Compression d’effectifs et rapprochement France 3-France Bleu : France Télévisions sommée de consulter ses CSE

10/06/2025

Saisi par le CSE central de France Télévisions et par le CSE de l’établissement France 3, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, dans une ordonnance du 3 juin, ordonne à France Télévisions d’informer et de consulter le CSE d’établissement du réseau France 3 sur le projet de compression des effectifs (180 postes dont 54 dans les antennes régionales de France 3) au sein de l’établissement, avec une astreinte de 1 500€ par jour de retard (lire le jugement en pièce jointe). Tant que l’instance n’aura pas été consultée, l’entreprise ne pourra pas supprimer les postes comme elle l’envisageait.

Le juge ordonne également à France Télévisions d’informer et de consulter son CSE central sur le projet global de rapprochement de France 3 et de France Bleu et sur le projet de remplacement du nom France 3 par la marque générique “France TV”. Là aussi, tant que cette consultation n’aura pas été conduite, l’entreprise ne pourra prendre aucune mesure de son plan de rapprochement. Ces obligations sont assorties d’une astreinte de 1 500€ par jour de retard. 

Il est intéressant de noter l’analyse du juge concernant les consignes données par France Télévisions à chacun de ses responsables régionaux de réduire les équivalents temps plein par un non remplacement des départs, l’entreprise leur laissant la liberté d’apprécier pour chacun des départs l’opportunité de le remplacer :

“Il résulte que ces consignes, dont France Télévisions attend de ses chefs d’établissement qu’elles soient appliquées et respectées, ne sont pas de simples projections budgétaires, mais des mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, sur lesquelles le CSE doit être préalablement consulté”. Le défaut de consultation de l’instance est donc, ajoute le juge, “constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser”.

Le tribunal en revanche n’accède pas à la demande des élus de remplacer les postes vacants : cette demande, “par sa généralité et son imprécision”, excède les limites des mesures conservatoires que le juge des référés peut prononcer.  

Source : actuel CSE

L’État s’engage auprès de Chapelle Darblay

11/06/2025

Depuis plus de cinq ans, la papèterie Chapelle Darblay, située en Normandie, attendait d’être fixée sur son sort. Après un contre-projet autour de l’hydrogène, le licenciement des 240 salariés, de nombreux méandres administratifs et politiques, la préemption des terrains par la métropole de Rouen, les trois représentants du personnel espéraient obtenir de l’État un engagement financier qui ne venait pas. Ralentie sans doute par l’instabilité gouvernementale de ces derniers mois, la décision a enfin été prise : l’État entrera au capital de l’entreprise à hauteur de 152 millions d’euros. Cette prise de position ouvre la voie à la levée de fonds du repreneur Fibre Excellence qui doit encore trouver 160 millions d’euros de fonds privés afin de relancer l’usine de papier-carton. 

La CGT s’est félicitée de cette nouvelle avancée du dossier : “Cela va enfin permettre de relancer cet outil avec une production de papier pour emballages, une chaudière biomasse, une station d’épuration biologique, et, parallèlement toujours dans le domaine du recyclage, la remise en état de la voie ferrée et de l’accès à la Seine, et à terme la création de près de 200 emplois. 5 ans, 8 mois et 26 jours : c’est le temps qu’il aura fallu pour éviter la destruction de ce fleuron industriel” (communiqué en pièce jointe).

Cyrille Briffault, Julien Sénécal (tous deux CGT) et Arnaud Dauxerre (représentant sans étiquette des cadres au CSE) ont exprimé leur satisfaction dans la presse locale : “C’était loin d’être gagné, on peut dire simplement ce matin, on a réussi, c’est déjà pas mal”.

Source : actuel CSE

CSE : panorama de jurisprudence récente (oct. 2024 à mai 2025)

13/06/2025

Plusieurs arrêts rendus ces derniers mois apportent des précisions ou rappellent des règles relatives au CSE (fonctionnement, attributions, activités sociales et culturelles). Tableau récapitulatif de jurisprudence.

La représentation du personnel est un sujet qui donne lieu à de nombreuses décisions de jurisprudence. Certaines de ces décisions ne tranchent pas une incertitude ou n’élaborent pas une règle, mais rappellent le droit applicable, précisent certains cas particuliers ou encore fournissent des illustrations intéressantes.
Nous vous présentons sous forme de tableau une sélection de ces arrêts des mois d’octobre 2024 à mai 2025 concernant le CSE, et plus particulièrement sur ses consultations, ses experts et ses activités sociales et culturelles.

Thème ContexteSolution
Action en justice du CSELe CSE a la personnalité morale et à ce titre il peut agir en justice, mais uniquement en raison de ses missions légales, en raison du préjudice qu’il subit. Contrairement aux syndicats, il n’a pas pour mission de représenter les intérêts individuels des salariés ni les intérêts collectifs de la profession.L’action du CSE en contestation du transfert des contrats de travail de l’ensemble des salariés concernés est irrecevable. Cependant, le CSE peut faire valoir une violation d’un intérêt propre (atteinte à son fonctionnement, ses ressources) en intervenant au côté du salarié à l’occasion d’un litige sur l’applicabilité de l’article L. 1224-1 du code du travail (Cass. soc.,11 déc. 2024, n° 23-13.995). ► Confirmation.
Consultations du CSELe CSE d’établissement est consulté sur les mesures d’adaptation des décisions arrêtées au niveau de l’entreprise spécifiques à l’établissement et qui relèvent de la compétence du chef de cet établissement (C. trav., art.
L. 2316-20, al. 2
).  
Le CSE d’établissement doit être consulté en cas de mise en place d’un outil logistique impliquant, d’une part la formation des équipes et leur accompagnement, variable d’un magasin à l’autre, outre l’apparition d’une nouvelle compétence, soit celle de salarié chargé du “coaching”, d’autre part une nouvelle configuration électronique et matérielle des lieux, différente en fonction de l’ancienneté des magasins, de sorte que la mise en place du nouvel outil dépend de la situation de chaque magasin (Cass.soc., 26 mars 2025, n° 23-14.040). ► Illustration.
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. Ces règles s’appliquent en cas de recours relatif aux consultations du CSE.  Le juge des référés apprécie souverainement le choix de la mesure propre à faire cesser le trouble qu’il constate et peut, en fonction de son appréciation des intérêts des parties en présence, prononcer une mesure différente de celle qui était demandée (Cass. soc.,26 mars 2025, n° 23-14.040). ► Précision.
L’employeur qui met en œuvre un licenciement collectif avec plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) doit évaluer et prévenir les risques psychosociaux (RPS) liés à l’opération projetée, transmettre ces éléments d’information au CSE et lui indiquer les actions de prévention qu’il compte mettre en œuvre. Ces informations sont transmises avec la convocation à la première réunion, pour consultation (C. trav.,art. L. 1233-31).Cette information consultation du CSE sur les risques psychosociaux ne donne toutefois pas lieu à l’adoption d’un avis spécifique, précédé formellement d’un vote (CE,15 oct. 2024, n° 488496). ► Précision.
En cas d’inaptitude, le CSE est consulté sur les propositions de reclassement effectuées par l’employeur (C. trav., art.
L. 1226-2
 et L. 1226-10).  
L’impossibilité de reclasser le salarié inapte n’exonère pas l’employeur de son obligation de consulter les délégués du personnel (CSE) avant d’engager la procédure de licenciement (Cass. soc., 5 mars 2025, n° 23-13.802). ► Confirmation.  
Experts du CSEL’expert-comptable doit avoir accès dès le départ à l’ensemble des éléments relatifs aux orientations stratégiques de l’entreprise.  Le périmètre des expertises comptables pour les consultations relatives aux orientations stratégiques de l’entreprise et à sa situation économique et financière peut porter sur la situation et le rôle de l’entreprise au sein du groupe auquel elle appartient. L’expert peut donc demander des informations relatives au groupe auquel l’entreprise appartient (Cass. soc., 9 avr. 2025, n° 23-16.503).  
En matière de licenciement, le juge peut prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence (Cass. soc., 19 avr. 2023,n° 21-20.308).  Le président du tribunal judiciaire saisi d’une contestation de l’expertise pour risque grave doit examiner la valeur et la portée des témoignages anonymisés ainsi que des autres pièces produites par le CSE. En effet, si le juge ne peut fonder sa décision relative à l’existence ou non d’un risque grave uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est cependant connue de la partie qui produit ces témoignages (le CSE),lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence (Cass. soc., 11 déc. 2024, n° 23-15.154). ► Application de la jurisprudence relative au licenciement dans le cas de l’expertise CSE.  
Le CSE peut faire appel à un expert habilité en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (C. trav., art. L. 2315-94, 2°).    Le recours à un expert a été admis dans le cas d’une nouvelle offre commerciale de la Poste s’accompagnant d’un renforcement de la distribution pilotée, laquelle aune incidence sur les conditions de travail (modification significative de la configuration des tournées des facteurs, lesquelles sont définies chaque jour par cette distribution pilotée, concentrant la tournée sur un périmètre réduit mais multipliant dans cette zone dense les points de distribution et les arrêts du facteur avec un rythme de travail modifié) (Cass. soc., 23 oct. 2024, n°23-16.579). ► Illustration.  
Le recours à l’expert a été refusé encas d’absence de modification des conditions de santé et de sécurité ou des conditions de travail à la date de la délibération désignant l’expert dans le cadre d’un projet consistant dans le transfert des contrats de travail de 24 salariés au sein d’une autre société du groupe (Cass. soc.,6 mai 2025, n° 24-11.167). ► Illustration.  
 Le recours à un expert a été refusé en cas de mise en place d’une phase d’observation sur un seul site de la Poste, laquelle est relative à l’anticipation de l’étalement des flux, l’un des aspects techniques de l’impact prévisible du changement de politique commerciale de la Poste (Cass. soc., 23 oct. 2024, n°23-13.987). ► Illustration.  
Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement, le CSE peut faire appel à un expert habilité (C. trav., art. L. 2315-94, 1°).  Il incombe au CSE dont la délibération ordonnant une expertise risque grave est contestée, de démontrer l’existence d’un tel risque grave, identifié et actuel, dans l’établissement. La charge de la preuve de l’existence d’un risque grave repose donc sur le CSE (Cass.soc., 6 mai 2025, n° 23-21.955). ► Confirmation.
Activités sociales et culturelles (ASC)Il résulte de la définition jurisprudentielle des ASC que pour être considérée comme telle l’activité sociale et culturelle doit présenter les caractéristiques suivantes : avoir un caractère facultatif ; contribuer à l’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel ; être destinée aux salariés de l’entreprise ou à leur famille sans discrimination.L’avantage résultant d’une ASC ne doit pas non plus être la contrepartie du travail accompli (CA Versailles, 27févr. 2025, n° 23/00807). ► Précision.
Dans une entreprise disposant d’un restaurant d’entreprise et où l’octroi de titres-restaurants n’est pas une obligation pour l’employeur, cet avantage, qui n’est pas la contrepartie d’un travail, peut constituer une ASC. Si l’employeur dénonce l’usage de l’émission de ces titres-restaurants, le CSE peut donc en revendiquer la gestion, et obtenir le transfert du budget y afférant (CAVersailles, 27 févr. 2025, n°23/00807). ► Illustration.  
En raison du monopole de gestion des ASC impliquant que le CSE conserve la gestion de son budget global, l’employeur qui fait des économies sur une activité qu’il a conservée en gestion doit reverser ces sommes au CSE, qui les affectera à d’autres ASC.  En cas d’abandon de l’usage de l’émission de titres-restaurants par l’employeur, l’économie qui doit revenir au CSE s’il revendique la gestion de cette ASC est évaluée en déterminant le pourcentage du budget consacré à cette dépense lorsqu’elle existait, et en appliquant ce pourcentage à la masse salariale retenue chaque année, sauf à déduire d’éventuelles sommes versées (CA Versailles, 27 févr. 2025,n° 23/00807). ► Précision.

Séverine Baudouin