Élections du CSE : la méthode de la Cour de cassation pour apprécier le respect de la règle d’alternance H/F

12/06/2025

La Cour de cassation statue en faveur d’une méthode permettant de s’assurer que les listes de candidats présentées par les syndicats lors des élections du CSE respectent bien la règle d’alternance entre les candidatures féminines et masculines. Elle juge ainsi que le respect de cette règle doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste.

Pour chaque collège électoral, les organisations syndicales présentant des candidats aux élections du CSE doivent composer leurs listes en alternant un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (C. trav. art. L 2314-30, al. 1).

À défaut, le juge éventuellement saisi annulera l’élection du ou des candidats mal positionné(s) (C. trav. art. L 2314-32, al. 4).

► Remarque 

L’article L 2314-30 du Code du travail impose également aux listes comportant plusieurs candidats d’être composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale (règle de proportion). L’application de cette règle ne posait pas de difficulté particulière dans l’arrêt du 4 juin 2025.

Les règles de proportion et d’alternance, qui participent à une composition équilibrée des listes de candidats, et sont d’ordre public absolu (jurisprudence constante, notamment : Cass. soc. 11-12-2019 n° 19-10.826 FS-PB ; Cass. soc. 8-1-2025 n° 24-11.781 F-B), doivent seulement être respectées par les listes syndicales de titulaires et de suppléants pour les deux tours.

Les listes du second tour sans étiquette syndicale ne sont pas concernées (Cass. soc. 25-11-2020 n° 19-60.222 FS-PBI ; Cass. soc. 27-1-2021 n° 19-23.732 F-D ; Cass. soc. 31-3-2021 n° 19-24.134 F-D).

Certaines configurations de listes de candidats peuvent complexifier l’identification des candidats mal positionnés et dont l’élection doit être annulée par le juge.

Dans l’arrêt du 4 juin 2025, destiné à être publié au bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation détaille la méthode à suivre dans une affaire où les listes critiquées présentaient plusieurs candidats de même sexe à la suite, suivis d’un candidat de l’autre sexe, faisant ainsi débuter l’alternance en plein milieu de la liste.

En l’espèce, le syndicat CGT invoquait le non-respect de la règle d’alternance pour demander l’annulation de l’élection de plusieurs candidats figurant sur des listes présentées par le syndicat CFDT dans le deuxième collège (titulaires et suppléants). Pour ce collège, le protocole préélectoral prévoyait que les listes des titulaires et des suppléants devaient comporter 8 hommes et 2 femmes.

Annulation de l’élection d’une femme positionnée après une autre femme sur la liste des titulaires

Sur la liste des titulaires, le syndicat CFDT avait présenté une liste complète, composée de 2 femmes et de 8 hommes, respectant ainsi la proportion fixée par le protocole préélectoral. Il avait en outre choisi de faire figurer en première position un homme, ce qui était son droit.

► Remarque 

La règle d’alternance interdit de déterminer librement le positionnement des différents candidats sur une même liste et de placer tous les candidats d’un même sexe en tête de liste.

En revanche, elle n’impose pas de position ou d’ordre d’alternance des candidats femmes et hommes. Ainsi, hors le cas où l’application des règles légales conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe (cas d’un sexe ultra-minoritaire), le premier candidat de la liste peut ne pas être du sexe majoritaire (Cass. soc. 27-5-2020 n° 19-60.147 F-D ; Cass. soc. 17-3-2021 n° 19-23.344 F-D).

La liste peut donc commencer librement par un homme ou par une femme et ce, quelle que soit la proportion de chaque sexe. Par exemple, un syndicat peut présenter une liste de candidats incomplète comportant une femme et un homme, peu important l’ordre de présentation de ces deux candidats, même si 2 sièges sont prévus pour les femmes et 10 sièges pour les hommes (Cass. soc. 17-3-2021 n° 19-23.344 F-D).

Le syndicat CFDT avait toutefois manqué à la règle d’alternance, comme l’illustre le tableau ci-dessous :

PositionListe présentée par le syndicat CFDTListe que le syndicat aurait dû présenter pour respecter la règle d’alternance
1Homme A  Homme  
2Femme B  Femme
3Femme U  Homme
4Homme R  Femme
5Homme S  Homme
6Homme T  Homme
7Homme U  Homme
8Homme V  Homme
9Homme W  Homme
10Homme X  Homme

De toute évidence, l’élection de Madame U, élue en troisième position sur la liste, devait être annulée, ce que confirment le tribunal judiciaire et la Cour de cassation.

En effet, comme le soutenait le syndicat CGT, cette candidate avait été élue alors qu’une femme était déjà en deuxième position (Madame B). Une candidature masculine aurait dû logiquement se trouver à sa place, en l’occurrence celle de Monsieur R, pour respecter l’alternance entre les sexes prévue par l’article L 2314-30 du Code du travail.

La question d’un mauvais positionnement affectant la validité d’une élection s’est toutefois posée pour la candidature de Monsieur R, élu en quatrième position.

Le syndicat CGT soutenait à cet égard que le mauvais positionnement de la candidature de Madame U sur la liste avait eu pour conséquence d’entraîner un mauvais positionnement de la candidature de Monsieur R, par rapport au positionnement qui aurait dû être le sien si la règle d’alternance avait été rigoureusement respectée sur toute la liste (colonne de droite du tableau ci-dessus). Le syndicat CGT avait donc sollicité l’annulation de l’élection de Monsieur R. En vain.

Pour le tribunal judiciaire, dont le jugement est confirmé sur ce point par la Cour de cassation, le respect de la règle d’alternance doit s’apprécier pour chaque élu ou élue, par rapport à la personne précédente sur la liste et dès lors qu’il reste au moins une personne de chaque sexe à inscrire sur la suite de la liste.

► À notre avis

Autrement dit, le juge ne doit pas comparer le positionnement de chaque élu sur la liste par rapport au positionnement que l’élu aurait dû théoriquement occuper si la liste avait intégralement respecté l’alternance homme-femme.

En revanche, il doit apprécier le respect de la règle d’alternance :

– candidat par candidat (comme l’explicite la Cour de cassation dans son arrêt) ;

– à partir du deuxième candidat (sauf exception du sexe ultra-minoritaire, le premier candidat peut être, au choix, soit masculin soit féminin, ainsi que le rappelle la Cour de cassation dans son attendu) ;

– dans l’ordre de présentation de la liste ;

– jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (comme le prévoit l’article L 2314-30 du code du travail).

Si le juge constate qu’un candidat est du même sexe que le candidat précédent, il doit annuler son élection pour non-respect de la règle d’alternance. En revanche, il doit maintenir l’élection du candidat suivant si celui-ci est de sexe opposé.

Ainsi, l’annulation s’appliquait en l’espèce à la seule élection de Madame U, sans affecter la validité de l’élection de Monsieur R, candidat masculin qui la suivait dans la liste.

Annulation de l’élection de 2 hommes et d’une femme sur la liste des suppléants

Sur la liste des suppléants, le syndicat CFDT avait présenté une liste complète composée de 7 hommes et de 3 femmes.

Une femme étant en surnombre sur la liste au regard de la règle de proportion que la liste devait respecter, le syndicat CGT avait demandé l’annulation de l’élection de Madame L (voir tableau ci-dessous).

Le tribunal judiciaire avait fait droit à sa demande, et ce point, qui ne soulevait pas de difficulté particulière, n’avait pas été débattu devant la Cour de cassation.

En revanche, le tribunal judiciaire n’avait fait droit que partiellement à la demande formée par le syndicat CGT en annulation de l’élection de plusieurs élus qu’il jugeait mal positionnés au regard de la règle d’alternance.

Le tableau ci-dessous détaille la liste présentée par le syndicat CFDT en comparaison avec celle qu’il aurait dû présenter pour respecter les règles d’alternance et de proportion.

PositionListe présentée par le syndicat CFDTListe que le syndicat aurait dû présenter pour respecter les règles d’alternance et de proportion
1Homme A  Homme  
2Homme B  Femme
3Homme C  Homme
4Homme EFemme
5Femme X  Homme
6Homme M  Homme (1)
7Femme N  Homme
8Femme L  Homme
9Homme O  Homme
10Homme P  Homme
(1) En vertu de la règle de proportion

Il n’y avait pas de doute sur le fait que le tribunal judiciaire devait annuler l’élection de Monsieur B, élu en deuxième position sur la liste, ce point n’était d’ailleurs pas débattu devant la Cour de cassation. En effet, comme le soutenait le syndicat CGT, ce candidat avait été élu alors qu’un homme était déjà en première position (Monsieur A). Une candidature féminine aurait dû logiquement se trouver à sa place, en l’occurrence celle de Madame X, pour respecter l’alternance entre les sexes prévue par l’article L 2314-30 du Code du travail.

En revanche, le tribunal a jugé que, contrairement à ce que soutenait le syndicat CGT, il n’y avait pas lieu d’annuler l’élection de Madame X, élue en cinquième position, ni celle de Monsieur M, élu en sixième position.

Pour arriver à cette conclusion, il a appliqué la même méthodologie que celle qu’il avait mise en œuvre pour la liste des titulaires. Dès lors que la candidature de Madame X était précédée d’une candidature masculine et que celle de Monsieur M était précédée d’une candidature féminine, il n’y a pas lieu d’annuler l’élection de ces candidats.

Il importait peu, pour le tribunal, que, en vertu de la liste que le syndicat CFDT aurait dû théoriquement composer en application de la règle d’alternance, c’est plutôt un homme qui aurait dû être placé en cinquième position et une femme en sixième position.

► À notre avis

Cette logique explique que le tribunal judiciaire ait fait droit à la demande d’annulation de l’élection de Monsieur E, élu en quatrième position. En effet, sa candidature étant précédée d’une candidature également masculine, son élection devait être annulée pour non-respect de la règle d’alternance.

Selon la même logique, la candidature du candidat masculin figurant en troisième position, à savoir celle de Monsieur C, aurait également, selon nous, pu être annulée car une candidature masculine le précédait. Mais si le tribunal judiciaire s’est abstenu de prononcer cette sanction, c’est probablement parce qu’il ne pouvait pas statuer ultra-petita, c’est-à-dire au-delà de ce qui lui était demandé par le syndicat CGT. En effet, ce dernier n’avait pas demandé l’annulation de l’élection de ce candidat, estimant, selon sa logique, qu’elle était valide.

En résumé, voici ce qu’on peut retenir de la décision : 

La règle de l’alternance n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire, hors le cas où l’application des règles légales conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe.

Il en résulte que le respect de la règle de l’alternance doit être examiné candidat par candidat, au regard du seul sexe du candidat précédent sur la liste.

Elodie Expert