premier arrêt de travail, ce salarié avait été déclaré apte. 
En l’absence de visite de reprise à l’issue d’un arrêt de travail le nécessitant, selon une jurisprudence constante le contrat de travail reste suspendu (arrêt du 25 mars 2009) et l’employeur ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée (arrêt du 22 février 2017)► Arrêt du 28 février 2024 Cette jurisprudence est confirmée : l’employeur qui n’a pas organisé la visite de reprise obligatoire à l’issue d’une absence pour maladie ne peut reprocher au salarié son absence injustifiée.   
Origine professionnelle de l’inaptitude 
Preuve de l’origine professionnelle Les règles spécifiques plus protectrices applicables aux salariés inaptes, victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle, s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie (arrêt du 8 septembre 2021) et que l’employeur en a connaissance. Ces deux critères doivent être réunis , comme l’illustre un arrêt du 28 février 2024. Arrêt du 28 février 2024 Il ne suffit pas de constater que l’inaptitude trouve son origine dans la dégradation de ses conditions de travail et de celle consécutive de son état de santé pour démontrer l’origine professionnelle de l’inaptitude. Les juges du fond doivent rechercher si l’inaptitude a une origine professionnelle consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle et si l’employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement.
Quelle est la nature de l’inaptitude lorsque l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail est poursuivi par un arrêt de travail de droit commun en raison de la consolidation de l’état de santé du salarié ?►  Arrêt du 28 février 2024 Lorsque le salarié est en arrêt de travail suite à un accident du travail et qu’il est déclaré consolidé avec des arrêts de travail de droit commun, l’inaptitude constatée à l’issue de ces arrêts de travail a une origine professionnelle car lié à l’accident du travail
 
Contenu de l’avis d’inaptitude
Ajout du médecin du travail Pour que l’employeur soit dispensé de l’obligation de reclassement, il est nécessaire que l’avis d’inaptitude comporte l’une des deux mentions des cas de dispense prévues par les articles L.1226-2-1 et L.1226-12 du code du travail. En pratique, les formulaires type d’avis d’inaptitude comportent des cases mentionnant ces deux mentions que le médecin du travail doit cocher s’il estime que l’une des deux dispenses de reclassement s’applique. Mais comment doit être interprété l’avis d’inaptitude sur lequel une des cases portant sur la dispense légale de reclassement est cochée lorsque le médecin du travail a ajouté que “l’inaptitude faisait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi” ?► Arrêt du 13 décembre 2023 Lorsque le médecin du travail coche, sur le formulaire d’avis d’inaptitude, la case mentionnant que “l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi” mais qu’il ajoute, de manière manuscrite dans l’avis que l’inaptitude fait obstacle sur le site à tout reclassement dans un emploi, l’employeur reste tenu à une obligation de recherche de reclassement dans les établissements hors de ce site.
 
Avis d’inaptitude notifié au salarié différent de celui notifié à l’employeurQuel avis d’inaptitude prendre en compte lorsque le salarié prétend que son avis d’inaptitude est différent de celui remis à l’employeur ? Deux arrêts apportent des illustrations et des éléments de réponse à cette situation. Premier cas de figure : l’avis d’inaptitude notifié à l’employeur précisait que “l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi”. S’appuyant sur cet avis, l’employeur avait licencié pour inaptitude le salarié sans avoir consulté au préalable les représentants du personnel sur un éventuel reclassement du fait de la dispense légale. Le salarié a contesté son licenciement au motif que l’avis d’inaptitude qui lui avait été notifié ne comportait pas la dispense légale et que par conséquent, il y avait eu violation de l’obligation de consulter les représentants du personnel sur un reclassement.Arrêt du 7 février 2024 Aucun élément ne permettait d’établir que l’avis d’inaptitude notifié à l’employeur aurait été modifié par le médecin du travail. En conséquence, l’avis d’inaptitude remis à l’employeur qui précisait que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi devait être pris en considération par l’employeur pour la détermination de ses obligations. La dispense de reclassement y figurant permettait à l’employeur de licencier la salariée sans consulter les représentants du personnel sur le reclassement.  
 Deuxième cas de figure : Après un premier avis d’inaptitude remis par le médecin du travail précisant que la salariée ”pourrait effectuer un travail à un poste de type administratif à temps très réduit inférieur à une heure par jour à domicile”, l’employeur a obtenu un nouvel avis mentionnant que ”tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé et son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l’entreprise”. Ce second avis d’inaptitude remis à l’employeur postérieurement à celui qui avait été remis à la salariée n’avait pas été notifié à cette dernière. Elle en avait eu connaissance par la seule citation qu’en faisaient les lettres de convocation à entretien préalable et de licenciement. La salariée peut-elle contester son licenciement pour inaptitude en remettant en cause l’avis d’inaptitude présenté par l’employeur sur lequel s’appuie le licenciement ?► Arrêt du 4 février 2024 En l’absence de recours exercé en application de l’article L. 4624-7 du code du travail contre l’avis du médecin du travail, celui-ci s’impose aux parties comme au juge. L’avis d’inaptitude ne peut pas être contesté devant les juges saisis d’une demande de contestation du licenciement. Dès lors qu’il est constaté, d’une part, que la preuve que l’employeur ait obtenu par fraude l’avis d’inaptitude dont il se prévalait, n’était pas rapportée, d’autre part, que cet avis n’avait pas, au jour où elle statuait, fait l’objet d’un recours selon la procédure de contestation spécifique prévue aux articles L. 4624-7 et R. 4624-45 du code du travail, cet avis s’impose aux parties et au juge saisi de la contestation du licenciement. Il importe peu que le délai de recours à l’encontre de cet avis n’ait pas couru.
Contestation de l’avis d’inaptitude
Impartialité du médecin inspecteur du travail L’avis d’inaptitude peut être contesté devant le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond dans un délai de 15 jours, le juge peut confier des mesures d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent afin d’être éclairé. Quelles sont les marges de manœuvre pour l’employeur qui contesterait l’impartialité du médecin inspecteur du travail ? Dans cette affaire, l’employeur avait contesté l’objectivité et l’impartialité du médecin inspecteur du travail désigné par le CPH pour réaliser l’expertise, car il était conseil des médecins du travail exerçant un contrôle des services de santé. Il estimait ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable au regard de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales Arrêt du 10 janvier 2024  La Cour de cassation a estimé que la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude respecte le droit à un procès équitable en relevant trois arguments : selon la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’article 6, § 1, de la Convention garantit le droit à un procès équitable devant un “tribunal” indépendant et impartial et ne requiert pas expressément qu’un expert entendu par un tribunal réponde aux mêmes critères (CEDH 5 juillet 2007, n° 31390/04, § 47) ; à l’occasion de la mesure d’instruction confiée au médecin inspecteur du travail par le conseil des prud’hommes, l’employeur peut mandater un médecin pour prendre connaissance des éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail ; il est possible de demander la récusation du médecin inspecteur du travail s’il a été consulté par le médecin du travail avant de rendre son avis.
Rôle du médecin mandaté par l’employeur Au cours de la procédure de contestation de l’avis d’inaptitude, l’employeur peut mandater un médecin pour prendre connaissance des éléments médicaux ayant fondé cet avis, à l’exception des données du dossier médical partagé. Il s’agit d’une mesure destinée à permettre le respect du principe du contradictoire. Mais est-ce suffisant du fait du rôle réduit du médecin mandaté ? En l’espèce, le médecin inspecteur a refusé de transmettre les commentaires issus de l’examen clinique du médecin du travail et les commentaires du médecin traitant de la cellule maintien dans l’emploi du SPSTI. L’employeur a demandé la nullité de l’expertise pour non-respect du principe du contradictoire. Arrêt du 13 décembre 2023 L’employeur est débouté par la Cour de cassation qui fait une application stricte de l’article L. 4624-7 : Le médecin inspecteur du travail n’est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur que les éléments médicaux ayant fondé l’avis d’inaptitude, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission.
Preuve de la notification de l’avis au salarié La contestation de l’avis d’inaptitude doit intervenir dans les 15 jours et les modalités et délai du recours doivent être précisés dans l’avis d’inaptitude pour que ce délai commence à courir.  L’avis est transmis au salarié et à l’employeur par tout moyen conférant date certaine : il peut être notifié ou remis en mains propres. Il est parfois difficile de prouver que le salarié a bien reçu l’avis. Or en l’absence de preuve sur les mentions de l’avis, le délai de 15 jours ne court pas. En l’espèce, le salarié avait contesté l’avis un mois après le constat d’inaptitude. L’employeur estimait l’action prescrite car effectuée au-delà du délai de 15 jours. Il faisait valoir que la salariée avait nécessairement pris connaissance de l’avis d’inaptitude dans les 15 jours de la visite de reprise en produisant un courriel du médecin du travail qui attestait de ce que la salariée s’était rendue dans les locaux du service de santé au travail au cours de la dernière semaine d’août pour récupérer son avis d’inaptitude et s’en faire expliquer la teneur ainsi que ses conséquences. La salariée faisait valoir que ce délai n’avait pas commencé à courir en prétendant que l’avis d’inaptitude dactylographié ne lui avait pas été remis ► Arrêt du 13 décembre 2023 L’employeur est débouté au motif qu’aucun élément ne permettait de retenir que l’avis d’inaptitude dactylographié mentionnant les voies et délais de recours avait été remis personnellement à la salariée à l’issue de la visite de reprise.
• En conséquence, le salarié peut contester l’avis d’inaptitude sans avoir à respecter le délai de 15 jours.
Reprise du salaire
Pas de dispense de reprise du salaire Lorsque le salarié n’est ni reclassé ni licencié au terme du délai d’un mois à compter de la réception de l’avis d’inaptitude, l’employeur doit reprendre le paiement du salaire dès l’expiration de ce délai.  L’employeur peut-il invoquer l’existence d’un recours à l’encontre de l’avis d’inaptitude pour s’exonérer de l’obligation de reprendre le salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la constatation de l’inaptitude  ?► Arrêt du 10 janvier 2024 Non répond la Cour de cassation. La reprise du paiement du salaire est automatique passé le délai d’un mois sans licenciement ni reclassement.  L’exercice d’un recours contre l’avis d’inaptitude devant le conseil de prud’hommes ne suspend pas le délai d’un mois imparti à l’employeur pour reprendre le versement du salaire. Le délai ne court pas à compter de la décision définitive de l’inaptitude prononcée par les juges.
 
L’employeur peut-il invoquer le refus d’un reclassement conforme par le salarié pour s’exonérer de l’obligation de reprendre le salaire à l’issue du délai d’un mois à compter de la constatation de l’inaptitude ? Dans cette affaire, un salarié, engagé en qualité d’agent de sécurité, suite à un arrêt de travail avait été déclaré inapte à son poste le 5 février 2020 par le médecin du travail. Celui-ci avait alors précisé que le salarié pouvait occuper un poste similaire, mais sur un autre site et sans travail de nuit. L’employeur lui a adressé le 10 février 2020 une proposition écrite de reclassement dans un emploi d’agent de sécurité sur un autre site et en journée à compter du 17 février 2020. Le salarié ayant refusé cette proposition de poste le 12 février 2020, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable (prévu initialement le 12 mars 2020 puis reporté au 9 juin en raison de l’épidémie de Covid) puis l’a licencié le 16 juin 2020. Durant la période de report de l’entretien préalable, le salarié a saisi en référé le 11 mai 2020 la juridiction prud’homale, pour réclamer un rappel de salaire pour la non-reprise du paiement de son salaire à compter du 5 mars 2020 (soit un mois après la date de déclaration de l’inaptitude par le médecin du travail). Arrêt du 10 janvier 2024 La circonstance que l’employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui avait donné raison à l’employeur et qui considérait que l’obligation de reclassement pouvait être considérée comme « réputée satisfaite » et dispensait ainsi l’employeur de son obligation de reprise de salaire.
Motif du licenciement 
Interdiction de licencier pour motif disciplinaireLes dispositions du code du travail sur la procédure d’inaptitude sont d’ordre public et font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude (arrêt du 8 février 2023)► Arrêt du 28 février 2024 En cas d’inaptitude, le salarié ne peut être licencié pour un motif autre que l’inaptitude et non pour un motif disciplinaire 
Cessation d’activité de l’entrepriseQuelle est la conséquence de la cessation d’activité de l’entreprise pour le salarié déclaré inapte ?
• En l’espèce, la société avait été mise en liquidation judiciaire et n’appartenait pas à un groupe. Un salarié déclaré inapte avait été licencié pour motif économique et avait contesté son licenciement au motif que seul le motif de l’inaptitude pouvait être invoqué.
► Arrêt du 14 février 2024 La Cour de cassation rappelle que lorsque l’employeur est dans l’impossibilité absolue de reclasser le salarié inapte, du fait de sa cessation totale et définitive d’activité et de sa non-appartenance à un groupe, le contrat de travail du salarié inapte peut être rompu pour motif économique. Précision : si l’entreprise appartient à un groupe, sa cessation d’activité n’exclut pas toute possibilité de reclassement du salarié inapte dans les autres entreprises du groupe.

Nathalie Lebreton

Coup d’envoi pour le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle

19/03/2024

Créé dans le cadre de la loi du 14 avril 2023 sur la réforme des retraites, le Fonds d’investissement dans la prévention de l’usure professionnelle (Fipu), placé auprès de la Commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (CAT/MP), de la Caisse nationale d’assurance maladie, se met progressivement en place.

Depuis lundi, les entreprises relevant du régime général ainsi que les travailleurs indépendants cotisant à l’assurance volontaire de la branche AT/MP, peuvent solliciter des subventions visant à participer :

  • au financement d’équipement, de diagnostic ou de formation ;
  • à la réalisation d’actions de sensibilisation aux facteurs de risques ergonomiques ;
  • aux aménagements de postes de travail proposés par le médecin du travail, au titre de la prévention de la désinsertion professionnelle ;
  • à la prise en charge des frais de personnel dédiés à la mise en œuvre d’actions financées par le fonds.

Ce fonds vise à soutenir la prévention de trois facteurs de risques ergonomiques : les manutentions manuelles de charge, les postures pénibles et les vibrations mécaniques.

Source : actuel CSE

Plus de 134 000 inaptitudes prononcées par les médecins du travail en 2022

20/03/2024

En 2022, 134 375 inaptitudes ont été prononcées par les médecins du travail dans les services de prévention et de santé au travail (SPST interentreprises et SPST autonomes), dont 130 753 dans les SPSTI, indique la direction générale du travail (DGT) dans son enquête sur l’activité des services de prévention et de santé au travail (SPST) en 2022 publiée en février 2024.

1 566 travailleurs ont été déclarés inaptes avec dispense de reclassement, soit 38 % du total des inaptitudes déclarées. Par ailleurs, les SPST ont déclaré que 84 733 inaptitudes ont été délivrées suite à une visite de reprise, soit 63 % du total des inaptitudes délivrées. « Cette donnée met en exergue les marges de progrès en matière de repérage précoce du risque professionnel et des moyens mobilisés pour y répondre », commente la DGT.

Dans un rapport publié en 2015, le groupe de travail « Aptitude et médecine du travail », composé notamment par le député Michel Issindou (PS) et la professeure de médecine du travail Sophie Fantoni-Quinton, constatait déjà que « les visites qui conduisent à des avis d’aptitude avec réserves ou d’inaptitude [étaient] pour l’essentiel les visites de reprise et les visites “autres” c’est-à-dire à la demande du salarié, de l’employeur ou du médecin du travail, mais très rarement les visites d’embauche ou périodiques »*. Un « invariant qui interroge sur le contenu de la notion d’aptitude et sur son efficacité de dépistage », relevait-il.

Notons également que le groupe de travail avançait dans ce rapport que « 95 % des salariés déclarés inaptes [étaient] licenciés, une petite minorité d’entre eux seulement parvenant à retrouver un travail ». Une proportion qu’a retenu le vice-président de l’association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva), François Desriaux. « Quand vous savez que 95 % minimum des inaptitudes se traduisent par des licenciements, je vous laisse faire le calcul… Ça vous donne un nombre de licenciements pour inaptitude qui est vachement intéressant [pour 2022] », a-t-il réagi le 14 mars, lors des Assises de la santé et la sécurité des travailleurs-ses organisées par la CGT à Paris. Selon ce calcul, plus de 127 000 licenciements pour inaptitude auraient été prononcés en 2022. 

Source : actuel CSE

Accidents du travail graves et mortels : le ministère du travail publie des fiches pratiques

21/03/2024

Dans sa dernière fiche, le ministère du travail étudie le cas d’un travailleur écrasé par un chariot automoteur doté d’une benne lors de la manutention de déchets métalliques.

Le ministère du travail propose désormais cinq fiches thématiques sur différents cas d’accidents du travail mortels dans lesquelles il revient sur les causes, le déroulé de l’accident et les mesures de prévention. Focus sur la dernière fiche publiée en février sur la prévention des écrasements.

Dans la majorité des cas, les accidents du travail graves et mortels pourraient être évités grâce à des mesures de prévention et de la sensibilisation aux risques professionnels. Pour ce faire, le ministère du travail a déjà déployé un plan pour la prévention des accidents graves et mortels, ainsi qu’une campagne de communication sur la problématique.

Dans le cadre de ce plan de prévention, des fiches thématiques sur les récits d’accident du travail sont proposées. À travers une « analyse pédagogique », elles permettent de « connaître les causes et le déroulement d’accidents malheureusement récurrents, et les moyens de prévention qui auraient dû être mis en place ».

Écrasement par un chariot automoteur

Le dernière fiche en date porte sur la prévention des écrasements avec le cas d’un travailleur écrasé par un chariot automoteur doté d’une benne lors de la manutention de déchets métalliques. Dans ce cas, plusieurs anomalies ont été constatées par l’inspection du travail :

  • insuffisance de l’évaluation des risques dans le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels) : absence d’évaluation de la procédure d’évacuation des déchets, absence de mode opératoire pour cette tâche ;
  • hauteur de la benne supérieure à la hauteur maximale mentionnée par le constructeur ;
  • dispositif de réglage de la profondeur du siège cassé ;
  • ceinture de sécurité non attachée ;
  • nécessité de lever la charge, alors que la notice d’instruction l’interdisait, car le tablier rotatif se trouvait à hauteur des yeux du conducteur et empêchait d’avoir une bonne visibilité ;
  • information de l’employeur à l’oral de l’inadéquation du chariot ;
  • absence de justification par l’employeur de l’actualisation de la formation à la conduite du travailleur.

Par conséquent, sur cette situation, le ministère du travail recommande différentes mesures de prévention : choix d’un chariot et d’une benne adaptés, vérification réglementaire du chariot lors de sa mise en service, veille du port du dispositif de maintien du conducteur sur son siège, réalisation des vérifications périodiques semestrielles réglementaires, conception et adaptation des locaux à la circulation d’équipements de travail (zones de circulation, état des sols, signalisation, etc.), mise en place de la formation des travailleurs (évaluation théorique et pratique à renouveler au moins tous les cinq ans).

Base de données Epicea

Les fiches pratiques détaillent également la réglementation applicable et les documents permettant de s’informer sur le sujet et d’effectuer de la sensibilisation.

Les quatre précédents documents publiés portaient sur la prévention des heurts lors de l’abattement d’arbres, la prévention des éboulements rocheux lors de travaux sur corde, la prévention des heurts de piétons par des machines mobiles dans des entrepôts et la prévention des chutes de hauteur avec le cas des skydomes.

Tous les cas présentés dans les fiches pratiques proviennent de la base de données Epicea qui regroupe des données et analyses des Carsat (caisses d’assurance retraite et santé au travail)sur 21 000 accidents du travail mortels, graves ou significatifs.

Laura Guegan

L’obligation vaccinale contre la Covid-19 face aux respect de la vie privée et respect de l’intégrité physique

22/03/2024

Dans un arrêt du 13 mars 2024, la chambre sociale estime que l’obligation vaccinale contre la Covid-19 ne contrevient ni au respect de sa vie privée, à celui de l’intégrité physique.
C’est la loi relative à la gestion de la crise sanitaire qui avait prévu l’obligation vaccinale des personnels des établissements de soins, médicaux sociaux et sociaux à compter du 9 août 2021 (sauf contre-indication médicale ou présentation d’un certificat de rétablissement). Cette obligation avait été provisoirement maintenue par la loi du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie de Covid-19. Puis, elle avait été suspendue, à compter du 15 mai 2023, en vertu du décret du 13 mai 2023.
Dans cette affaire, une salariée, engagée en qualité d’agent à domicile par une association de service à domicile ADMR, s’était vue notifier la suspension de son contrat de travail et de sa rémunération jusqu’à régularisation de sa situation ou jusqu’à la fin de la période d’obligation vaccinale.
Elle demandait l’annulation de cette décision et un rappel de salaires. Pour ce faire, elle invoquait une violation du respect de sa vie privée et du respect de son intégrité physique.
La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que “si l’ingérence de l’autorité publique dans le droit au respect de sa vie privée est caractérisée, cette ingérence est prévue par la loi et constitue une mesure nécessaire à la protection de la santé et que l’obligation vaccinale contestée, laquelle s’inscrit dans le cadre d’une pandémie, constitue un motif légitime de protection de la santé”.
Et d’en déduire que “l’atteinte au respect de l’intégrité physique, justifiée par la nature des fonctions exercées, n’était pas disproportionnée au but recherché”.

Source : actuel CSE