Budget : Marylise Léon refuse la confiance de la CFDT à François Bayrou

27/08/2025

Hier après-midi, lors de l’université d’été de la CFDT, François Bayrou a annoncé vouloir confier l’assurance chômage et les régimes vieillesse aux partenaires sociaux. Cela n’a pas suffi à emporter l’adhésion sur le budget, et Marylise Léon a refusé de participer aux négociations sur les jours fériés.

Après avoir trébuché contre une marche de la tribune pour rejoindre le micro prévu pour prononcer son discours, le Premier ministre a trébuché sur l’ensemble de la CFDT. En attendant le départ des débats de cette première journée d’université d’été de la CFDT, à Boissy-les-Rivières dans l’Essonne, les responsables de fédérations et d’unions locales que nous avons interrogés n’attendaient pas grand-chose du discours de François Bayrou. C’est tout juste s’ils acceptaient de s’exprimer sur l’annonce, faite lundi après-midi, du vote de confiance organisé le 8 septembre.

Le Premier ministre a pourtant tenté de les amadouer, et par moments, il aurait pu réussir, notamment quand il a prononcé ces mots : “Je demanderai au Medef les moyens de les impliquer [sur l’anxiété des salariés français et l’amélioration des conditions de travail], je serai alors votre porte-parole”. Les quelques 300 cadres de la CFDT présents ont ri mais pas applaudi. Et Marylise Léon est restée campée sur ses projets de mobilisation. “Nous ne sommes pas dupes”, a-t-elle affirmé depuis les pelouses ombragées. Malgré l’annonce par le Premier ministre de son intention de confier la gestion totale de l’assurance chômage aux partenaires sociaux, elle a refusé de participer à la négociation sur les jours fériés et répondu par un projet de mobilisation.

François Bayrou veut confier la gestion de l’assurance chômage aux partenaires sociaux

Voilà qui fait curieux ménage avec la lettre de cadrage envoyée début août aux syndicats. Après avoir tenu un discours enchaînant “J’admire la constance et la combativité de Marylise Léon”, “un effort spécifique sera demandé aux plus hauts revenus et à ceux qui pratiquent de l’optimisation”, ou encore “il faut faire aboutir la place des salariés dans les conseils d’administration”, le Premier ministre a tenté d’obtenir l’adhésion de la salle par cette annonce : “Je propose que nous changions de cap et fassions entièrement confiance aux partenaires sociaux en leur confiant un des piliers de la protection sociale, notamment l’assurance chômage et la vieillesse”.

Un “Aaaaah” de satisfaction a parcouru le public installé sous le chapiteau, dans ce parc du domaine. Mais l’adhésion n’est pas venue, en particulier quand François Bayrou a indiqué : “Dans les 13 jours qui viennent, les Français vont choisir, influencer leurs élus représentants pour qu’ils disent s’ils se placent du côté du chaos ou du côté de la conscience et de la responsabilité”. Ces propos n’ont pas plu et la salle a frissonné de mécontentement.

Une nouvelle gouvernance contradictoire avec la lettre de cadrage

L’annonce de François Bayrou sur l’assurance chômage a satisfait le public mais elle interroge : comment va-t-elle s’articuler avec la lettre de cadrage envoyée le 9 août aux partenaires sociaux ? Que deviendront les conventions tripartites entre l’État, l’Unédic et France Travail ? Quel véhicule législatif portera cette réforme ? Un régime de transition sera-t-il mis en place ? L’État cesser a-t-il ses prélèvements dans les caisses de l’Unédic ?

De nombreuses questions se posent. Interrogé par la presse dans le parc, François Bayrou n’a pas apporté de réponse.

“Je prends le ministre au mot : il abandonne la réforme de l’assurance chômage”

Marylise Léon n’a pas manqué de réagir à l’annonce du Premier ministre : “Je le prends au mot : il abandonne la réforme de l’assurance chômage. (…) Mais la façon dont les choses ont été posées le 15 juillet, et dont on a dit aux travailleurs qu’ils paieront les premiers, c’est inacceptable”. La secrétaire générale de la CFDT a rappelé que les partenaires sociaux “ont fait preuve de responsabilité de leur capacité à gérer les régimes des retraites complémentaires”.

Elle demande également des éclaircissements : “Nous laisser gérer c’est bien, mais il faut qu’on puisse décider des règles et c’est exactement le problème qu’on a sur l’assurance chômage. On nous dit de gérer mais quand les règles ne nous conviennent pas, on décide à notre place”. Elle a rappelé qu’un accord fraîchement négocié était à peine entré en vigueur et demandé explicitement au Premier ministre de retirer son projet de réforme. Notamment parce que le texte du 14 novembre 2024 n’a en effet pas totalement été transposé dans la loi. Il manque par exemple les mesures sur les primo-entrants dans le régime. “On nous demande déjà de le remettre en cause pour des questions purement budgétaires”, dénonce-t-elle. Rejoindra-t-elle pour autant FO dans un recours juridique contre la lettre de cadrage ? Il faudra attendre les instances de la CFDT courant septembre pour le savoir. Marylise Léon a conclu sur le sujet par ces mots : “On ne construit pas un système d’assurance chômage stable et juste sur des coups de menton ou des improvisations.

Rappelons que cette hypothèse de confier davantage de gestion aux partenaires sociaux a également été évoquée lors du “conclave” sur les retraites : les partenaires sociaux avaient discuté ensemble d’une gouvernance paritaire des régimes de retraite de base en plus des complémentaires.

Une date de mobilisation et un “non” aux négociations sur les jours fériés

En fin de débat, lors des échanges avec la salle, Marylise Léon a enfoncé le clou : “On va reparler du document d’orientation avec la ministre du Travail jeudi matin, mais c’est là aussi qu’il y a la monétisation de la 5e semaine de congés payés ou le raccourcissement du délai pour agir aux prud’hommes”. Elle a également piqué le patronat : “Si c’est pour précariser, ce sera sans la CFDT”. Une ovation tonitruante des participants a accueilli ces propos.

La secrétaire générale de la CFDT a gardé ses principales réponses pour son discours de clôture. Certes, “le déficit ne peut s’envoler sans fin, la CFDT ne nie pas ce constat”. Pour autant, Marylise Léon a une nouvelle fois dénoncé le projet de budget de François Bayrou : ” La proposition du gouvernement est de faire peser le poids du redressement du budget sur ceux qui travaillent dur, les chômeurs, les malades et les plus fragiles. (…) Des annonces perçues par bon nombre comme une provocation voire une agression sociale”.

Voilà le décor planté. Sur ce, Marylise Léon a sorti son artillerie : “La CFDT ne participera pas à la négociation [sur la suppression des jours fériés]”. Elle explique les raisons de sa décision : “Pour beaucoup de salariés, ces journées ne sont pas un luxe. Supprimer les jours fériés est une mesure idéologique, pas économique”. De plus, elle a évoqué l’exemple des salariés travaillant déjà pendant ces jours (dans les transports, la santé ou le nucléaire) et qui accuseront de nettes pertes de pouvoir d’achat.

De plus, la secrétaire générale désapprouve la méthode : “Qu’on ne négocie pas quand tout est décidé d’avance. On ne négocie pas quand le gouvernement fait mine d’écouter alors qu’il a déjà tranché. Le dialogue social, ce n’est pas une formalité administrative”.

Enfin, histoire de refroidir définitivement François Bayrou et Astrid Panosyan-Bouvet, Marylise Léon a confirmé que l’intersyndicale de vendredi 29 août fixerait une date de mobilisation pour le mois de septembre.

Une joute verbale entre Marylise Léon et Astrid Panosyan-Bouvet sur les  CSE
Un débat entre Marylise Léon et la ministre du Travail a par ailleurs abordé le sujet de la création des CSE par l’ordonnance Macron de 2017. A la question “Les CSE sont-ils suffisants ?”, Marylise Léon a répondu en ces termes :

“La réponse est non : l’ensemble des salariés ne sont pas couverts. Une enquête récente de la Dares a donné des chiffres inquiétants : les instances de représentation du personnel ne se développent pas assez dans les PME et on observe un recul de la représentation syndicale. On a un sujet : on lie la question de la démocratie au travail à la liberté de se syndiquer auprès d’une organisation qui soutient et forme les salariés. Cela fait partie des éléments d’inquiétude. Le CSE suffit encore moins depuis 2017. On a perdu en qualité du dialogue social, en proximité, on a perdu les problématiques de santé au travail alors que c’est un sujet repris par le Premier Ministre…”.

Après ces propos, la ministre du Travail n’a hélas pas annoncé de réforme du CSE, encore moins de renaissance du CHSCT. Elle s’est contentée de considérer la commission santé de “perfectible” tout en ajoutant qu’elle “donne de la nuance au sujet”. Avant d’ajouter : “Certains points doivent remonter d’un cran stratégique : les accidents graves et mortels doivent être évoqués en conseil d’administration et de surveillance”.

Marylise Léon a ensuite été fortement applaudie par l’assistance après cette phrase : “On ne peut pas limiter le dialogue social à un accord, cela dépend de ses thématiques et de ce qu’il y a dedans. Le pari des ordonnances était de diminuer les contraintes et de faire en sorte que les entreprises se saisissent du dialogue social, mais ça n’a pas été le cas”.

Marie-Aude Grimont

“S’engager” : le nouveau livre de Marylise Léon est en librairie

28/08/2025

La secrétaire générale de la CFDT publie un nouvel ouvrage aux éditions Flammarion. En librairie depuis hier, ce livre de 180 pages revient sur son parcours au sein de la CFDT, son inquiétude face à la montée des idées d’extrême droite mais aussi sur la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron en juin 2025 ou encore le récent conclave sur les retraites. Bouclé juste avant les annonces de François Bayrou, il n’y est pas question du budget ni du vote de confiance du 8 septembre. Nous reviendrons sur cet ouvrage plus longuement dans une prochaine édition.

Source : actuel CSE

La CGT souhaite que le 10 septembre soit “une première étape réussie”, la CFDT ne s’y joindra pas

28/08/2025

La CGT a tenu ces 26 et 27 août son comité confédéral national. Dans sa déclaration, ce dernier exige l’abandon du projet de budget et la mise en place de mesures d’urgence autour de la justice sociale et fiscale, du financement des services publics ou encore de l’augmentation des salaires (lire la déclaration complète sur le site de la CGT). En fin de texte, la CGT indique : “La dynamique de l’initiative citoyenne du 10 septembre démontre l’ampleur de la colère sociale. La CGT souhaite que cette journée soit une première étape réussie, ce qui passe en particulier par la grève sur les lieux de travail. Elle appelle donc ses syndicats à débattre avec les salariés et à construire la grève partout où c’est possible”.

La centrale de Montreuil appelle cependant ses militants à rejoindre la date de mobilisation interprofessionnelle qui sera fixée en intersyndicale vendredi 29 août.

L’appel de Solidaires à rejoindre le 10 septembre est plus explicite : dans un communiqué de presse diffusé hier, le syndicat “appelle à se mettre en grève et à soutenir le mouvement « Bloquons tout » qui exprime la colère sociale multiforme et grandissante face aux annonces budgétaires du gouvernement Bayrou”.

Tel n’est en revanche pas le cas de la CFDT : dans une interview publiée ce mercredi 27 août dans le quotidien Le Monde, Marylise Léon refuse de s’associer à ce mouvement : “L’appel du 10 septembre, c’est un mouvement citoyen. Mais la CFDT ne s’y joindra pas, parce que les modes d’action privilégiés ne sont pas les nôtres. Tout bloquer, la désobéissance, ce n’est pas la méthode CFDT. Et le syndicat ne répond pas aux injonctions des partis politiques”.

À FO, Frédéric Souillot a affirmé dans La Tribune Dimanche “Contrairement à Sud, nous n’appelons pas à rejoindre l’appel à tout bloquer le 10 septembre”. En revanche, la fédération FO-cheminots indique dans un communiqué du 26 août : “apporte[r] son soutien plein et entier à ses structures et militants qui s’engageront dans la lutte, sur nos revendications, y compris par la grève, y compris le 10 septembre”. Elle rejoint ainsi la fédération des employés et cadres (FEC FO) pour la branche des prestataires de services.

La CFE-CGC quant à elle ne rejoint pas l’appel du 10 septembre en raison d’un manque de revendications et de propositions à négocier pour régler les problèmes à l’origine du conflit. L’organisation de François Hommeril critique également “un appel aux origines nébuleuses et aux exigences baroques, qui plus est pollué par une récupération politique conjoncturelle”.

Source : actuel CSE