Bérenger Cernon, des voies de la SNCF aux voix de l’Assemblée

15/07/2024

À 36 ans, le cheminot Bérenger Cernon, qui conduit les trains des lignes D et R en région parisienne, a été élu député (LFI, Nouveau Front populaire) de l’Essonne en battant Nicolas Dupont-Aignant. Quel est le parcours de ce responsable syndical CGT qui dit aimer le contact avec les gens ? Comment voit-il son mandat et la situation politique ? Ses réponses.

En 2022, les législatives avaient propulsé à l’Assemblée nationale quelques profils d’employés et d’élus du personnel, tels les anciens secrétaires de CHSCT Ségolène Amiot et Andy Kerbrat. Deux ans plus tard, la dissolution apporte à son tour un certain renouvellement, avec notamment six ouvriers qui vont siéger au palais Bourbon.

Trois portent les couleurs du Rassemblement national, trois autres celles de LFI et du Nouveau Front populaire.

Une donne qui n’étonne pas Bérenger Cernon, qui conduit des trains en région parisienne pour la SNCF : “Nous allons vivre la législature la plus importante de la Ve République. Le vote RN est celui qui a le plus progressé, notamment chez les ouvriers. La gauche a déçu. Les électeurs lui donnent une dernière chance. Mais maintenant, il faut du concret. Si on veut affaiblir le RN qui aime bien se victimiser en se présentant comme en dehors du système, il faut proposer des mesures sociales, sur le Smic, sur les salaires…C’est seulement avec ça qu’on pourra combattre le discours d’extrême droite”.

 Dimanche, j’avais le choix entre aller à la pêche et aller à l’Assemblée

Derrière ce propos très politique, le nouveau député, déjà remarqué pour sa boucle d’oreille et une expression très directe, ne manque pas d’humour quand on l’invite à se présenter : “Je suis quelqu’un de super simple. J’avais le choix entre aller à la pêche et aller à l’Assemblée un dimanche, j’ai choisi l’Assemblée”. Bérenger Cernon aime effectivement pêcher, et jouer au tennis de table, et il espère bien continuer de le faire si son mandat de député et son fils de 6 ans lui laissent un peu de temps. Il dit surtout aimer nouer des liens avec les gens, ce qui l’a amené au syndicalisme puis à la politique.

Chez moi, on a toujours parlé politique et syndicalisme 

Après une année à la fac qui ne lui “botte pas plus que ça”, Bérenger Cernon poinçonne son billet d’entrée à la SNCF en 2007, l’année de l’arrivée à l’Elysée de Nicolas Sarkozy. Pas vraiment un hasard : “Mon grand-père avait été cheminot, j’avais quelques connaissances à la SNCF”.

Il devient conducteur de train, se familiarise avec une entreprise dont les agents ont alors, ce qui l’impressionne, le service public chevillé au corps. Il rejoint ensuite presque naturellement la CGT. Parce que chez lui, on a toujours parlé syndicalisme et politique. Et parce que le syndicat sait être souvent au contact des agents, notamment après leur formation initiale. De fil en aiguille, il devient secrétaire général CGT à la gare de Lyon, avant de rejoindre la région sud-est de Paris où il prend en charge les questions de formation.

Les mandats syndicaux montrent l’envers du décor

Ces mandats syndicaux, nous raconte-t-il, lui montrent l’envers du décor : “Il y a d’un côté le discours de la direction et ce qui se passe sur le terrain. Il y a aussi l’arrière-salle, avec les discussions avec les syndicats où l’on voit ce qui est réellement porté par l’entreprise. Et ces mandats permettent de rencontrer des dirigeants auxquels je n’aurais pas eu accès en restant simplement conducteur”. Et Bérenger Cernon de souligner l’attitude différente, à l’égard des agents et des représentants syndicaux, des PDG Guillaume Pépy et Jean-Pierre Farandou : “Avec Farandou, on a subi le changement de statut, mais il y avait moins de paillettes et moins de bashing anti-cheminots”.

Financièrement, la SNCF se porte bien. Mais pas ses agents ni son service aux usagers 

Sur le sujet de la SNCF, Bérenger Cernon est volubile. “L’entreprise a dégagé plus d’un milliard de bénéfices l’an dernier. Donc financièrement, on se porte bien. Par contre, socialement parlant en interne, et au niveau de la réponse apportée aux usagers, on n’est pas vraiment très bien”, pointe le nouveau député. Qui énumère : la perte du lien qui attachaient les salariés à l’entreprise et qui entraîne des démissions nombreuses, des agents ne reconnaissant plus l’entreprise de service public, etc.

De plus en plus morcelée, l’organisation dégrade à ses yeux la qualité du travail mais aussi les conditions de travail. Celles-ci lui semblent bien moins suivies depuis que les CSE et leurs CSSCT (commission hygiène, sécurité et conditions de travail) ont remplacé des CHSCT autrefois beaucoup plus nombreux sur le territoire.

 Avec les DP et les CHSCT, nous avions avec les syndicats des instances fortes, un vrai contre-pouvoir

“En délégué du personnel et en CHSCT, nous pouvions jouer un vrai contre-pouvoir, nous étions respectés. La direction craignait ces instances et les syndicats. Aujourd’hui, les CSE sont devenus des chambres d’écoute et les CSSCT n’ont plus la proximité avec le terrain qu’avaient les CHSCT. Sur mon périmètre, nous avions un CHSCT pour le matériel, un pour les agents commerciaux, un pour la traction, chaque métier et domaine était traité”, compare-t-il.

Un mandat pour faire évoluer la politique des transports

Cette évolution de l’entreprise a-t-elle un rapport avec le choix du syndicaliste de s’engager en politique dans un mandat législatif ? Bien sûr, répond Bérenger Cerdon, qui met en avant deux évolutions à la source de son engagement : “La suppression du statut de cheminot et la réforme des retraites ! “

A ses yeux, les arguments développés par les politiques pour justifier ces deux réformes dénotaient une méconnaissance de la SNCF et des métiers de ses agents : “Les cheminots, c’est tout sauf des fainéants et des irresponsables. Dans nos métiers, la moindre boulette peut provoquer un accident grave”.

La sortie de Bruno Le Maire contre l’accord des fins de carrière à la SNCF, c’était inacceptable 

Et ce n’est pas la remise en cause, par Bruno Le Maire, du récent accord entre les quatre syndicats représentatifs et la direction de la SNCF au sujet des temps partiels et des fins de carrière, qui l’a rassuré : “Nous négocions pendant des mois, le cabinet du Premier ministre est dans la boucle, on arrache cet accord, et on nous fait ensuite une sortie comme quoi c’est inacceptable ! Alors que tout le monde sait que travailler dans les mêmes postes jusqu’à 64 ans avec nos horaires, la pénibilité et nos conditions de travail, c’est impossible”.

Autre élément qui a joué dans son choix de prolonger son mandat syndical sur le terrain politique : la perspective de mise en concurrence de la SNCF, qu’il souhaite combattre, y compris en revenant sur la nouvelle organisation juridique de la SNCF.

 La SNCF devrait redevenir un Epic

“Nous sommes devenus une SA, une société anonyme (*). Pourquoi ? Pour préparer l’ouverture à la concurrence de nos activités. Je pense que nous devrions revenir à un statut d’entreprise publique, à un Epic (établissement public, industriel et commercial), avec une entreprise unique et un monopole public. C’est pour ça que j’ai parlé de renationaliser la SNCF”, argumente-t-il.

Et le militant syndical de prendre son propre exemple : “Je suis conducteur sur les lignes D et R et la ligne R doit s’ouvrir dès 2027 à la concurrence. Nous sommes en juillet 2024 et nous ne savons toujours pas ce qui va se passer et à quelle sauce nous allons être mangés. Va-t-on être transférés chez Transdev ou Keolis ?! C’est vachement stressant”.  

Le député veut contribuer à réhabiliter la politique

Comment le cheminot voit-il son mandat de député ? Sur le fond, Bérenger Cernon entend participer à une certaine réhabilitation de la politique, qu’il voit très décriée autour de lui. “Montrer qu’on peut gagner sans avoir fait de grandes études, qu’on est fier d’être un cheminot à l’assemblée. Si on peut donner envie aux autres de militer et s’investir…”

Mais sa feuille de route, c’est plutôt ses camarades et ses collègues qui la lui ont dressée, en l’abreuvant dès son élection de nombreux messages, du genre : “Faut que tu fasses quelque chose pour le fret, hein !” Son objectif premier est donc “d’arrêter le plan de discontinuités de la SNCF”, c’est-à-dire le transfert au privé de marchés du fret ferroviaire, l’Etat ayant été accusé de trop subventionner l’entreprise publique.

Je sais que ça ne va pas être simple ! 

Pour le reste, le député novice ignore le quotidien qui l’attend : “Je sais ce que ça ne va pas être simple, surtout dans ma circonscription (Ndlr : il a battu Nicolas Dupont-Aignan dans la 8e circonscription de l’Essonne) où toutes les villes sont détenues par la droite. Mais j’ai un avantage : j’ai toujours milité, je sais ce qu’est un travail de terrain, d’aller voir les gens, de prendre le temps de discuter”. Et au sein de l’assemblée ?  Pour l’heure, le syndicaliste ne sait pas encore dans quelle commission il siègera. A son groupe (LFI, la France insoumise), il a indiqué trois préférences : le développement durable, les affaires économiques, les affaires sociales.

Comment le nouveau député voit-il la situation politique actuelle ? Il tient le président de la République pour responsable de la confusion du moment : “Après avoir provoqué ces élections, il refuse de nommer un Premier ministre du Nouveau Front populaire alors que c’est la première force politique du pays. C’est quand même un peu fort de café, et c’est bien que les organisations syndicales l’aient dit aussi !”

En revanche, Bérenger Cernon se montre patient quant au choix d’un nom que sa coalition pourrait proposer comme Premier ministre : “LFI est agitée comme un épouvantail mais je ne me fais pas de bile. On a réussi à se mettre d’accord en quelques jours sur un programme, alors on va bien pouvoir s’entendre sur un gouvernement. La rentrée parlementaire, c’est le 18 juillet. D’ici là, on verra si on a la fumée blanche”.

(*) Une réforme conduite en 2018 lorsque Edouard Philippe était Premier ministre, et critiquée par les syndicats (interrogés par la CGT lors d’un référendum, les agents de la SNCF s’étaient largement montré hostile à la réforme ferroviaire) et par certains experts.

Bernard Domergue

Le harcèlement moral subi par un représentant syndical peut porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession

16/07/2024

L’action d’un syndicat en réparation d’un préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession est recevable lorsque les éléments, invoqués par un salarié titulaire d’un mandat syndical ou représentatif, laissent supposer un harcèlement moral en lien avec l’exercice des fonctions syndicales ou représentatives du salarié. En quelque sorte, “un pour tous, tous pour un !”

Les syndicats professionnels peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent (C. trav., art. L. 2132-3).

L’intérêt lésé doit être collectif ; sont exclus les intérêts purement individuels, les salariés étant seuls habilités à défendre leurs propres droits.

L’atteinte à l’intérêt collectif de la profession est assez facilement reconnue lorsque sont en jeu le droit au respect des accords et conventions collectives, le droit syndical et le droit de la représentation.

En dehors de ces thèmes, la limite entre intérêt purement individuel et intérêts collectifs de la profession est moins évidente à trouver. Au fil de sa jurisprudence, la Cour de cassation a été amenée à définir cette ligne de partage. Schématiquement, elle semble admettre la recevabilité de l’action syndicale lorsque la mesure en cause est susceptible, au-delà du salarié directement impacté, d’affecter l’ensemble de la communauté de travail ou une catégorie de salariés.

Dans un arrêt (publié) du 10 juillet 2024, elle poursuit ce fastidieux travail.

Lui était posée la question suivante : un syndicat peut-il agir et obtenir des dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession en cas de harcèlement moral subi par le salarié aux côtés duquel il intervient ?

Un harcèlement allégué du fait de l’appartenance syndicale du salarié ou de l’exercice de fonctions de représentation

En l’espèce, invoquant un harcèlement moral qui s’est aggravé depuis sa désignation en qualité de représentant syndical au CHSCT puis au comité d’entreprise, un salarié saisit la justice de diverses demandes. Le syndicat national CFTC spectacles-communication-sports et loisirs intervient à l’instance.

Le salarié, débouté de toutes ces demandes en appel, se pourvoit en cassation. Il obtient gain de cause ; l’arrêt d’appel est cassé et l’affaire rejugée par la Cour d’appel de Paris, autrement composée, le 15 septembre 2022. Son employeur est condamné à lui verser une somme au titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et à verser au syndicat une somme à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.

Remarque : à l’appui de ses demandes, le salarié invoquait l’aggravation de sa mise à l’écart à compter de sa désignation en qualité de membre du CHSCT, son exclusion de la distribution des plannings de travaux, le courrier d’alerte du syndicat adressé à l’employeur pour stigmatiser la “placardisation”  dont il avait fait l’objet et les conclusions du rapport d’enquête établi à la demande du CHSCT stigmatisant le retrait de certaines tâches à des salariés ou la mise à l’écart de représentants du personnel. Pour le syndicat, ces agissements répétés avaient eu pour conséquence une grande souffrance au travail, ainsi que la dégradation des conditions de travail et une altération grave de l’état de santé physique et mentale du salarié, situation imputable aux conditions et à l’organisation du travail au sein de l’établissement.

L’employeur se pourvoit en cassation, arguant que le constat d’une situation de harcèlement moral au préjudice d’un salarié ne porte pas atteinte à l’intérêt collectif de la profession.

Le syndicat est recevable à agir en cas de harcèlement discriminatoire du fait de l’appartenance syndicale du salarié

La Cour de cassation rejette le pourvoi. 

Lorsque les éléments invoqués par le salarié titulaire d’un mandat syndical ou représentatif comme laissant supposer un harcèlement moral sont en lien avec l’exercice des fonctions syndicales ou représentatives de ce salarié, un syndicat peut agir en réparation du préjudice porté à l’intérêt collectif de la profession.

Ainsi, la Cour admet la recevabilité de l’action syndicale lorsque le harcèlement dont se prétend victime le salarié repose sur l’appartenance syndicale de ce dernier ou sur l’exercice de fonctions de représentation.

Remarque : la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de dire, à propos du licenciement prononcé en considération de l’appartenance ou de l’activité syndicale d’un salarié, que la violation des dispositions relatives à l’interdiction de toute discrimination syndicale est de nature à porter atteinte à l’intérêt collectif de la profession (Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-17.182).

Pour autant, toute forme de harcèlement n’est pas susceptible de porter atteinte aux intérêts collectifs de la profession. Pour que l’action syndicale soit recevable, le harcèlement allégué semble devoir affecter l’ensemble de la communauté de travail ou une catégorie de salariés. C’était le cas de cette affaire : le salarié était détenteur d’un mandat syndical et le risque en matière de santé, lié à l’organisation du travail, était invoqué, comme le relève l’avocate générale dans l’avis joint à l’arrêt.

Géraldine Anstett

L’intersyndicale affrète un troisième convoi pour l’Ukraine

16/07/2024

Après les convois d’avril et d’octobre 2022, l’intersyndicale CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, FSU, Unsa et Solidaires a procédé à un nouvel envoi à destination de l’Ukraine. Il comporte cette fois des stations électriques et des groupes électrogènes. Selon l’intersyndicale, “ce matériel sera très utile à la population ukrainienne à l’heure où les frappes russes contre les infrastructures énergétiques redoublent de violence”. Les huit organisations constitués en “intersyndicale française de solidarité avec l’Ukraine” souhaitent ainsi réaffirmer “[leur] soutien à la lutte du peuple ukrainien pour son existence”. Elles appellent “à une paix juste et durable reconnaissant les frontières et la souveraineté de l’Ukraine” et affirment soutenir les syndicats ukrainiens sur deux fronts : “la lutte
contre l’impérialisme russe et le respect des droits sociaux”.

Source : actuel CSE

La CGT appelle aux rassemblements devant l’Assemblée, les autres syndicats s’y refusent

17/07/2024

Alors qu’aucun Premier ministre n’a été désigné et que les propositions de personnalités politiques ou civiles se succèdent entre partis du Nouveau Front populaire, la CGT appelle militants et citoyens à se rassembler demain devant l’Assemblée nationale. L’objectif est de placer les députés “sous pression populaire” le jour de l’ouverture de la nouvelle session ordinaire. Isolée, la CGT n’est suivie par aucune autre organisation syndicale.

La nuance émerge dans le débat public depuis les résultats du second tour des élections législatives anticipées : le Nouveau Front populaire est arrivé incontestablement en tête du scrutin, mais il n’a pas pour autant “gagné l’élection” faute de disposer une majorité absolue. Ce qui n’est d’ailleurs le cas d’aucun autre camp politique. Conséquence de la paralysie, les représentants de la nouvelle union des partis de gauche ne parviennent pas pour l’instant à proposer un candidat à Matignon. Seule avancée attendue : Emmanuel Macron a accepté hier la démission de Gabriel Attal (lire notre brève dans cette édition).

Dans ce contexte, la CGT interprète l’absence de Premier ministre comme une démarche politique de l’exécutif destinée à conserver le pouvoir. Sophie Binet a indiqué dans une interview au quotidien Libération “Emmanuel Macron veut nous voler la victoire”. Une déclaration intervenue à la veille de la réunion intersyndicale du mardi 9 juillet, qui n’a pas manqué de créer des tensions entre les leaders syndicaux. Si le 1O juillet, la CGT des cheminots a lancé l’appel aux rassemblements le 18, date d’ouverture de la nouvelle session parlementaire ordinaire à l’Assemblée nationale, le communiqué intersyndical (hors CFTC) du 11 juillet se limite aux revendications communes. La CGT se trouve donc seule dans ses appels aux rassemblements le 18 juillet.

Une initiative des cheminots

L’initiative est partie de la CGT des cheminots, l’une des plus actives de l’organisation syndicale, en réaction à la lettre d’Emmanuel Macron aux Français. Selon le communiqué fédéral du 10 juillet, “la CGT et ses organisations appellent solennellement Emmanuel Macron à respecter le résultat des urnes. Pas question de continuer sa politique économique et sociale violente. Le nouveau gouvernement doit être formé au plus vite, autour du programme du Nouveau Front Populaire”.

La fédération affirme clairement l’objectif : “Le 18 juillet prochain, la CGT des cheminots appelle ses syndicats à organiser en lien avec les structures interprofessionnelles des rassemblements devant les Préfectures et à Paris à proximité de l’Assemblée nationale pour exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire”.

“Mettre l’Assemblée nationale sous surveillance”

L’appel a depuis été relayé par les communications confédérales. Le 11 juillet, Sophie Binet s’est exprimée en ces termes sur LCI : “Je pense qu’il faut toutes et tous rejoindre ces rassemblements pour mettre l’Assemblée nationale sous surveillance et appeler au respect du vote populaire. Il faut une pression populaire et citoyenne pour que le résultat des élections soit respecté et qu’on ne reprenne pas les mêmes pour recommencer”.

De même, une communication sur le site internet de la CGT indique que ” la CGT soutient l’initiative de la CGT cheminots qui a appelé les citoyen(ne)s  à se réunir le 18 juillet à 12h, jour de la première session de la nouvelle législature, à proximité de l’Assemblée nationale et à proximité des préfectures pour les non parisien(e)s pour mettre l’Assemblée nationale sous pression populaire”.

Frédéric Souillot porte l’indépendance chère à FO

Détachée de la CGT depuis 1948 en raison de la mainmise du parti communiste français sur la CGT, FO s’est fondée et construite dans une revendication d’indépendance vis-à-vis des partis politiques. Une tradition farouchement défendue encore aujourd’hui. Hors de question donc d’emboîter le pas à la centrale de Montreuil. Dans une circulaire interne diffusée lundi 15 juillet (en pièce jointe), Frédéric Souillot rappelle la position de sa confédération : “Comme elle l’a toujours fait depuis sa création en 1948, et conformément à ses statuts, FO ne s’est pas immiscée dans les débats et n’a donné aucune consigne de vote à l’occasion des élections législatives”. Alors que certaines unions départementales pourraient être tentées de rejoindre des appels intersyndicaux à des rassemblements le 18 juillet en vue de mettre la pression sur l’exécutif et les parlementaires, le secrétaire général de FO adresse “pour mémoire” à ses secrétaires généraux le manifeste pour l’indépendance publié à la veille des élections législatives de 1978.

Ce texte avait été diffusé à la presse sociale de l’époque par Gilbert Totems, chargé des relations extérieures de la confédération. Issu d’un comité confédéral national (“parlement” de FO composé d’un délégué de chaque fédération et de chaque union départementale), le manifeste pour l’indépendance avait été diffusé à 1,2 million d’exemplaires. Dans un contexte de bipolarisation de la vie politique entre la droite et la gauche unie autour d’un programme commun et de la figure de François Mitterrand, FO avait refusé de d’imposer à ses militants une consigne de vote. Le texte de ce Manifeste indique que “syndicats et partis ont chacun leur rôle à jouer. Si le but d’un parti est de gérer l’État, il appartient au syndicalisme – organisation de classe – de défendre les intérêts de la classe ouvrière. (…) Aux parlementaires, élus de la Nation la mission de légiférer, aux syndicalistes le droit d’intervenir pour que la loi soit favorable à la classe ouvrière, et le droit, aussi, de la contester”. Au final, la majorité présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing avait remporté le scrutin de justesse, avec seulement 400 000 voix d’avance sur la gauche.

Rappelant justement l’actuel “contexte politique incertain” et la déclaration de sa commission exécutive du 11 juillet dernier, la confédération représentée par Frédéric Souillot considère que “le rôle d’une organisation syndicale n’est pas de désigner ou de peser sur le choix d’un Premier ministre ou la couleur politique d’un gouvernement”. Pas d’appel à se rassembler le 18 juillet donc, mais une préférence pour le terrain revendicatif au terrain politique.

Pour Marylise Léon, ce n’est pas le rôle de la CFDT

Si elles se sont rejointes depuis la dissolution dans la lutte contre l’extrême droite, les deux premières confédérations CFDT et CGT sont désolidarisées sur les appels aux rassemblements du 18 juillet. Interrogée sur France Inter le 11 juillet, Marylise Léon évoque l’envoi d’un courrier aux députés dans lequel elle les incite à “s’appuyer sur la société civile, les forces syndicales et associatives pour réparer notre démocratie” avant de s’avouer “un peu exaspérée d’entendre parler d’alliances entre formations politiques”. Pour autant, “la CFDT est déterminée à prendre toute sa part dans cette recomposition politique. On ne peut pas regretter un exercice vertical du pouvoir et rester observateurs de ce qui se passe dans la période, ajoute-t-elle en fin d ‘émission. Hier, la secrétaire générale de la CFDT a confirmé sa position auprès de l’Agence France Presse, assurant que son organisation “n’appellera jamais à une mobilisation pour faire pression” sur l’Assemblée nationale, ajoutant “Jamais on ne sera en défense d’une formation politique en disant que c’est elle qui doit exercer le pouvoir, et jamais on n’appellera à une mobilisation pour faire pression sur une institution. Démocratiquement, ce n’est pas le rôle de la CFDT et ça va à l’inverse de ce dont on a besoin en terme d’apaisement”.

La CFE-CGC et la CFTC adoptent aussi l’indépendance
Sur ces questions politiques, si la CGT monte seule au créneau du 18 juillet, une ligne se forme entre FO, la CFE-CGC et la CFTC. Les positions de Frédéric Souillot sont en effet partagées par François Hommeril. Selon le président de la CFE-CGC que nous avons interrogé hier, “J’attends un gouvernement, j’ignore comment il va se constituer mais peu importe : il aura un projet et une ambition, il faudra les réaliser avec moi. J’aurai alors toute ma liberté de contribuer mais aussi de critiquer, de le promouvoir ou de le combattre. Cela dépendra de la place accordée aux gens que je représente. C’est pourquoi je ne ferai pas de cadeau mais cela a un prix : l’indépendance nécessaire pendant la campagne, au moment où les promesses s’établissent et dont l’objectif est aussi de s’attirer des voix. Je me mets donc à distance car je considère que si j’émets un avis pour ou contre, je m’enlève un degré de liberté au moment où je deviendrai un interlocuteur du pouvoir”.

À la CFTC, la ligne de Cyril Chabanier est la même qu’à Force Ouvrière : “On ne fait pas de politique donc on n’appelle à aucun rassemblement, je pourrais presque reprendre les termes de la circulaire de FO. Nous n’avons pas à nous immiscer, à faire pression pour dire qui a gagné ou quel programme il faut appliquer, cela ne relève pas de notre champ. Je trouve par ailleurs insupportable qu’on parle de compromission dès qu’on évoque le compromis. Le compromis, c’est au contraire une fondation de mon organisation. Il faut également du temps pour former une coalition, arrêtons d’être aussi pressés. Donc je suis là pour défendre les salariés et je travaillerai avec le Premier ministre qui sera nommé par le Président, j’espère juste qu’il donnera leur place aux corps intermédiaires”.

Marie-Aude Grimont

La CGT met en place un numéro vert pour les travailleurs des JO

18/07/2024

La CGT annonce la mise en place d’un numéro vert (le 0 801 230 526) accessible du 22 juillet au 9 août, du lundi au vendredi, de 9h à 17h, pour les travailleurs des Jeux Olympiques de Paris. Ces derniers pourront y trouver des réponses sur les horaires de travail, la prise des congés, le repos hebdomadaire, etc. “Durant la période des jeux, ce sont des milliers de travailleurs qui vont contribuer à l’organisation des compétions, explique la confédération. Ce sont aussi des centaines de milliers dont la vie professionnelle et familiale peut être temporairement modifiée. Pour la CGT, il est essentiel que, durant cette période, le droit du travail ne soit pas hors-jeux !”

Source : actuel CSE