“Le plan Bayrou risque de réduire encore l’activité en France”

21/07/2025

Laurent Lavallée, président du Groupe 3E

Pour Laurent Lavallée, économiste de formation et président du cabinet d’expertise 3E, les mesures annoncées par le Premier ministre pour réduire les déficits pourraient avoir pour effet de contracter l’économie. Alors, dit-il, que les droits d’alerte économique se multiplient dans les entreprises depuis le début de l’année. Interview

Laurent Lavallée, vous êtes économiste de formation et vous dirigez un cabinet d’expertise pour les CSE, le groupe 3E. Que pensez-vous des mesures annoncées par François Bayrou visant à réduire le déficit et stabiliser la dette publique ? 

Au regard de ce que nous constatons déjà dans notre cabinet sur la conjoncture, je suis dans l’incompréhension. Ces annonces ne me semblent pas une bonne nouvelle. Les 44 milliards d’euros d’économies recherchés par le gouvernement ne vont pas redresser la situation économique et financière de la France mais sabrer une partie de la demande et aussi faire perdre confiance aux travailleurs. Je suis très perplexe à l’égard de ce plan qui peut constituer une potion très amère pour beaucoup sans pour autant répondre aux objectifs annoncés. J’observe quand même, et c’était déjà le cas dans le projet de budget précédent, qu’il y a un totem à ne pas toucher, c’est la politique de l’offre à l’égard des entreprises, qui consiste à soutenir les entreprises en allégeant leurs taxes et leurs cotisations et en leur apportant des aides supplémentaires.

Ce plan me semble risqué. La consommation a déjà baissé en France au 1er trimestre 

Il n’est toujours pas question de revenir sur les réductions importantes de cotisations sociales, ni sur les réductions d’impôts et sur les aides consenties aux entreprises depuis une dizaine d’années. Si on s’interdit de toucher à la politique de l’offre, l’état de nos déficits et de notre dette conduit mécaniquement à s’attaquer à la demande. Cela me semble très risqué. Je rappelle que la consommation en France a déjà baissé de 0,2 % sur le premier trimestre selon l’Insee. Je vois mal en quoi une réduction du revenu des ménages et des dépenses de l’Etat va pouvoir aider à la reprise de la production économique en France. 

C’est pourtant ce qui est prévu avec “l’année blanche”…

Oui, une année blanche, cela signifie le gel du barème de l’impôt, le gel des prestations sociales, c’est donc du revenu en moins pour les ménages, à hauteur de 20 milliards d’euros tout de même ! N’oublions pas l’effort important demandé aux collectivités territoriales et au budget de l’Etat, avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois. Or les collectivités sont déjà sous pression du fait de l’augmentation des dépenses sociales qui sont à leur charge. 

L’Insee a déjà révisé à la baisse (+0,6 %) sa prévision de croissance pour 2025 tout en prévoyant une remontée du chômage. Craignez-vous une contraction de l’économie ?

Le risque d’une spirale à la baisse de l’activité me semble réel. Les économies auront un impact sur l’économie réelle avec moins d’investissements et moins de travaux. Le Premier ministre a aussi évoqué une réduction des dépenses des opérateurs de l’Etat. Ces opérateurs, ce sont par exemple la SNCF, qui a déjà des problèmes de moyens financiers, EDF, les hôpitaux publics, etc. Je crains que toutes ces économies n’amputent fortement la demande. Les prévisions que vous évoquez ont été faites avant le plan du Premier ministre. Il y a une perte considérable de recettes publiques qui pose aujourd’hui problème, dues pour partie à la politique de l’offre. Il n’y a qu’à voir le rapport du Sénat qui évalue à 210 milliards d’euros le montant annuel des aides aux entreprises.

Sur le plan social, le gouvernement envisage des mesures de simplification par ordonnance, de nouvelles discussions sur le code du travail et la négociation collective. Selon vous, qu’est-ce qui doit inquiéter les élus de CSE ?

Quand le Premier ministre suggère de retirer des subventions aux entreprises en leur proposant, en échange, de négocier plus facilement et de leur simplifier la vie, cela pourrait signifier d’enlever des garde-fous à la négociation collective, en permettant aux entreprises de s’affranchir du rôle des syndicats pour imposer plus facilement leur volonté. Et la simplification nous renvoie aux débats du projet de loi du même nom, pour lequel un relèvement des seuils des CSE avait été débattu, certains proposant de passer de 50 à 100 voire 250 salariés pour la mise en place du comité social et économique !

Mais le CSE n’est pas explicitement mentionné dans les déclarations ni les écrits du gouvernement…

En effet, mais chaque fois qu’on a parlé, ces dernières années, de simplification, il y a toujours eu cette idée de simplifier le dialogue social en enlevant des garde-fous, en modifiant la façon de conclure des accords et en touchant aux seuils sociaux. Et on nous annonce des ordonnances permettant de simplifier la vie des entreprises. C’est une tendance ancienne : le fait de pouvoir négocier des accords dans l’entreprise qui soient moins-disant que la convention collective, cela date des années 2000 et cela a été élargi en 2017. 

La monétisation de la cinquième semaine de congés payés n’est-elle pas de nature à répondre aux attentes de certains salariés mais aussi de relancer l’activité économique ?

Cela pourrait apporter un plus financier à certains salariés, bien sûr, mais à compte-là, pourquoi ne pas monétiser également la 4e et la 3e semaine de congés payés ?! Pourquoi devrait-on faire cet arbitrage entre la rémunération et la qualité de vie ?

 Ce sont les plus précaires qui “profiteraient” de cette mesure, avec des effets négatifs sur les conditions de travail

Ce gain financier de court terme se ferait au prix d’une nouvelle détérioration des conditions de travail alors que les salariés demandent justement une amélioration de leur vie au travail. Ceux qui auront besoin de profiter de cet argent, c’est bien sûr les salariés qui sont dans les conditions les plus précaires et qui sont les moins bien payés. J’observe au passage que le gouvernement nous dit d’un côté qu’il pourrait y avoir une semaine de rémunération supplémentaire, mais de l’autre côté qu’il va falloir travailler gratuitement deux jours supplémentaires : 7 jours de plus travaillés pour 5 de payés au final ?! 

Observez-vous une intensification du travail ? 

Ce que nous voyons sur le terrain, lors de nos expertises, c’est en effet une pression très forte pour intensifier le travail dans les entreprises, avec des conditions de travail très dégradées.

Nous sommes de plus en plus sollicités par les CSE sur les risques psychosociaux 

Depuis un an, nous avons une multiplication des sollicitations par les CSE pour mener des missions sur les risques psychosociaux et nous ne pouvons d’ailleurs pas y faire face ! Quand la situation économique se tend, les entreprises ont tendance à mettre en place des réorganisations et de nouvelles méthodes managériales pour obtenir des gains de productivité avec toujours plus de productivisme. Cette intensification de travail se produit sans le garde-fou que pouvait constituer le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail). Il y a la commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) mais elle ne remplace par le CHSCT, elle dispose de moins de moyens et de peu de prérogatives.

Dans le même temps, le gouvernement demande aux partenaires sociaux de mieux prévenir les accidents du travail…

Comment négocier du mieux sur les conditions de travail avec une semaine de repos en moins, alors que nous vivons une intensification du travail et une multiplication des accidents du travail ? Cela me paraît totalement contradictoire. Discuter de la prise en compte de l’écoute professionnelle, des temps partiels subis ou de la sous-traitance, comme l’a dit la ministre, très bien, mais comment avancer sur ces sujets si la négociation ne s’accompagne d’aucune contrainte pour les entreprises avec zéro moyen supplémentaire pour les IRP ? Aujourd’hui, la question du recours à la sous-traitance peut déjà être abordée par les CSE à l’occasion de la consultation sur les orientations stratégiques, mais très peu d’entreprises jouent le jeu de ce dialogue social. 

Pensez-vous comme l’Insee que le reste de l’année va être très tendu sur le plan de l’emploi ?

Cela me semble évident, vous avez vu les derniers chiffres sur les défaillances d’entreprise ? D’une part, nous avons des PME en difficulté, parce qu’elles souffrent sur leurs marchés (la construction par exemple, mais aussi la métallurgie) et parce qu’elles n’arrivent pas à honorer leurs dettes, notamment les prêts garantis par l’Etat. De l’autre, nous avons des grandes entreprises qui, sans être en difficulté, sont dans l’expectative : leurs résultats se tendent, alors elles engagent par précaution des programmes visant à maintenir des taux de marge qui ont atteint des sommets ces dernières années. Elles entreprennent de façon préventive des mesures de réduction de coûts ou a minima de contrôles de coût, voire des réorganisations très marquées.

Cela me paraît évident. L’incertitude est très forte, et nos entreprises n’ont pas assez investi ces dernières années 

La conjoncture internationale n’aide pas, avec l’incertitude très forte sur les droits de douane, que ce soit dans la sidérurgie, la métallurgie, les vins et spiritueux. Comme d’autre pays sont soumis à des droits de douane américains encore plus élevés que l’Europe, ils sont tentés d’exporter chez nous de façon agressive avec des politiques de prix low cost, comme la Chine, ce qui fragilise nos entreprises. C’est d’autant plus inquiétant pour la France que globalement, ces dernières années, nos entreprises, y compris industrielles, ont privilégié des politiques de remontée de taux de marges, de rachats d’action et de versements aux actionnaires au détriment des investissements. Le manque d’investissement et l’absence de désendettement des entreprises se paient aujourd’hui, et les grandes entreprises font payer cela à leurs sous-traitants.   

Tous les secteurs sont-ils touchés ?

Hormis la Défense, même les secteurs qui se portaient bien en France, comme la chimie, le luxe et les vins et spiritueux, sont désormais atteints, on l’a vu avec Vencorex. Depuis deux ans, l’industrie automobile, la sidérurgie et la construction sont très touchées par la crise, avec un effet d’entraînement sur le reste de l’économie, y compris à terme sur le tertiaire qui pour l’instant s’en sort mieux.

Dans ce contexte, que pouvez-vous conseiller aux élus CSE pour anticiper ces difficultés ?

Les élus n’ont pas la main, c’est donc compliqué de vous répondre. Disons qu’ils peuvent jouer à plein leur rôle de vigie et d’alerte en exerçant leurs prérogatives économiques. D’abord en demandant chaque mois des éléments sur l’activité économique de l’entreprise, avec des indicateurs de production, afin d’évaluer la situation.

Surveillez les indicateurs de production, déclenchez s’il le faut le droit d’alerte économique 

Si celle-ci s’avère inquiétante, les élus peuvent déclencher le droit d’alerte économique. D’ailleurs, nous constatons une multiplication des droits d’alerte depuis le début de l’année dans tous les secteurs, tout le monde anticipant l’incertitude et les difficultés. C’est une inquiétante spirale à la baisse qui se traduit par des réductions de coût. Ensuite, les élus CSE peuvent demander, à l’occasion de la consultation sur les orientations stratégiques qui se tient souvent au deuxième semestre, des mises à jour de cette stratégie compte-tenu du nouveau contexte économique, avec des détails sur les moyens envisagés par l’entreprise et leurs conséquences sur l’emploi et les sous-traitants, par exemple. 

Finissons par une bonne nouvelle, la suppression de la limite des trois mandats CSE successifs…

Quand on voit à quel point c’est compliqué d’être élu et donc de susciter des vocations, ce renouvellement imposé faisait courir un risque de pénurie d’élus, préjudiciable y compris pour les employeurs qui ont besoin d’interlocuteurs et d’interlocuteurs expérimentés et bien formés. C’est donc en effet une bonne nouvelle dont les élus nous parlent assez souvent.

Bernard Domergue

Le Comité intersyndical de l’épargne salariale met à jour son cahier des charges

22/07/2025

Le cahier des charges du Comité intersyndical de l’épargne salariale (CIES, document en pièce jointe) vient d’être mis à jour par les quatre organisations syndicales qui le composent. Le CIES a souhaité à la fois renforcer ses principes et apporter des précisions : la rubrique “Univers d’investissement” indique désormais explicitement que pour recevoir le label CIES, les produits d’investissement doivent porter prioritairement à hauteur d’au moins 80 % du portefeuille (ce qui n’était pas défini jusqu’à présent) sur des entreprises situées en Union européenne et dans l’Espace économique européen (Royaume-Uni et Suisse inclus).

Autre nouveauté : le CIES demande désormais aux sociétés de gestion des fonds de “veiller à l’absence de pratiques d’optimisation fiscales ou sociale abusives” dans les politiques de vote aux assemblées générales des entreprises dont les fonds détiennent des actions. Selon Philippe Vigneron, qui siège pour la CFDT au CIES, cet ajout a pour but de repérer et éviter les entreprises présentant des conventions de prix de transfert qui permettent d’éluder les bénéfices des filiales et la participation des salariés.

Le nouveau cahier des charges se montre également plus exigeant sur l’articulation entre transformation écologique et préservation de l’emploi, l’exclusion d’investissement dans les énergies fossiles et la présence de salariés aux conseils de surveillance des fond labellisés.

Créé en 2002 par quatre organisations syndicales (CFDT, CGT, CFE-CGC, CFTC), le Comité intersyndical de l’épargne salariale travaille au développement de l’épargne salariale pour tous les salariés et à la promotion de l’investissement socialement responsable. A ce titre, il labellise 90 fonds d’investissement qu’il considère comme participant à cet objectif, à hauteur de 35,7 milliards d’euros. Ce label est d’ailleurs reconnu par l’État dans le décret du 29 juin 2024 portant transposition de l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur. Pour mémoire, ce décret recense les labels des fonds d’épargne salariale qui peuvent être présentés par les gestionnaires pour respecter l’obligation de présenter au moins un fonds labellisé tenant compte de critères extra-financiers.

Source : actuel CSE

Un PSE modifié après annulation de son homologation doit-il à nouveau être soumis au CSE ?

23/07/2025

Si l’homologation administrative d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est annulée en justice, l’employeur qui reprend la procédure de licenciement peut modifier son plan et recueillir un nouvel avis du CSE sans nécessairement reprendre toute la procédure d’information-consultation.

Si la décision administrative d’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est annulée par le juge, l’employeur peut reprendre son projet de licenciement, en y apportant les modifications nécessaires. Dans ce cas, le PSE modifié doit-il à nouveau être soumis au comité social et économique (CSE) pour avis ? Et, dans l’affirmative, l’employeur doit-il reprendre à zéro la procédure d’information-consultation prévue par le code du travail ? Le Conseil d’Etat répond à ces questions dans une décision promise à la publication aux tables du recueil Lebon.

Une annulation de la décision administrative en raison d’une erreur de contrôle

L’affaire concerne une société appartenant à un groupe œuvrant dans le secteur de la logistique et du fret. Ayant connu une forte baisse d’activité pendant la crise sanitaire de 2020, l’entreprise a souhaité fermer un établissement et a préparé un PSE par document unilatéral, sur lequel l’employeur a consulté le CSE central et le CSE d’établissement.

Le PSE a été homologué, mais cette décision a été annulée par le tribunal administratif en raison d’une erreur de contrôle du Dreets (directeur régional du travail), qui n’avait pas vérifié le caractère suffisant du PSE au regard des moyens du groupe.

► En effet, le Dreets saisi d’une demande d’homologation d’un PSE doit notamment vérifier si les mesures prévues par le plan sont suffisantes au regard des moyens du groupe, qui s’entendent comme les moyens, notamment financiers, dont disposent l’ensemble des entreprises placées sous le contrôle d’une même entreprise dominante, ainsi que de ceux dont celle-ci dispose (Conseil d’Etat, 7 février 2018 ; Conseil d’Etat, 21 juillet 2023). A la différence du groupe de reclassement, qui est limité aux entreprises situées sur le territoire national, le “groupe de moyens” s’apprécie à l’échelle mondiale.

Le Conseil d’Etat, saisi d’un premier pourvoi dans cette affaire, se prononce au fond et annule la décision des juges du fond : il leur reproche de s’être prononcés au vu de la seule motivation du Dreets, sans avoir examiné eux-mêmes les pièces du dossier afin de déterminer si les conditions de légalité de sa décision étaient bien satisfaites (voir déjà en ce sens Conseil d’Etat, 19 décembre 2023).

Après l’annulation du PSE par les juges, l’employeur a repris la procédure de licenciement. Il a actualisé son document unilatéral portant PSE, l’a de nouveau soumis au CSE central et au CSE d’établissement pour avis, et a déposé une nouvelle demande d’homologation, qui lui a été accordée. Les salariés ont de nouveau saisi le juge administratif pour obtenir l’annulation de cette décision, cette fois sur le fondement d’une irrégularité dans la procédure d’information-consultation des représentants du personnel.

► C’est la succession de ces deux procédures qui a justifié l’inscription de cette affaire au rôle des chambres réunies du Conseil d’Etat. Le sort du premier pourvoi était-il déterminant pour le second ? Pour le rapporteur public, ce n’était pas le cas : la seconde décision d’homologation du PSE était certes consécutive à la première, mais les décisions des juges du fond n’étaient pas liées. Il n’y avait donc pas de conséquence à tirer, pour la légalité de la seconde homologation, d’une éventuelle cassation de l’annulation de la première.

Pas d’information-consultation sans modification substantielle du PSE

L’article L.1233-30 du code du travail exige de l’employeur qu’il informe et consulte le CSE sur son document unilatéral portant PSE au cours de deux réunions espacées d’au moins 15 jours. Le même délai s’applique en cas de réunion du CSE d’établissement (article L.1233-36 du code du travail).

Au cours de la seconde procédure de licenciement, l’employeur n’avait laissé s’écouler que sept jours entre les deux réunions du CSE d’établissement. Pour la cour administrative d’appel, ce délai était insuffisant, car la procédure d’information-consultation du CSE devait être entièrement reprise.

► La cour administrative d’appel s’était peut-être inspirée du juge judiciaire qui, à l’époque où il avait la charge du contentieux des plans sociaux, avait décidé qu’en cas d’annulation d’un premier plan insuffisant la procédure d’information-consultation des représentants du personnel devait être reprise à zéro (arrêt du 10 février 2004 ; voir également arrêt du 5 avril 2023).

Le Conseil d’Etat censure la décision de la cour administrative d’appel, par un raisonnement en deux temps.

D’abord, lorsque la décision homologuant le PSE est annulée par le juge, l’employeur peut reprendre (ou poursuivre) la même procédure de licenciement. Si nécessaire, il amende son projet afin de répondre au motif d’annulation de l’homologation du premier PSE.

Ensuite, l’employeur soumet ce plan modifié aux représentants du personnel. Deux situations peuvent alors se présenter :

  • soit les modifications apportées au PSE sont mineures, et la procédure d’information-consultation du CSE n’a pas à être reprise en totalité : l’employeur doit seulement communiquer au CSE tous les éléments d’information utiles dans un délai suffisant afin de lui permettre de formuler ses avis en toute connaissance de cause ;
  • soit ces modifications sont substantielles, et l’employeur doit alors respecter toutes les étapes de la procédure d’information-consultation du CSE, telles que prévues par les articles L.1233-28 et suivants du code du travail.

Ici, le Conseil d’Etat considère que, en annulant la seconde homologation du PSE au motif que les deux réunions du CSE n’avaient pas été espacées de 15 jours, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit.

En effet, l’annulation du premier PSE était motivée par une erreur de contrôle du Dreets et non par une insuffisance des mesures prévues par le plan. Par ailleurs, les juges du fond n’ont relevé que des modifications mineures du PSE par rapport à sa première version : des précisions concernant les critères d’ordre des licenciements et des actualisations, dictées par l’écoulement du temps, du plan de reclassement. La procédure suivie par l’employeur était donc régulière.

Laurence Méchin

Droits de douane : le Conseil national de l’industrie appelle à des positions fermes avec les Etats-Unis

23/07/2025

Mardi 22 juillet s’est tenu à Bercy un nouveau Conseil National de l’Industrie- (CNI). Réunissant les acteurs de 20 filières (matériaux, transports, énergie, numérique…), industriels, représentants des salariés, personnalités qualifiées et administration, il est présidé par François Bayrou et Alexandre Saubot (vice-président et représentant du lobby France Industrie). Depuis les annonces fracassantes de Donald Trump sur de brutales hausses de droits de douane de 30 % sur les produits européens, syndicats et patronat sont inquiets. Ils tentent de construire avec les instances européennes une négociation envers les Etats-Unis qui permette de ne pas pénaliser les produits européens et français mais aussi l’emploi.

Le CNI a rendu un avis dans lequel il demande à l’Europe de poursuivre les négociations en vue de conclure un accord équitable. Il appelle également l’UE à une position ferme à l’égard de Donald Trump : “Nous appelons la Commission à donner le signal que l’Union Européenne défendra pleinement ses intérêts, en adoptant rapidement, pour application en cas de non-accord, les contre-mesures appropriées face aux mesures déjà annoncées et en étudiant toutes les options pour rétablir des relations commerciales équitables. Si l’Union Européenne ne se montre pas suffisamment ferme, alors qu’elle représente un des plus grands marchés au monde, notre industrie paiera durablement le prix des droits de douane trop élevés, sans aucun levier pour revenir en arrière et au risque d’une nouvelle phase de désindustrialisation”.

À l’issue de la réunion, le ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci,a déclaré : “II serait inenvisageable de céder à une coercition économique américaine et d’accepter un accord contraire à nos intérêts économiques. L’approche que nous avons eu ces trois derniers mois n’a manifestement pas fonctionné. Il est nécessaire désormais de changer de posture pour crédibiliser la capacité de riposte européenne”.

Source :actuel CSE

Intérim : les syndicats de GI Services France dénoncent la carence du CSE

24/07/2025

Joane Petit, Mohamed Lamine Merazga

Dans cette entreprise d’intérim, l’absorption par une autre structure a entraîné la disparition du CSE. Depuis, les anciens élus déplorent que tous les postes de titulaires et suppléants ne soient pas pourvus dans le CSE de l’entreprise absorbante. Malgré un recours en justice, ils réclament des élections partielles alors que les salariés se plaignent de subir des pressions pour quitter l’entreprise.

Dans le milieu de l’intérim, les expériences de travail sont souvent hétérogènes, certains salariés y trouvant une source d’épanouissement, d’autres subissant des conditions de travail dégradées sans avoir leur mot à dire dans l’entreprise d’accueil. Il y a neuf mois, la publication de l’ouvrage collectif “La condition intérimaire” a montré la précarisation de ces salariés exclus la plupart du temps des collectifs de travail. Si juridiquement, ils bénéficient de la représentation du personnel de l’entreprise d’accueil, la relation de travail tripartite entre les salariés, l’entreprise de placement et la structure d’accueil fragilise ce public déjà très exposé à la flexibilité du travail.

La comparaison entre intérimaires et salariés permanents pourrait s’arrêter là si ces derniers bénéficiaient de stabilité, et c’est sans doute souvent le cas. Mais pas chez GI Services apparemment. Avant l’absorption par Kelly Services (en septembre 2024, avec effet le 1er février 2025), GI Group, installée à Courbevoie en banlieue parisienne, pesait autour de 200 salariés permanents. Après cette date, l’effectif a doublé pour atteindre environ 400 personnes et 5 000 intérimaires.

Un niveau jugé trop important puisque la direction tenterait d’imposer des départs : 22 agences devraient être supprimées. Quant au CSE, l’ancienne structure antérieure au rachat de Kelly Services a disparu, mais la nouvelle instance de représentation du personnel n’a pas suivi la hausse des effectifs. Et le jugement déboutant de l’annulation des élections n’a pas été notifié aux parties, nous a fait savoir l’avocat de la CGT.

Un CSE en carence d’élus

“Nos mandats se sont terminés le 31 janvier 2025. L’ancien numéro de Siret ayant disparu du fait du rachat, notre CSE a disparu aussi. La représentation du personnel est assurée par le CSE de Kelly Services, antérieur à l’absorption de GI, et comptant 6 élus alors que la masse salariale a doublé”, témoigne Joane Petit, ancienne secrétaire CGT (majoritaire) du CSE de GI.

Surtout, ce nouveau CSE ne serait pas représentatif sur les trois collèges. “Il manque sept élus sur le collège des cadres (1 titulaire et 6 suppléants), le collège maîtrise devrait comprendre trois titulaires mais il n’y en a que deux dont un qui a démissionné, et sur le collège des employés, il n’y a personne”, pointe Joane Petit.

Moucine Bezza, élu CFDT, confirme cette carence : “Après la fusion avec la nouvelle boîte, notre CSE a été mis de côté. De toute façon depuis trois ans, il y avait des changements de direction fréquents, on moulinait tous seuls dans notre coin et on n’avait plus les tenants et aboutissants de l’histoire”.

D’après Joane Petit, les élues déjà en place chez Kelly auraient contacté Force Ouvrière afin de négocier le protocole d’accord préélectoral. L’une des élues a ensuite rendu sa carte syndicale le lendemain de la négociation pour se présenter sans étiquette. Des faits que confirme Lamine Merazga, secrétaire fédéral en charge de la vie syndicale à la fédération des services de la CGT et lui-même ancien élu au CSE de GI Services. Nous avons contacté les élues en question afin de vérifier ces informations et de leur donner la parole mais elles n’ont pas répondu à notre demande.

Afin de faire annuler les élections, la CGT de GI a aussi saisi la justice. Déboutés par le tribunal, ses représentants s’étonnent de n’avoir jamais pu lire le jugement.

Un jugement fantôme du tribunal judiciaire de Nanterre

Selon les élus CGT, le tribunal judiciaire de Nanterre a été saisi en février 2025 de leur demande d’annulation des élections. En mai dernier, le tribunal les a déboutés de leur demande mais à ce jour, le jugement n’a toujours été notifié à leur avocat. Ils ignorent donc pourquoi leur recours a été rejeté et ne peuvent pas décider de faire appel ou non.

Ils se sont donc tournés vers l’inspecteur du travail afin de réclamer l’organisation d’élections partielles, en particulier pour les premier et deuxième collèges. En effet, selon l’article L.2314-10 du code du travail, “des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique est réduit de moitié ou plus, sauf si ces événements interviennent moins de six mois avant le terme du mandat des membres de la délégation du personnel du CSE”.

Selon les anciens élus CGT, l’inspecteur du travail aurait sommé l’entreprise d’organiser des élections partielles. Depuis, les élus attendent son retour de congés. Côté salariés, l’incertitude liée à la réorganisation et les annonces de fermeture d’agence ont entraîné des ruptures conventionnelles et des arrêts de travail.

“On m’annonce par téléphone que mon agence va être fermée”

Un salarié de GI Services, qui préfère rester anonyme, nous a apporté son témoignage. Embauché en 2023, il dit avoir été directement contacté par sa hiérarchie. “Il [un manager] me demande de le recontacter via Teams et il me dit ‘On va fermer ton agence'”.

Pour ce salarié, cette pression serait destinée à favoriser les départs. Selon Joane Petit, la direction compterait ainsi fermer 22 agences sur 48.  Avec deux à trois salariés par agence, cela représenterait environ 70 personnes.

Les moyens utilisés sont simples : selon Lamine Merazga, de la fédération CGT, les agences proposeraient des missions quasi impossibles à réaliser aux intérimaires afin de les pousser à la faute. De même, les managers leurs présenteraient des postes dans d’autres agences très éloignées de leur domicile, en espérant faire jouer les clauses de mobilité de leur contrat de travail.

Le salarié anonyme que nous avons pu contacter nous l’a confirmé : “Tout allait bien pour moi jusqu’à février et le rachat avec Kelly Services. Ensuite j’ai reçu cet appel et on m’a proposé de me rattacher à une agence à 52 kilomètres de chez moi, il me faudrait au moins 1h15 pour m’y rendre, même en transports en commun”. Selon ce salarié, une personne des ressources humaines l’aurait appelé à plusieurs reprises pour l’interroger sur ce qu’il pensait de cette mutation. Elle lui aurait également demandé s’il pouvait envisager de déménager. “La clause de mobilité dans mon contrat dit que je peux être envoyé dans toute la région, mais pour moi ce n’est pas possible”.

À la CFDT, Moucine Bezza a constaté également ces phénomènes de pression sur les salariés via les clauses de mobilité afin que le refus du personnel les pousse à négocier des ruptures conventionnelles. “La direction fait un peu ce qu’elle veut. Ils visent surtout à devenir une société d’intérim en ligne, c’est pour ça qu’ils ferment des agences”, affirme-t-il.

Pour Lamine Merazga, “ce n’est ni plus ni moins qu’un PSE déguisé, ils proposent des mutations à 200 kilomètres du domicile alors que l’agence peut les accueillir qu’ils à 50 km. Ils ont aussi ramené une nouvelle ‘DRH de transition’ pour faire le sale boulot”.

Nous avons tenté de contacter cette nouvelle directrice des ressources humaines ainsi que le président du groupe afin de leur demander leur version des faits. S’ils ont accepté notre mise en relation dans un premier temps, nos messages sont ensuite restés lettres mortes…

De leur côté, les anciens élus tentent de mobiliser les salariés (dont 60 sont syndiqués) en les alertant sur la perte des leurs avantages sociaux et culturels et les fermetures d’agences. Ils demandent notamment “la remise en place d’un CSE digne de ce nom” et commencent à réfléchir à organiser une grève.

Une expertise diligentée par le CSE sur les risques psychosociaux
Chez GI, afin de préparer le rachat de Kelly Services, un programme de transformation nommé CAP24 a été mis en place. En juillet 2024, une enquête interne avait révélé que 61% des salariés déclaraient vouloir revenir sur l’ancien modèle organisationnel. 53 % d’entre eux déclaraient qu’ils réfléchissaient à quitter l’entreprise.

Le cabinet Emergences a ensuite été mandaté par le CSE en septembre 2024 afin de réaliser en expertise sur les risques psychosociaux dans l’entreprise et analyser les conséquences du projet de réorganisation juridique du groupe GI en France suite au rachat de Kelly. Selon ce rapport que nous avons pu consulter, ” l’expert constate que l’état de profonde déstabilisation de l’organisation fait consensus. (…) Le modèle d’organisation CAP 24 a été mis en place de manière brutale. La conduite du changement a généré des vagues de départs, qui déstabilisent l’organisation”.

Le rapport poursuit : “L’enchainement des contre-performances de l’organisation favorise un déclin économique qui suscite des inquiétudes parmi le personnel et dégrade la qualité de service. (…) Le rythme et l’ampleur des changements sont importants et ne tiennent pas suffisamment compte des capacités d’adaptation des individus. (…) L’expert recense les facteurs de risques psychosociaux générés par le contexte. L’organisation produit du stress soit en augmentant la complexité du travail, soit en créant des conditions d’une perte d’autonomie dans son travail. Elle augmente le risque d’usure professionnelle pouvant évoluer vers un ‘burn out’ ou à l’inverse l’épuisement professionnel par l’ennui”.

Marie-Aude Grimont

La Dares confirme la centralisation du dialogue social et la moindre couverture des établissements par un CSE

25/07/2025

La proportion d’établissements comprenant une instance représentative du personnel a baissé de 2017 à 2023, relève une étude du ministère du travail parue jeudi 24 juillet. Dans les entreprises multisites, le CSE a opéré une centralisation du dialogue social, 17 % des établissements étant représentés par une instance dont les membres ne sont pas salariés de l’établissement.

La mise en place du comité social et économique (CSE) va entraîner une moindre couverture des entreprises par des élus du personnel ainsi qu’une centralisation du dialogue social et un éloignement des représentants du personnel et des salariés : ces prévisions alarmistes formulées aussi bien par des experts, consultants et formateurs, que par des élus et des organisations syndicales, et ceci sans répit depuis 2017, ne cessent de se trouver confirmées d’étude en étude. La dernière en date, publiée jeudi 24 juillet par la Dares, la direction de la recherche du ministère du travail, le montre en quelques chiffres (*). 

La proportion d’établissements couverts par un CSE baisse 

Cette enquête réalisée en 2023, soit six ans après la création du CSE en 2017, montre une baisse de la part des établissements couverts par une instance représentative du personnel. De 2017 à 2023, cette proportion a diminué de 3 points, passant de 64 % à 61 %. Autrement dit, moins d’établissements et donc moins de salariés sont couverts par un CSE. 

La représentation du personnel recule entre 2017 et 2023, quelle que soit la taille des établissements, sauf entre 100 et 199 salariés. Cette baisse est forte (- 7 points) dans les établissements de 50 à 99 salariés. Elle est aussi plus marquée dans certains d’activités comme l’hébergement et la restauration (- 10 points), les services aux entreprises (- 9 points) ainsi que l’ensemble activités immobilières, arts et spectacles et services aux ménages (- 8 points). Même les établissements industriels perdent 6 points, alors que la présence d’IRP progresse de 4 points dans la construction, un secteur au demeurant peu couvert par les IRP. 

Seuls 43 % des mono-établissements ont une instance élue

Globalement, cette baisse est particulièrement inquiétante dans les mono-établissements. Seuls 43 % de ces sites sont dotés d’une instance du personnel élue en 2023, contre 48 % en 2027, soit une baisse de 5 points en six ans. La couverture par une IRP des établissements appartenant à une entreprise ayant plusieurs site s’avère stable en revanche, à hauteur de 80 %.

Mais cette stabilité dissimule une accélération de la centralisation du dialogue social en France.

La centralisation des CSE en trois chiffres

Trois chiffres illustrent cette centralisation croissante des CSE et du dialogue social. 

► Premier chiffre : la part des IRP couvrant tous les établissements d’une même entreprise passe de 22 % à 46 % en six ans.

► Deuxième chiffre : 17 % des établissements (contre 12 % en 2017) qui relèvent d’une entreprise multisites “sont représentés par une instance élue dont les membres ne sont pas salariés de l’établissement”. 

► Le troisième chiffre porte sur les établissements disposant d’une autonomie de gestion. Si 83% de ces établissements sont couverts par une IRP, seulement 41 % le sont par une IRP élue au niveau de l’établissement (contre 66 % en 2013).

“Ces évolutions illustrent la centralisation des IRP élus dans les entreprises multisites, laquelle entraîne un éloignement des instances des salariés. La suppression des délégués du personnel (DP) et des CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) par les ordonnances de septembre 2017, instances souvent implantées au niveau de l’établissement, explique en grande partie ce phénomène”, peut-on lire dans l’étude de la Dares.  

La place des représentants de proximité

On aurait pu penser que cet éloignement des salariés d’avec leurs représentants serait en partie compensée par des représentants de proximité, nouveau mandat inauguré en 2017 mais subordonné à la conclusion d’un accord précédant les élections CSE. Cela n’a guère été le cas. Seuls 4 % des établissements ayant pour caractéristique d’appartenir à une entreprise multisite et couverts par un CSE sans élu sur place possèdent des représentants de proximité. En revanche, ces représentants de proximité sont plus nombreux sur les sites disposant déjà d’élus sur place. En effet, en moyenne, 22 % des établissements des entreprises multisites couverts par un CSE disposent de représentants de proximité sur leur site. Ces représentants de proximité sont présents de façon plus importants à partir de 200 salariés mais aussi dans des établissements comportant plutôt des cadres que des ouvriers, ainsi que dans les activités de l’industrie, de la santé et de l’action sociale que dans le commerce. 

Ces représentants de proximité sont désignés, dans 60 % des cas, parmi les élus et dans 33% parmi d’autres salariés. Leur rôle a trait, pour 71 % des établissements dotés de RP, aux réclamations individuelles et collectives (tâche autrefois dévolue aux délégués du personnel) et dans 36 % aux activité sociales et culturelles. 

La commission spécialisée sur les conditions de travail 

Obligatoire à partir de 300 salariés contre 50 salariés pour l’ancien CHSCT, la commission santé, sécurité et conditions de travail (CCSCT) couvre logiquement moins d’établissements (51 % en moyenne au lieu de 53 % pour le CHSCT). Si 93 % des sites d’au moins 300 salariés sont couverts par une CSSCT, c’est le cas de 68 % des établissements d’au moins 50 salariés, contre 80 % pour le CHSCT en 2017. 

La dégradation des conditions de représentation à l’origine du manque de candidature 

D’autres données intéressantes nous sont livrées par cette nouvelle étude. L’absence totale de candidats expliquerait dans 54 % des cas l’absence d’instance élue. En cause : la dégradation des conditions de représentation des salariés “dans un contexte de complexification des mandats”. Les représentants du personnel, dont 63 % soutiennent pourtant que l’instance unique permet un dialogue de meilleure qualité, déplorent par exemple :

  • la difficulté à faire remonter les difficultés des salariés (c’est l’opinion de 40 % des élus d’entreprises d’au moins 100 salariés) ;
  • des moyens insuffisants pour leur missions (69%)  ;
  • des discussions rendues difficiles par la multiplication des sujets traités (46 %).

Par ailleurs, 60 % des élus des établissements d’au moins 200 salariés estiment que le CSE a accru la charge de travail liée à leur mandat. 

Tout cela pourrait expliquer, ose la Dares, “une inappétence accrue des salariés et des anciens élus pour les nouvelles instances représentatives”. La disparition du CHSCT aurait aussi dissuadé ses anciens membres de se présenter aux élections CSE, d’autant que “l’incertitude liée à l’articulation encre mal établie entre CSSCT et CSE pourrait avoir contribué à cette situation”. 

(*) L’enquête Réponse de 2023 décrit les IRP en place au 1er janvier 2023, ainsi que les relations professionnelles du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2022. Pour cette enquête, trois échantillons ont été interrogés : 4 369 représentants de directions d’établissement, interrogés en face à face, 2 691 représentants du personnel, interrogés en face à face, et 30 888 salariés, via des questionnaires en ligne ou par voie postale. 

Une présence syndicale en recul 
La présence syndicale dans les établissements de plus de 10 salariés perd 5 points de 2017 à 2023 pour tomber à 32 %. Cette baisse concerne toutes les tailles d’entreprises : par exemple, le taux de couverture syndicale pour les 300 salariés et plus atteint 89 % en 2023, contre 94 % en 2017. Cette évolution est plus marquée encore dans les entreprises multisites (53 % contre 62 % en 2017).

Cette diminution se constate dans tous les secteurs d’activité sauf les transports. Dans les établissements couverts par des délégués syndicaux, la Dares estime qu’il s’agit d’un seul syndicat dans 42 %, de 2 syndicats dans 21 %, de 3 dans 15 %, etc. 

À noter qu’entre 2018 et 2023, les représentants au CSE sont élus dans la même proportion sur des listes syndicales (46 %) et non-syndicales (46 %). Seuls 6 % des établissements comptent à la fois des élus syndiqués et des élus non syndiqués. 

 Bernard Domergue

“En cas de PSE, il serait utile de permettre aux CSE de tenir des assemblées générales sur le temps de travail”

25/07/2025

Benjamin Lucas-Lundy (rapporteur de la commission) et Denis Masséglia (président)

La commission d’enquête sur la défaillance des pouvoirs publics face à la multiplication des plans de licenciements a rendu son rapport. Parmi ses 52 recommandations, on trouve de nombreuses propositions autour de la consultation et des moyens des CSE. Entre manque de moyens et pouvoir insuffisant, les élus et délégués syndicaux sont “placés devant le fait accompli”.

Les constats de la commission d’enquête sur la défaillance des pouvoirs publics dans les plans de licenciement vont donc dans le même sens que ceux de la commission sur les aides publiques aux entreprises : les représentants du personnel se trouvent démunis, avec des moyens insuffisants et un rapport de force défavorable face aux employeurs.

Après une centaine de pages consacrées au “regain préoccupant” des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) depuis 2024 et aux multiples réformes qui ont “fragilisé le droit du travail” depuis la création des PSE en 2013, la commission d’enquête trace aussi ce portrait accablant : “Les PSE sont anormalement compatibles avec le versement d’aides publiques aux entreprises”.

Rappelons que cette commission a été créée en mars 2025 à la demande des députés du groupe écologiste et social de l’Assemblée. Elle a mené 41 auditions d’entreprises atteintes de PSE emblématique (ArcelorMittal, Vencorex, Auchan, Casino, Michelin, Valeo …) d’organisations syndicales, d’élus du personnel, d’anciens ministres, de membres de l’actuel gouvernement. Ses buts : “se doter d’un outil nécessaire d’évaluation précis et exigeant, répondre à l’urgence sociale, économique et démocratique que représentent ces plans de licenciements à répétition, d’évaluer les moyens et outils dont disposent les pouvoirs publics pour tenter de l’endiguer”.

Au final, son rapport pointe du doigt l’absence de lien entre les PSE et les aides publiques aux entreprises et dénonce “l’asymétrie” entre représentants des salariés et directions. En un mot, la procédure actuelle ne les place pas sur un pied d’égalité.

Déloyauté et moyens inégaux entre employeurs et représentants des salariés

“Asymétrie de préparation” et “déséquilibre entre les parties” créent selon la commission “le risque d’une négociation déloyale” des PSE. Tout d’abord parce que les représentants du personnel, qu’ils soient élus de CSE ou délégués syndicaux, ne sont pas associés dès le début de la conception du PSE, alors que la direction des entreprises travaille souvent pendant plusieurs mois le plan de sauvegarde en amont de la consultation des élus et de la négociation avec les délégués.

La disproportion des moyens, notamment financiers, entre directions et représentants pour financer les expertises et avoir recours à des avocats accentue encore le phénomène. Sont également décriés les délais de négociation trop courts qui ne permettent pas aux élus de se retourner et les encouragent à se focaliser sur les indemnités des salariés licenciés au détriment des propositions alternatives au licenciement, du contrôle du motif économique (qui n’est d’ailleurs pas contrôlé non plus par l’administration) ou encore de l’analyse des décisions de gestion.

Soulignées également par la commission, la “forte pression” à laquelle les élus sont confrontés en raison de la multitude et de la complexité des sujets à traiter. “Les risques psychosociaux sont élevés pour les représentants du personnel dans ces situations”, pointe le rapport. D’autant que les élus de CSE et délégués syndicaux doivent prendre en compte les intérêts divergents entre salariés licenciés et salariés maintenus en poste.

Des propositions originales en faveur des CSE

Afin de réduire ces handicaps, au-delà de la suggestion devenue traditionnelle depuis les ordonnances Macron de 2027 de rallonger (ici de 2 mois) les délais de consultation, la commission formule plusieurs propositions originales, notamment celles de permettre au CSE de saisir le tribunal de commerce en cas de recherche fictive d’un repreneur par l’employeur et de consulter les partenaires sociaux sur la création d’un fonds national d’appui aux représentants du personnel.

Il serait également pertinent pour la commission d’accorder aux représentants du personnel de tenir, en cas de projet de réorganisation ayant une incidence sur l’emploi, des assemblées générales du personnel organisées sur le lieu et le temps de travail. Dans la même veine, afin de retrouver de la proximité entre salariés et élus, la commission souhaite renforcer les moyens de communication numériques des représentants du personnel. L’affichage et le tractage lui semblent “archaïques, surtout à l’heure du télétravail et des entreprises multisites”.

Quant à la procédure, la commission propose de prévoir :

  • une formation obligatoire, financée par l’employeur, pour les représentants du personnel et les salariés le souhaitant sur le droit des licenciements économiques ;
  • un financement intégral de l’employeur en cas de recours par le CSE à un expert-comptable ou à un expert habilité ;
  • une prise de contact systématique entre la Dreets (direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités) et les représentants du personnel.

Enfin, même s’il n’est pas question de droit de veto, la commission suggère de donner au CSE le pouvoir d’approuver le document de mise en œuvre du PSE élaboré par l’employeur à défaut d’accord collectif.

Un rôle “réel mais affaibli” des pouvoirs publics

La commission développe également plusieurs pages à ce qui faisait sa raison d’être : les pouvoirs publics sont-ils “défaillants” au sujet des PSE ? Pour la commission, l’Etat n’assume pas totalement ses responsabilités. Le rapport pointe le grand absent de la procédure : l’administration ne contrôle pas le motif économique des licenciements, pourtant retenu pour justifier l’élaboration du PSE. “L’administration n’évalue donc pas la stratégie de l’entreprise et doit cibler son contrôle sur le PSE”, conclut le document.

Autre défaut de la procédure : l’administration ne dispose pas des moyens nécessaires pour analyser en profondeur la qualité de l’évaluation des risques professionnels liés au PSE. Un point crucial quand on sait que les différentes voies de recours contre les décisions d’homologation et de validation des PSE sont “globalement peu utilisés”. De ce fait, les taux d’annulation des décisions de l’administration sont très faibles, alors que la commission pointe par ailleurs que les recours prud’hommaux contre les décisions individuelles de licenciement économiques sont devenus marginaux.

Surtout, selon le rapport de la commission, le maintien de l’emploi n’est pas suffisamment au cœur de la stratégie des pouvoirs publics auprès des entreprises en difficulté. Seules solutions : renforcer les obligations des employeurs, créer un statut juridique de la sous-traitance, obliger les entreprises versant des dividendes aux actionnaires à provisionner un montant équivalent pour financer l’accompagnement des salariés, restreindre la définition du licenciement économique aux seules difficultés graves et durables mettant en péril la survie de l’entreprise, renforcer les contrôles de l’administration.

Dernière proposition se recoupant avec le rapport sur les aides publiques aux entreprises : rendre publiques les informations relatives aux aides perçues par les employeurs et contraindre au remboursement des aides lorsque l’entreprise émettant un PSE réalise des bénéfices, plafonner le montant des aides, créer une Haute Autorité des aides publiques indépendante. Cette recommandation ravira les organisations syndicales qui réclament justement ces réformes de longue date. Justement, il se trouve que l’ébauche de document de négociation remis par le gouvernement (lire notre article dans cette édition) aux organisations syndicales sur le budget de François Bayrou mentionne de permettre aux CSE de recevoir une information sur les aides publiques reçues par les entreprises…

Marie-Aude Grimont