Transparence salariale : les négociations entre partenaires sociaux suspendues au climat politique
04/09/2025

La directive européenne sur la transparence salariale doit être appliquée dès juin 2026, mais l’instabilité gouvernementale complique les discussions. Le maintien de la prochaine séance de négociation, programmée pour le 9 septembre, dépend désormais de l’issue du vote de confiance à l’Assemblée nationale.
L’avenir des négociations sur la transparence salariale se trouve aujourd’hui suspendu aux aléas de la vie politique française. Alors que la directive européenne doit impérativement être transposée avant juin 2026, les partenaires sociaux s’interrogent sur la poursuite des discussions.
La quatrième séance de négociation, qui s’est tenue hier, a révélé les tensions qui traversent ce dossier sensible. Si Astrid Panosyan-Bouvet, ministre du Travail, s’est voulue rassurante en affirmant que “l’ambition était toujours de faire adopter le projet de loi sur la transparence salariale d’ici à la fin de l’année”, les syndicats restent sceptiques.
“La concertation ne rentre pas dans la gestion des affaires courantes”, souligne Myriam Lebkiri, secrétaire confédérale de la CGT, responsable de la commission égalité femmes-hommes. Cette position juridique soulève donc la question de la continuité des travaux en cas de chute du gouvernement après le vote de confiance programmé le 8 septembre.
Des points de blocage persistants
Malgré les progrès reconnus par la CFDT, qui estime que les discussions ont “assez bien avancé, y compris sur l’opérationnalité du texte”, plusieurs sujets majeurs demeurent sources de désaccord.
La comparaison des métiers à “valeur égale” constitue l’un des principaux écueils. Cette obligation, au cœur de la directive européenne, nécessite une classification des emplois et des grilles de rémunération adaptées. Le ministère souhaite s’appuyer sur les accords de branche existants pour établir ces comparaisons, mais Béatrice Lestic, secrétaire nationale de la CFDT, objecte que certains de ces accords sont “obsolètes” et nécessitent de nouvelles négociations pour fixer dans un premier temps les catégories d’emplois à “valeur égale”.
La CFE-CGC propose une approche différente : les entreprises de moins de 1 000 salariés pourraient s’appuyer sur les accords de branche avec une marge d’ajustement, tandis que les plus grandes structures négocieraient directement avec leurs partenaires sociaux. Une proposition qui se heurte au refus catégorique du patronat, selon les organisations syndicales . Or ces dernières redoutent que l’absence de compromis ne conduise à une décision unilatérale de l’employeur sur ce sujet.
Le périmètre des rémunérations fait également débat. Les syndicats CFDT, CGT et CFE-CGC militent pour une approche extensive incluant non seulement les composantes de base et variables, mais aussi les primes exceptionnelles, les actions ou stock-options, ainsi que les avantages en nature. Mais ces derniers éléments ne figurent pas actuellement dans le périmètre envisagé par le gouvernement. Christelle Toillon, déléguée nationale de la CFE-CGC, précise toutefois que la distribution d’actions gratuites constitue actuellement une “composante de la rémunération variable des cadres”. À ce titre, estime-t-elle, cet élément de rémunération doit être pris en considération, d’autant qu’il représente un “élément différenciant entre hommes et femmes”.
Un régime de sanctions encore flou
La question des sanctions, pourtant cruciale selon les syndicats, n’a pas été abordée lors de cette quatrième séance. “Si la sanction n’est pas à la hauteur de l’enjeu, l’égalité salariale n’avancera pas”, prévient Christelle Toillon.
Le document ministériel transmis aux partenaires sociaux en juin dernier, évoque un régime de sanctions “effectives, proportionnées et dissuasives”, mais les modalités concrètes restent à définir. Cette lacune inquiète les organisations syndicales, qui anticipent “énormément de recours” de la part des salariés une fois les informations rendues publiques.
Autre source d’inquiétude pour la CFDT : l’exclusion éventuelle des entreprises de moins de 100 salariés du champ d’application de la directive, ce qui constituerait selon le syndicat une “trahison des engagements pris par le ministère du travail”. Astrid Panosyan-Bouvet a pourtant indiqué que les entreprises de 50 à 99 salariés, déjà habituées à publier leur Index égalité professionnelle, devraient “continuer à s’inscrire dans cette démarche, selon un dispositif allégé”.
Jusqu’ici, les structures de moins de 100 salariés n’étaient pas soumises à l’évaluation conjointe avec les représentants du personnel, en cas d’écarts de rémunération moyenne d’au moins 5 % entre les sexes, non justifiés.
Une méthode de concertation critiquée
Au-delà, c’est la méthode même de négociation qui fait l’objet de critiques. Les partenaires sociaux déplorent l’absence d'”écrit sur table” et espéraient un “texte plus abouti”. Ils attendent donc un nouveau document, dans les prochains jours, pour sortir du flou.
La prochaine réunion, programmée pour le 9 septembre, était censée être conclusive. Son maintien dépend désormais de l’issue du vote de confiance à l’Assemblée nationale. En cas de changement de gouvernement, l’ensemble du travail des partenaires sociaux pourrait être remis en cause, retardant “l’appropriation de la directive européenne par les entreprises et les élus du personnel”.
Le patronat n’a pas voulu s’exprimer à l’issue de cette réunion.
Anne Bariet